Sur une “prothéorie” inédite de la physique d'Aristote
Published online by Cambridge University Press: 24 October 2008
The editing of three anonymous Greek texts preserved in the Parisinus Suppl. gr. 643 allows us to clarify certain ideas on the transmission of knowledge in the Mediterranean during the second half of the 13th century. These texts – an introduction to the Physics of Aristotle, one to De generatione et corruptione and a page of Medical Problems – are in fact translations from Latin probably made at Salerno at the end of the Norman period or at the beginning of the Angevin dynasty. They allow us to establish the influence of the Parisian Faculty of Arts on the Sicilian intellectual milieu of the period and to illustrate how, whilst remaining true to its medical vocation, the University of Salerno evolved nonetheless towards a model of general education in the Arts. Finally these texts reveal the considerable influence – both philological and doctrinal – of Arabic learning on the Aristotelian teaching of their author. This very fact, combined with the presence of the Parisinus in Byzantium, in an environment of advanced philological learning, a few decades after its composition, leads us to question our understanding of the Palaeologan Renaissance as well as its independence with regard to the Arabo-latin scholarly tradition of the 13th century.
L'édition de trois textes grecs anonymes conservés dans le Parisinus suppl. gr. 643 permet de préciser certaines idées sur la transmission des savoirs en Méditerranée dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Ces textes – une introduction à la Physique d'Aristote, une au De generatione et corruptione et une page d'Apories médicales – sont en effet des traductions du latin effectuées probablement à Salerne à la fin de l'ère normande ou au dèbut de la domination angevine. Ils permettent d'établir définitivement l'influence de la Faculté des arts de Paris sur les milieux intellectuels siciliens de l'époque et d'illustrer concrètement comment, tout en restant fidèle à sa vocation médicale, l'Université de Salerne n'en a pas moins évolué vers un modèle artien d'enseignement général. On relèvera enfin l'influence profonde – tant au plan philologique que doctrinal – de la recherche arabe de l'époque sur l'enseignement aristotélicien de notre Anonyme. Ce fait, mis en rapport avec la présence du Parisinus à Byzance, dans un milieu de haute érudition, quelques décennies après sa confection, conduit à s'interroger sur les modalités de la Renaissance aristotélicienne des Paléologues, ainsi que sur son indépendance à l'égard de la scolastique arabo-latine du XIIIe siècle.
1 Omont, Voir H., “Minoïde Mynas et ses missions en Orient (1840–1855),” Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, t. XL (1916): 337–421; voir en particulier p. 404 et p. 412 (“Catalogue de mes manuscrits qui sont chez moi à Paris, M. Mynas”): “Manuscrit in-4°, bombycinus, contenant la Physique d'Aristote φυσιϰ⋯ς ⋯ϰρоάσεως, le premier livre de περ⋯ γɛνέσɛως ϰα⋯ φθоρ⋯ς et le commencement du deuxième, avec des notes et des scolies. Je fis intercaler du papier jaunâtre pour récrire quelques notes ou mots difficiles à déchiffrer. L'ouvrage paraît être du XIe siècle. Cet ouvrage contient 186 feuilles, ou 372 pages, y compris le papier intercalé.”Google Scholar
2 Omont, H., Inventaire sommaire des manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale (Paris, 1888), t. III, p. 289.Google Scholar
3 Canart, Voir P., “Manuscrits d'Aristote et de ses commentateurs sur papier occidental ancien,” Aristoteles Werk und Wirkung Paul Moraux gewidmet, éd. Wiesner, J., 2 vol. (Berlin, 1987), t. II, p. 425.Google Scholar
4 La datation de M. Mynas (“XIe siècle”) est évidemment fantaisiste; celle d'H. Omont (“XIVe siècle”) n'est correcte que pour la partie du manuscrit copiée sur papier oriental.
5 Harlfinger, Voir D., Die Textgeschichte der pseudo-aristotelischen Schrift Περì⋯τóμων γραμμ⋯ν. Ein kodikologisch-kulturgeschichtlicher Beitrag zur Klärung der Überlieferungsverhältnisse im Corpus Aristotelicum (Amsterdam, 1973), p. 60, n. 1, ainsi que D. Harlfinger et M. Rashed, “Survie byzantine du Commentaire d'Alexandre d'Aphrodise à la Physique d'Aristote. Vers une édition des scholies du Paris. suppl. gr. 643 et du Paris. gr. 1859,” à paraître dans Philologus.Google Scholar
6 On trouvera un début de discussion de ces difficiles problèmes dans Reil, M., “Zur Akzentuation griechischer Handschriften,” Byzantinisehe Zeitschrift, 19 (1910): 476–529;Google ScholarGaffuri, A.L., “La teoria grammaticale antica sull' interpunzione dei testi greci e la prassi di alcuni codici medievali,” Aevum, 1 (1994): 95–115;Google ScholarNoret, J., “Notes de ponctuation et d'accentuation byzantines,” Byzantion, LXV (1995): 69–88.Google Scholar
7 Les historiens ont soulevé la question rhétorique de la prothéorie, à propos de l'unicum transmis par le folio 401 du Vat. gr. 1950, soupçonné depuis A. Brinkmann de constituer la prothéorie de la Vie d'Isidore de Damascius (Brinkmann, voir A., “Die Protheorie zur Biographie eines Neuplatonikers,” Rheinisches Museum, 65 [1910]: 617–26);Google Scholar la première et la seule étude compléte, à ce jour, du phénomène rhétorique de la prothéorie est celle de Diebler, S., “La prothéorie de la vie d'Isidore?: un cornmentaire du fragment * 1,” Damascius – La vie du philosophe Isidore. Traduction (= Mémoire de D.E.A. soutenu à I'É.P.H.É. en juin 1994), pp. 133–55, en particulier pp.135–6.Google Scholar
8 Festugière, Voir A.-J., “Modes de composition des Commentaires de Proclus,” Études de philosophie grecque, pp. 551–74 (initialement paru dans Museum Helveticum, 20, 2 [1963]). On conaît le rôle dévolu dans la culture alexandrine, à la division du commentaire en théorie et en lexis: la thécommence par envisager le sens général et la portée du passage à expliquer, tandis que la lexis, qui lui fait suite, rend compte de la lettre du texte. Étant donné la fonction liminaire de la théorie, on comprend sans peine le glissement terminologique attesté: une fois ce sens de “considération préliminaire”, (Vorbetrachtung) établi, il devenait presque inévitable de l'assimiler à la littérature des proémes et des introductions caractéristiques de l'École. La tradition manuscrite a peut-être conservé trace de ce phénoméne dans trois témoinsGoogle Scholar(Monacensis 495, Mutinensis 144 et Parisinus gr. 963; l'attribution à Hermias - “‘Eρμεíου φιλοσóφον προθεωρíα εἰς τ⋯ν εἰσαἰγωγ⋯ν Πορφνρíον τοũ Φοíνiϰος”–est erronée, le texte étant bien celui d'Ammonius;Google Scholarcf. Busse, A., Porphyrii Isagoge et in Aristotelis Categorias Commentarium, CAG IV 1, pp. XXXIV–XXXV et Ammonius In Porphyrii Isagogen sive quinque Voces, CAG IV 3, p. XXX); mais étant donné la date tardive de ces manuscrits, il paraît plus probable qu'il s'agit là d'une résurgence érudite byzantine (à la façon dont le Vaticanus gr. 307 parle, à propos du proéme de Simplicius, d'une “prothéorie physique” de ce dernier).Google ScholarCf. Sorabji, aussi R., “The ancient commentators on Aristotle,” Aristotle Transformed: the Ancient Commentators and Their Influence, éd. Sorabji, R. (London, 1990), pp. 1–30, p. 8.Google Scholar
9 Phiopon, In De anima 422, 30–31 et 424, 4–13; David, In Porphyrii Isagogen 118, 7 (“ούϰ ⋯λìγης προθεωρìας εἰρημένηςχωρήσωεν έπ‛αύτήν τήν λέξιν”).Google Scholar
10 Hugonnard-Roche, M. H. a la générosité de m'informer qu'on trouve une translittération syriaque du terme grec darts la première partie du commentaire de Probus au De interpretatione.Google Scholar
