Published online by Cambridge University Press: 24 October 2008
In a manuscript which is being studied here for the first time, al-Samaw'al (12th century) quotes a paragraph from al-Bīrūnī (11th century) which shows that the latter knew not only of Brahmagupta's method of quadratic interpolation, but also of another Indian method (called sankalt). Al-Samaw'al examines these methods, as well as linear interpolation, compares them, and evaluates their respective results. He also tries to improve them. In this article the author shows that al-Bīrūnī had used four methods of interpolation, two of which were of Indian origin; and that al-Samaw'al explicitly introduced a new way of evaluating these different methods. He also throws light on the active movement of research on numerical methods that constitutes the background to al-Bīrūmī's and al-Samaw'al's work, and uses modern means to evaluate the different methods and to justify the mathematicians' choices. The author has edited and translated al-Samaw'al's text in order to make it available to historians of Arabic and Indian mathematics. This allows them to follow the history and the mathematical arguments, and deepens our understanding of the importance to the development of mathematics of certain astronomical work. It also highlights the contribution of Indian mathematicians to the development of Arabic mathematics.
Dans un texte manuscrit jamais examiné auparavant, al-Samaw'al (Xlle siècle) cite un paragraphe d'un écrit d'al-Bīrīnī (Xle siècle) qui montre bien que ce dernier connaissait non seulement la méthode d'interpolation quadratique de Brahmagupta, mais également une autre methode indienne (dite sankalt). Al-Samaw'al éetudie ces méthodes ainsi que l'interpolation linéaire, les compare les unes aux autres et par conséquent s'interroge sur leurs performances respectives afin d'opter pour la meilleure, et tente de les perfectionner. Dans cet article, l'auteur montre qu'al-Bīrūnī disposait de quatre méthodes d'interpolation, dont deux sont d'origine indienne, et qu'al-Samaw'al a introduit explicitement une nouvelle interrogation pour juger de la performance des différentes méthodes; il restitue les études d'al- Bī;rūnī et d'al-Samaw'al dans le mouvement actif de recherche sur les méthodes numériques, et reprend avec des moyens modernes la comparaison entre les diverses méthodes pour comprendre les choix des différents mathématiciens. L'auteur établit et traduit le texte d'al-Samaw'al afin de le rendre accessible aux historiens des mathématiques arabes et indiennes, et pour permettre aux lecteurs de suivre l'exposé' historique et mathématique qui vise, au-delà de ces résultats, à mieux connaître l'apport de certaines recherches en astronomie au développement des mathématiques, et d'autre part, la contribution des mathématiciens de l'Inde à l'histoire des mathématiques arabes.
1 Sur la vie et les travaux d'al-Bīrūnī, cf. Boilot, D. J., “L'Œuvre d'al-Bērūnī: Essai bibliographique,” Mélanges de l'Institut d'Etudes Orientales du Caire (MIDEO) 2 (1955), pp. 161–256Google Scholar et “Corrigenda et addenda,” Mélanges de l'Institut d'Etudes Orientales du Caire (MIDEO) 3 (1956), pp. 391–6;Google ScholarKennedy, E. S., article sur al-Bīrūnī dans Dictionary of Scientific Biography (New York, 1970), vol. 2, pp. 147–58;Google Scholar et le livre d'al-Bīrūnī, Fī Fihrist Kutub al-Rāzī, établi et traduit en persan par Muhaqqiq, M., Publication 1406 des Presses de l'Université de Téhéran (Téhéran, 1973).Google Scholar
