Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Les rois thaumaturges de Marc Bloch, l'un des ouvrages classiques consacrés aux rites royaux en France, a maintenant soixante ans. Cette œuvre n'a pas entraîné d'autres études semblables : Marc Bloch lui-même abandonna cette voie et consacra les deux dernières décennies de sa vie à l'histoire économique et sociale. Il fut l'un des fondateurs de la revue Annales ESC qui, jusqu' à une date récente, a délaissé l'étude de la royauté. Il en va de même, pour une large part, de l'historiographie des sciences sociales dans d'autres pays.
Le vif intérêt accordé aux études sur les rites ces dernières années est dû en grande partie aux sociologues et aux anthropologues plutôt qu'aux historiens. La nouvelle vogue qu'elles connaissent repose pour l'essentiel sur la compréhension du non-dit, de la sémiotique des cérémonials. Pour comprendre les ressorts du pouvoir, les anthropologues doivent tenir compte de cet élément, car ils manquent généralement de preuves littéraires, alors qu'elles abondent pour les historiens de la société occidentale.
Four important French royal (or “state”) ceremonies can be correlated—due to their constitutional meanings—with four successive models of leadership: coronations can be correlated with “religious kingship” (predominant up until the 13th century), funerals with “legal kingship” (in the 15th and early 16th centuries), entrances with “humanistic kingship” (in the 16th century) and the lit de justice with “absolutist kingship” (in the 17th century). These were all great public events which strengthened the relationship between ruler and ruled, contrasting with ritualized court life conducted out of the public eye, mostly at Versailles, which began with Louis the Fourteenth.
Version en partie modifiée d'un article publié en anglais dans Rites of Power : Symbolism, Ritual and Politics since the Middle Ages, Seab Wilentz éd., Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1985, pp. 41-64.
1. Un excellent exemple est celui de Geertz, Clifford, Negara : The Théâtre State in Nineteenth-Century Bali, Princeton, 1980.Google Scholar Je partage totalement cette critique mordante de la tendance des historiens occidentaux à traiter avec légèreté les études de cérémonials. Je ne suis cependant pas aussi certain que Geertz que ses techniques d'analyses de Bali puissent s'appliquer facilement aux sociétés d'Europe occidentale ; cf. pp. 5-10, 121-125, 216.
2. Duchesne, André, Les antiquitez et recherches de la grandeur et maiesté des Roys de France, Paris, 1609.Google Scholar Nous sommes intéressés par le Livre 2, pp. 323-549, dont le premier chapitre, « De la Maiesté des Roys de France », pp. 339-367, expose un modèle idéal ; sur les cinq autres chapitres, quatre sont consacrés aux cérémonials publics et l'autre au costume royal lors des services religieux publics. Le costume est le sujet principal de l'ouvrage.
3. Ibid., p. 335.
4. Dans ce paragraphe, je m'inspire de l'ouvrage de Jackson, Richard A., Vive le Roi ! A History of the French Coronation from Charles Vto Charles X, Chapel Hill, 1984,Google Scholar également publié en France sous le titre Vivat Rex, Strasbourg, 1983.
5. Bloch, Marc, Les rois thaumaturges, Strasbourg, 1924;Google Scholar réimp. 1961, pp. 185-224 ; également dans la nouvelle édition préfacée par Le Goff, Jacques, Bloch, Marc, Les rois thaumaturges : étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Histoires », 1983 Google Scholarou dans la version anglaise intitulée The Royal Touch, Londres, 1973, pp. 108-130.
6. Marc Bloch, Les rois thaumaturges, pp. 224-229 ; en anglais, pp. 130-133.
7. Cf. fig. 2. Les nombreuses autres illustrations qui se trouvent dans Les rois thaumaturges de Marc Bloch sont reproduites d'une façon nettement supérieure dans la version anglaise.
8. Sauf indication contraire, ce paragraphe s'appuie sur mon ouvrage The Royal Funeral Ceremony in Renaissance France, Genève, 1960, réimp. 1983, à paraître en français en 1986 chez Flammarion.
9. A ma connaissance, aucune étude n'a encore remplacé l'article ancien mais exemplaire de Sir Wm. John Hope, H. St., « On the Funeral Effigies of the Kings and Queens of England », Archaeologia, 60, 2, 1907, pp. 517–570.Google Scholar Ce qu'il reste de ces effigies est exposé dans le musée de la crypte de l'abbaye de Westminster. J'exprime mes réserves quant à cette exposition dans Royal Funeral, p. 204.
10. Les circonstances du débat de 1498 sur le caractère vivant des effigies sont davantage développées dans mon article « The Présidents of Parliament at the Royal Funeral », Sixteenth-Century Journal, 7, 1976, pp. 25-34, qu'elles ne le sont dans Royal Funeral.
