Historien bien connu des activités portugaises d'Outre-Mer, attentif à suivre les progrès de l'histoire économique et à contribuer de la meilleure façon à en accélérer le rythme, M. VITORINO MAGALHAES GODINHO, collaborateur très apprécié des Annales, nous offre un nouvel ouvrage. Ayant eu l'occasion de réunir des séries de prix portugais, il a été encouragé par le Centre de Recherches historiques de la 6e section à « introduire le cas portugais dans le grand débat d'histoire des prix » qui préoccupe toujours si fort historiens et économistes. Présenter des sources, poser des problèmes : il se défend d'avoir eu pour l'instant d'autres ambitions.

Les géographes n'ont pas fini de s'interroger sur l'objet et la portée de leur discipline. Pourquoi s'en affligerait-on si, ce faisant, ils restent décidés à ne pas élever de murailles entre elle et les disciplines voisines? C'est au moins l'indice qu'ils s'efforcent de ne pas cheminer en aveugles. Plusieurs prises de position récentes, françaises et allemandes, en apportent témoignage.

Si certains Allemands, comme Troll ou Mortensen, estiment que la géographie est maintenant maîtresse de son objet et de ses méthodes, d'autres,. comme Obst, Schmitthenner ou Lautensach, engagent une discussion qui prouve que l'unanimité n'est pas plus faite là que chez nous. Les progrès même de la géographie régionale, la complexité croissante des relations mises en évidence par l'analyse géographique d'une contrée ont conduit certains géographes à se demander si la généralisation était encore possible et si l'on pouvait donner .un contenu véritablement scientifique à une géographie générale.

La thèse de M. Etienne Juillard s'inscrit dans un ensemble de préoccupations nées des multiples problèmes posés par les survivances et les réadaptations économiques et sociales dans les campagnes depuis le milieu du XIXe siècle.

Ce n'est certes pas la première fois qu'une telle question est abordée. Il semble cependant que les efforts antérieurs aient surtout porté sur des cas pathologiques de dépeuplement grave ou de crise agricole ouverte : or il est des « bons pays » qui, tout en conservant leur réputation de prospérité, se trouvent depuis nombre d'années en état de crise latente.

Tout le monde sait qu'une forêt représente pour un village une considérable fortune. Les villages forestiers sont très fiers de leur privilège, et il faut avoir entendu nos anciens dire d'une commune quelconque : « Oh ! c'est un village de rien, ils n'ont pas seulement 10 ha. de forêt ! » pour comprendre jusqu'à quel point.

Mais ce qu'on ignore et qui n'a, je crois, jamais été précisé, c'est ce que rapporte exactement sa forêt à un village, quelle marge de sécurité elle lui donne, quelle aisance économique, quel rythme elle imprime à son existence, quels échanges internes elle détermine, quels sous-produits elle offre à la communauté, et le tout dans quelles proportions. C'est l'objet de la présente note. Je prendrai l'exemple de la commune de Lougres (Doubs) qui ne vaut pas mieux que d'autres, mais qui m'est simplement plus connue et que j'ai pu observer sur place depuis de nombreuses années.

Qui, entendant parler du livre d'Elinor Castle Nef, Letters and Notes, publié au lendemain de la mort de cette femme d'élite par son mari, se contenterait de dire : «Témoignage respectable et touchant d'un amour conjugal que la mort n'a point brisé, mais je n'ai pas assez connu l'auteur pour que ces souvenirs puissent m'intéresser », commettrait une lourde erreur. Et d'abord se priverait du plus grand des plaisirs : celui de découvrir un talent réel, une intelligence originale, des dons hors série, brusquement et sans préparation. J'ajoute : s'il est Français, il se priverait d'une source jaillissante et rejaillissante à toutes les lignes et à toutes les pages, des réflexions, des méditations, de comparaisons sur son pays. La France, cette grande passion de l'authentique Américaine que fut Elinor Castle Nef. La France évoquée à toutes les pages du livre, ou presque.

A la lecture d'une thèse de lettres, l'historien du droit éprouve d'ordinaire un sentiment d'admiration mêlé de quelque inquiétude : admiration devant le résultat tangible d'un effort ascétique prolongé pendant une bonne dizaine d'années ; inquiétude de voir tant d'application, de savoir, de renoncement déboucher dans le culte du détail pour le détail, aboutir à un rétrécissement excessif du champ de vision. Dans le cas de la thèse de M. Duby, disons tout de suite que notre admiration est sans mélange. L'auteur, qui connaît à fond son métier d'historien, a de plus le bonheur, qu'on lui envie, d'être doué des plus séduisantes qualités d'écrivain. Sa thèse, de la plus haute valeur scientifique, est en même temps une oeuvre d'art. Son savoir-faire a quelque chose de pictural, qui donne aux analyses les plus ardues des allures de fresques, hautes en couleurs, pleines de relief, tout imprégnées de vie. Il se dégage de ce livre une chaleur humaine sympathique.

Les études historiques relatives à la Chine contemporaine sont encore loin de connaître en France, de même qu'en Occident en général, un essor à la mesure de leur intérêt propre. C'est faute sans doute d'avoir correctement déterminé les rapports entre l'histoire de Chine et l'histoire mondiale à cette époque, faute aussi d'avoir précisé quelle « division du travail » pouvait s'établir entre sinologues historiens d'Occident et historiens chinois, qu'on a laissé prendre à ces études ce retard regrettable. Ce sont donc des principes de travail qu'il faut commencer par définir, avant même de se proposer des perspectives concrètes.

