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Published online by Cambridge University Press: 04 August 2021
Cet article interroge l’héritage, la mission et l’avenir des Annales en se concentrant sur les dix dernières années de la revue. Pour ce faire, il reprend quelques-uns des choix éditoriaux, des thèmes et des articles récents afin d’explorer la façon dont ceux-ci servent à se libérer des modèles et des méthodes associés au passé des Annales, tout en analysant la manière dont certains des aspects de ce passé sont conservés. Les Annales se sont longtemps caractérisées par leur(s) approche(s) méthodologique(s) plutôt que par un sujet ou un thème spécifique. La force de ce paradigme réside dans ses aspirations interdisciplinaires, qui ont rassemblé des historiens issus d’horizons divers dans le but partagé de remettre en question le statu quo. Cet accent mis sur la méthode a toutefois un revers : conduire à la promotion, sinon d’un style, du moins d’une approche propre aux Annales, quitte à ossifier le paradigme et lui faire perdre sa nature protéiforme. L’article tente ainsi d’expliquer non seulement les promesses et les pièges, mais aussi les nouvelles directions que la revue pourrait prendre à l’avenir.
This essay reflects on the legacy, mission, and future of the Annales with a focus on the last ten years. To do so, it takes up some of the recent editorial choices, themes, and articles to explore how these serve to break free from models and methods associated with the journal’s past as well as the ways that aspects of that past are conserved. The Annales have long been characterized by their methodological approach (or approaches) rather than a specific topic or theme. The force of this paradigm resides in its interdisciplinary aspirations, which have brought together historians from varying currents with the common goal of challenging the status quo. The danger is that the emphasis on method has led to the promotion of a particular Annales style or approach which itself became the status quo, ossifying the paradigm and losing its protean nature. The article thus attempts to set out not only the promise and pitfalls of the project but also some new directions the Annales might take in the future.
Traduction d’Antoine Heudre
1 Étienne Anheim (dir.), n° spécial « Archives », Annales HSS, 74-3/4, 2019.
2 Étienne Anheim, « Science des archives, science de l’histoire », É. Anheim (dir.), n° spécial « Archives », Annales HSS, 74-3/4, 2019, p. 507-520, en particulier p. 511 et 514.
3 Voir par exemple Ann L. Stoler, Au cœur de l’archive coloniale. Questions de méthode, trad. par C. Jaquet et J. Gross, Paris, Éd. de l’EHESS, 2019.
4 D’après mes calculs, parmi les articles publiés entre 2011 et 2020, 40 sont axés sur l’histoire économique. Voir par exemple Clément Lenoble et Valentina Toneatto, « Les ‘lexiques médiévaux de la pensée économique’. Une histoire des mots du marché comme processus de domination et d’exclusion », Annales HSS, 74-1, 2019, p. 25-41 ; Sacha Bourgeois-Gironde et Éric Monnet, « Expériences naturelles et causalité en histoire économique. Quels rapports à la théorie et à la temporalité ? », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 1087-1116 ; Arnaud Bartolomei et al., « L’encastrement des relations entre marchands en France, 1750-1850. Une révolution dans le monde du commerce ? », Annales HSS, 72-2, 2017, p. 425-460 ; François Lerouxel, « Le marché du crédit privé, la bibliothèque des acquêts et les tâches publiques en Égypte romaine », Annales HSS, 67-4, 2012, p. 943-976.
5 Lynn Hunt, « French History in the Last Twenty Years: The Rise and Fall of the ‘Annales’ Paradigm », Journal of Contemporary History, 21-2, 1986, p. 209-224, ici p. 213.
6 Peter Burke, The French Historical Revolution: The Annales School 1929-1989, Cambridge, Polity Press, 1990, p. 2 (les termes entre guillemets sont en français dans le texte original).
7 Annales HSS, 68-3, 2013, respectivement p. 665-696, 697-789 et 791-848.
8 Dossier « Temporalités du moment colonial », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 935-1083.
9 Dossier « Anthropocène », Annales HSS, 72-2, 2017, p. 263-378.
10 L. Hunt, « French History in the Last Twenty Years », art. cit., p. 214.
11 Sur les changements de formes en matière d’écriture de l’histoire et le concept d’analog ceiling (« plafond analogique »), voir Ethan Kleinberg, Haunting History: For a Deconstructive Approach to the Past, Stanford, Stanford University Press, 2017, p. 115-133.
12 Dans son ouvrage La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. Destins collectifs et mouvements d’ensemble (Paris, Armand Colin, 1949 pour la 1ère édition, 1966 pour la 2e édition), Fernand Braudel utilisa des cartes sur lesquelles il avait collaboré avec son collègue Jacques Bertin, cartographe et théoricien du graphisme, qui dirigeait le Laboratoire de cartographie, devenu plus tard Laboratoire de graphique, de l’EHESS (p. 114-115 dans la 1ère édition, p. 154 dans la 2e édition).
13 Pour un exemple concret, voir William Rankin, « How the Visual is Spatial: Contemporary Spatial History, Neo-Marxism, and the Ghost of Braudel », History and Theory, 59-3, 2020, p. 311-342 ; Karine Karila -Cohen et al. (dir.), n° spécial « Histoire quantitative », Annales HSS, 73-4, 2018.
14 Voir, entre autres, Karine Karila -Cohen, « Le graphe, la trace et les fragments. L’apport des méthodes quantitatives et des outils numériques à l’étude des élites civiques athéniennes » et Isabelle Rosé, « Autour de la reine Emma (vers 890-934). Réseaux, itinéraire biographique féminin et questions documentaires au début du Moyen Âge central », K. Karila-Cohen et al. (dir.), no spécial « Histoire quantitative », Annales HSS, 73-4, 2018, respectivement p. 785-815 et 817-847.