2 Rashed, R., Entre arithmétique et algèbre: Recherches sur l'histoire des mathématiques Arabes, Les Belles Lettres (Paris, 1984).Google Scholar
3 Al-Bīrūnī a composé un traité de cent folios sur L'extraction des racines cubiques et des côtés de puissances supérieures du calcul. Ce traité, mentionné dans la liste des œuvres établie par lui-même [cf. Boilot, “L'Œuvre d'al-Bērūnī,” p. 187], est perdu. Al-Khayyām, nous l'apprenons de l'introduction de son algèbre, a également composé un traité sur le même theme. Pour al-Samaw'al, cf. R. Rashed, Entre arithmétique et algèbre, et pour al-Ṭūsī, cf. Rashed, R., L'Œuvre mathématique de Sharaf al-Dīn al-Ṭūsī. Algèbre et géométrie au XIIe siècle, Les Belles Lettres (Paris, 1986).Google Scholar
4 Dans al-Zīj al-Ḥākimī, chapitre 10, Ibn Yūnus (950–4009 environ) – cf. Schoy, C., “Beiträge zur arabischen Trigonometrie,” Isis 5 (1923), pp. 364–99 (pp. 390–1)CrossRefGoogle Scholar et King, D., “The Astronomical Works of Ibn Yūnus,” Ph.D. (Yale University, 1972), p. 82Google Scholar — donne une méthode d'interpolation quadratique qui peut s'écrire (pour le sens des notations, voir la fin de l'introduction)
Il est évident que la parabole définie par cette équation passe par le point A-1. Al-Khāzin (milieu du Xe siècle) a également donné une formule d'interpolation quadratique. Cf. Hamadanizadeh, J., “Interpolation Schemes in Dustūr al-Munajjimīn,” Centaurus 22.1 (1978), pp. 44–52.CrossRefGoogle Scholar
5 Cf. Rashed, R., Géométrie et dioptrique au Xe siècle. Ibn Sahl, al-Qūhī et Ibn al-Haytham, Les Belles Lettres (Paris, 1990).Google Scholar
6 Al-Bīrūnī s'efforce en effet de justifier géométriquement l'interpolation linéaire, ainsi que la non-égalité des differences. Cf. par exemple le troisième livre, Al-Maqāla al-Thālitha min al-Qānan al-Mas'ūdi (Livre 3), établi par Dr Imām Ibrāhīm Ahmad (Le Caire, 1965), pp. 360 sqq. Coll. “Lajnat Ihyā' al-Turath al-Islāmī.”
7 Cf. Brahmagupta, , The Khandakhādayka. An Astronomical Treatise of Brahmagupta; traduit par Sengupta, P. C. (University of Calcutta, 1934); voir plus loin.Google Scholar
8 D'alBīrūnī lui-même, nous savons qu'il avait composé une rédaction du Zīj de Brahmagupta, avant d'avoir achevé la mise au propre de son al-Qānūn. Ainsi, il écrit dans la liste de ses ouvrages:
“J'ai corrigé le zīj d'al-Arkand (c'est-à-dire le Khandakhādayka de Brahmagupta), et je l'ai rendu dans mes termes, car la traduction qui en existe est incompréhensible, et les termes indiens y sont laissés dans leur état.” [Cf. al-Bīrūnī, Fī Fihrist, p. 27; Boilot, “L'Œuvre d'al-Bērūnī,” p. 178]. Quelques pages plus loin de ce même écrit, al-Bīrūnī nous informe qu'il lui reste encore à mettre au propre certains livres, dont al-Qānūn al-Mas'ūdī [al-Bīrūnī, Al-Qānūn al-Mas'ūdī (Canon Masudicus), Osmania Oriental Publication Bureau (Hyderabad-Deccan, 1955)]. Cf. M. Muhaqqiq dans son édition de Fī Fihrist p. 38; il n'y a done aucun doute qu'al-Bīrūnī connaissait la méthode de Brahmagupta avant d'achever son al-Qānūn.
9 Kennedy, E. S. s'étonne en effet de “the curious fact that a book by Brahmagupta which was well known to al-Bīrūnī contains a legitimate parabolic interpolation ignored by him [al-Bīrūnī] although he mentions the book many times in his writings,” dans “The Motivation of Al-Bīrūnī's Second Order Interpolation Scheme,” Proceedings of the First International Symposium for the History of Arabic Science 2 (Aleppo, 1978), pp. 67–71 (p. 67).Google Scholar
