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L’histoire des concepts: le contexte historique en débat (note critique)

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Jacques Guilhaumou*
Affiliation:
CNRS/ENS Lettres et sciences humaines, Lyon

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L’histoire des concepts, qui se veut en rupture avec l’histoire des idées, prend en compte la place qu’occupent les textes dits classiques au sein de traditions, de normes et de conventions associées à des contextes larges. Distincte de la nouvelle histoire intellectuelle, elle s’inscrit certes dans le linguistic turn par l’importance qu’elle accorde aux paradigmes discursifs et aux langages performatifs qui confèrent valeur d’acte aux arguments des auteurs, mais elle n’est pas vraiment partie prenante dans le débat sur le caractère fictionnel ou non de toute opération historiographique, au titre d’une problématisation constante de la connexion empirique entre réalité et discours.

Type
L’histoire des concepts
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2001 

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References

À propos de l’ouvrage de Bevir, Mark, The Logic of the History of Ideas, Cambridge, Cambridge University Press, 1999 Google Scholar.

1. L’un des points de départ de la nouvelle histoire intellectuelle est l’ouvrage collectif Modern European Intellectual History. Reappraisals and New Perspectives, LaCapra, Dominick et Kaplan, Steven L. (dir.), Ithaca, Cornell University Press, 1982 Google Scholar. Voir à ce propos le forum «A New Intellectual History?» de l’American Historical Review, avril 1992, et l’article de Eley, Geoff, «De l’histoire sociale au ‘tournant linguistique”dans l’historiographie anglo-américaine des années 1980», Genèses, 7, 1992, pp. 173-108CrossRefGoogle Scholar.

2. Voir notre présentation générale et comparative, qui prend aussi en compte les travaux allemands et français, de l’histoire des concepts dans notre article, «De l’histoire des concepts à l’histoire linguistique des usages conceptuels», Genèses, 36, 2000, pp. 105-118.

3. Pocock, John précise sa méthode dès 1972 dans son ouvrage Politics, Language and Time, Londres, Methuen Google Scholar.

4. Quentin Skinner s’en est expliqué en 1997 devant un public français dans la conclusion («La liberté et l’historien») d’une série de conférences publiée sous le titre La liberté avant le libéralisme, Paris, Le Seuil, 2000. Pour de plus amples précisions sur les problèmes de méthode relatifs aux travaux de Skinner, voir Tully, James (éd.), Meaning and Context: Quentin Skinner and his Critics, Cambridge, Polity Press, 1988 Google Scholar.

5. Dans notre présent propos, nous avons tenu compte, hormis son ouvrage principal, d’un texte de Mark Bevir signifieativement intitulé «The Role of Contexts in Understanding and Explanation», à paraître prochainement dans un ouvrage collectif sur l’histoire des concepts publié à Göttingen sous la responsabilité de Hans Erich Bödeker. Précisons également que l’étude comparative des courants allemand et anglophone de l’histoire des concepts a déjà été menée par Richter, Melvin dans The History of Political and Social Concepts. A Critical Introduction, Oxford, Oxford University Press, 1995 Google Scholar. Voir le débat autour de cet ouvrage dans History of European Ideas, 25-1/2, pp. 1-38.

6. The Machiavellian Moment: Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton, Princeton University Press, 1975 (trad, fr., Paris, PUF, 1997, voir p. 64).

7. Vertu, commerce et histoire, Paris, PUF, [1985] 1998.

8. Skinner, Quentin écrit, à propos de la nouveauté de sa méthode, dans la préface à son ouvrage The Foundations of Modem Political Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1978 Google Scholar, «Qu’est-ce que cette approche nous permet exactement de comprendre à propos des textes classiques que nous ne pouvons saisir simplement en les lisant? La réponse, en termes généraux, est, me semble-t-il, que cela nous permet de caractériser ce que leurs auteurs faisaient en les écrivant. Nous pouvons commencer à voir non seulement quels arguments ils présentaient, mais aussi quelles questions ils s’adressaient et essayaient de résoudre, et jusqu’où ils acceptaient et endossaient, ou questionnaient et répudiaient, ou peut-être même ignoraient de façon polémique, les suppositions dominantes et les conventions du débat politique» (p. xiii). Ainsi, Skinner est plutôt un «contextualiste conventionaliste», comme nous allons le voir.

9. «Notes méthodologiques», in Vertu, commerce et histoire, op. cit., p. 27.