11 Voir Anonymi in Artem Rhetoncam, 61, 14–22 et Stephanus, In Rhet., 291, 10.
12 Voir Élias, In Cat. 115, 9–116, 14; Simplicius, In Phys. 2, 8–3, 12 et In De Caelo 2, 16–3, 9; Philopon, In Phys. 1, 16–2, 13.Google Scholar
13 Bashed, Voir M., “Alexandre d'Aphrodise et la ‘Magna Quæstio’. Rôle et indépendance des scholies dana la tradition byzantine du corpus aristotélicien,” Les Études classiques, 63 (1995): 295–351, en particulier p. 296, n. 6 et Harlfinger et Bashed, “Survie byzantine.”Google Scholar
14 Canart, Voir P. et Perria, L., “Les écritures livresques des XIe et XIIe siècles,” Paleografia e codicologia greca, Atti del II Colloquio internazionale (Berlin/Wolfenbüttel, 10. 1983), éd.Google ScholarHarifinger, D. et Prato, G. (Alessandria, 1991), t. I, pp. 67–118, t. II (planches) pp. 51–68; voir en particulier p. 88 ( “Les ‘nouveaux styles’ de la fin du XIe et surtout du XIIe siècle”): “après un premier essai dans la deuxième moitié du XIe siècle (est-ce plus qu'une tentative individuelle?) et quelques exemples qu'on peut considérer comme précurseurs, les ‘nouveaux styles’ naissent et se développent durant la première moitié du XIIe siècle, s'afllirment surtout durant la seconde et, nous semble-t-il, perdurent parfois sans modifications notables durant la première moitié du XIIIe siècle: Ia césure se situerait plutôt vers le milieu du XIIIe siécle, quand apparaissent les styles cafligraphiques ‘érudits-modernes’, comme le style bèta- gamma.”Google Scholar
15 Voir, pour la Physique, Harlflnger et Rashed, “Survie byzantine” et, pour le De Generatione et Corruptione, M. Rashed, “La tradition manuscrite du De Generatione et Corruptione,” Recherches sur le De Generatione et Corruptione d'Aristote (= Mémoire de maîtrise soutenu à Paris 1V en juin 1993, p. 14).Google Scholar
16 Ces résultats s'appuient sur des sondages effectués à de nombreux endroits du texte. Rien n'a permis pour l'instant de soupçonner l'utilisation d'une autre source (conservée ou non par ailleurs).Google Scholar
17 Voici, pour s'en convaincre, le début du commentaire de l'Anonyme, qu'on aura soin de comparer simultanément avec la prothéorie ainsi qu'avec le commentaire de Philopon: [21 r°] τοũτο τò διαιρεīται είς προοíμιον ϰαì σύγγραμμα, ϰαì ἄρχεταιτοũ συγγράμματοςέϰεī “⋯νáγϰηδ' ἤτοι μíαν εἶναι”. ϰα⋯τò προοίμον διορίξει πρώτον’ άε⋯γάρ τοũτο προηγεīται τοũ συγγράμματοςώςδηλοī έ τάζις. διά βραχήοςγάρ έν τούτω διορίξει, έν δέ τῷσυγγράμματι ϰατά μέροςπάλιν τό προοίμιον διαιρεīται είςδύο ϰατά τούς⋯ λόγους οừςτίθησι δι ⋯ν δειϰνύει τόν τρόπον τοũ προάγεσθαι τήν φυσυιϰήν έπιστήμην - ϰαìπγηροũται τό προοίμιον. ό ά δέ λόγο⋯ έστς τοιοũτος. ού γάρ λέγεται έπιστήμων εί μή ίδών τήν αίτίαν τοũ πράγματοςϰα⋯ τάς άρζάς ϰαί τό στοιχεīα έν πάση έπισήμῃ έν ᾖ έστ⋯ άρχα⋯ αίτια ϰα⋯ στοιχεīα, διά τήν γν⋯σιν τούτων γνωρίξομεν τά έν αύτῇ ϰαί αύτήν έν τῇ φυσιϰῇ έπισήμμῃ είσ⋯ν αίτια ϰα⋯ άρχαί ϰα⋯ στοιχεīα. ἄρα διά τñςγνώσεως αύτ⋯ν γνωρίζομεν τήν Φυσιχήν έπιστήμην χαί ἅπαντα τά έν αύτῇ. ἄρα έάν θελήσωμεν είδέναι τήν φυσιχήν έπιστήμην <δεī> είδέναι [δεī addidi] πρ⋯τον τάς άρχάς χαί τά στοιχεīα χα⋯ τάς ίτίαςαύτ⋯ν. ἄρα άναγχαīον έστ⋯ το⋯τον τόν τρόπον, τουτέστι διά τ⋯ς γνώσεως τ⋯ν άρχ⋯ν χαί τ⋯ν αίτίων χαί τ⋯ν στοιχείων ⋯ ρχεσθαι είςτήν γν⋯σιν τ⋯ς φυσιχής έπιστήμης. ᾄρα έζ άνάγξης έστι διορίσαι πρ⋯τον τάς άρχάς.+ ένταũθα είπετόν ⋯ να λόγον. ⋯ τερος λόγος δειξνύων τοũ προηγεīσθαι τήν φνσιχήν έπιστήμην έστì τοιοũτος. φυσιχός δή τρóπος τοũ γνωρíζειν ήστì πρ⋯τον τό πραγμα έπί τοũ χαθóλον. έν τῇ φυσιχῇ έπιστήμῃ έστί τρόποπος τοũ γνωρίζειν. ⋯ ρα εν τῇ φυσιχῇ έπιστήμῃ έστί τρóπος τοũ γνωρίζειν τά χαθόλου χαί ⋯ πειτα τά ⋯ξαστον. δέδειχται, őτι πέφυξεν πέφνξεν ήμιν [ήμιν in codice iteratum] ή όδός. On peut egouter, dans la même veine interprétative (la science est science de la cause), l'intéressante scholie suivante: [21 r°[ οτιχεī ϰαí άρχή ταύτόν χατά τήν ứπαρξιν διαφέρουσι δέ τῷ λόγῳ, ὃτι “άρχαί” λέγεται έυ γευέσει έυ τῇ γευέσει τοũ πράγματοζ ᾣσπρ ứλη χαí μορφή, στοχεĩα λέγεται έυ τῇ άυαλύσει. χαί ᾄλλωζ διαφέρουσιυ ὃτι αί πρ⋯ταί ε⋯σίυ ⋯ρχαί πάυτωυ ωαί ούχ ⋯χουσιυ άρχάζ ⋯ λλαζ, τά δέ στοιχεία είσίυ έχ τούτωυ. αἵτια δέ εισι ⋯ ούχ είσάγονται έις τήν űπαρχεται τοũ πράγματος ώς τό ποιοũν χθαι ποιει γάρ ό ναυπηγòς άλλ' ούχ εισάγονται έν τῇ ύπάρζει τ⋯ς νηός, τά δέ στοιχεια χαι άρχαì ήν τῇ ύπάρζει εìσì τοũ πράγματος.
