Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
L'auditeur de France Musique aujourd'hui a toutes les chances d'entendre une œuvre écrite il y a plus de vingt-cinq ans, et il est encore plus probable que le compositeur soit mort avant 1900 (et après 1750), alors que l'auditeur de Radio Classique, chaîne privée, vit littéralement en régime XVIIIe-XIXe siècles. S'il fréquente les concerts, il faut que l'entrée soit libre pour qu'il aille écouter de la musique contemporaine ; de même sa discothèque est constituée en grande majorité de musique du XVIIIe et du XIXe siècle. La musique « sérieuse » est on ne peut plus passéiste — d'où le terme « classique » qui la désigne.
1. Weber, William, « La musique ancienne in the Waning of the Ancien Régime », Journal of Modem History, n° 56, mars 1984, pp. 58–88 Google Scholar (1984, p. 88). Weber, W., « The Contemporaneity of Eighteenth-Century Musical Taste », The Musical Quarterly, vol. 70, n° 2, 1984, pp. 175–194 Google Scholar (1984).
2. Weber, W., « Mass Culture and the Reshaping of European Musical Taste, 1770-1870 », International Review of the Aesthetics and Sociology of Music, vol. VIII, n° 1, juin 1977, pp. 5–20 CrossRefGoogle Scholar, p. 10.
3. Ibid., pp. 18-19.
4. Weber, W., « Learned and General Musical Taste in Eighteenth-Century France », Past and Présent, n° 89, novembre 1980, pp. 58–85.CrossRefGoogle Scholar
5. Ibid., p. 72.
6. Soulignons dès à présent l'évolution analogue du théâtre. Jusqu'au XVIIIe siècle, le même spectacle était destiné à tous les publics et les frontières sociales passaient à l'intérieur de la salle, par le biais du prIX des places et de leur situation ; voir Lough, John, Paris Théâtre in the Seventeenth and Eighteenth-Centuries, Londres, 1975 Google Scholar ; et Laorave, Henri, Le théâtre et le public de Paris de 1715 à 1750, Paris, 1972 Google Scholar. Au XIXe siècle s'opère une sorte de bifurcation : d'un côté le théâtre « sérieux », théâtre de répertoire très codifié, au public « cultivé » ; de l'autre côté le théâtre « commercial », cabaret, boulevard, café-théâtre, au public plus hétérogène et au comportement plus « libre ».
7. W. Weber, « Mass Culture… », p. 6.
8. Weber, W., Music and the Middle Class. The Social Structure of Concert Life in London, Paris and Vienna, Londres, Croom Helm, 1975 Google Scholar. Voir aussi, « The Muddle of the Middle Class », Nineteenth-Century Music, III, 1979, pp. 175-185.
9. Ibid., p. 15.
10. Pour une analyse plus détaillée, voir ma thèse, Aspects de la survie culturelle, Paris, EHESS, 1985, pp. 234-248.
11. W. Weber, Music and the Middle Class…, p. 127.
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13. W. Weber, « Mass Culture… », « Learned and General Musical Taste… » et surtout « The Contemporaneity of Eighteenth-Century Musical Taste ».
14. W. Weber, « Learned and General Musical Taste… », p. 60.
15. Ibid., p. 60.
16. W. Weber, « Mass Culture… », pp. 16-17.
17. W. Weber, fait une brève allusion à ce mouvement dans « The Contemporaneity of Eighteenth- Century Musical Taste », p. 182.
18. Voir Haskell, Francis, Rediscoveries in Art. Some Aspects of Taste, Fashion and Collecting in England and France, Londres, Phaidon, 1976 Google Scholar (trad. frse, 1986).
19. Voir Haskell, F. et Penny, Nicholas, Taste and the Antique. The Lure of Classical Sculpture 1500-1900, New Haven, Yale University Press, 1982, p. XIII.Google Scholar
20. Milo, Daniel, « Les classiques scolaires », dans Pierre Nora (sous la direction), Les lieux de mémoire, t. II, La nation, vol. 3, pp. 517–563.Google Scholar
21. Renvoyons aux deux études paradigmatiques de cette approche, Panofsky, Erwin, Gothic Architecture and Scholasticism, Latrobe, 1952 Google Scholar, et Goldmann, Lucien, Le Dieu caché, Paris, 1959.Google Scholar
22. W. Weber, « La musique ancienne… », p. 61.
23. W. Weber, Music andMiddle Class…, op. cit., p. 16 ; « Mass Culture… », pp. 73-74 ; « La musique ancienne… », p. 59.
24. Ceci s'explique aussi par la méthode de Weber, qui s'intéresse au milieu et ignore le texte. Contrairement à la musique sacrée et à la musique lyrique, la musique instrumentale est a-référentielle, elle se prête donc à l'approche contextuelle.
25. Thompson, E. P., The Making of the English Working Class, Londres, 1968 (1963), p. 12 Google Scholar
26. « Il me semble bien singulier que le Français, qui définit l'opéra, la réunion de tous les charmes des beaux-arts, sacrifie si peu à la musique dans les opéras, que presque aucun de ses airs ne seroit supportable, exécuté simplement par des instruments ».
27. Je m'appuie ici sur John Lough et sur Henri Lagrave, op. cit., n. 2.
28. Lettre à Cèdeville du 15 novembre 1732. Pour une discussion plus large, voir H. Lagrave, op. cit., pp. 193-205.
29. Bernardin, N.-M., La comédie italienne en France et les théâtres de la foire et du boulevard (1570-1791), Paris, 1902, pp. 1–13.Google Scholar
30. Mais aussi aux énormes revenus assurés d'avance par la location des petites loges, plus de 200 000 livres par an. Mercier, Louis-Sébastien, DU théâtre, ou nouvel essai sur l'art dramatique, Amsterdam, 1773, p. 367 Google Scholar, cité par J. Lough, op. cit., p. 170.
31. Réau, Louis, L'Europe française au Siècles des Lumières, Paris, 1938.Google Scholar
32. « We must study thèse problems first and foremost within the context of musical, not literary life » ; c'est ainsi que conclut W. Weber, « The contemporaneity… », 1984, p. 194.
33. Ce n'est qu'un résumé trop simpliste du modèle socio-culturel élaboré par Pierre Bourdieu dans ses nombreux travaux ; voir surtout La distinction : critique sociale du jugement, Paris, 1979.
34. P. Bourdieu, op. cit., analyse longuement les processus de vulgarisation culturelle qui aboutissent à la dévalorisation sociale d'œuvres telles que l'Adagio d'Albinoni ou les Quatre saisons de Vivaldi. Il me semble en revanche peu probable qu'il accepte cette notion de « neutralisation » (qui lui sert à désigner un processus esthétique d'ordre kantien).