Deux vastes enquêtes archéologiques récentes sur le monde rural de la Bretagne insulaire et de la Gaule du Nord à l’époque romaine offrent l’occasion de proposer une vision renouvelée des campagnes et de réfléchir sur les modalités de la croissance de l’économie antique dans les provinces du nord-ouest de l’Empire. Il apparaît aujourd’hui que celle-ci s’est appuyée sur un socle protohistorique déjà très solide et que la conquête n’a pas, en elle-même, provoqué des mutations immédiates ou de véritable boom économique. Le développement de l’agriculture s’apparente à un mouvement de long terme qui a atteint son pic au IIe siècle, avant de régresser doucement, ses limites ayant alors probablement été atteintes. L’émergence de la villa romaine, traditionnellement considérée comme le moteur du progrès, s’est faite plus lentement qu’on ne le pensait, et il s’agit maintenant de revenir sur l’opposition classique entre grands domaines réputés productifs et petites fermes vouées à l’autosuffisance. Les deux enquêtes menées de part et d’autre de la Manche ont en outre beaucoup insisté sur la diversité des systèmes agro-pastoraux observés. L’article se propose donc de réexaminer les indices de la croissance à l’aide de divers proxies (densité de l’occupation du sol, volume des greniers, taille des animaux), les possibles facteurs de l’essor économique (démographie en hausse, accroissement de la surface cultivée, méthodes de culture, meilleure productivité, nouveaux marchés) et le rythme du développement, tout en soulignant les limites de celui-ci et la différenciation régionale qui en a résulté.