18 On en trouvera l'étude complète dans Baur, L., Dominicus Gundissalinus, De divisione philosophiae (= Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Texte und Untersuchungen, IV, 2–3) (Münster, 1903)Google Scholar et Hein, C., Definition und Einteilung der Philosophie. Von der spätantiken Einleitungslitteratur zur arabischen Enzyklopädie (Frankfurt/Bern/New York, 1985).Google Scholar
19 Philopon, In Phys. 1, 23–26.Google Scholar
20 Voir en particulier Philopon, In Phys. 1,10–15, In Gen. Corr. 2, 9–10.Google Scholar
21 Deux passages, tous deux tirés du livre III du De anima, pourraient théoriquement correspondre à cette référence: De an., III 4, 430a 2–5 (“par ailleurs, [l'intelligence] est, elle aussi, intelligible, au même titre que les intelligibles, car, dana le cas des choses immatérielles, il y a identité du sujet inteffigent et de l'objet intelligé. Lascience de nature spéculative et l'objet de cette science sont, en effet, identiques …”) et De an., III8, 431b 24–25 (“on découpe done la science et le sens en fonction des choses qui leur correspondent”) (traduction R. Bodéüs, pp. 227 et 238). On verra un peu plus loin (voir pp. 251 sqq.) que l'Anonyme ne peut renvoyer en fait qu'au second.Google Scholar
22 David, Prolegomena Philosophiae 1,13 et sqq. Moraux, Voir aussi P., “Ein unedierter Kurzkommentar zur Porphyrios' Isagoge,” Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 35 (1979): 55–98, et en particulier pp. 66 et sqq.Google Scholar
23 “ϰαì μετά ⋯ϰείνην τουτέστι τ⋯ν μεταφνσιϰ⋯ν ⋯ φυσιϰ⋯ ⋯στι φιλοσοφία ς⋯δείχθη”.
24 Sur ce point, voir Hein, Definition und Einteilung, pp. 170 sqq. et 275. L'hypothèsed'un écho platonicien pourrait certes être confortée par une légère ressemblance entre le paragraphe suivant immédiatement la division des écrits d'Aristote et un passage d'Hermias, In Phaed., 16, 7–8 (Couvreur): “⋯πεί οὖν⋯ μέν Σωϰτάτης ποιήτιχοū λόγον ἔ χει,;⋯ό δέ Φαίδρος ὑλιϰοū ϰτλ. …” (je dois cette référence à I'érudition de mon ami Diebler., S. Qu'il veuille bien trouver ici l'expression de toute ma reconnaissance).Google Scholar
25 Voir n. précédente.Google Scholar
26 On renvoie en particulier à la célèbre exégèse proclienne du Parménide (pp. 628 sqq. Cousin). Cette communauté s'explique bien évidemment par le fait que lea deux cuvres remontent en dernière instance aux cours de Syrianus. Je n'ai trouvé qu'un seul paralièle véritablement pertinent à cet étrange paragraphe de la prothéorie: la Divisio scienciarum de Fārābī et la traduction qu'en donne Gundissalinus. Le texte, dans la version du traducteur de Tolède, est le suivant (Baur, De divisione philosophiae, pp. 26–7):Google Scholar
“Finis uero sciencie naturalis est cognicio corporum naturalium [suit l'explication de la formule; on remarque l'identité des deux sentences – au demeurant assez vagues – “τó τελιϰóν ⋯ γν⋯σις τ⋯ ν ớντων τ ⋯ ν φνσιχ⋯ ν”].
“Instrumentum autem huius artis est sillogismus dialecticus, qui constat ex ueris et probabilibus [suit une citation de Boèce; ce passage est sans équivalent dana la prothéorie].
“Artifex est naturalis philosophus [suit une brève explicitation. Ce point rappelle évidemment la prothéorie – “τó δ⋯ ποιοũν ⋯στι ⋯ ' Aριστοτέλης”– mais n'est cependant pas rigoureusement identique].”
Nous sommes, avec Gundissalinus, en présence d'un véritable procédé, employé aussibien dans le cas des mathématiques que de la métaphysiqué, de la grammaire, etc… (cf. Baur, De divisione philosophiae, p. 34, p. 38, p. 51, … C'est là toute là différence, malgré un certain air de parenté, avec les fameuses listes des questions introductives des commentateurs grecs). Étant donné les conclusions auxquelles nous aboutirons par lasuite (parenté certaine de la prothéorie avec le courant de la scolastique pariienne des années 1250) et la diffusion massive de l'ouvrage de Fārābī dans le monde latin du XIIIe siècle, il nous paraît fort probable – quoique à la rigueur indémontrable – qu'il faille voir dans l'Iḥṣā' al-'ulūm, ou plus vraisemblablement dans l'une de ses innombrables adaptations latines, là source de ce paragraphe troublant de l'Anonyme.
27 Celle-ci remonte selon Simplicius (In Phys. 4, 8–16 et 6, 4–30) à Adraste qui, dans son ouvrage Sur l'ordre des traités d'Aristote, mentionnait une division entre les cinq premiers livres (“Sur les principes”) et lea trois derniers (“Sur le mouvement”). La division concurrente eat celle, adoptée par Philopon (In Phys. 2, 13–21), entre les quatre premiers et les quatre derniers livres. Encore un exemple très parlant de l'indépendance de notre protheorie a l'égard du proème de l'Alexandrin.Google Scholar
28 Celle-ci remonte directement aux derniers écrits alexandrins (Ammonius, Élias et David). Voir Baur, De divisione philosophiae, pp. 337–40.Google Scholar
29 La normalisation remonte, on le sait, à la fameuse “édition” d'Andronikos. Les problèmes impliqués par cette dernière sont à la fois trop complexes et trop connus pour qu'on lea expose ici. Notons cependant qu'il eat établi, depuis l'ouvrage fonda-mental de Moraux, P. (Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote [Louvain, 1951]) que c'est l'édition d'Andronikos qui donna au corpus aristotélicien sa forme pour ainsi dire actuelle – avec lea titres que nous lui connaissons.Google Scholar
30 Voir Ph. Hoffmann, “La problématique du titre des traités d'Aristote selon les commentateurs grecs. Queiques exemples,” à paraître (1996) dans les Actes du colloque international Titres et articulations du texte dans les œuvres antiques (Chantilly, 13–15 déc. 1994), éd. Fredouille, J.C.et al.Google Scholar
31 Les cas de divergences sont indiqués à l'aide des chiffres gras.Google Scholar
