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L'histoire médiévale de la raison philosophique moderne (XVIIIe-XIXe siècles)

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Catherine König-Pralong*
Affiliation:
Philosophisches Seminar , Albert-Ludwigs-Universität Freiburg

Résumé

L’histoire de la philosophie qui s’établit comme discipline académique aux XVIIIe et XIXe siècles narre l’histoire de la raison philosophique de l’Antiquité à son achèvement moderne. À l’âge qui s’est dit « moderne », cette historicisation de la raison procède d’une rationalisation de l’histoire de la philosophie, qui vise à légitimer la supériorité de la modernité européenne sur les autres cultures, notamment arabe, chinoise et africaine. À partir de 1780, les historiens de la philosophie et de la culture démarquent en effet la rationalité (indo-)européenne des cultures sémitiques. La raison européenne est caractérisée par une composante philosophique de nature « grecque » et par une culture chrétienne dont les racines sont découvertes durant le Moyen Âge. Dans cette construction, le Moyen Âge et les Arabes occupent des places centrales. Le Moyen Âge est en effet le lieu historiographique de l’acculturation chrétienne de la philosophie grecque. « Peuple sémitique », les Arabes se voient quant à eux dénier toute forme de rationalité scientifique ou philosophique, bien que la destinée de la philosophie grecque fût arabe avant d’être latine, au Moyen Âge précisément.

Abstract

Abstract

The history of philosophy, established as an academic discipline in the eighteenth and nineteenth centuries, traces philosophical reason from its origins in antiquity to its consummation in modernity. Allying itself with the self-proclaimed “modern era,” this historicization of reason was based on a rationalization of the history of philosophy, aiming to legitimize the superiority of European modernity over other cultures, notably those of the Arab world, China, and Africa. From 1780 onwards, historians of philosophy and historians of culture distinguished (Indo-)European rationality from the “Semitic” cultures. European reason was defined by its “Greek” philosophical component and by a Christian culture with its roots in the Middle Ages. The Middle Ages and the Arab world occupied a central place in this construction. The medieval period represented the historiographical locus of the Christianization of Greek philosophy. On the other hand, as a “Semitic folk,” Arabic peoples were denied any kind of scientific or philosophical rationality, despite the fact that the heritage of Greek philosophy passed through the Arab world before it arrived in the Latin west—and this precisely during the Middle Ages.

Type
Généalogies scolastiques
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2015 

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Footnotes

*

Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet ERC-2013-CoG 615045 MEMOPHI (Medieval Philosophy in Modern History of Philosophy), financé par l’European Research Council (FP7).

References

1- Sous cette catégorie générique, je comprends les entreprises d’histoire universelle de la « civilisation » (Kultur) ou de la littérature qui furent engagées à Göttingen dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Elles portaient les noms de Geschichte der Menschheit, Geschichte der Literatur, Geschichte der Weltweisheit, Geschichte der Kultur.

2- Certaines formes médiévales d’histoire de la philosophie ont été présentées par Ricklin, Thomas, « La mémoire des philosophes. Les débuts de l’historiographie de la philosophie au Moyen Âge », in Bagliani, A. Paravicini (dir.), La mémoire du temps au Moyen Âge, Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2005, p. 249310.Google Scholar

3- L’importance de l’université de Göttingen dans ce processus a été mise en évidence par Hans Bödeker, Erich, Büttgen, Philippe et Espagne, Michel (dir.), Göttingen vers 1800. L’Europe des sciences de l’homme, Paris, Éd. du Cerf, [2008] 2010.Google Scholar

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5- Le cas de l’université allemande, étudié à partir des programmes des cours et des séminaires, des programmes d’examens, des manuels et des protocoles par schneider, Ulrich Johannes, Philosophie und Universität. Historisierung der Vernunft im 19. Jahrhundert, Hambourg, Meiner, 1999 Google Scholar, en particulier p. 119-127, montre qu’entre 1825 et 1955 la proportion des enseignements de philosophie à caractère strictement historique passe, en Allemagne, de 19% à 80%. Voir aussi Id., Die Vergangenheit des Geistes. Eine Archäologie der Philosophiegeschichte, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1990. En France, dès 1828, Victor Cousin oeuvre à faire de l’histoire de la philosophie la discipline universitaire centrale dans le champ des sciences humaines.

6- Dans la science allemande du temps (en archéologie, linguistique et philosophie), « indogermanisch » signifie « indoeuropäisch ». Au sujet de cette « germanisation » de l’Inde, voir Demoule, Jean-Paul, Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d’origine de l’Occident, Paris, Éd. du Seuil, 2014, p. 4254 et 54-96Google Scholar. Sur l’« indomanie » de Friedrich Schlegel et son couplage à une certaine « germanomanie », voir Poliakov, Léon, Le mythe aryen. Essai sur les sources du racisme et des nationalismes, Paris, Calmann-Lévy, 1971, p. 191 sq. Google Scholar

7- Au sujet de ces catégories historiographiques, voir les articles de Piaia, Gregorio et Longo, Mario in Piaia, G. et Santinello, G. (éd.), Models of the History of Philosophy, vol. 2, From Cartesian Age to Brucker, Dordrecht, Springer, [1979] 2011 Google Scholar ; Espagne, Michel, En deçà du Rhin. L’Allemagne des philosophes français au XIXe siècle, Paris, Éd. du Cerf, 2004, p. 8792 Google Scholar. Au sujet de l’éclectisme allemand autour de 1700, voir Schneider, Ulrich Johannes, « L’éclectisme avant Cousin. La tradition allemande », in Vermeren, P. (éd.), n° spécial « Victor Cousin », Corpus. Revue de philosophie, 18/19, 1991, p. 1527 Google Scholar.

8- Brucker, Johann Jakob, Historia critica philosophiae a mundi incunabulis ad nostram usque aetatem deducta, 5 vol., Leipzig, Breitkopf, 1742-1744 Google Scholar. Je citerai la seconde édition : Brucker, Johann Jakob, Historia critica philosophiae a mundi incunabulis ad nostram usque aetatem deducta, 6 vol., Leipzig, Weidemann, 17661767 Google Scholar. Brucker avait auparavant publié une histoire de la philosophie en allemand, Id., Kurze Fragen aus der philosophischen Historie von Anfang der Welt, biss auf die Geburt Christi, mit ausführlichen Anmerckungen erläutert, 7 vol.,Ulm, Bartholomäi, 1731-1736. Munk, Salomon, Mélanges de philosophie juive et arabe, Paris, A. Franck, 1859, p. 336 Google Scholar, remarque que l’histoire de la philosophie de Brucker est encore au milieu du XIXe siècle la principale source de l’histoire de la philosophie médiévale arabe.