Les bureaux arabes ont été l'un des rouages essentiels et peut-être le plus caractéristique du régime militaire en Algérie. Si la conquête a été l'œuvre de l'armée, le maintien et l'affermissement de la domination française a été celle des bureaux arabes. « Émanation de l'armée, machine militaire arabe », selon l'expression d'un de ses représentants les plus remarquables, Lapasset, l'institution elle-même a donné lieu à des appréciations contradictoires inspirées plus souvent par des préventions politiques que par l'examen impartial des faits que, d'ailleurs, la rareté des documents rendait fort malaisé. Il n'en va plus de même aujourd'hui. Les passions sont apaisées, les archives ouvertes aux travailleurs. Il devient donc possible d'aborder le sujet en connaissance de cause. Une étude d'ensemble devra toutefois être précédée de nombreuses études de détail.

L'histoire des prix en Allemagne n'a donné lieu à aucune publication depuis la parution en 1949 du tome complémentaire au second volume du scrupuleux travail de J. M. Elsas. Le livre de M. Emil Waschinski attire de ce fait une attention particulière; il étudie une région rurale bien délimitée, d'une incontestable unité, très anciennement exportatrice de grains et de bétail vers Hambourg et Lûbeck, et même au delà. Exclusivement centré sur l'observation des denrées agricoles, il touche bien un problème essentiel de l'histoire économique des duchés.

Signalons sans plus tarder l'important ouvrage que M. STELLING-MICHAUD consacre à L'Université de Bologne et la pénétration des droits romain et canonique en Suisse aux XIIIe et XIVe siècles. C'est un grand sujet et un livre plein de choses. Sur l'Université même de Bologne, sur la vie des étudiants, sur les opérations financières auxquelles ils se livraient pour subvenir à leurs dépenses (les études de droit, dès ce temps, étaient chères : de 20 à 50 livres pour le logement et la nourriture au XIIIe siècle, sans compter tout le reste), sur le commerce des manuscrits juridiques, — l'ouvrage abonde en données précises. De même, et plus encore, sur l'appartenance sociale et l'origine géographique des étudiants.

Les origines de la population des villes ont déjà bien des fois tenu leur place dans les recherches d'histoire urbaine ; on a pourtant eu tendance à s'en tenir aux classes les plus élevées, à la haute bourgeoisie. Celle-ci ne constitue pas la majorité de la population des villes et, personnellement, je n'ai jamais songé à étendre à tout Arras ce que j'ai dit de l'origine des « dynasties bourgeoises ». Peut-être, en attendant des enquêtes plus nombreuses, pourrait-on déjà rassembler les conclusions que l'on a pu tirer, ici ou là, de recherches poursuivies suivant une méthode identique et qui mettent en lumière l'utilisation faite un peu partout de noms de personne d'origine géographique. Le premier cas est peut-être le moins typique : il concerne la création de villes, les bastides du Sud-Ouest, dont l'origine se situe en général entre 1230 et 1350. M. Odon de Saint-Blanquat, notant que les habitants sont originaires des régions circonvoisines, n'hésite pas à parler de « fait presque général ».

Aux prises avec les difficultés croissantes qui s'opposent, dans l'état actuel de l'imprimerie sinon de l'édition, à ce que les revues qualifiées de savantes puissent paraître à l'heure en dépit d'efforts obstinés et décevants — je prends la décision de publier, sans plus attendre, sur les livres que je reçois et que je goûte particulièrement, un court avis de réception. Il ne me libère naturellement pas de façon définitive vis-à-vis des auteurs. Mais si je tarde un peu à discuter avec eux, du moins les lecteurs des Annales sauront-ils que tant de livres excellents ont été publiés, et pourront-ils, s'il leur plait, se les procurer.

C'est une audacieuse entreprise que tente Antonio José Saraiva en commençant une importante Histoire de la culture au Portugal. Mais il y était qualifié par de nombreux travaux qui, de Gil Vicente à Eça de Queiroz, en passant par Bernardim Ribeiro, Camoëns, Garret, Herculano, Oliveira Martins, l'avaient amené à jeter d'heureuses lumières sur des personnages et des sujets des plus divers. Une fois déjà il avait manifesté tout l'intérêt qu'il prenait à un élargissement de l'histoire littéraire traditionnelle en publiant un très remarquable volume d'essais sous le titre révélateur de : Pour une histoire de la culture au Portugal.

On ne manquera pas toutefois de se demander si l'ouvrage correspond bien à ce qu'il promet. On pourrait objecter à Antonio Saraiva ce qu'il écrivait lui-même il y a quelques années dans le livre que nous venons de citer : « Les deux termes de Culture et de Littérature ne coïncident pas…, l'histoire de la littérature n'est qu'un degré de l'histoire de la culture » (p. XVIII).

Si l'histoire de l'architecture baroque en Espagne n'est plus à faire, il est nécessaire cependant d'en reviser certaines données. Depuis la parution, en 1908, de l'ouvrage de l'architecte allemand Otto Schubert, Geschichte des Barocks in Spanien, étude synthétique et détaillée de l'architecture espagnole de la Renaissance au XVIIIe siècle, aucun travail d'ensemble n'a été réalisé sur le même sujet. Seuls le livre du Père Braun, Spaniens alte Jesuitenkirchen (1913), quelques articles et monographies sont venus apporter certains détails de documentation, assortis de points de vue originaux. Mais les traités et manuels d'histoire de l'art espagnol n'ont généralement l'ait que reprendre les éléments déjà établis par le grand savant au début de ce siècle, et diffuser ses idées.