32 On salt comment Simplicius, dans le prologue de son commentaire au De caelo, s'est opposé à l'interprétation d'Alexandre qui voyait dans le traité d'Aristote une étude de l'univers dans son ensemble, et non du cinquième élément. Or ni Alexandre ni la tradition “orientate” ne parlent évidemment de “terre” (γñ), mais bien d'“univers” (ϰóσμος).Google Scholar
33 Lulofs, Voir H.J. Drossaart et Poortman, E.L.J., Nicolaus Damascenus Deplantis, five translations (Amsterdam/Oxford/New York, 1989), p. 3 et p. 515 (et l'apparat).Google Scholar
34 C'est ainsi que le titre arabe des Météorologiques, “Kitāb al-āṯār al-'ulwiyya,” est rendu classiquement par le décaique latin le plus exact: “Liber impressionum superiorum,” Cf. Otte, J.K., Alfred of Sareshel's Commentaiy on the Metheora of Aristotle (Leiden, 1988), p. 37. Un exemple significatif est fourni par l'introduction d'Alfred au livre IV de ce traité (p. 52, 1. 21–28): après avoir cité le résumé qu'en donnait Fārābī dans le De scienciis (qui s'achevait par la phrase “hec docentur in libro IIII° Libri impressionum superiorum”), Alfred ajoute immédiatement après “qui [sc. hic liber] Grece dicitur tetras Metheora.” On voit donc que le titre “Metheora” n'est pour le traducteur que le titre grec du traité, et qu'une traduction latine du titre arabe est justifiés à conserver la tournure du texte qu'elle cherche à rendre. La tradition arabe, pour Alfred, ne fait au fond qu'enseigner la façon de comprendre en latin le titre grec.Google Scholar
35 C'est-à-dire la tradition manuscrite de ce traité. Notons cependant que dans une scholie à Alexandre d'Aphrodise, Apor. 1,2, on trouve le titre “arabe” du traité: “ ἄ μεινοντέται τοũτο τ` ⋯ν τῷ ⋯πι>ραφομένω Λέζεών τινων ⋯ξ τοũ Περì αίσθήσεως ξαί άίσθητοũ έζήγηις ξαί έπιδρομή.” I.Bruns(Paefatio de Quaestionibus, p. IX) parle prudemment d'un “vetustum scholium” (repris par Moraux, P., Alexandre d'Aphrodise Exégète de la Noétique d'Aristote [Liege, 1942], p. 24, “une vielle scholie”). Il n'est par conséquent pea impossible que l'“erreur” arabe, si erreur il a, remonte à une source authentique grecque dont la tradition directe n'aurait pas gardé témoignage.Google Scholar
36 Notons pour être tout à fait précis que l'hésitation de la tradition manuscrite grecque porte seulement sur le premier terme (αίσθήσεως). On lit ainsi, dana l'apparat de G. Biehl (Teubner, 1898), le renseignement suivant: “Codices libri de sensu ELMPSUY et nonnullis locis etiam alii. Tit. Aἰσθήσεων MS et E1, sed corr. σ supra. E2.”Google Scholar
37 Après recherche effectuée à l'aide du TLG sur CD-ROM, il apparaît qu'on ne trouve le terme , outre chez Aristote et Théophraste, que chez Alexandre d'Aphrodise (In Meteor. 4,1), Jean Philopon (?)(In De gen. an. 209,15 et 209,32) et Michel d'Éphèse (In Parv. nat. 87,3; 88,19; 99,3; 149,11 et In De part. an. 3,23). Le terme est à peine plus courant (outre chez lea auteurs déjà cités, on en trouve une occurrence dans le pseudo-Galien, une dana le commentaire anonyme à la Rhétorique, une dana celui à l'Éthique à Nicomaque, une chez Athénée, une chez Eustathe, deux chez Nicéphore Grégoras, une dans une scholie à Lucien et une dans la Suda) et presque aussi exciusivement aristotélicien. Aristote est le seul auteur “classique” (avec Théophraste) à avoir employé ces deux termes. Notona en particulier qu'ila n'apparaissent pea dans le corpus hippocratique.
38 Cf. Brugman, J. et Lulofa, H. J. Drossaart, Aristotle Generation of Animals (Leiden, 1971), pp. 38–9.Google Scholar
39 Notons cependant que dana l'introduction au De generatione, on trouve lea titres sous leur forme classique, la seule originalité étant constituée par une dénomination spéciale pour le livre IV du De caelo. Cette particularité n'est pas sans rappeler, comme dans le cas envisagé un peu plus haut (voir n. 25) la Divisio scienciarum ou l'une de ses adaptations: au “⋯ν τῷ Περί ὕψουςᾔ ⋯ν τῷ τ;⋯ν ίδιοτήτν τ⋯ν στοιχείων” semble ainsi correspondre (Baur, De divisione philosophiae, pp. 21–2) “Deinde sequitur consideracio de eo, quod est proprium eorum, que sunt elementa et eorum que non sunt elementa tam de principiis quam de accidentibus concomitantibus eis; et hoc docetur in fine partis secunde et tercie et quarte eius libri, qui dici- tur: liber celi et mundi [souligné par nous].” Cela étant dit, faut-il supposer une manière de jeu chez notre Anonyme qui, tout en connaissant parfaitement les titres grecs, se plairait à les citer sous leur forme latino-arabe?
40 L'histoire des traductions arabo-grecques est encore extrêmement obscure. Pour un aperçu de la maigre bibliographie (qui ne fait que refléter l'absence de sources), Conley, voir T.M., “Aristotle's Rhetoric in Byzantium,” Rhetorica, VIII. 1 (1990): 29–44, p. 37. Concernant les traductions orientales d'arabe en grec, il semble de plus enplus probable qu'il faille situer à Byzance (dans le quartier des émigrés palestiniens?)CrossRefGoogle Scholar et non au Proche-Orient le lieu de leur demande et de leur confection (cf., sur ce point, Griffith, S.H., “Greek into Arabic: Life and letters in the monasteries of Palestine in the ninth century; the example of the Summa Theologiae Arabica,” Byzantion, LVI (1986): 117–38, pp. 130 et sqq.).Google Scholar
41 Voir Hein, Definition und Einteilung, pp. 291–2.Google Scholar