9- Au sujet de la terminologie allemande, des équivalences civilisation-Kultur et culture-Bildung, ainsi que de l’apparition tardive (en 1775) et restreinte du terme « Zivilisation » dans les mondes germanophones, voir Geldsetzer, Lutz, Die Philosophie der Philosophiegeschichte im 19. Jahrhundert. Zur Wissenschaftstheorie der Philosophiegeschichtsschreibung und -betrachtung, Meisenheim, Hain, 1968, p. 157 sq. Google Scholar ; Bénéton, Philippe, Histoire des mots, « culture » et « civilisation », Paris, Presses de la FNSP, 1975, p. 37 et 55Google Scholar ; Binoche, Bertrand (dir.), Les équivoques de la civilisation, Seyssel, Champ Vallon, 2005 Google Scholar ; Remaud, Olivier, « Culture versus civilisation. La genèse d’une opposition », Revue de synthèse, 129-1, 2008, p. 105123 CrossRefGoogle Scholar. De manière plus générale, en anthropologie et sociologie, voir Kroeber, Alfred L. et Kluckhohn, Clyde, Culture: A Critical Review of Concepts and Definitions, New York, Kraus, [1952] 1978.Google Scholar

10- Brucker, J. J., Historia critica philosophiae…, op. cit., vol. 1, p. 46 Google Scholar, commence par une sorte de préhistoire de la philosophie, avant et après le déluge : « Historiae philosophicae periodus prima. A mundi nascentis origine ad initia monarchiae romanae. Pars prima : De philosophia barbarica. Liber primus : De philosophia antediluviania ». Cette partie de plus de trois cents pages, qui précède la partie dédiée à la philosophie grecque, traite de la philosophie pratiquée par de nombreux peuples (Hébreux, Chaldéens, Perses, Indiens, Arabes, Phéniciens, etc.).

11- Detienne, Marcel, L’identité nationale, une énigme, Paris, Gallimard, 2010, p. 76 Google Scholar, remarque la concomitance de ces deux phénomènes : « l’avènement du passé en soi comme catégorie semble se faire à peu près dans le même temps que la montée du national comme concept et de certaines formes de ‘nationalisme’ ».

12- Au sujet de l’usage du Moyen Âge dans ces entreprises de nationalisation, voir Geary, Patrick J., Quand les nations refont l’histoire. L’invention des origines médiévales de l’Europe, trad. par Ricard, J.-P., Paris, Flammarion, [2002] 2006 Google Scholar ; Groebner, Valentin, Das Mittelalter hört nicht auf. Über historisches Erzählen, Munich, Beck, 2008 Google Scholar ; Thiesse, Anne-Marie, La création des identités nationales. Europe, XVIIIe-XIXe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2001.CrossRefGoogle Scholar

13- Dagenais, John et Greer, Margaret R., « Decolonizing the Middle Ages: Introduction », The Journal of Medieval and Early Modern Studies, 30/3, 2000, p. 431448, ici p. 436CrossRefGoogle Scholar ; Piaia, Gregorio, Il lavoro storico-filosofico. Questioni di metodo ed esiti didattici, Padoue, CLEUP, 2001, en particulier p. 2025.Google Scholar

14- Anderson, Benedict, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, trad. par Dauzat, P.-E., Paris, La Découverte, [1991] 1996, p. 19 Google Scholar : « je proposerai donc de la nation la définition suivante : une communauté politique imaginaire, et imaginée comme intrinsèquement limitée et souveraine ».

15- Ibid., p. 78.

16- En outre, autour de 1800, le mythe de l’Empire romain est lui aussi efficace en France, en Italie et en Allemagne. Il est bien attesté en Italie dès le début du XIVe siècle.

17- V. Groebner, Das Mittelalter hört nicht auf…, op. cit., p. 104.

18- Au sujet de cette curieuse « connaturalité » entre culture grecque et culture chrétienne, voir Rosier-Catach, Irène, « Qui connaît Jacques de Venise ? Une revue de presse », in Büttgen, P. et al. (dir.), Les Grecs, les Arabes et nous. Enquête sur l’islamophobie savante, Paris, Fayard, 2009, p. 2148, ici p. 38.Google Scholar

19- Voir Bréhier, Émile, « Comment je comprends l’histoire de la philosophie » [1947], Études de philosophie antique, Paris, PUF, 1955, p. 19, ici p. 8-9Google Scholar : « la philosophie a pris son élan en Grèce et, de cet élan, elle a gardé l’amour et la passion de la liberté ; je ne disconviens pas que la philosophie soit une plante rare dans l’ensemble de l’humanité, et même une plante fragile ; et il n’y a pas eu, que je sache, de philosophie ainsi précisément nommée et caractérisée ailleurs que dans notre civilisation occidentale, sinon par une imitation qui s’est étendue jusqu’à l’Islam et jusqu’à l’Inde. C’est cette plante rare et belle que je défends autant qu’il est possible à un historien, en me rendant compte qu’elle est exposée au péril qui menace, de l’intérieur et de l’extérieur, notre Occident » ; Gigon, Olof, Les grands problèmes de la philosophie antique, trad. par Lefèvre, M., Paris, Payot, [1959] 1961, p. 9 Google Scholar : « Dernière remarque. Il n’est pas de nos jours inutile de souligner avec énergie que la philosophie, aussi bien la chose que le mot, est née chez les Grecs et qu’il n’existe de philosophie, au sens vrai du mot, qu’exclusivement dans la tradition qui nous vient des Grecs. Sans doute ne peut-on empêcher personne d’appeler philosophies la sagesse chinoise et les spéculations de l’Inde […]. Nous ne voudrions empêcher personne de manifester, par conviction ou par politique, la plus haute estime pour les classiques hindous et chinois. Mais ces derniers n’ont rien de commun avec ce que l’histoire, depuis Platon et Aristote, nous oblige à nommer ‘philosophie’. »

20- Park, Peter K. J., Africa, Asia and the History of Philosophy: Racism in the Formation of the Philosophical Canon, 1780-1830, Albany, State University of New York Press, 2013.Google Scholar

21- Au sujet du XVIIe siècle, voir Gregorio PIAIA, Talete in Parnaso. La storia dei filosofi e le belle lettere, Padoue, CLEUP, 2013, p. 110-126.

22- En 1870, le politicien de l’Aufkärung Ewald Friedrich von Hertzberg donne à l’Académie des sciences de Berlin une conférence sur les causes de la supériorité des Germains sur les Romains, intitulée « Abhandlung, worin man die Ursachen der Überlegenheit der Teutschen über die Römer zu entwickeln sucht ».

