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Une industrie bimillénaire : la sidérurgie du Jura vaudois

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Paul-Louis Pelet*
Affiliation:
Université de Lausanne, Centre de recherches d'histoire économique et sociale

Extract

S'intéresser aux usines disparues d'un pays de vignoble (bords du Léman et du lac de Neuchâtei), de labours (Plateau suisse), de pâturages et de forêts (Jura à l'Ouest, Alpes à l'Est) aurait semblé déraisonnable il y a peu d'années encore ; depuis cent cinquante ans les écrivains, les hommes politiques, les hommes d'affaires même proclament le caractère essentiellement, immuablement agricole de l'économie vaudoise.

Pourtant la floraison des études historiques qui caractérise le second quart du XIXe siècle révèle déjà l'existence d'activités industrielles anciennes, de métiers du fer en particulier. Frédéric de Gingins-La Sarra et Frédéric de Charrière publient dans leurs recueils de chartes quelques abergements miniers et sidérurgiques, quelques reconnaissances de forges.

Type
Inter-Sciences
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1974

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References

1. Frédéric de Gingins-la Sarra, Annales de l'Abbaye du Lac de Joux, et La Vallée de Joux sous le régime bernois, Mémoires et Documents de la Société d'histoire de la Suisse Romande, Première série, vol. I/II, 1842 ; Frédéric de Charrière, Pièces justificatives faisant suite au Cartulaire de Romainmôiier, Ibid., III, 1844.

2. Olivier, Juste, Le Canton de Vaud, Sa vie et son histoire, t. 1, Lausanne, 1837, p. 320.Google Scholar

3. Les mines de charbon exploitées dans les bailliages de Lausanne et d'Oron dès le XVIIIe siècle dégagent des filons d'environ 20 cm d'épaisseur, parfois passablement sulfureux. Voir André Claude, Histoire des mines de charbon vaudoises, Thèse Se. soc. et pol. de l'Université de Lausanne, en préparation.

4. En 1949 encore, la remarquable étude de Georges-André Chevallaz, Aspects de l'agriculture vaudoise à la fin de l'Ancien Régime ne s'écarte guère de l'optique présentant un pays essentiellement agricole. Et Robert Jaccard lui-même, dans son essai sur L'industrie et le commerce du Pays de Vaud à la fin de l'Ancien Régime, Lausanne, 1956, puis dans la Révolution industrielle dans le Canton de Vaud, Lausanne, 1959, ne parvient pas à s'en débarrasser.

5. Actuellement 8 000 fiches à perforations marginales, système « Randlochkarten » de Schlitz/Hesse.

6. I, Résultats des fouilles :

Paul-Louis Pelet avec la collab. de Pierre Decollogny et Oskar Stucheli, « Une industrie primitive au pied du Jura vaudois : la ferrière de Prins-Bois et ses voisines », dans Revue historique vaudoise, 1960, pp. 49-110; Paul-Louis Pelet, «Sidérurgie antique au pied du Jura », dans Helvetia archaeologica, I/4, 1970, pp. 86-95 ; Paul-Louis Pelet, « Techniques sidérurgiques et poésie, note sur quelques vers de Rutilius Namatianus », dans Revue des études latines, t. XLVIII, 1970, pp. 398-410.

II, Recherches historiques :

Paul-Louis Pelet, « Les artisans du fer du Jura vaudois et leurs rapports avec la Comté, dans Actes du Colloque sur l'artisanat (Besançon 10 à 12 juin içôo), « Annales littéraires de l'Université de Besançon », vol. XLV, Paris, 1961, pp. 43-65 ; Paul-Louis Pelet, « La fonderie de fer en Suisse Romande au xixe siècle », dans Beitrâge zur Geschichte der schweizerischen Eisengiessereien, Schaffhouse, i960, pp. 45-85 ; Paul-Louis Pelet, « Documents inédits sur le premier haut fourneau de Klus (Soleure) », dans Revue d'histoire des mines et de la métallurgie, 1/2, pp. 129-150 ; Paul-Louis Pelet et Lucienne Hubler, Ressources minières et politique vaudoise 1708-1848, Publ. de l'École des Sciences sociales et politiques de l'Univ. de Lausanne, textes d'histoire économique et sociale, Genève, 1971, 128 p. ; Paul-Louis Pelet, Sidérurgie frontalière Bon Port, 1623Pontarlier, 1820. Deux essais sur des forges du Jura, ibid., II, Genève, 1971, 104 p.

