La découverte de l'Amérique et la révélation des « nouveaux horizons » ne sont pas les principales difficultés que rencontre la géographie de la Renaissance. Plus malaisé à concevoir que l'intégration d'un autre monde à l'imago mundi traditionnelle, le changement d'échelle qui fait passer d'un oekoumène insulaire, restreint et considéré comme plat sur la surface des eaux, à la totalité sphérique du globe terraqué, exige un déplacement du point de vue en hauteur. Au regard proche des descriptions antiques et médiévales se substitue un « regard éloigné ». Le modèle théorique qui permet l'ascension du regard et la distance accrue de l'observateur par rapport à l'objet-monde, est paradoxalement emprunté à l'Antiquité: c'est la cosmographie ou géographie universelle qui, selon la définition canonique de Ptolémée, décrit le monde par les cercles du ciel et leur projection sur la terre (écliptique, équateur, colures, parallèles, méridiens), et non pas suivant la morphologie propre aux lieux considérés, comme le fait en revanche la choro- ou topographie, dont les articulations et les frontières se modèlent sur les littoraux, les fleuves et les chaînes de montagnes.