Hostname: page-component-cd9895bd7-gxg78 Total loading time: 0 Render date: 2024-12-26T03:20:23.611Z Has data issue: false hasContentIssue false

Historiens et économistes face à l ‘émergence des institutions du marché

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Robert Boyer*
Affiliation:
CEPREMAP/GREDEG

Résumé

Les outils de la theorie des jeux permettent-ils d’ouvrir un nouveau programme de recherche en histoire economique en montrant comment les institutions du marche ont emerge des strategies rationnelles des marchands eux-meme ? L’ouvrage d’Avner Greif constitue a ce jour le plaidoyer le plus meticuleux, mais aussi le plus ambitieux, en faveur d’une telle approche. Il allie en effet des recherches proprement historiques avec un usage virtuose de toute une serie de jeux repetes. L’auteur s’adresse plus a ses collegues theoriciens economistes qu’aux historiens, car il postule, meme s’il ne cesse de s’en defendre, que les marchands du Xe au XIVe siecle ont les cartes cognitives comportant les notions d’actualisation, de calcul des probabilite, d’equilibre parfait d’un jeu et bien d’autres notions encore plus sophistiquees. Le rapport aux archives se distend et l’auteur ne s’inquiete pas des contre-exemples qu’il fournit lui-meme et qui soulignent la fragilite d’une superbe construction intellectuelle sur des bases documentaires lacunaires. De ce fait, la narration analytique vient enrichir la boite a outils de l’historien sans constituer pour autant la revolution attendue par A. Greif.

Abstract

Abstract

Does game theory open a new research agenda for economic history with its quest for explaining the emergence of the basic institutions of a market economy by the interplay of rational strategies of merchants? The book Institutions and the path to modern economy: lessons from medieval trade by Avner Greif is probably the most meticulous, but also ambitious endeavor in this direction. It combines proper historical research with the virtuoso use a series of repeated games associated to these configurations. Clearly, the author addresses his fellow economic theoreticians more than mainstream historians since the whole book is built upon the axiom – whatever his recurring denials – that merchants from the 10th to 14th century possessed the same conceptual apparatus than today's economists: they knew how to discount future incomes, they mastered the concepts of probability, of perfect equilibrium, and so on. The link to archival data proves rather weak, and the author himself gives some direct counter-examples to a superb intellectual construction based on shaky empirical foundations. Thus, analytical narratives may significantly extend the tool box of the economic historian but it probably is not the revolutionary breakthrough contemplated by A. Greif.

Type
Institutions marchandes au Moyen Âge
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2009

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1 - Greif, Avner, «Théorie des jeux et analyse historique des institutions. Les institu-tions économiques du Moyen Âge», Annales HSS, 53-3, 1998, p. 597633.CrossRefGoogle Scholar

2 - Greif, Avner, Institutions and the path to the modern economy: Lessons from medieval trade, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.CrossRefGoogle Scholar

3 - Rappelons par exemple l’article de Mongin, Philippe, «Retour à Waterloo. Histoiremilitaire et théorie des jeux», Annales HSS, 63-1, 2008, p. 3969.Google Scholar

4 - On trouvera une présentation par Avner Greif lui-même de ses différents thèmes derecherche : A. GREIF, «Théorie des jeux et analyse historique des institutions…», art. cit.

5 - À propos d’ Greif, Avner, Institutions and the path to the modern economy: Lessons from medieval trade, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.CrossRefGoogle Scholar

6 - North, Douglass C., Understanding the process of economic change, Princeton, Princeton University Press, 2005.CrossRefGoogle Scholar

7 - On se réfère ici aux présentations de ces deux auteurs lors de la session du colloqueinternational de la Society for the Advancement of Socio-Economics (SASE), « Authormeets critics» consacrée à la discussion d’« Institutions and the path to the modern economy»à Copenhague le 30 juin 2007.