23- Meiners, Christoph, Grundriss der Geschichte der Menschheit, Lemgo, Meyer, 1793, p. 56 Google Scholar : « Ich habe daher die Nationen welche in der ersten Ausgabe Mongolische hießen, in der gegenwärtigen dunkelfarbige, und häßliche ; so wie die Kaukasischen weiße, oder hellfarbige, und schöne Völker gennant. Diese Merkmale sind zwar nicht die einzigen, wodurch die weißen und schönen, und die dunkelfarbigen und häßlichen Nationen sich von einander auszeichnen. » : «Dans la présente édition, j’ai donc qualifié de sombres et viles les nations qui étaient appelées ‘mongoles’ dans la première édition ; de même j’ai qualifié les Caucasiens de peuples blancs, clairs et beaux. Ces caractéristiques ne sont certes pas les seules par lesquelles les nations belles et blanches se distinguent des nations sombres et viles. » Sur ce programme anthropologique, voir P. K. J. PARK, Africa, Asia and the History of Philosophy…, op. cit., p. 69-96. Poliakov, L., Le mythe aryen…, op. cit., p. 151182 Google Scholar, a étudié les légitimations biologiques de la théorie culturelle des races à ses débuts, à l’âge des Lumières. Très vite, la théorie des cultures ou des races cherche cependant plutôt à se légitimer au moyen des études linguistiques.

24- M. Detienne, L’identité nationale…, op. cit., p. 139 : « En Occident, si bizarre que cela paraisse, tout ce qui est ‘grec’, peu ou prou, est important. »

25- Pour un tableau synoptique documenté au sujet de l’histoire européenne de la philosophie arabe, de ses débuts au XVIIe siècle jusqu’à aujourd’hui, voir Daiber, Hans, « What Is the Meaning of and to What End Do We Study the History of Islamic Philosophy ? The History of a Neglected Discipline », Bibliography of Islamic Philosophy, 2 vol., Leyde, Brill, 1999, vol. 1, p. XIXXXIII.Google Scholar

26- Ce phénomène ne relève pas d’un trivial ethnocentrisme. De nombreuses doxographies et histoires de la philosophie de l’âge moderne consacrent en effet des chapitres ou des livres à la philosophie des Indiens (ou des Hindous), au bouddhisme, à la philosophie chinoise, sans que ces développements ne soient prescrits par la nécessité d’étudier des transferts de savoirs vers l’Occident. L’histoire coloniale joue sans doute un rôle majeur dans ces constellations scientifiques mais, à cet égard, il importe de distinguer colonialisme et ethnocentrisme. L’exotisme peut prescrire l’étude d’un objet sans en réduire l’intérêt à son apport à l’Occident européen.

27- Gutas, Dimitri, «The Study of Arabic Philosophy in the Twentieth Century: An Essay on the Historiography of Arabic Philosophy », British Journal of Middle Eastern Studies, 29-1, 2002, p. 525 CrossRefGoogle Scholar. Au sujet de l’attitude ethnocentriste consistant à refuser à autrui les caractéristiques attribuées à la civilisation européenne (histoire, écriture, rationalité, capitalisme, sentimentalité), voir Goody, Jack, Le vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, trad. par Durand-Bogaert, F., Paris, Gallimard, [2006] 2010 Google Scholar.

28- Comme l’a souligné I. Rosier-Catach, « Qui connaît Jacques de Venise… », art. cit., p. 39, le livre de Gouguenheim, Sylvain, Aristote au Mont-Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne, Paris, Éd. du Seuil, 2008 Google Scholar, est encore porteur de ce cliché de l’orientalisme : « Durant le Moyen Âge, deux civilisations se firent donc face. L’une combinait l’héritage grec et le message des Évangiles, l’esprit scientifique et l’enracinement dans une tradition religieuse dont l’Église se voulait la garante. L’autre était fille du Livre de Dieu, du Livre incréé. Elle était fondamentalement amarrée à son axe central, le Coran : tout ce qui se déroule dans le temps reconduit la matrice originelle des sourates éternelles » (p. 200).

29- Le Gendre de Saint-Aubin, Gilbert-Charles, Traité de l’opinion, ou Mémoires pour servir à l’histoire de l’esprit humain, 6 vol., Paris, Briasson, 1733 Google Scholar, se contente par exemple de réciter l’opinion de Jean-Louis Vivès sur la philosophie arabe médiévale : « Vivès témoigne beaucoup de mépris pour toute cette philosophie Africaine » (vol. I-2, p. 541). Ce jugement lui permet de passer sous silence le Moyen Âge latin, gâté par « le mauvais goût Arabesque ».

30- Étienne Bonnot de Condillac, Cours d’étude pour l’instruction du Prince de Parme. Histoire moderne [1775], Œuvres complètes, 23 vol., Paris, Houel, 1798, vol. 16, p. 9-10 : « et j’ai bien peur qu’aujourd’hui les maîtres qui enseignent dans nos écoles, ne soient Arabes encore par quelques endroits. Que nous reste-t-il, lorsque nous finissons nos études ? Des futilités qu’on nous a données pour des connoissances. » Sur Condillac et l’histoire de la philosophie, voir Gregorio PIAIA, « Condillac », in G. Santinello (dir.), Storia delle storie generali della filosofia, t.3, Il Secondo illuminismo e l’età kantiana, 2 vol., Padoue, Antenore, 1988, vol. 1, p. 155-186.

31- Mon propos ne concerne pas les études littéraires, qui étaient bien plus riches. La Bibliothèque orientale de Barthélemy d’Herbelot (1697) était par exemple très pauvre en données utiles pour les historiens de la philosophie.

32- Edward Pococke, Specimen historiae arabum [1650], éd. par J. White, Oxford, Clarendon Press, 1806. Au sujet de l’orientalisme savant (et de Pococke), voir Irwin, Robert, Dangerous Knowledge: Orientalism and its Discontents, Woodstock, Overlook Press, 2006 Google Scholar, qui se présente comme une critique d’Edward Said, W., Orientalism, New York, Pantheon Books, 1978 Google Scholar. Sur la question plus spécifique de l’histoire de la philosophie, voir H. Daiber, « What Is the Meaning of and to What End Do We Study the History of Islamic Philosophy ? », art. cit.

33- Treize ans plus tard, Pococke, Edward, Historia compendiosa dynastiarum, Oxford, Richard Davis, 1663 Google Scholar, livre l’édition complète de cette histoire des Arabes.