7. Pelet, Paul-Louis, Fer, charbon, acier dans le Pays de Vaud, Les sources archéologiques, Lausanne (Bibliothèque historique vaudoise, vol. 49), 1973, 276 p.Google Scholar

8. Videnskabernes Selskabs Skrifter, VII, 1758.

9. Auguste Quiquerez, Notice historique et statistique sur les mines, les puits et les forges de l'ancien évêché de Bâle, Porrentruy-Berne, 1855 ; Monuments de l'ancien évêché de Bâle. De l'âge du fer. Recherches sur les anciennes forges du Jura bernois, Porrentruy, 1866 ; « Notice sur les forges primitives du Jura », dans Mitteilungen der Antiquarischen Gesellschaft in Zurich, vol. XVII, fasc. IV, 1871, pp. 71-88.

10. Ludwig Beck, Die Geschichte des Eisens in technischer und kulturgeschichtlicher Beziehung, Braunschweig, 1891-1905 (le vol. I a été réédité en 1891).

11. 9 vol., Paris, 1877 ss.

12. En France, l'inventaire qu'esquissent pour les forges antiques Daubrée, « Aperçu historique sur l'exploitation des métaux dans la Gaule », dans Revue archéologique, vol. XVII, 1868, pp. 298 ss.; «Aperçu historique sur l'exploitation des mines métalliques dans la Gaule. Notice supplémentaire », ibid., vol. XLI et XLII, 1881, et Alfred Léger, Les Travaux publics, les Mines et la Métallurgie du temps des Romains, Paris, 1875, n'est pas poursuivi.

13. Voir, en particulier, Georges Schweinfurth, AU Coeur de l'Afrique, 1868-1871, trad. H. Loreau, Paris, 1875.

14. Niels Nielsen, « La production de fer en Jutland septentrional dans les temps préhistoriques et au Moyen Age », trad. par E. Philipot dans Mémoires de la Société royale des antiquaires du Nord, nouvelle série, 1920-1924, Copenhague, 1925, pp. 337 à 440 ; Ernest Straker, Wealden Iron, A Monography on the former Ironworks in the Counties of Sussex, Surrey and Kent…, David and Charles Reprints, Newton Abbot, 1969 ; Walter Schmid, « Norisches Eisen », dans Beitràge zur Geschichte des Osterreichischen Éisenwesens, Abt. I, Heft 2, 1932 ; Joseph Wilhelm Gilles, « Die Grabungen auf vorgeschichtlichen Eisenhiittenplàtzen des Siegerlandes, ihre Bedeutung und die hiittentechnischen Erfahrungen im Vergleich mit anderen Funden », dans Stahl und Eisen, 56, Heft 9, 1936, pp. 252 ss. ; J. W. Gilles, « Les fouilles aux emplacements des anciennes forges dans la région de la Sieg, de la Lahn et de la Dill», dans Le fer à travers les âges, Nancy, 1956, pp. 57-81 ; J. W. Gilles, « 25 Jahre Vorgeschichtsforschung durch Grabungen auf alten Eisenhtittenplàtzen. Bericht Nr. 16 des Geschichtsausschusses des Vereins Deutscher Eisenhuttenleute », dans Archiv fur das Eisenhùttenwesen, Heft 4, 1957, PP- J79 ss-

15. Edouard Salin et A. France-lanord, Rhin et Orient, vol. II, Le fer à l'époque mérovingienne, Paris, 1943 ; Edouard Salin, La civilisation mérovingienne d'après les sépultures, les textes et le laboratoire, vol. III, Les techniques, Paris, 1957.

16. Voir en particulier Neil Cossons and Kenneth Hudson, Industrial Archaeologist's Guide, igôg-içjo, Newton Abbot, 1969 ; Arthur Raistrick, Industrial Archaeology, An Historical Survey, Londres, 1972.

17. En particulier Radomir Pleiner, Zâklady slo Vanského zelezdfského hutnictui v âeskych zemich (Die Grundlagen der slavischen Eisenindustrie in den Bôhmischen Lândern), Prague, 1958 ; Radomir Pleiner, Staré europské kovdrstvi stav metalografického vyzkumu (Alteuropâisches Schmiedhandwerk, Stand der metallhundlichen Forschung), Prague, 1962 ; Radomir Pleiner, « Die Eisenverhiittung in der ‘ Germania Magna ’ zur rômischen Kaiserzeit», tiré à part de 45. Bericht der Rômisch-Germanischen Kommission, Berlin, 1965, pp. 11-86 ; Radomir Pleiner, Iron working in ancient Greece, Prague, 1969.

18. La plupart de ces travaux ont paru dans les revues polonaises suiVantes : Acta archaeologica Carpathica, V, Cracovie, 1963 ; Materialy Archeologiczne, VII à X, Cracovie, 1966 à 1969 ; Silesia Antiqua, XII, Wroclaw-Varsovie-Cracovie, 1970 ; Wiadomosci archeologiczne, Bulletin archéologique polonais, Varsovie, 1966.