11. Cf. fig. 4. Ce masque modelé à l'occasion d'un concours d'artistes pour l'effigie funéraire est resté inutilisé. Il sert au personnage d'Henri IV en armure, présenté au musée Carnavalet à Paris. Nous possédons des preuves écrites qu'après 1498, les yeux des effigies étaient ouverts.
12. Cf. fig. 5. La mise en scène du thème des « deux corps », lors des funérailles royales en France, est révélée par Kantorowicz, Ernst H. dans The King's Two Bodies, Princeton, 1957, pp. 419–437;Google Scholar à paraître en français aux éditions Gallimard.
13. La figure 6 est la meilleure représentation (et l'unique en couleur) du repas servi en présence de l'effigie funèbre, celle du Duc de Lorraine en 1608. La coutume chez les ducs de Lorraine était directement empruntée à la coutume royale française ; pourtant nous sommes certains que, pour cette dernière, le repas était plus étroitement lié à l'effigie que ne semble le montrer la gravure lorraine. Dans celle-ci, l'effigie est à peine visible, au fond de la pièce ; une autre gravure du livre sur les funérailles de Lorraine la montre plus nettement.
14. Relation des funérailles de François Ier de Pierre DU Chastel, dans Royal Funeral, p. 5.
15. Cf. fig. 7.
16. Ernst H. Kantorowicz, op. cit., p. 7, citant les Commentaries de Plowden.
17. Ibid., p. 8 (Fortescue) et p. 400 (Baldus).
18. Dans ce chapitre, je m'inspire de l'ouvrage de Lawrence M. Bryant, The French Royal Entry Ceremony, Genève, Droz, à paraître en 1986. Un article de Bryant, « Parlementaire Political Theory in the Parisian Royal Entry Ceremony », Sixteenth-Century Studies, VII, 1976, pp. 15-24, souligne les rapports de ce rite avec l'histoire constitutionnelle bien mieux que je ne le fais ici. Pour la fin du Moyen Age, il faut également consulter l'ouvrage érudit de uenée, Bernard et Lehoux, Françoise, Les entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris, 1968.Google Scholar
19. Nous disposons maintenant d'une excellente étude sur cette entrée ; y est jointe une reproduction photomécanique du volume du xvie siècle qui la décrit : Mcfarlane, I. D., The Entry of Henri II into Paris, 16 June 1549, Binghamton, N.Y., 1982.Google Scholar
20. Cf. fig. 8. Cette illustration se trouve également dans l'ouvrage de Mcfarlane, op. cit. livre, Dans son Hercule dans la littérature française du XVIe siècle, Genève, 1966,Google Scholar Marc- René Jung donne sa pleine dimension au symbolisme de l'Hercule Gaulois.
21. Ce n'est pas surprenant, car Joachim du Bellay et Jean Goujon participèrent au programme et à la décoration.
22. Cf. fig. 9, reproduite dans Mcfarlane, op. cit.
23. Id., ibid.
24. Id., ibid.
25. Cf. Hanley, Sarah, The Lit de Justice of the Kings of France, Princeton, 1983,Google Scholar auquel on se reportera pour des références et des illustrations sur le lit de justice. Cf. aussi Madden, Sarah Hanley, « L'idéologie constitutionnelle en France : le Lit de justice », Annales ESC, n° 1, 1982, pp. 32–63.Google Scholar
26. Du Droit des Offices, I, x. 58, éd. Les œuvres de Loyseau, Paris, 1666, p. 98.
27. Jackson, Richard A., « The Sleeping King », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, 31, 1969, pp. 527–551.Google Scholar
28. Edouard Guillou, en utilisant comme guide les Métamorphoses d'Ovide, a fait un brillant effort pour comprendre le décor mythique de Versailles dans son ouvrage Versailles, le palais du soleil, Paris, 1963 ; les illustrations sont abondantes et l'appareil érudit (dans le texte et en notes finales) est appréciable mais limité. Ernst H. Kantorowicz, « Oriens Augusti – Lever du Roi », dans Dumbarton Oaks Papers, 17, 1963, pp. 119-177, met au jour les racines historiques profondes du culte de Louis cachées dans les cultes du souverain à l'époque antique et byzantine : orientation pleine d'avenir pour une recherche future si on croit (comme je le fais) que le culte de Louis fut en partie inventé par les humanistes et les historiens de l'Antiquité. Voir paragraphe 4, « Lever du roi », pp. 162-177. Par opposition, deux récentes contributions s'efforcent de comprendre l'esprit du culte de Louis ( Marin, Louis, Le portrait du roi, Paris, 1981,Google Scholar et Apostolides, Jean- Marie, Le roi-machine, Paris, 1981 Google Scholar) ; elles montrent que l'imagination peut mettre de l'ordre dans un matériau qui, jusqu'alors, n'a suscité aucune solide construction érudite.