42 La tradition grecque des traités Sur les plantes de Théophraste est bien connue, et relativement simple (voir le résumé de Amigues, S., Théophraste: Recherches sur les Plantes, 3 vol. [Paris, 1988], t. I, p. XLIV): le témoin unique d'où dérive toute la tradition conservée (le manuscrit U des éditeurs, Urb. gr. 61) présente à la suite les neuf livres de l'Historia plantarum et les six livres du De causis plantarum. Étant donné l'anciennetéGoogle Scholar du manuscrit (daté du IX-Xe siècle par Irigoin, J., “Une écriture du Xe siècle: la minuscule bouletée,” La paléographie grecque et byzantine, Colloque de Paris, 10. 1974, éd. Glémsson, J., Bompaire, J. et Irigoin, J. (Paris, 1977), pp. 191–9 et en particulier pp. 195–6)Google Scholar, le caractère extrêmement vénérable de certaines de ses scholies (qui, soit dit en passant, ont gardé trace d'une autre organisation du corpus; cf. fol. 24v, 103r, 132r, 244v. Je remercie l'Aristoteles-Archiv et son Directeur, M. D. Harifinger, de m'avoir permis ces vérifications sur le microfilm du manuscrit) et le fait qu'il ne contient rien d'autre que les deux traités, on peut tirer deux conclusions qui vont dans le sens de l'analyse proposée: 1) l'attribution à Théophraste ne fait aucun doute dans la tradition grecque; 2) les héritiers (arabes et grecs) des Alexandrins ont toujours eu affaire à un corpus en quinze livres. Ce nombre n'est pas, comme dans le ass du De animalibus, le résultat de réélaborations arabes du corpus antique. Il reste que si la tradition alexandrine n'a jamais envisagé que le De plantis d'Aristote fût composé de quinze livres, il íui est arrivé d'englober les traités de Théophraste et d'Aristote au sein d'un même corpus. Simplicius écrit ainsi (In Phys., 3,5-10):“τ⋯ν δ⋯ ⋯μψύχων τά μέν ⋯στι ζῷα, τά δ⋯ φυτά, τά δ⋯ ζῳόφυταׄ περί μέν οὗν ζῴων⋯ν ταίς περί ζῴων παντοδαπαίς πραϒ ματείαις διελέχθησαν πῇ μέν ίστορυι⋯ς τά περίαύτ⋯ν άφηγομενοι ώς έν ταīς περί ζῴων παντορίαις, πρδώ αύτιολογιϰ⋯ς διδάσχοντες, ώς έν τοīς περί ζῴων χαί μορίων ϰαί ϰινήσεως ϰαί ὕπνου ϰαί των τοιύτων. όμοίως δέ ϰαί περί φυτ⋯ν ϰατά τόν διτόν τ⋯δίδαζαν τρόπον.”Il ne faudrait pas prender ici les pluriels de Simplicius pur une imprécision incontrôlée. Le commentateur sait tré bien (cf., pour s'en convaincre, Alexandre, In Meteor., 178, 10–15) que l'authenticité de ces traités reste problées dans Theophrastus of Eresus, éd.. Fortenbaugh, W. W. et al. , 5 vol. (New Brunswick/London, 1992), t. I, pp. 366–9 (textex 197A-C) et t. II pp. 196–9 (text 389). Cf. aussi n. suivante.Google Scholar
43 Pour être tout ` fait exact, le nombre de livres du De plantis apparaît à deux endroits de la littérature grecque conservée: dans le catalogue conservé par Diogéne Laërce et dans celui de l'Anonyme de Ménage. Il est cependant exclu que notre Anonyme ait eu recours `; ces textes extrêmement rares: ceux-ci ne mentionnent paz le De plantis sous le nom qu'il retient (mais comportent la dénomination classique Περί φυτ⋯ν) et n'indiquent pas l'alternative sur le nombre des livres du traité. En outre, lea autres uvres mentionnées par le Paris. sont ou absentes des deux hates, ou présentes sous une autre forme et/ou dans un autre contexte. Un passage de Michel d'Éphése paraît `; cet égard tout ā fait révélateur: après avoir mentionné un certain nombre de discussions annoncées par Aristote et dont la tradition n'a pas gardé trace, Michel se livre ā la réflexion suivante (In Par. Nat., 149, 5–8): “ταūτα δέϰαί τά ⋯ξñς, ⋯ντα δέ περί φυτ⋯ν ϰαί χυλ⋯ν, 'Aριστοτ⋯λους μέν οὐχ εὐρίσχομεν διά τό τάςσυντáξεις ⋯πολωλ⋯ναι, ⋯ϰ δέ τ⋯ν Θεοφρ⋯στου δεĩ , μέχρις ἂν εύρεθυτά ὐπ' 'Aριστοτέλους γραφέντα.” Non seulement l'érudit byzantin ignore tout du compendium (si compendium il y a) de Nicolas de Damas, mais il est bien loin de vouloir attribuer les quinze livres conservés sous le nom de Théophraste ā Aristote: ceux-ci ne sont pour lui qu'un pis-aller, auquel l'aristotélicien est contraint de se référer en attendant la redécouverte des uvres authentiques du Stagirite.
44 Cette affirmation est corroborée par le fait que saint Thomas, dont on connaît l'acribie phiologique, n'a pas entendu parler, dans la seconde moitié du XlIIe siècle, du corpus réel de Théophraste. Comme le dit Gauthier, R.A. (Sancti Thomae de Aquino Opera omnia, t. XLV,2, Sentencia Libri de sensu et sensato [Roma/Paris, 1985], p. 107*b), “[dans son commentaire au De sensu] Alexandre avait mentionné deux fois Théophraste: une fois pour son livre sur l'eau (éd. Thurot, p. 150,2), saint Thomas n'a pas retenu cette mention, et une fois pour ses livres sur les plantes (éd. Thurot, p. 150,2), cette dernière mention a intéressé saint Thomas (I 10, 221–223), mais les ressources dont il disposait ne lui ont pas permis de l'exploiter sans erreur. À l'epoque d'Alexandre, lea livres d'Aristote sur les plantes étaient déjà perdus, mais Alexandre avait en mains les livres de Théophraste sur le sujet; […] saint Thomas, lui, n'a en mains ni le livre d'Aristote ni celui de Théophraste, mais bien, dans la traduction arabo-latine d'Alfred de Sareshel, le De plantis de Nicolas de Damas, attribué a Aristote: il croit donc que c'est de ce livre-là que pane Alexandre, et il l'attribue à Théophraste; erreur sans doute, mais c'était déjà un gain de savoir que le livre n'était pas d'Aristote.” Malgré ce “gain,” la tradition latine nous paralt deux fois déficiente par rapport a la tradition arabe (ou tout au moms a la partie savante de cette derniere; cf. Drossaart Lulofs et Poortman, De plantis, p. 127): non seulement elle ne connaît pas les quinze livres “historiques” du Sur les plantes de Théophraste, mais même un saint Thomas ignore que c'est a Nicolas de Damas que remontent les deux livres traduits par Alfred. On voit dés bra mal comment notre Anonyme, s'il avait évolué en milieu purement latin, aurait pu disposer d'informations qui faisaient défaut a Thomas lui-même.Google Scholar
45 Thomas, Saint, In librum primum Aristotelis De generatione et corruptione expositio, cura et studio Raymundi, P. Fr. et Spiazzi, M. (Roma, 1952), p. 315.Google Scholar
46 Gauthier, R.A., “Notes sur Siger de Brabant. II. Siger en 1272–1275. Aubry de Reims et la scission des Normands,” Revue des sciences philosophiques et théologiques, 68 (1984): 3–49, p. 47.Google Scholar
47 Voir en particulier Sylla, E.D., “The a posteriori foundations of natural science,” Synthese, 40 (1979): 147–87.CrossRefGoogle Scholar
48 Voir Sancti Thomae de Aquino Opera omnia, t. XLV,1, Sentencia Libri de anima (Roma/Paris, 1984), p. 236*a (voir aussi p. 240*b).Google Scholar