10 Cf. plus loin.
11 Cf. Note 8.
12 Boilot, D. J., “L'Œuvre d'al-Bērūnī,” pp. 188–9; al-Bīrūnī, Fī Fihrist, p. 31. Le mot sankalt est la translittération arabe par al-Bīrūnī d'un terme sanskrit; cf. la note suivante.Google Scholar
13 Dans d'autres textes d'al-Bīrūnī, le terme sankalt ou sankalita signifie strictement somme ou addition, comme dans la somme des carrés d'entiers successifs ou la somme des cubes d'entiers successifs. La traduction exacte sera alors la méthode de l'addition ou la méthode de sommation. II reste que cette méthode est aussi appelée monomiale, al-mufrad. Voir Kitāb al-Tafhīm li-awā'il ṣinā'at al-tanjīm, traduit par Whright, R. Ramsay (London, 1934), p. 31. Voici ce que D. Pingree a bien voulu nous écrire à propos du sens de ce terme: “The word sakal in Sanskrit means “add together, heap together.” As a technical term in mathematics, sankalita (the past passive participle) means “the sum of a series” – usually of arithmetic progression. I have never seen it used in Sanskrit to mean “a quadratic interpolation method.” The only relationship of sankalita to interpolation methods that I can think of is with respect to the Sine-tables, whose entries are regarded as the sums of the sums of the second differences, subtracted from the angles, and where interpolations between entries are based on second differences.”Google Scholar
14 Voici la traduction que donne Sengupta du texte de Brahmagupta: “Multiply the residual arc left after division by 900' [d] (i.e. by 15°), by half the difference of the tabular difference passed over and that to be passed over and divide by 900' (i.e. by 15°); by the result increase or decrease, as the case may be, half the sum of the same two tabular differences; the result which, whether less or greater than the tabular difference to be passed, is the true tabular difference to be passed over,” The Khandakhādayka, p. 141.
15 Cf. note précédente.
16 Pour l'interpolation inverse des sinus par exemple, cf. Al-Maqāla al-Thālitha min al-Qānūn al-Mas'ūdī, pp. 269–70.
17 On a successivement
Soient aβ, aγ, aδ et ac les cœfficients directeurs des tangentes de ces courbes, il vient en A-1
en A0
D'autre part, le cœfficient directeur de la corde celui de la corde (si Δy-2 est défini), et celui de la tangente au point A-1, est -(1 + y2-1,). Ce dernier vérifie
A l'aide de la formule de Taylor, on peut préciser que
et plus généralement
Pour la courbe cotangente δyi < 0 et δyi croissent, δ2yi > 0 et δ2yi décroissent. Les valeurs x qui annulent y′β, y′γ, y′δ donnent les abscisses de sommets respectifs S des paraboles Pβ, Pγ et Pδ et on vérifie que pour:
et ainsi la position du sommet de Pβ par rapport à A0 dépend du rapport Δy-2/Δy-1.
18 Henrici, P., Elements of Numerical Analysis, Wiley, John (New York, 1964), pp. 196 sqq.Google Scholar
19 Pour ; le point A-2 de C est au-dessous de Pβ, done 0 < η < x-2.
20 Ces deux nombres seraient les cœfficients directeurs des tangentes de Pδ et C au point A-1, si l'on faisait le changement de variable . Dans , d = 180 comme dans la formule des monômes; dans–d(1 + y2-1), d doit être exprimé en radians, car –d(1 + y2) est la dérivée de y = cotg(dX + x0).
21 Cf. le texte d'al-Samaw'al.
22 Cf. Rashed, R., L'Œuvre mathématique, vol. 1, pp. XLI sqq.Google Scholar
23 Il s'agit en fait des “astrologues” comme on le sait par le titre du livre d'al-Samaw'al. Mais comme il s'agit ici des techniques utilisées par les astronomes et non pas seulement par les astrologues, nous optons pour cette traduction.
24 L'usage de l'expression “ce qui reste des quote-parts” n'est pas clair. L'auteur semble vouloir désigner ∣x — xi∣ dans le rapport ce qui exprime d'une manière évidente une approximation linéaire sur l'intervalle [xi, xi+1].
25 Littéralement: les lignes de ce gui est pris, dans tout le texte.
26 Monôme traduit al-mufrad qui veut dire singulier ou terme unique. Il est associé à chaque nombre entier n; m(n) = n(n + 1)/2. Notons qu'il s'agit d'un singulier qui exprime le pluriel; au cours de la traduction nous opterons pour l'une ou l'autre forme suivant le contexte.
27 Le terme utilisé ici est zill qui signifie ombre et gui désigne, selon le cas, la tangente de l'arc ou la tangente de l'arc complémentaire, c'est-à-dire la cotangente.