34- Les travaux des premiers orientalistes, en particulier ceux d’Herbelot et de Johann HeinrichHottinger puis, au début du XVIIIe siècle, de Johannes Albertus Fabricius dépendaient de sources bio-bibliographiques arabes (ṭøabaqāt) qui livraient des notices sur la vie des hommes illustres (poètes, médecins, politiques…). Parmi ces dictionnaires, les plus importants en Occident furent ceux de Jirjis al-Makīn (XIIIe siècle), édité et traduit en latin par Thomas Erpenius en 1625, Leo Africanus (XVIe siècle), édité et traduit par Hottinger en 1664, Ibn Abī Usøaybi‘a (XIIIe siècle), Abuāl-Faraj Bar Hebraeus (XIIIe siècle), édité et traduit par Pococke, et Ibn al-Nadīm (Xe siècle), édité au XIXe siècle par August Müller et Gustav Flügel. Ils ne fournissent cependant que des notices bibliographiques sur des philosophes arabes, non pas des sources.

35- Adam Tribbechow, Liber de doctoribus scholasticis, Iéna, s. n., [1665] 1719. Au sujet de cette entreprise et de son impact sur l’histoire de la philosophie, voir Quinto, Riccardo, Scholastica. Storia di un concetto, Padoue, Il Poligrafo, 2001, p. 227 sq. Google Scholar

36- A. Tribbechow, Liber de doctoribus scholasticis, op. cit., p. 126 : « Quis jam videt in eodem cum Sophistis hisce Arabibus ludo edoctos Scholasticos, ubi similem plane utrorumque philosophandi methodum contulerit. Quicquid enim sapuere Scholastici, illud omne Arabibus acceptum tulere. »

37- J. J. Brucker, Kurze Fragen…, op. cit. (un volume de supplément a paru en 1737).

38- Id., Historia critica philosophiae…, op. cit.

39- Ibid., vol. 3, p. 704.

40- Ibid., vol. 3, p. 885.

41- La même thèse était énoncée par Gentzken, Friedrich, Historia philosophiae, Hambourg, Theodor Christoph Felginer, 1724, p. 141 Google Scholar : « Quemadmodum autem scholastici confusum aliquid Philosophiae cum Theologia chaos proposuerunt » : « Comment les scolastiques ont créé un chaos philosophique mêlé de théologie ».

42- J. J. Brucker, Historia critica philosophiae…, op. cit., vol. 3, p. 59 : « Eleganter vero Pocockio vocata est theologia Muhammedanorum scholastica, eo quod scholasticorum theologiae ita similis est, ut ovum ovo non magis esse possit, eo quod vel communes parentes habuerint, vel una alteram genuerit. »

43- Ibid., vol. 3, p. 686-687.

44- Ibid., vol. 3, p. 104-105 : « certum tamen esse putamus, Averroëm inter illos philosophos Arabes referendum fuisse, qui Peripatetico systemate usi mysticam quandam vel enthusiasticam potius philosophiam professi sunt ».

45- Ibid., t. 3, p. 713-718.

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47- Cette assimilation a une longue tradition. Voir Curione, Agostino, Sarracenicae historiae libri tres, Francfort, Wechel, 1596 Google Scholar, dans lequel le protestant italien exposait l’histoire des ennemis « sarrasins », de Mohamed à l’empire ottoman.

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66- Au sujet de l’arrivée des savants européens en Égypte, voir Irwin, R., Dangerous Knowledge…, op. cit., p. 133140 Google Scholar.

67- El-Gabarti, Abdel Rahman, Merveilles biographiques et historiques, trad. par Mansour, C. et al., 3 vol., Le Caire, Imprimerie nationale, 1888-1889 Google Scholar, cité dans Denon, Dominique-Vivant et El-Gabarti, Abdel Rahman, Sur l’expédition de Bonaparte en Égypte, éd. par Hussein, M., Paris, Actes Sud, [1998] 2008, p. 119 Google Scholar : «Nous vous faisons savoir que le peuple français est, de toutes les nations européennes, le seul qui aime les musulmans et l’islamisme et déteste les idolâtres et leurs superstitions. Fidèles alliés du Sultan, les Français aiment ce qu’il aime et sont les ennemis de ses ennemis. Voilà la cause de la haine qui existe entre les Français et les Russes. Ces derniers sont les ennemis du Sultan ; s’il plaisait à Dieu, les Français aideraient Sa Majesté le Sultan à se rendre maître du pays des Russes et à exterminer leur race. »

68- A. R. El-Gabarti, Merveilles biographiques…, op. cit., p. 275-276. Au sujet de l’impérialisme de Volney, qui précède Napoléon en Égypte, voir Antoine LILTI, « ‘Et la civilisation deviendra générale’. L’Europe de Volney ou l’orientalisme à l’épreuve de la Révolution », no spécial « Dire et faire l’Europe à la fin du XVIIIe siècle », La Révolution française, 4, 2011, http://lrf.revues.org/290.

69- Voir supra, p. 674 et p. 680-681.

70- Voir Schleier, Hans, Geschichte der deutschen Kulturgeschichtsschreibung, Waltrop, Spenner, 2002, p. 44, 49 et p. 51 sq. Google Scholar

71- Dans le discours de Herder, le concept clé est en effet celui de Volk (peuple). Le concept de Kultur conservant sa valence individuelle, il décrit plutôt un processus de formation et de développement de la personne. Il faut attendre le XIXe siècle pour que Kultur signifie aussi culture, et pas seulement civilisation. Selon O.REMAUD, « Culture versus civilisation… », art. cit., p. 105-123, ici p. 113 sq., la signification collective de la notion de Kultur s’impose avec Jacob Burckhardt seulement, plusieurs générations après Herder. Burckhardt parlera en effet de la Kultur de la Renaissance italienne, dans le sens de culture d’une époque située – et non de civilisation. Comme Andrew SARTORI, « The Resonance of ‘Culture’: Framing a Problem in Global Concept-History », Comparative Study in Society and History, 47-4, 2005, p. 676-699, O. Remaud nuance cependant cette équivalence en tenant compte des autres significations du substantif Kultur – significations qui continuent d’être actualisées au XIXe siècle. En allemand, Kultur connote parallèlement un processus intérieur qui rend les individus libres par la connaissance, alors que Zivilisation (1775) ou Zivilisierung (chez Kant) désignent des conduites et des processus sociaux. En ce sens, Wilhelm von Humboldt interprète la Kultur comme Bildung, autoformation du sujet, et non comme culture d’une nation ou d’un peuple. Sur la notion de Bildung, voir Koselleck, Reinhart, Begriffsgeschichten. Studien zur Semantik und Pragmatik der politischen und sozialen Sprache, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2010, p. 105158 Google Scholar.

72- Dufal, Blaise, « Faire et défaire l’histoire des civilisations », in Büttgen, P. et al. (dir.), Les Grecs, les Arabes et nous…, op. cit., p. 317358 Google Scholar, a montré comment, chez Fernand Braudel encore, un modèle civilisationnel et colonialiste sous-tend une théorie des cultures.