10. «Review Article», Journal of Modern History, 53, 1981, p. 50.

11. Dans «Some Problems in the Analysis of Political Thought», in J. Tully (éd.), Meaning and Context…, op. cit., p. 114 sq.

12. Dans son introduction à son ouvrage Vertu, commerce et histoire, op. cit., pp. 16-54.

13. Sa première grande œuvre, The Foundations…, op. cit., est en cours de traduction française.

14. Reason and Rhetoric in the Philosophy of Hobbes, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.

15. Yves Charles Zarka, «Deux interprétations de Hobbes. Hobbes et la pensée politique moderne»; id., «Actualité de Hobbes. L’interprétation entre passé et présent»; Quentin Skinner, «Deux interprétations de Hobbes. Raison et rhétorique dans la philosophie de Hobbes»; id., «Actualité de Hobbes. Les concepts et l’histoire», Le Débat, 96, 1997, ici pp. 103-104.

16. Le Débat, 96, 1997, pp. 110-111.

17. N’abordant pas ce domaine de recherche dans le présent article, nous renvoyons à la synthèse récente, accompagnée d’une ample bibliographie, de Bödeker, Hans Erich, «Concept-Meaning-Discourse. Begriffsgeschichte Reconsidered», in Hampster-Monk, I., Tilmans, K. et Van Vree, F. (éds), History of Concepts: Comparative Perspectives, Amsterdam, Amsterdam University Press, 1998 Google Scholar.

18. Voir Paperman, Patricia et Ogien, Ruwien (éds), «La couleur des pensées. Sentiments, émotions, intentions», Raisons pratiques, 6, 1995 Google Scholar.

19. Ses premiers travaux s’inscrivent plus spécifiquement dans le champ de l’analyse de discours, en particulier avec son ouvrage sur L’impossible citoyen. L’étranger dans le discours de la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1997. Voir aussi, du même auteur, «L’événement et l’historicité des concepts», in Ifversen, J. (éd.), Begreb & Historie, Aarhus, Peter Bang, 1996 Google Scholar; «Puissance des concepts et pouvoir des discours. Quelques débats révolutionnaires sur la souveraineté», Ethnologie française, 4, 1999, pp. 591-598.

20. The Logic of the History of Ideas, op. cit., p. 312.

21. Noiriel, Gérard, Sur la «crise» de l’histoire, Paris, Belin, 1996 Google Scholar, en particulier le chapitre 4; Chartier, Roger, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 1998 Google Scholar, en particulier le chapitre 4.

22. Voir Metahistory. The Historical Imagination in Nineteenth-Century Europe, Baltimore-Londres, The Johns Hopkins University Press, 1973; The Content of the Form. Narrative Discourse and Historical Representation, Baltimore-Londres, The Johns Hopkins University Press, 1987. Plus précisément, Hayden White considère que «les narrations ne consistent pas uniquement en des énoncés factuels (des propositions existentielles singulières) et des arguments: elles sont composées aussi d’éléments poétiques et rhétoriques grâce auxquels ce qui autrement ne serait qu’une liste de fait est transformé en histoire», texte cité et traduit par Roger Chartier dans Au bord de la falaise…, op. cit., p. 121. Une telle dissociation entre arguments et éléments rhétoriques est tout aussi contradictoire avec la manière dont Skinner aborde la question de la rhétorique dans son ouvrage sur Hobbes présenté ci-dessus.

23. The Logic of the History of Ideas, op. cit., p. 315.

24. Accusé de se laisser aller à «une manie d’antiquaire universitaire», Skinner précise que «l’accusation de la manie d’antiquaire est de celles qui [le] troublent profondément et à laquelle tous les historiens professionnels devraient selon moi se préparer à répondre»; et il ajoute que «les historiens des idées peuvent espérer produire quelque chose qui transcende la manie d’antiquaire s’ils font simplement leur travail. Il leur suffit de découvrir les richesses souvent négligées de notre héritage intellectuel et de les exposer à nouveau à notre regard» (La liberté avant le libéralisme, op. cit., pp. 71 et 76).

25. «Logic and Rhetoric in the History of Political Thought? Comments on Mark Bevir», Third European Social Science History Conference, Amsterdam, 12-15 avril 2000.

26. Voir sur ce point l’ouvrage collectif, Lepetit, Bernard (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995 Google Scholar.