L'enquête sur « crimes et criminalité dans la France d'Ancien Régime » inaugurée par notre ami François Billacois (Annales, 1967, pp. 340-349) aboutira à la prochaine publication d'un premier bilan. L'article de M. Abbiateci, qui paraît ici, est extrait de l'une des études qui composent cette publication. Le présent travail, entrepris sous la direction de P. Goubert, s'appuie essentiellement sur les archives criminelles du Parlement de Paris (tribunal d'appel qui a légué des séries continues mais sèches d'arrêts, et des séries charnues mais lacunaires de pièces d'instruction). Faute du loisir de s'enfoncer dans les séries B d'une trentaine de départements, l'auteur n'a consulté en première instance que les fonds du Châtelet. Avec sagesse, il s'est abstenu de donner une géographie ou une chronologie du crime d'incendie. La typologie psychosociale qu'il dresse ici n'épuise cependant pas son analyse du phénomène. Crime redoutable que beaucoup de juristes estiment « cas royal » et passible du bûcher, faute que l'Église punit d'excommunication, arme à portée de tous, l'incendie est, dans une société éminemment « fragile », un « moyen de pression » des isolés, ou, selon l'expression d'E. Hobsbawm une façon de « marchandage collectif ».
Une étude du crime peut-elle fonder une observation sociale ? Peut-on pour l'Ancien Régime, et pour les campagnes en particulier, tenter ce que Louis Chevallier a fait pour le Paris du XIXe siècle ? C'est pour essayer de répondre à cette question que nous avons étudié un crime, l'incendie volontaire, à partir des procès jugés en appel au Parlement de Paris entre 1730 et 1789.
L'incendie, crime de tous les temps, est susceptible d'interprétations variées, et variables. Au Moyen Age, le boutefeu est lié au démon, aux puissances de l'enfer. A l'époque contemporaine, le pyromane passe pour un fou : le crime d'incendie révèle moins des conflits sociaux que des troubles psychiques et sexuels.