73- Voir Höfert, Almut, « Europa und der Nahe Osten. Der transkulturelle Vergleich in der Vormoderne und die Meistererzählungen über den Islam », Historische Zeitschrift, 287, 2008, p. 561597, ici p. 564-567CrossRefGoogle Scholar.

74- B. Anderson, L’imaginaire national…, op. cit., p. 78.

75- Herder, Johann Gottfried, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, Wiesbaden, Fourier, [1784-1791] 1985, p. 326.Google Scholar

76- Ibid., p. 439.

77- Ibid., p. 436-437.

78- Ibid., p. 437 : « Die Juden betrachten wir hier nur als die parasitische Pflanze, die sich beinah allen europäischen Nationen angehängt und mehr oder weniger von ihrem Saft an sich gezogen hat. »

79- Ibid., p. 439. Herder distingue de très nombreux peuples « européens », notamment les Goths, les Maures, les Juifs, les Carthaginois, les Romains, les Gaulois, les Burgondes, les Normands, etc.

80- Ibid., p. 439 : « die ganze Kultur des nörd-, öst- und westlichen Europa ist ein Gewächs aus römisch- griechisch- arabischem Samen. »

81- Ibid., p. 461 : « das scharfsinnigste Volk der Erde, die Griechen, sind das verächtlichste Volk worden, betrügerisch, unwissend, abergläubig, elende Pfaffen und Mönchsknechte, kaum je mehr des alten Griechengeistes fähig. »

82- Cité dans Marcel Detienne, L’identité nationale…, op. cit., p. 84.

83- Hegel, Georg Wilhelm Friedrich, Vorlesung über die Geschichte der Philosophie, vol. 2, Philosophie des Mittelalters, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, [1833] 1986, p. 514.CrossRefGoogle Scholar

84- Ibid., p. 517 : « Sie ist nicht durch ihren Inhalt interessant, bei diesem kann man nicht stehenbleiben ; es ist keine Philosophie, sondern eigentliche Manier. » : « Elle n’est pas intéressante par son contenu, sur lequel on ne peut guère s’arrêter ; ce n’est pas une philosophie, mais une forme d’artifice. »

85- J. G. Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, op. cit., p. 513 sq.

86- Ibid., p. 521-523.

87- Pour un portrait de Degérando en politique et en intellectuel, voir Jean-François Braunstein, « De Gerando, le social et la fin de l’idéologie » et Saint-Germain, Pierre, «De Gerando, Philosophie et Philanthropie », Corpus. Revue de philosophie, 14/15, 1990 Google Scholar, respectivement p. 197-215 et p. 217-228. Au sujet de sa philosophie, on trouvera une présentation récente, mais qui fait l’impasse sur l’Histoire comparée des systèmes de philosophie, dans Brigitte Schlieben-Lange, et Zollna, Isabel, « Joseph-Marie Degérando », in Rohbeck, J. et Holzhey, H. (dir.), Grundriss der Geschichte der Philosophie. Die Philosophie des 18. Jahrhunderts, t.2, Frankreich, Bâle, Schwabe, 2008, p. 10001011 Google Scholar. De manière symptomatique, Degérando est absent de Braun, Lucien, Histoire de l’histoire de la philosophie, Paris, Ophrys, 1973.Google Scholar

88- Degérando, Joseph-Marie, Des signes et de l’art de penser, considérés dans leurs rapports mutuels, 4 vol., Paris, Goujon/Fuchs/Henrichs, 1799-1800 Google Scholar. Voir Pellerey, Roberto, « Idéologie e conoscenza scientifica. La fondazione delle scienze umane nella gnoseologia sensista idéologique », Epistemologia. Rivista italiana di filosofia della scienza, 12, 1989, p. 6589 Google Scholar. Plus généralement, voir Chappey, Jean-Luc, Christen, Carole et Moullier, Igor (dir.), Joseph-Marie de Gérando (1772-1842). Connaître et réformer la société, Rennes, PUR, 2014 Google Scholar.

89- L’Histoire comparée a connu deux éditions qui diffèrent beaucoup. La première (1804) est plus sommaire et empreinte d’Idéologie ; les philosophies sont présentées de manière schématique et anhistorique. Dans la seconde édition de 1822-1823 l’enquête est plus fouillée et historienne : Degérando, Joseph-Marie, Histoire comparée des systèmes de philosophie, considérés relativement aux principes des connaissances humaines, 4 vol., Paris, Eymery, Rey et Gravier, Aillau, 1822 Google Scholar (le Moyen Âge fait l’objet du vol. 4.). L’historien de la philosophie kantien Gottlieb Tennemann a traduit la première édition en allemand : Degérando, Joseph-Marie, Vergleichende Geschichte der Systeme der Philosophie, 2 vol., Marbourg, Neue Akademische Buchhandlung, 1806.Google Scholar

90- Degérando, J.-M., Histoire comparée des systèmes de philosophie…, op. cit., vol. 4, p. 378.Google Scholar

91- Ibid., vol. 4, p. 379.

92- Ibid., vol. 4, p. 380. De manière symptomatique, comme chez Herder, les clichés dépréciatifs de l’orientalisme cohabitent avec cette lecture qui fait des Arabes les rénovateurs de la culture européenne. Chez Degérando, la permanence du modèle civilisationnel, associé à une théorie des cultures, est bien documentée : Königpralong, Catherine, « Découverte et colonisation françaises de la philosophie médiévale (1730-1850) », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 96-4, 2012, p. 663701.CrossRefGoogle Scholar

93- Heeren, Arnold Hermann Ludwig, Geschichte des Studiums der classischen Litteratur seit dem Wiederaufleben der Wissenschaften mit einer Einleitung welche die Geschichte der Werke der Classiker im Mittelalter enthält, 2 vol., Göttingen, Rosenbusch, 1797-1801 Google Scholar. L’ouvrage a été réédité dans une version très modifiée en 1822.

94- Blanke, Horst Walter, « Zwischen Aufklärung und Historismus : A.H. L. Heerens Geschichte des Europäischen Staatensystems », in Blanke, H. W. et Rüsen, J. (dir.), Von der Aufklärung zum Historismus. Zum Strukturwandel des historischen Denkens, Paderborn, Schöningh, 1984, p. 202226 Google Scholar ; Becker-Schaum, Christoph, Arnold Hermann Ludwig Heeren. Ein Beitrag zur Geschichte der Geschichtswissenschaft zwischen Aufklärung und Historismus, Francfort-sur-le-Main, P. Lang, 1993 Google Scholar ; H. E. Bödeker, P. Büttgen et M. Espagne (dir.), Göttingen vers 1800…, op. cit.

