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La généralisation dans les sciences historiques

Obstacle épistémologique ou ambition légitime ?

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Jean-Louis Fabiani*
Affiliation:
EHESS

Résumé

Les sciences historiques sont caractérisées par l’irréductible pluralité des modes de construction de leurs objets et de leur capacité de produire des assertions à caractère général. Après avoir rendu compte des critiques durkheimienne et weberienne des formes ordinaires de généralisation, on s’efforce d’analyser la mise en question des paradigmes macrologiques qui a marqué les sciences sociales dans le dernier quart du XXe siècle, et qui a principalement pris la forme d’un retour aux localités. L’autolimitation au niveau micrologique enveloppe néanmoins de redoutables contraintes. On peut démontrer que le niveau de généralité auquel les sociologues se situent dépend avant tout du mode de génération des données. En outre, le développement des sciences historiques dans le contexte universitaire du XXe siècle a rendu plus difficile l’émergence d’assertions très générales ayant pour objet la totalité de l’histoire humaine. Si quelque chose comme un programme épistémologique peut être proposé, c’est autour de l’analyse des modes de construction de nos opérations typifiantes, stylisantes et comparatives qu’il doit porter. La question de la généralisation est indissociable de la mise en visibilité de régularités et de la possibilité de les manipuler à partir de l’établissement de procédures stabilisées de traitement des données. L’histoire intellectuelle et politique de la généralisation dans les sciences sociales renvoie donc pour une bonne part à celle du développement des instruments qui ont permis de constituer des données comme des objets. Le retour réflexif sur la genèse politico-épistémique de cet instrumentarium est donc une étape indispensable sur le chemin de la réévaluation des potentialités de la généralisation dans nos savoirs, lesquels ne sont jamais entièrement détachables de leur moment de production et des objectifs politiques qu’ils affichent. L’histoire particulière du développement de nos savoirs nous enseigne que l’on n’a rien à perdre à l’instabilité paradigmatique, puisque celle-ci est inséparable de leur régime propre de production.

Abstract

Abstract

The historical sciences are characterized by the irreducible plurality of the ways by which there objects are constructed and they produce general assertions. After having given an account of Durkheimian and Weberian critiques of ordinary forms of generalization, this paper aims at analyzing the questioning of macrological paradigms that affected the social sciences in the last quarter of the twentieth century, mainly by returning to local explanations. However the self limitation to a micrological level involves some fearsome constraints. One can demonstrate that the level of generality reached by sociologists depends primarily of the mode of production of data. Besides, the development of the historical sciences within the university context of the 20th century has made more difficult the emergence of very general assertions about the totality of human history. If something as an epistemological program can be proposed, it must be based on the analysis of the modes of construction of our typifying, stylizing and comparatives operations. Generalization cannot be separated from the demonstration of regularities and from their handling through stabilized procedures. The political and intellectual history of generalization in our disciplines is thus to a large extent identical to the development of the formating of objects. The reflexive turn towards the politico-epistemological genesis of such an instrumentarium is a necessary stage on the road to the reassessment of the generalizing potentialities of our knowledge, which can not be broken away from the moment they are produced and from their political goals. The peculiar history of the development of historical knowledge has nothing to lose with paradigmatical instability, for it is closely linked to their own mode of production.

Type
Formes de la généralisation
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2007

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