Cet article entend proposer une nouvelle lecture des origines de l’historiographie mondiale de la Révolution française. De fait, alors que la thèse de Robert Palmer et de Jacques Godechot situe la « révolution transatlantique » dans les années 1950, ce changement de paradigme fut en réalité préparé par les débats qui avaient animé la France de l’entre-deux-guerres. Les historiens français ont commencé à prendre ce « tournant global » en 1936, l’année de la création de l’Institut international d’histoire de la Révolution française (Iihrf). L’objectif de ses membres fondateurs, Philippe Sagnac et Boris Mirkine-Guetzévitch, était de faire de l’historiographie de 1789 un instrument qui permette de développer les relations internationales dans une période de grande fragilité diplomatique. L’Iihrf joua un rôle de précurseur dans l’étude de la Révolution en vertu de sa dimension interdisciplinaire et de l’étendue géographique et chronologique de ses travaux. Cela dit, l’Institut demeurait profondément lié aux intérêts géopolitiques français et à l’idée d’une supériorité culturelle, elle-même indissociable du concept de « civilisation ». Fermé à cause de l’Occupation, l’Iihrf déménagea à New York, inaugurant un chapitre particulièrement remarquable des échanges intellectuels franco-américains. Après la guerre, non seulement l’institution n’avait plus de raison d’être diplomatique, mais son projet intellectuel fut très vite éclipsé par le défi de la décolonisation et par la montée en force de nouvelles approches de l’histoire mondiale. L’évolution et la disparition finale de l’Iihrf soulèvent des questions intéressantes sur trois points, qui traverseront de part en part cet article : le sens de 1789 en tant que repère politique ; les différentes méthodologies des histoires « internationale », « mondiale » et « atlantique » ; la reconfiguration des paradigmes de la recherche historique à l’aube de la guerre froide.