49 Voir Gauthier, “Notes sur Siger de Brabant,” pp. 8–15.Google Scholar
50 Gauthier, ibid., p. 9.
51 Hasnaoui, Voir A., “Aspects de la synthèse avicennienne,,” dans Sinaceur, M. A. (éd.), Penser avec Aristote (Toulouse, 1991), pp. 227–44, p. 230 et n. 4 en particulier.Google Scholar
52 Avicenne, De anima 10, 21–11,24 en particulier: “noluimus autem interrurnpere tractatum de anima, loquendo scilicet prius de anima vegetabili et de vegetabilibus, et postea de anima sensibili et de sensibilibus, et demde de anima humana et de hominibus”; suit 13,56–58, dont on appréciera l'ironie: “Si quis autem voluerit mutare hunc ordinem, faciat: nos enim non calumniabimus ilium.” Notons en particulier que parmi bien d'autres, le commentaire aux Catégories d'Ibn al-Tayyib semble un représentant exact de la position critiquée par Avicenne (ce commentaire est encore inédit., Pour une traduction de l'introduction, voir Hein, Definition und Einteilung, p. 277). Étant donné les rapports que l'on sait entre les deux philosophes, il i'est pas impossible que l'insistance d'Avicenne dans l'introduction au De anima du Šifā' vise directement son contemporain. Voir cependant la n. suivante.Google Scholar
53 On ne sait ce qu'il faut exactement penser de l'Épître sur les Parties des sciences intellectuelles qui, pour la division de la physique, reprend les schémas alexandrins sans le moindre infléchissement: ceuvre de jeunesse? traité de vulgarisation? aidemémoire a vocation scolaire? Le grand Avicenne, quoi qu'il en soit, eat bien ailleurs.Google Scholar
54 On trouvera une présentation trés complète du problème dans l'ouvrage deVennebuach, J., Ein anonymer Aristoteleskommentar des XIII. Jahrhunderts, Questiones in tres lthros De anima (Paderborn, 1963) (“Die Einheit der Seele,” pp. 46–59), p. 46 en particulier. Remarquons a contrario qu'on ne trouve pas la moindre trace d'une telle discussion à Byzance à la même époque.Google Scholar
55 Ne faudrait-il pas même dès lors expliquer l'absence du De memoria dans la prothéorie par un accident de transmission? L'auteur compte en effet 49 parties dana la somme des livres physiques d'Aristote. Or si l'on fait la somme de la hate que le texte du Paris. nous présente, on aboutit au total de 47. Ii paralt possible que l'attention fatiguée par lea répétitiona incessantes, un premier copiste alt oublié la mention de ce tralté dana le corps du texte; un second copiste auralt alors, par souci de cohérence, fait diaparaltre ce traité de la hate, sans penser toutefois à en modifier la conclusion. Quel que soit le scénario exact, on peut, me semble-t-il, raisonnablement supposer le texte original suivant:Google Scholar
“;ερì δ⋯ τũ ⋯φιϰν ⋯ν τᾦ σματι ⋯μψúχ ψυχῃ φυομ⋯νῃ διοíζεται ⋯ν τ;ᾦ Περì μᾦϰους ⋯λιóτητος ζωñς, περì δ⋯ τοũ τοũ⋯φιϰνουμ⋯νου ⋯ν τᾦ σώματι ὐοò τñς ψυχñς διορíζεται⋯ται ⋯ν τᾧ βιλíῳΠερìὕπνου ϰαì⋯γρηγóρσεως,<περì δè τοũ ⋯φιϰνου ⋯ν τ;ᾦ σώματι ὑπò τñςλογιϰñς ψνχñς διορíζεται ⋯ν τᾦ Περí μν⋯μης ϰαì ⋯να⋯σεως>
“Κα⋯ ϰαθ' ἔϰαστον τ⋯ν προειρημ⋯νων φυσιϰ⋯ν διαιρεῑται εἰζ μζρη ἤ εἰζ .Περ⋯ δ⋯ τ⋯ν ⋯ρχ⋯ν ϰα⋯ τ⋯ν αἰτ⋯ων τ⋯ν σωμ⋯των διορ⋯ζεται ⋯ν τῷ Περ⋯ φυσιϰ⋯ζ ⋯ϰρο⋯σεωζ, ὃ διαιρεῖται εἰται εἰζ ⋯
τ⋯ Περ⋯ οὐρανοũ ϰα⋯ γñς, δ′
τ⋯ Περ⋯ γεν⋯σεως ϰα⋯ φθορ⋯ς, δ⋯ο
τ⋯ν Mετεωρολογιϰ⋯ν, δ′
τ⋯ Περì φυομ⋯νων ϰα⋯ φυτ⋯ν λ⋯γουσι δ⋯ο (λ⋯γειαι δ⋯ὅτι εἰσ⋯ ιε’)
τ⋯ Περ⋯ αἰσθ⋯σεωζϰα⋯ αἰσθητοṽ,
τ⋯ Περ⋯ ψυχηζ, γ′
τ⋯ Περ⋯ μ⋯χα⋯ ⋯λιγ⋯τητοζ ξωηζ, ἕν
τ⋯ Περ⋯ ΰπνον ζα⋯ ⋯γ⋯ρσεωζ,
<τ⋯ Περ⋯ μν⋯σεωζ,
τ⋯ Περ⋯ ἱστορ⋯αζ ξῴων, ιθ′
ϰα⋯ οὕτως εἰσ⋯νμθ′ μ⋯ρη π⋯ντων τ⋯ν τ⋯ν φυσιϰ⋯ν.”
56 Même s'il est vrai qu'on trouve souvent la division, héritée de la tradition rhétorique, entre “développement principal,” οἰ ⋯γ⋯νες et “prologue,” tó προοíμίον. Cf. Olympiodore, Prolegomena 25,7–8. 12–15. 20–22; David (Elias), In Cat. 134,1 et 9–10; Aréthas (?), Scholia In Cat. 138,23–24 et 35 Share (= 33b 38 et 34a 1 Brandis). Voir aussi Elias, In Porphyrii Isagogen 40,6; 50,9–10; David, In Porphyrii Isagogen 95,6; 121,22; Pseudo-Elias, Isag., 24,1 (p. 49 Westerink) et 28,1 (p. 59 W.). Je dois ces précisions a la générosité de Ph. Hoffmann, qui a mis un article inédit (“La fonction des prologues exégétiques dans la pensée pédagogique néoplatonicienne”) ā ma disposition. Qu'il veuifle bien trouver ici l'expression de toute ma reconnaissance.Google Scholar
57 Notons qu'il ne s'agit pas de la division de l'explication en temps de la théorie et temps de la lexis, mais d'un moule appliqué au texte d'Aristote lui-même, qu'on divisara invariablement en une introduction et en un développement, eux-mêmes subdivisés en autant de parties qu'il sera nécessaire pour être intégrées dans un programme scolaire.Google Scholar
58 Aristotelis De physico auditu libri octo [= quartum volumen] cum Averrois Cordubensis variis in eosdem commentariis, Venetlis apud lunctas, MDLXII, fol. 434 et sqq. Le texte original semble perdu. Le renseignement de Peters, F.E. (Aristoteles Arabus. The Oriental Translations and Commentaries on the Aristotelian Corpus, Monographs on Mediterranean Antiquity 2 [Leiden, 1968], p. 33) selon lequel le Moyen Commentaire serait “extant in Arabic” est fautif. On n'a conservé en arabe que les têtes de chapitre de ce commentaire; voir Ğ. al-'Alawī, “Min talīis al-samā altabii – taqsim al-samã’ al-tabi'i li-Thn Ruŝd,” Maalla kulliya al-adab bi-Fas, 7 (1984): 205–55. Le texte présenté ici n'est que la traduction latine, effectuée au XVIe siècle par Jacob Mantino, de la version hébraïque de Kalonymos b. Kalonymos. Ii est à remarquer que cette version semble constituer la première traduction latine de cette ceuvre d'Averroès. Le cas est bien somacr;r tout différent de celui du Grand Commentaire à la Physique, traduit dés la première moitié du XIIIe siècle par Michel Scot. La première traduction hébraïque est celle de Zerahiah, datée de 1284 (voir Peters, Aristoteles Arabus, ad loc.).Google Scholar
60 Averroès, MC, 434 C-E. Étant donné lea problèmes poses par ce texte, il convient de le citer en intégralité: “Dicamus igitur quod, cum hæc ars quae de rebus speculatur mobilibus sit contemplatiua — et propositum artis contemplatiuæ eat scire causas rei, de qua consyderatur in ifia arte: videmur enim unumquodque exacte scire, cum causas et prima principia illius rei cognoscimus et tandem eius elementa et sim plicia, ex quibus constat —hoc autem ita se habet in omnibus rebus, quae quatuor obtinent causas; et cum hæc ars sit una ex speculatiuis, eius igitur propositum seu intentum est quatuor rerum naturalium causas pertingere, hoc est Materiam, Formam, Efficiens et Finem, turn remotas, tum propinquas, tum etiam proprias, tum communes. Et propterea, huius libri propositum est reddere causes primas, com- munes omnibus rebus naturalibus et communia consequentia – et hoc, prout vires huius scientiæ sese extendunt, hoc primam materiam et causam vltimam mouentem. Nam ad cognitionem primæ formæ, et primi finis, non dantur in hac scientia propositiones, quæ in so ducant, vt post hoc ostendetur immo de his duobus ad scientiam Diuinam attinet tractare.”
61 On en retrouve l'expression aussi claire dana le prologue d'Averroès au Grand Commentaire à la Physique (GM, 1 K): “de prima vero forma ac primo fine ad professorern scienciae Diuinae consyderare spectat.”