8 - Pierson, Paul, Politics in time: History, institutions, and social analysis, Princeton, Princeton University Press, 2004.CrossRefGoogle Scholar

9 - Simon, Herbert A., Models of bounded rationality: Behavioral economics and business organization, Cambridge, MIT Press, [1982] 1983.Google Scholar

10 - Tirole, Jean, The theory of industrial organization, Cambridge, MIT Press, 1988.Google Scholar

11 - Bowles, Samuel, Microeconomics: Behavior, institutions, and evolution, New York/Princeton, Russell Sage/Princeton University Press, 2004.Google Scholar

12 - Une telle affirmation mérite d’être tempérée car la méthode de la qualitative compa-rative analysisproposée et développée par Charles Ragin permet de détecter la combinaison d’institutions qui livre un résultat donné. De ce fait, la méthode de calcul booléenpermet de répondre à l’objection d’A. Greif selon laquelle comme c’est la combinatoirede normes, de règles, d’institutions, qui détermine une configuration institutionnelle,on ne peut procéder par induction.

13 - Pirenne, Henri, Histoire économique de l’Occident médiéval, Plan-de-la-Tour, éd.d’Aujourd’hui, 1985.Google Scholar

14 - Greif, A., Institutions and the path to the modern economy…, op. cit., p. 30.Google Scholar

15 - Hall, Peter A. et Soskice, David, Varieties of capitalism: The institutional foundationsof comparative advantage, Oxford, Oxford University Press, 2001.CrossRefGoogle Scholar

16 - Greif, A., Institutions and the path to the modern economy…, op. cit., p. 30.Google Scholar

17 - North, Douglass C., Institutions, institutional change, and economic performance, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 1990.CrossRefGoogle Scholar

18 - Grandmont, Jean-Michel, «Notes and comments: Distribution of preferences andthe law of demand», Econometrica, 55-1, 1987, p. 155161 ;CrossRefGoogle Scholar Werner HILDENBRAND etAlois KNEIP, «On aggregation ofmicro relations», Revueéconomique, 51-3, 2000, p. 435-443.

19 - Giovanni DOSI et al., «On the process of economic development», working paperno 93-2, Center for Research inManagement, University of California at Berkeley, 1993.

20 - Greif, A., Institutions and the path to the modern economy…, op. cit., p. 16.Google Scholar

21 - Thelen, Kathleen, How institutions evolve. The political economy of skills in Germany,Britain, the United States, and Japan, Cambridge, Cambridge University Press, 2004.CrossRefGoogle Scholar

22 - Le folk theoremou « théorème de tout le monde» ainsi nommé parce qu’il a étédécouvert simultanément par un grand nombre de chercheurs sans pouvoir être attribuéà un chercheur spécifique. Ce théorème concerne les jeux répétés une infinité de fois. Ilénonce que la classe des équilibres est extrêmement vaste (multiplicité des équilibres).Techniquement, toute issue qui garantit à chaque joueur au moins son paiement maxminou gain de réservation correspond à une situation d’équilibre. Voir Bernard GUERRIEN, Dictionnaire d’analyse économique : microéconomie, macroéconomie, théorie des jeux, etc., Paris,La Découverte, 1996.

23 - Elias, Norbert, La société des individus, Paris, Fayard, [1939] 1991.Google Scholar

24 - Burt, Ronald S., Brokerage and closure: An introduction to social capital, Oxford, Oxford University Press, 2005.Google Scholar

25 - Lesourne, Jacques, économie de l’ordre et du désordre, Paris, Economica, 1991.Google Scholar

26 - Corneo, Giacomo, « Social custom, management opposition and trade union mem-bership», European Economic Review, 39-2, 1995, p. 275292.CrossRefGoogle Scholar

27 - Ernest COUMET, Marc BARBUT et Bernard BRU, «Histoire du calcul des productivi-tés et de la statistique», Mathématiques et Sciences Humaines, 113, 1991, p. 57-75.