28 Les angles sont exprimés en parties, c'est-à-dire en degrés, et les cotangentes en doigts. A propos de ces unités, voir commentaire.
29 Il s'agit ici de la valeur calculée à partir du quotient du cosinus par le sinus.
30 Littéralement: la ligne du nombre; singulier ayant le sens d'un pluriel nous l'avons done traduit par “les lignes de nombres” tout au long du texte.
31 Comme nous l'avons noté, on considère ici les valeurs absolues des différences; la condition est donc
Si cette condition est vérifiée, alors la quantité
sera ajoutée à
,
elle en sera en revanche retranchée dans le cas contraire. Ceci revient à tenir compte de la concavité de la courbe et du signe de (x – x0). Dans le texte, on prend par hypothèse x < x0. Si la fonction considérée est décroissante, on a deux cas
La fonction y = cotgx correspond au premier cas.
32 Kardajat, vient de l'indien Karmajia qui est le sinus de 225'; supposant que p soit égal à 3,1416 on a R = 3438' si le cercle entier est C = 21600' (C = 2p R), on identifie le sinus de 225' à l'arc lui-même, on leur donne à tous deux le même nom, Nallino, voir C., ‘Ilm al-Falak. Tārihuhu 'anda al-'Arab fi-l-Qurūn al-Uṣta, (Roma, 1911), pp. 168 sqq. Pour tout arc inférieur à 225' on a identifié les valeurs de l'arc et de son sinus. Il semble que l'auteur exprime que 5° et cotg. 5° pris ainsi comme point de départ, jouent le rôle de 225' et sinus 225' dans le calcul des sinus par la méthode de Brahmagupta.Google Scholar
33 C'est-à-dire 138 doigts 25 minutes.
34 Valeur par excès, l'auteur a donné précédemment cotg 2° = 343 d 38'.
35 L'auteur néglige ici les secondes, on verra plus loin cotg 3° = 228 d 58'25”.
36 C'est-à-dire exprimé en degrés, minutes, et secondes.
37 L'auteur a annoncé une double multiplication de Δ2y-1 = 57 d 28', d'une part par 30' c'est-à-dire 1/2 et d'autre part par 1/2. Or en fait il n'a multiplié qu'une seule fois par 1/2, les calculs qui vont suivre sont nécessairement faux. Il s'agit d'une manière évidente d'un oubli, car le même calcul est conduit correctement dans un autre exemple traité plus loin. Notons que, malgré l'erreur de calcul, la conclusion reste exacte; dans cet exemple l'erreur est en effet inférieure à celle de la méthode des astronomes.
38 Dans le manuscrit le mot “élevé” au-dessus de 7 et 24 indique que ces deux nombres correspondent à des unités de rang supérieur à celui de l'unité du nombre 27 au-dessus duquel on lit le mot degré. En réalité l'unité qui correspond au nombre 27 est le doigt.
39 Le monôme de 60 qui est 1830 est exprimé ici en notation sexagésimale 30°30'.
40 Cette méthode doit redonner exactement le résultat d'Abū al-Rayhān (voir commentaire).
41 e = 12 d 54', résultat légèrement différent.
42 Dans ce calcul le sinus et le cosinus sont exprimés avec le degré comme unite, et le résultat de la division avec une unité de rang supérieur correspondant à 60°, le résultat en doigts s'obtient done en divisant par 5.
43 On obtient en fait pour Δy−1 9 d 33' 30” au lieu de 9 d 38' 30”.
44 Il multiplie en réalité par 50/60.
45 On obtient en fait
d'où
46 Ces valeurs ne correspondent pas à l'opération indiquée.
47 On a
48 Al-Samaw'al trouve
Il néglige les 25” dans la première expression. D'autre part, la table donne pour cotg 3° 10' 216 d 54' au lieu de 216 d 44′ 24″ qu'il utilise; d'où une légère différence dans les résultats. On trouve e = 2 d 15′ 45″.
49 e = 10 d 20'.
50 Il s'agit du nombre 50 × 51/2 = 1275 transformé en unités sexagésimales avec comme première unité 60°.
51 L'erreur est 5 d 19' 10”.
52 Cf. Al-Maqāla al-Thālitha min al-Qānūn al-Mas'ūdī, p. 315.