19. La masse des études publiées depuis 1950 a conduit l'Union internationale des sciences préhistoriques et protohistoriques à créer un Comité pour la sidérurgie ancienne qui publie un « Bulletin d'information bibliographique annuel », dans Archeologické Rozhledy, depuis 1967.

20. Manfred Pertlwieser, « Die Hallstattzeitliche Hôhensiedlung auf dem Waschenberg bei Bad Wimsbach/Neydharting, Politischer Bezirk Wels, Oberôsterreich », dans Jahrbuch des Oberôsterreichischen Musealvereins, vol. CXV/I, 1970, pp. 37-70 ; CXVI/I, 1971, pp. 51-80.

21. Ludwig Beck, op. cit., vol. I, 2e éd., p. 285.

22. Joseph-Wilhelm Gilles, « Versuchsschmelze in einem vorgeschichtlichen Rennofen », dans Stahl und Eisen, 78, 1958, n° 23, 13 novembre, pp. 1690 et ss.

23. Les soufflets de ce type sont représentés sur plusieurs monuments antiques, en particulier à Aquilée et à Saint-Aignan/Aveyron (ive siècle).

24. Voir p. 805.

25. A. France-Lanord, « Les lingots de fer protohistoriques », dans Revue d'histoire de la Sidérurgie, IV, 1963, pp. 167-178, en particulier pp. 175-176.

26. Gaspard de Courtivron et Jean-Étienne Bouchu, L'art des forges et fourneaux à fer, Paris, 1762 ; Jean-Henri Hassenfratz, La Sidérotechnie ou l'art de traiter les minerais de fer pour en obtenir de la fonte, du fer ou de l'acier, Paris, 1812, 4 vol. ; E. Flachat, A. Barrault et J. Petiet, Traité de la fabrication du fer et de la fonte envisagée sous les rapports chimique, mécanique et commercial, Paris, 1842-1846.

27. Paul-Louis Pelet et Lucienne Hubler, Ressources minières, op. cit., pp. 25 et 33.

28. Voir Daubrée, op. cit. ; Alfred Léger, op. cit., ainsi que René Marquis de Tryonmontalembert, « La Sidérurgie en Gaule aux époques primitives, gauloise et galloromaine, jusqu'à la fin de l'Empire romain », dans Techniques et Civilisations, vol. IV, V, Paris, 1955-1956.

29. A. Goudard, « Note sur l'exploitation des gisements de scories de fer dans le département de l'Yonne », dans Bulletin de la Société archéologique de Sens, XXXVIII, 1931-1933, Sens, 1936, pp. 151-182.

30. Henri Jaccard, Essai de toponymie, Mémoires et Documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse Romande, seconde série, t. VII, Lausanne, 1906, p. 166.

31. On peut évidemment l'utiliser pour enlever une épaisse couche stérile superficielle.

32. Paul-Louis Pelet, Une industrie primitive…, op. cit.

33. Un simple sondage dans un champ labouré du Trésis des Alleveys (commune de La Sarraz) où subsistent les vestiges d'un habitat donne au contraire des scories ferrugineuses, les tessons d'une soixantaine de vases romains, une monnaie de Commode (voir Fer, charbon, acier, cité plus haut p. 791, chap. 12). Le refuge de Châtel-sur-Montricher (altitude 1 390 m) qui remonte aux Grandes invasions livre, à côté d'une faible quantité de scories et de minerai, une centaine de monnaies du Bas-Empire et tout un matériel céramique ou vestimentaire (fibules, passants de ceinture, etc.) des ive et ve siècles.

34. C'est grâce à l'amicale collaboration d'inspecteurs forestiers d'une part, de géologues, de minéralogistes et de chimistes de l'Université, de géomètres de l'École polytechnique fédérale de Lausanne d'autre part, c'est grâce aussi aux analyses chimiques quantitatives des laboratoires Sulzer frères à Winterthur et à celles du Laboratoire C 14 de l'Institut de physique de l'Université de Berne, que nous avons réuni les éléments nécessaires à nos déductions.

35. En Chine, la mise au point de soumets à pistons permet d'atteindre des chaleurs beaucoup plus élevées et de la fonte dès le ive siècle ap. J.-C. Voir Joseph Needham, « Évolution de la technologie du fer et de l'acier en Chine, hauts fourneaux chinois », dans Revue d'histoire de la sidérurgie, II, 1961/4, pp. 235 ss.