95- Heeren, A. H. L., Geschichte des Studiums der classischen Litteratur…, op. cit., vol. 1, p. 183185 Google Scholar, n. 6. Sur la fonction polémique des notes de bas de page dans l’érudition moderne, voir Grafton, Anthony, Les origines tragiques de l’érudition. Une histoire de la note en bas de page, trad. par Fabre, P.-A., Paris, Éd. du Seuil, [1997] 1998 Google Scholar.

96- Heeren, A. H. L., Geschichte des Studiums der classischen Litteratur…, op. cit., vol. 1, p. 184, n. 6Google Scholar : « Man darf nicht ausser Acht lassen, dass um die Zeit als die Scholastik im Occident anfing aufzuleben, und zunächst vorher, die Aristotelische Philosophie und Dialektik in Konstantinopel herrschendes Studium war. » : « Il ne faut pas négliger le fait que, au temps où la scolastique commençait à prendre vie en Occident, et auparavant même, la philosophie aristotélicienne et la dialectique constituaient une part dominante de l’enseignement à Constantinople. »

97- Ibid., vol. 1, n. 6, p. 185 : « so wird man es wenigstens wohl als problematisch betrachten dürfen, ob die aufkeimende Scholastik nicht weit mehr Nahrung durch die Bekanntschaft mit Konstantinopel als durch die mit den Arabern erhielt. »

98- U. J. Schneider, Philosophie und Universität…, op. cit.

99- Andrés, Giovanni, Dell’origine, progressi e stato attuale d’ogni letteratura, 8 t., Venise, Antonelli, [1782-1799] 1830-1834, t. 1, p. 251, 254 et 291Google Scholar : « Io temo di comparire stolto amatore di paradossi se ardirò di affermare, che noi siamo debitori agli Arabi del rifiorire che fecero le scienze nell’Europa, e che da quella nazione si dee prendere l’origine della nostra coltura negli studi scientifici » ; « non è fuor di ragione l’asserire che il risorgimento dei buoni studi nell’Europa sia dovuto all’arabica letteratura » ; «Ma io non cerco di dare un vanto agli Arabi che loro non si competa ; voglio soltanto proporre la incontrastabile verità della loro influenza sue i nostri studi ; nè curo di glorificare l’arabico sapere ; ma sì bene di esaminare le vere sorgenti della nostra letteratura. » : « Je crains de faire figure de stupide amateur de paradoxes en osant affirmer que nous devons aux Arabes la refloraison des sciences en Europe et que notre culture scientifique a tiré son origine de cette nation » ; « il n’est pas infondé d’affirmer que la renaissance des études en Europe est due à la littérature arabe » ; « Mais je ne cherche pas à conférer aux Arabes une gloire qu’ils ne méritent pas ; je veux seulement montrer l’incontestable vérité de leur influence sur nos études ; je n’ai cure de glorifier le savoir arabe, je veux seulement examiner les véritables sources de notre littérature. »

100- Buhle, Johann Gottlieb, Lehrbuch der Geschichte der Philosophie, 8 t., Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1796-1804, t. 5, p. 245252.Google Scholar

101- Ibid., t. 5, p. 251.

102- Tennemann, Wilhelm Gottlieb, Geschichte der Philosophie, 11 vol., Leipzig, J. Barth, 1798-1819, vol. 8-1, p. 355 Google Scholar : « In den neueren Zeiten, wo dieser Gegenstand erst zur Sprache gekommen ist, haben sich die meisten Gelehrten ausschließlich für den zweiten Kanal der Mitteilung erklärt, wogegen aber Heeren nicht unerhebliche Einwendungen gemacht hat, welche durch die Beleuchtung von Buhle noch nicht entkräftet sind. […] Die Wahrheit scheint in der Mitte, aber vielmehr in der Annahme beider Kanäle zu bestehen. » : « Ces derniers temps – temps durant lesquels cette question a été pour la première fois discutée –, la plupart des savants se sont prononcés exclusivement en faveur du second canal de transmission ; Heeren a opposé à cette thèse des arguments puissants, qui n’ont pas été affaiblis par les éclaircissements de Buhle. […] La vérité paraît être au milieu, ou plutôt dans la prise en compte des deux canaux. »

103- Ibid., vol. 8-1, p. 372-373.

104- Buhle, Johann Gottlieb, Histoire de la philosophie moderne depuis la renaissance des lettres jusqu’à Kant, précédée d’un abrégé de la philosophie ancienne, depuis Thalès jusqu’au XIVe siècle, trad. par Jourdan, A. J. L., 6 t., Paris, Fournier, 1816 Google Scholar. Quant à la version abrégée de l’histoire de la philosophie de Tennemann, elle est traduite en 1829, sur l’initiative de Cousin.

105- Jourdain, Amable, Recherches critiques sur l’âge et l’origine des traductions latines d’Aristote et sur des commentaires grecs ou arabes employés par les docteurs scolastiques, Paris, Joubert, [1819] 1843, p. 615 Google Scholar. Voir également la « Note A», p. 218-225, qui présente toutes les opinions émises sur la transmission arabe d’Aristote du XVe au XVIIIe siècle. La « Note B », p. 225-228, donne une traduction française des pages de l’ouvrage de Heeren où cette question est traitée.

106- L’ouvrage est connu bien en dehors de la seule histoire de la philosophie (voir von Raumer, Friedrich, Geschichte der Hohenstaufen und ihrer Zeit, 6 vol., Leipzig, Brockhaus, [1823-1825] 1840-1842, vol. 6, n. 1, p. 564565 Google Scholar) et est traduit en allemand en 1831 sous le titre Forschungen über Alter und Ursprung der lateinischen Übersetzungen des Aristoteles und über griechische und lateinische von den Scholastikern benutzte Commentare. Bien que, dans la seconde édition de son histoire littéraire, Heeren mentionne le travail de Jourdain, il persiste à contester l’opinion commune. Modifiant quelque peu son argument, il minimise alors l’impact réel des traductions arabo-latines, qu’il juge illisibles, insistant sur la fertilité des échanges avec Byzance : Heeren, Arnold Hermann Ludwig, Geschichte des Studiums der classischen Litteratur seit dem Wiederaufleben der Wissenschaften, Göttingen, J. F. Röwer, 1822, p. 225, 249Google Scholar, n.* et 295-296, n.*.

107- A. Jourdain, Recherches critiques sur l’âge et l’origine des traductions latines d’Aristote…, op. cit., p. 16.