62 Métaphysique E 1, 1026a 18–19.Google Scholar
63 L'ensemble de ce texte est surdéterminé, cela va sans dire, par la controverse avec la conception avicennienne du sujet de la métaphysique (Šifā', Ilāhiyyāt, I,1; ed. du Caire pp. 5–6; 7; pour une présentation synthétique de cette dernière, voir Hasnaoui, “Aspects,” pp. 235–40). En deux mots: pour Avicenne, l'existence de Dieu n'est pas admise d'avance dans la métaphysique, elle y est recherchée; et quand la physique parle de Dieu un, immatériel, immobile, elle sort de son domaine, anticipant sur les conclusions de la métaphysique; pour Averroès, la preuve de Dieu est dans la physique (voir Tafsīr mā ba'd al-tabī'a, pp. 1424–6). C'est pour défendre ce point qu'Averroès se doit d'être aussi explicite sur la répartition des causes suprêmes, le Dieu “prouvé” par la science physique revenant évidemment au Premier Moteur. Pour être tout à fait exact, il ne me paraît pas exclu qu'Averroès veuille en fait dire deux choses à la fois: d'une part que la physique considère les quatre causes par opposition aux mathématiques qui n'en considèrent qu'une seule ou à la métaphysique qui n'en considère que trois – cette idée apparaissait explicitement dans le prologue de son Grand Commentaire; d'autre part, que même si l'on pout imaginer une discipline considérant les quatre causes (une science des automates, par exemple), seule la physique considère les quatre causes naturelles. Cette discipline se définit donc en quelque sorte par une double exclusion.
64 Voir l'Appendice 1. La première aporie se demande en quel sens il faut entendre la “matière” composant le corps humain (celle-ci se divisant en matière lomtaine et, par analogie, en matière proche); la deuxiÈme aboutit à une typologie des phénomènes survenant dans ce dernier (selon la nature, non selon la nature, contrairement à la nature); la troisième l'interroge sur le degré de naturalité de la ma- lathe; la quatrième tente de concevoir l'application problématique de la théorie des contrariétés élémentaires à l'equilibre physiologique du corps humain. La cinquième, traitant de ]'eterruté de Dieu, renvoie au passage fascinant de la Physique (IV 12, 221b 1–7) sur le temps “en soi davantage cause de corruption” et sur l'atemporalité des êtres éternels (“τά αἰεί όντα, αίτα.ούχ έοτιν έν χοόνώn); elle apparaît déjà à la page précédente, au baa de la prothéorie du De generatione. Je compte revenir sur les problèmes posés par cette page médicale dans une publication ultérieure.
65 Tout cela est bien connu. Voir J.-L.-A. Huillard-Bréholles, Historia diplomatica Friderici Secundi, t. I. pars I, p. DXXXVIII–JX en particulier et t. 1V, pars I, pp. 149–51 et 235–7. Édition et commentaire dans Conrad, H., von der Lieck-Buyken, T., Wagner, W., Die Konstitutionen Friedrichs II. von Hohenstaufen für sein Königreich Sizilien (Köln/Wien, 1973), pp. 302–9Google Scholar et Dilcher, H., Die Sizilische Gesetzgebung Kaiser Friedrichs II. Quellen der Constitutionen von Melfi und ihrer Novellen, 2 vol. (Köln/Wien, 1975), t. I, pp. 681–91.Google Scholar
66 La psychologie d'Avicenne et son usage en profondeur des progrès de la science médicale de l'époque n'a de ce point de vue toujours pas reçu l'étude qu'elle mériterait (voir à ce propos Verbeke, G., “Science de l'âme et perception sensible” [= Introduction à Avicenna Latinus. Liber De anima seu Sextus de Naturalibus 1–II–III, edition Van Riet, S. (Louvain/Leiden, 1972)], p. 2*Google Scholar et Hasnaoui, “Aspects,” p. 243, n. 8). Sur 1'“esprit” de l'École de Salerne, on pourra consulter l'ouvrage classique de.Kristeller, P.O., Studi sulla Scuola medico. salernitana. (Napoli, 1986).Google Scholar
67 L'article fondateur de.Grabmann, M., “Kaiser Friedrich II. und sein Verhältnis zur aristotelischen und arabischen Philosophie” (initialement paru dans Mittelalterliches Geistesleben. Abhandlungen zur Geschichte der Scholastik und Mystik (München, 1926), t. II, chap. V, pp. 103–37Google Scholar et repris dans Stupor Mundi. Zur Geschichte Friedrichs II. von Hohenstaufen, éd. Wolf, G. G., Wege der Forschung, Bd CI [Darmstadt, 1982], pp. 13274), malgré de nombreux éléments aujourd'hui dépassés (l'utilisation extensive, en particulier, des théses de R. de Vaux sur l'introduction d'Averroès chez les Latins et de la fausse lettre de Frédéric à l'Université de Bologne. Sur tous ces points, voir Gauthier, “Notes sur Siger de Brabant,” p. 3 sqq.Google Scholar et “Notes sur les débuts (1225‐1240) du premier ‘averroïsme’,” Revue des sciences philosophiques et théologiques, 66 [1982]: 321–74) continue de proposer certaines pistes de réflexion intéressantes, concernant l'Université de Naples en particulier. Notons quoi qu'il en soit que dans sea “Notes sur lea débuts du premier ‘averroïsme” (pp. 329–30), Gauthier démontre à l'issue d'une analyse serrée qu'au début des années soixante, l'esprit de la Faculté des arts était parfaitement connu de la cour de Manfred. L'hypothèse d'une influence tardive de Paris sur les milieux siciliens lea plus cultivés a done tout à fait pu se traduire par la composition de la prothéorie conservée.Google Scholar
68 Voir à ce propos Lafleur, C., Quatre introductions à la philosophie au XIIIe siècle (Paris/Montréal, 1988).Google Scholar
69 De anima 431b 24–25: “τέμνεται οὗν ή έπιστἲμν ψαί αϊοθνσιζ ειζ τά πόάβματα,” que Jacques de Venise (mais Guillaume n'a rien comgé ici. Voir Gauthier, “Notes sur Siger de Brabant,” p. 47) a rendu par l'équivalent: “secatur igitur sciencia et sensus in res.”Google Scholar
70 Gauthier, “Notes sur Siger de Brabant,” p. 47.Google Scholar
71 Sur ce phénoméne, voir l'introduction de R.A. Gauthier à la Somme contre les Gentils (1993), p. 95: “il est trop tôt […] pour mesurer ce que saint Thomas doit à ses maîtres de la facultè des Arts: leurs œuvres sont encore mal connues. Tout au plus pout-on voir un indice du travail d'élaboration de la doctrine aristotélicienne durant les trente ans qui ont précédé l'entrée en scéne de saint Thomas dans la fréquence des adages où désormais elle s'exprime, formules bien frappées qui condensent sans doute une pensée aristotélicienne, mais qui ne se lisent nulle part à la lettre dans son œuure” [souligné par nous].Google Scholar
72 Pour une liste exhaustive, Lafleur, voir C., “La Philosophia d'Hervé le Breton (alias Henri le Breton) et le recueil d'introductions à la phiosophie du MS Oxford, Corpus Christi College 283 (première partie),” Archives d'histoire doctrinale et littéraire du moyen-âge, 61 (1994): 149–226, P. 163, n. 26.Google Scholar Je n'ai malheureusement Pu consulter l'édition du fameux “Guide de l'étudiant” donnée par Lafleur, C. et Carrier, J. (“Le “Guide de 'étudiant” d'un maître anonyme de la Faculté des arts de Paris au XIIIe siècle.Google Scholar Edition critique provisoire du MS Barcelona, , Arxiu de la Corona d'Aragó, MS Ripoll 109, fol. 134rn-158va,” Publications du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l'Université Laval, I, 1993).Google Scholar
73 Éd. C. Lafleur, Quatre introductions, Philosophica disciplina 62–65. L'utilisation directe — rare dans ce type de texte (sur ce point à première vue paradoxal, Lafleur, voir C., “L'introduction à la phiosophie Vt testatur Aristotiles (vers 1265–1270),” Laval théologique et philosophique, 48,1 (1992): 81–107, p. 92) – d'Averroés permet peut-être d'éclairer une contradiction inhérente a cette introduction. Le maítre ès arts anonyme écrit en effet, peu après cette citation d'Averroès, les lignes suivantes (Philosophica disciplina 98-100): “Et hec scientia [sc. scientia naturalis], cum sit uni-uersalis, continet alias particulares, scilicet medicinam, aiquimiam et plures secundum quosdam, que ad presens sunt obmittende.” Sans paraître troublé par la contradiction de son propos, il écrira quelques pages plus loin (Philosophica disciplina 520–523): “Mechanica diffinitur sic: mechanica est scientia humanorum actuum humanis necessitatibus obsequentium. Diuiditur autem in septem species que sunt lanificium, armatura, nauigatio, uenatio, agricultura, medicina, theatrica.” Cette contradiction n'a pas échappé à l'éditeur, qui remarque, en note à ce passage: “la médecine a déjà été incluse dans les sciences naturelles (cf. supra, 157 [il s'agit de la première division de la science physique, où n'apparaît pas encore Averroès]). On assiste ici à la juxtaposition de deux conceptions distinctes de la médecine, datant d'époques différentes. Ces conceptions coexistent-elles ici paisiblement de par la volonté du compilateur ou de par sa distraction? On pout se le demander.”CrossRefGoogle Scholar
74 On sait que la Divisio scientiarum d'Arnoul de Provence, qui reprend fidèlement bien des points de l'introduction Philosophica disciplina (à ce sujet, voir Lafleur, Quatre introductions, p. 138), cite ici directement Avicenne et non Averroès. Toutefois, tant que la tradition textuelle du Poème de la mèdecine et du commentaire d'Averroès à ce dernier n'aura pas été étudiée précisément, la plus grande prudence s'impose.Google Scholar