36. Pline L'Ancien, Histoire naturelle, Livre XXXIV, ch. 14.

37. Gaspard de Courtivron et Jean-Étienne Bouchu, op. cit., p. 44.

38. Joseph Wilhelm Gilles, « 25 Jahre Vorgeschichtsforschuhg… » op. cit.

39. Forbes, Robert James, Metallurgy in Antiquity, Leiden, 1950, p. 129 Google Scholar. Voir aussi du même auteur, Studies in ancien technology, vol. IX, Leiden, 1964.

40. Carte Nationale de la Suisse au 1/25000, feuille 1222, Cossonay, coordonnées 526,575/169, 575.

41. Ibid., coordonnées 526,550/169,450.

42. Ibid., coordonnées 526,575/169,525.

43. Ibid., coordonnées 525,625/168,625.

44. Ibid., coordonnées 524,087/168,975.

45. Nous avons choisi le plus petit modèle, à 800 cases, système Kistermann-Uhlein, Sicht-Rand-Lochkarte Din A 6/800, de Schlitz/Hesse. La perforation se fait aux intersections des réseaux.

46. Fer, charbon, acier, op. cit., chap. 6.

47. M. Radwan, « L'ancienne technique sidérurgique polonaise », dans Revue d'histoire de la sidérurgie, VII, 1966/2, pp. 163-188.

48. Pour déterminer le degré de parenté des fourneaux pris deux à deux, il ne suffit pas de compter le nombre de caractéristiques communes. Il faut établir le rapport entre ce nombre et la moyenne des caractéristiques connues pour les deux fours. Ainsi I et IX ont cinq points communs sur sept. Leur indice brut d'apparentement est 5/7, soit 0,7. Ce chiffre ne prend de signification que s'il est comparé à une moyenne tirée premièrement de la moyenne des indices de tous les fours étudiés pris deux à deux, soit 0,54, et secondement de la moyenne des indices de parenté de chacun des deux fours comparés avec tous les autres. Ainsi l'indice de I est 0,76 ; celui de IX, 0,47. Leur indice moyen de parenté s'élève

La parenté relative de I et de IX est de . Elle est supérieure de 22 % à la moyenne.

Du fait du petit nombre de caractéristiques pris en considération, il n'est possible de parler d'apparentement que pour des fours dépassant de 33 % au moins la moyenne utile. Les parentés réelles entre les fours n'apparaîtront qu'avec un dépassement de la moyenne de 66 % au moins.

49. Fer, charbon, acier, op. cit., chap. 7 : « Les fourneaux, étude comparative ».

50. Le calcul de la durée d'une exploitation forme une équation à multiples inconnues. Comme les scories des derniers fourneaux sont certainement évacuées en cours de réduction, il n'est guère possible d'évaluer le volume de déchets produit par chaque chauffe, ni la durée de l'interruption entre chacune d'elles. D'autre part, combien de temps va prendre le charbonnage, quand la récolte de minerai se fait-elle (automne pour la saison suiVante, ou printemps) ? Bref, les forgerons fondent-ils le minerai cinq à six mois d'affilée ou quelques semaines chaque année ? La rareté des déchets ménagers suggère une période courte, qui se répète pendant quelques saisons.

51. Archives de l'État de Genève, Isaac de Monthouz, notaire, vol. 6, fol. 20-32, l633, 3 février.

52. D'après les recherches en cours. Le haut fourneau de Noirvaux, entre 1791 et 1793 ne produit que 252 tonnes en tout. Voir Paul-Louis Pelet et Lucienne Hubler, op. cit., pp. 20-21.

53. Voir E. Schônbauer, « Beitrâge zur Geschichte des Bergbaurechts », dans Mùnchener Beitrâge fur Papyrusforschung, XII, 1929, pp. 1-203.

54. Cartulaire de l Abbaye de Montheron, éd. par Frédéric de Gingins-la Sarra, Mémoires et Documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse Romande, Première série, XII, Lausanne, 1853, acte 1, p. 6, 1142, 21 janvier.

55. Archives Cantonales Vaudoises, C Vlla 298, 1331, mars.

56. Léon Montandon, « Les premiers ferriers du Val de Travers », dans Musée Neuchâtelois, 1920, pp. 52 ss.

57. Voir Paul-Louis Pelet, Sidérurgie frontalière, op. cit.

58. Paul-Louis Pelet et Lucienne Hubler, op. cit., p. 33.

59. D'après les travaux en cours au Centre de recherche d'histoire économique et sociale.

60. Jaccard, Robert, Sainte-Croix et ses industries, Lausanne, 1932 Google Scholar ; du même auteur, Sainte-Croix dans le passé, Lausanne, 1950.