108- Le débat entre Heeren et Buhle est devenu une composante de l’histoire de la philosophie. On le retrouve par exemple chez le professeur de théologie catholique de Giessen, Staudenmaier, Franz Anton, dans Johannes Scotus Erigena und die Wissenschaft seiner Zeit, Francfort-sur-le-Main, Andreai, 1834, p. 394, n. 1.Google Scholar

109- Middeldorpf, Heinrich M., Commentatio de institutis literariis in Hispania quae Arabes auctores habuerunt, Göttingen, Dieterich, 1810.Google Scholar

110- Tholuck, August, Blütensammlung aus der Morgenländischen Mystik, nebst einer Einleitung über Mystik überhaupt und Morgenländische insbesondere, Berlin, Dümmler, 1825.Google Scholar

111- Müller, Marcus Joseph, Philosophie und Theologie von Averroes, Munich, G. Franz, 1859 Google Scholar. L’Appendice porte également le titre Question traitée par Averroès dans son Discours décisif.

112- S. Munk, Mélanges de philosophie juive et arabe, op. cit.

113- Dieterici, Friedrich Heinrich, Die Philosophie der Araber im IX. und X. Jahrhundert n. Chr. Aus der Theologie des Aristoteles, den Abhandlungen Alfārābīs und den Schriften der Lautern Brüder, 16 vol., Leipzig, Hinrichs, 1858-1895.Google Scholar

114- Schmölders, August, Documenta philosophiae arabum, Bonn, E. Weber, 1836.Google Scholar

115- Id., Essai sur les écoles philosophiques chez les Arabes, Paris, Firmin-Didot, 1842, p. 255-318.

116- Ritter, Heinrich, Geschichte der Philosophie, 12 vol., Hambourg, F. Perthes, 1829-1853 Google Scholar. Les parties 5 à 12 constituent la Geschichte der christlichen Philosophie (1841-1853), où le Moyen Âge est traité. Deux traductions en français partielles : Ritter, Heinrich, Histoire de la philosophie. Philosophie ancienne, trad. par Tissot, C.-J., 4 vol., Paris, Ladrange, 1835-1836 Google Scholar ; Ritter, Heinrich, Histoire de la philosophie moderne, trad. par Challemel-Lacour, P., 3 vol., Paris, Ladrange, 1861.Google Scholar

117- A. SCHMÖLDERS, Documenta philosophiae arabum…, op. cit., p. III et 5.

118- Ibid., p. 14-15.

119- Ibid., p.9.

120- Id., Essai sur les écoles philosophiques…, op. cit., p. VII. Schmölders mentionne en outre une commande de Cousin (ibid., p. XIX) et remercie Silvestre de Sacy (p. XI). En fin d’ouvrage, il édite quelques textes d’al-Ghazālī.

121- Ibid., p. 1. Au sujet de Cousin, voir C. König-Pralong, « Découverte et colonisation françaises… », art. cit.

122- A. Schmölders, Essai sur les écoles philosophiques…, op. cit., p.3.

123- Ibid., p. 10-11.

124- Ibid., p. 132.

125- Ibid., p. 5-6.

126- Ritter, Heinrich, Über unsere Kenntniss der Arabischen Philosophie und besonders über die Philosophie der orthodoxen Arabischen Dogmatiker, Göttingen, Dieterich, 1844.Google Scholar

127- Ibid., p. 3-6.

128- Ibid., p. 6 et 20-21.

129- Compte rendu d’August Schmölders de l’ouvrage de Ritter, H., Über unsere Kenntniss der Arabischen Philosophie…, op. cit., Jahrbücher für wissenschaftliche Kritik, 91/92, 1844, p. 723750.Google Scholar

130- Ibid., p. 726.

131- Ibid., p. 736.

132- Ibid., p. 731 : « Aber, das Wort auch in der engern Bedeutung gefasst, wiederhole ich nochmals, dass bei allen sogenannten Philosophen, oder, wenn Hr. R. jetzt will, Aristotelikern Grundsätze, Ergebnisse und Methode im Wesentlichen gleich sind. »

133- Munk, Salomon, « Arabes (Philosophie des) », in Franck, A. (dir.), Dictionnaire des sciences philosophiques, 6 vol., Paris, Hachette, 1844-1852, vol. 1, p. 168180.Google Scholar

134- Adorisio, Chiara, « The Debate between Salomon Munk and Heinrich Ritter on Medieval Jewish and Arabic History of Philosophy », European Journal of Jewish Studies, 6-1, 2012, p. 169182.CrossRefGoogle Scholar

135- Voir Olender, Maurice, Race sans histoire, Paris, Éd. du Seuil, 2009, p. 38 Google Scholar et Westerkamp, Dirk, Die philonische Unterscheidung. Aufklärung, Orientalismus und Konstruktion der Philosophie, Munich, Fink, 2009, en particulier p. 137140.CrossRefGoogle Scholar

136- S. Munk, « Arabes (Philosophie des) », art. cit., p. 179.

137- Ibid., p. 178.

138- Ibid., p. 179-180.

139- Victor Antoine Charles de Riquet de Caraman, Histoire des révolutions de la philosophie en France pendant le Moyen Âge jusqu’au seizième siècle, 3 vol., Paris, Ladrange, 1845-1847, vol. 2, p. 387-388. La controverse prend d’autres formes aux XXe et XXIe siècles : P. Büttgen et al. (dir.), Les Grecs, les Arabes et nous…, op. cit.

140- Forget, Jacques, « De l’influence de la philosophie arabe sur la philosophie scolastique », Revue néo-scolastique, 4, 1894, p. 385410.CrossRefGoogle Scholar

141- Ibid., p. 391-392, n. 5.

142- Ibid., p. 391.

143- Ibid., p. 392-393.

144- Ibid., p. 397.

145- Ibid., p. 399-404.

146- Ibid., p. 399.

147- Renan, Ernest, Histoire de l’étude de la langue grecque dans l’Occident de l’Europe depuis la fin du Ve siècle jusqu’à celle du XIVe [1848], éd. par Simon-Nahum, P., Paris, Éd. du Cerf, 2009 Google Scholar. Sur Renan et ses différentes orientations scientifiques, voir Laurens, Henry (dir.), Ernest Renan. La science, la religion, la République, Paris, Odile Jacob, 2013.CrossRefGoogle Scholar

148- Ibid., p.93 et passim. Sur les évocations de la controverse Heeren et du concours de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, voir respectivement p. 431 et 471.

149- Ibid., p. 326.

150- Ibid., p. 542-543 : « Les rapports avec l’Orient et la fondation du Collège constantinopolitain à Paris sont des faits beaucoup plus significatifs [que les rapports avec les Arabes]. La fondation de l’empire latin de Constantinople rapprocha le monde grec et le monde latin. […] Les Grecs paraissent avoir formé à Paris plusieurs établissements au Moyen Âge. » Au sujet de l’Italie, qui continue à cultiver la culture grecque durant tout le Moyen Âge, voir p. 631-653.