28 - Greif, A., Institutions and the path to the modern economy…, op. cit., p. 347.Google Scholar

29 - Ibid., p. 338-345.

30 - Ibid., p. 120.

31 - Robert BOYER et André ORLéAN, «How do conventions evolve?», Journal of Evolu-tionary Economics, 3, 1992, p. 165-177.

32 - Greif, A., Institutions and the path to the modern economy…, op. cit., p. 120 et 217.Google Scholar

33 - Ibid., p. 255-268.

34 - Ibid., p. 225.

35 - Lewis, David, Convention: A philosophical study, Cambridge, Harvard University Press, 1969.Google Scholar A. Greif mobilise cet auteur dans le chapitre 6 et le cite en écho à sa propreanalyse des raisons de l’équilibre des clans citée ci-dessus (p. 225) : «Une fois lancé leprocessus, on observe un ensemble métastable, se reproduisant dans le temps, de préfé-rences, d’anticipations et d’actions capables de persister indéfiniment.» (p. 162). Maispourquoi ne plus le mobiliser ensuite dans les chapitres consacrés à la modélisation ?.

36 - A. Greif en doute car il rejette l’idée de Robert S. LOPEZ, The birth of Europe, NewYork, M. Evans, 1976, pour lequel ces cités-républiques étaient « des gouvernementsdes marchands, par les marchands et pour les marchands» (cité p. 218) parce que laviolence y était endémique. D’où son modèle sur les dépenses militaires. De plus, iladopte une vision économiciste de l’approche néo-hobbésienne puisqu’à la suite deRussell HARDIN, «Economic theories of the State», inD. C.MUELLER (dir.), Perspectiveson public choice: A handbook, New York, Cambridge University Press, 1997, p. 21-34, ilconsidère que «L’état reflète les stratégies des agents économiques dans la promotionde leur intérêt» car «L’état produit l’ordre» et fournit les biens publics dont ilsbénéficient.

37 - Greif, A., Institutions and the path to the modern economy…, op. cit., p. 267.Google Scholar

38 - Ibid., p. 325.

39 - Ibid., p. 347,

40 - Aoki, Masahiko, Fondements d’une analyse institutionnelle comparée, Paris, Albin Michel, 2006.Google Scholar

41 - Greif, A., Institutions and the path to the modern economy…, op. cit., p. 158183.Google Scholar

42 - Ibid., p. 184-186.

43 - Bourdieu, Pierre, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, éd. du Seuil, 1994.Google Scholar

44 - Jean-Pierre DUPUY, « Temps du projet et temps de l’histoire», in Boyer, R., Chavance, B. et Godard, O. (dir.), Les figures de l’irréversibilité en économie, Paris, éd. del’EHESS, 1991, p. 97134.Google Scholar

45 - Grandmont, Jean-Michel, « Expectations, formation and stability of large socio-economic systems», Econometrica, 66-4, 1998, p. 741781.CrossRefGoogle Scholar

46 - S. BOWLES, Microeconomics…, op. Cit.

47 - Greif, A., Institutions and the path to the modern economy…, op. cit., p. 231.Google Scholar

48 - Ibid., p. 228.

49 - M. AOKI, Fondements d’une analyse institutionnelle comparée, op. cit.

50 - Tsebelis, George, Nested games. Rational choice in comparative politics, Berkeley, Uni-versity of California Press, 1990.Google Scholar

51 - Schotter, Andrew, The economic theory of social institutions, Cambridge, Cambridge University Press, 1981.CrossRefGoogle Scholar

52 - Acemoglu, Daron, Johnson, Simon et Robinson, James A., «The rise of Europe: Atlantic trade, institutional change, and economic growth», The American Economic Review, 95-3, 2005, p. 546579.CrossRefGoogle Scholar

53 - Pomeranz, Kenneth, The great divergence: China, Europe, and the making of the modernworld economy, Princeton, Princeton University Press, 2000.Google Scholar