151- Ibid., p. 369 sq.

152- Ibid., p. 654 sq.

153- Ibid., p. 433.

154- C. König-pralong, « Découverte et colonisation françaises… », art. cit.

155- Renan, Ernest, « Mahomet et les origines de l’Islamisme », Revue des deux mondes, 12, 1851, p. 10631101, ici p. 1069.Google Scholar

156- Ibid., p. 1070-1071 : « L’Arabie manque complètement de l’élément qui engendre le mysticisme et la mythologie. Les nations sémitiques n’ont jamais compris en Dieu la variété, la pluralité, le sexe. […] ces fables ne sont arrivées à quelque sanction que chez les schiites, dominés par le tour de l’imagination persane. »

157- Ibid., p. 1074 : « La Perse, quoique domptée par l’islamisme, ne plia jamais sous l’esprit sémitique. En dépit de la langue et de la religion qui lui étaient imposées, elle sut revendiquer ses droits de nation indo-européenne en se créant une philosophie, une épopée, une mythologie. »

158- Ibid., p. 1095, Renan présente l’islam comme une religion « naturelle, sérieuse, libérale, une religion d’hommes en un mot ».

159- Les deux termes sont synonymes chez Renan. Dans sa correspondance notamment, il use des termes « Indoeuropéens » et « Aryens » comme de synonymes. Par exemple, Ernest Renan, « Lettre du 8 mai 1860 à Max Müller », Œuvres complètes de Ernest Renan, t. 10, Correspondance 1845-1892, éd. par H. Psichari, Paris, Calmann-Lévy, 1961, p. 270 : « À vrai dire, ce qu’il y a d’absolument essentiel dans ma pensée, c’est le contraste que j’ai cru voir entre les vues des Sémites et des Aryens sur la nature. » L. Poliakov, Le mythe aryen…, op. cit., p. 208, regarde Renan comme l’un des principaux garants du mythe conférant à la Germanie une supériorité raciale, c’est-à-dire une culture pure de contaminations sémitiques.

160- E. Renan, «Mahomet… », art. cit., p. 1099 (je souligne).

161- M. Olender, Race sans histoire, op. cit., p. 48. Il fait un portrait saisissant de Renan, p. 109 : « ce professeur d’hébreu au Collège de France qui rêvait de se libérer de l’emprise d’un christianisme sémitisé afin de mieux l’organiser. »

162- Renan, Ernest, Averroès et l’averroïsme, Paris, Maisonneuve et Larose, [1852] 1997, p. 54.Google Scholar

163- Nous l’avons dit, l’islam fut selon Renan adopté sans enthousiasme par les Arabes, race incapable de rationalisme aussi bien que d’imagination mystique. Ernest Renan, «Lettre du 14 mai 1852 à Reinhard Dozy », Correspondance…, op. cit., p. 121, précise en ces termes l’un des enjeux de son livre sur Averroès : « Un des points sur lesquels j’insiste le plus dans mon essai sur Averroès, c’est l’équivoque de ce mot : philosophie arabe. Cette philosophie est assurément la chose la moins arabe du monde, mais elle est écrite en arabe, cela a suffi pour que l’on ait regardé comme un produit naturel de la péninsule arabique un ensemble d’études qui a fleuri surtout dans le Magreb et dans les provinces de l’Oxus, et qui doit son origine à l’influence d’une dynastie toute persane, et radicalement opposée à l’Arabie » (Renan souligne).

164- E. Renan, Averroès et l’averroïsme, op. cit., p. 47.

165- Ibid., p. 79.

166- Ibid.

167- Ibid., p. 233.

168- Ibid., p. 157.

169- Fioravanti, Gianfranco, « Boezio di Dacia e la storiografia sull’averroismo », Studi medievali, 3e s., 7-1, 1966, p. 283322 Google Scholar ; Imbach, Ruedi, « L’averroïsme latin du XIIIe siècle », Quodlibeta. Ausgewählte Artikel, éd. par Cheneval, F. et al., Fribourg, Universitätsverlag, 1996, p. 4562 Google Scholar.

170- E. Renan, Averroès et l’averroïsme, op. cit., p. 188.

171- Par la force des choses, Renan demeure flou quant à l’identification des averroïstes du XIIIe siècle. Les milieux les plus divers sont évoqués : les traducteurs d’Averroès de la première moitié du XIIIe siècle, les maîtres ès arts parisiens de la seconde moitié du siècle, mais aussi l’école franciscaine, plus portée à la dissidence et effectivement visée, selon Renan, par la condamnation de 1277, sans oublier les mystiques allemands, Maître Eckhart surtout, dont la « mystique » est tributaire de la théorie averroïste de l’intellect (ibid., p. 195).

172- Ibid., p. 201-214.

173- Ibid., p. 298.

174- Renan, Ernest, « Avertissement », Averroès et l’averroïsme, Paris, Michel Lévy, 1866, p. II.Google Scholar

175- Id., « Préface de la première édition » [1852], ibid., p. VII-VIII.

176- Ibid., p. IX.

177- Voir Sand, Shlomo, « De la nation et du peuple juif chez Renan », in Renan, E., Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Flammarion, 2011, p. 943 Google Scholar, qui part des remarques de R. Irwin, Dangerous Knowledge…, op. cit., p. 166-170 au sujet d’E. Said. Pour une lecture de Renan qui le lave des accusations de racisme, voir Perrine Simon-Nahum, « Avantpropos », in E. Renan, Histoire de l’étude de la langue grecque…, op. cit., p. 9-71.

178- Thiesse, A.-M., La création des identités nationales…, op. cit., p. 12 Google Scholar, pose un diagnostic sans équivoque : « une nouvelle théorie de la culture est formulée, qui permet de poser le national comme principe créateur de la modernité ». Voir aussi M. Detienne, L’identité nationale…, op. cit., p.47 et 76.

179- L’importance du Cercle d’Iéna, en particulier de Schlegel, dans ce processus mérite également une attention particulière. Voir König-Pralong, Catherine, Médiévisme philosophique et raison moderne. De Pierre Bayle à Ernest Renan, Paris, Vrin, à paraître.Google Scholar

180- À la fin des chapitres 24 et 27 de la deuxième édition de son histoire de la philosophie, Degérando mentionne en effet ses sources. Outre Brucker, il utilise abondamment Buhle, Tennemann et Tiedemann (J.-M. Degérando, Histoire comparée des systèmes de philosophie…, op. cit., t. 4, p. 323-324 et 607-612).