75 Voir Lafleur, “Vt testatur Aristotiles,” p. 81.
76 Éd. Kristeller, Studi, ibid.: “Theorica idest naturalis scientia dividitur in mathematicam, metaphisicam et phisicam, phisica in phisiologiam, metheoram et medicinam.”
77 Sur tous ceo points, voir Kristeller, Studi, p.68 sqq.Google Scholar
78 Voir Kristeller, Studi, p. 71.Google Scholar
79 Jacquart, Voir D., “Aristotelian thought in Salerno,” Dronke, dans P. (éd.), A History of Twelfth-Centwy Western Philosophy (Cambridge, 1988), pp. 407–28, P. 417.CrossRefGoogle Scholar
80 On retrouve cette controverse en bonne place dana le Colliget d'Averroès; de façon significative, elle apparaît longuement chez Abū Ma'šar, que le milieu de Salerne connaissait parfaitement (Lemay, voir R., Abu Ma'shar and Latin aristotelianism in the twelfth century (Beyrouth, 1962), p. 145 et sqq.);Google Scholarde Carinthie, voir aussi Hermann, De essentiis, éd. Burnett, Ch. (Leiden, 1982), p. 93 et sqq.Google Scholar
81 On trouvera une excellente présentation des études classiques de Pertusi, de Petta et de Jacob dans Canart, P., “Le livre grec en Italie méridionale sous les régnes normands et souabes: aspects matériels et sociaux,” Scrittura e Civiltà, 2 (1978): 103–62; l'auteur y oppose l XIIe siècle où “le centre de gravité du royaume est la Sicile” (p. 151) au XIIIe siècle, qui marquerait le plein épanouissement d'une culture profane en Terre d'Otrante (p. 154 en particulier). Cette description du grand savant, toute justifiée qu'elle puisse être dans son ensemble, appelle de sérieuses réserves pour ce qui concerne la philosophie: nous n'avons à ma connaissance aucune trace d'intérêt pour les ceuvres physiques ou psychologiques du Stagirite en Terre d'Otrante. Les deux seuls exemples de traités “scientifiques” aristotéliciens proposés par Canart (les Marcian. gr. 265 et Vat. gr. 316; signalés par Harifinger, Textgeschichte, p. 60, n. 1) ne contiennent que le De mundo, qui n'est pas une uvre physique d'Aristote, et dont la tradition manuscrite est tout é fait indépendante de celle des traités proprement scientifiques du Maître (Physique, De Caelo, De generatione et corruptione, Météorologiques, De animalibus et Parva Naturalia). L'hégémonie presque totale de l'Organon est bien davantage motivée par des traditions grammairiennes et scolaires que par une recherche de pointe. Notons pour finir que l'activité de Joannikios, copiste d'un nombre élevé de manuscrits fondamentaux pour l'histoire de l'aristotélisme, que P. Canart est encin à situer en Terre d'Otrante au début du XIIIe siècle (“Le livre grec,” p. 152), doit être ramenée au XIIe siècle, et en Sicile. Je compte développer quelques éléments en faveur de cette localisation dans ma dissertation (umversité de Hambourg) sur la tradition manuscrite du De generatione et corruptione.Google Scholar
82 J'ai eu la chance d'assister au Séminaire de Ph. Hoffmann (E.N.S. 1991–1992) consacré a l'épineux dossier de la philosophie en Terre d'Otrante. Dans un article à paraltre (“Les scholies de Drosos d'Aradeo au De interpretatione d'Aristote”), Ph. Hoffmann étudie l'utilisation littérale du commentaire d'Ammonius par un professeur d'Aradeo (petite bourgade du Salento, au sud de l'actuelle vile de Lecce); Ph. Hoffmann travaille par ailleurs à une étude générale sur les manuscrits phiosophiques copiés en Terre d'Otrante. Seule celle-ci permettra d'aboutir à des conclusions définitives concernant l'originalité philosophique de cette région.Google Scholar
83 Il est cependant évident – et cette constatation va dans les deux sens — qu'il serait absurde de séparer absolument les deux faces de la Grande-Grèce. Un bon exemple de la relative symbiose entre les deux mondes est constitué par la personnalité de Jean Grasso d'Otrante, notaire impérial de sa ville entre 1219 et 1236 (Hoeck, voir J.M. et Loenertz, R.J., Nikolaos-Nektarios von Otranto Abt von Casole. Beiträge zur Geschichte der ost-westlichen Beziehungen unter Innozenz III. und Friedrich II. (= Studia patristica et byzantina, 11) [Ettal, 1965], p. 126, n. 37s: “von den philosophischen Schriften des Johannes ist eine mit dem Titel “Pyrrhoneia” im 7. Bardanesbrief Z. 50 erwähnt, aber anscheinend verloren. Eine andere ist im c. Laurentian. 86,15, fol. 184v s. und im c. Scorialen. Ω IV, 14, fol. 58v–61 überliefert unter dem Titel 'Iωάννου 'Iόουίυου μαθητοϋ Nιςολάου 'Iόουτίυου λύσιζ έπί τιυοζ ζντήματοζ ψατά τώάυ λεβόυτωυ λτι τίζ άυθψωποζ Χαι τό ⋯υομα αύ αλτοἕυInc Iώ βουλομηυμ παυτί ταιζ όιαλεχτιΧαι άποιαιζ Des. ἤΧατά τ⋯υ πλειόυωυ ταζ τπα μυποσεωυταζ σν θεῷληλυταζ” Comme le note trés justement P. Canart (“Le livre grec,” pp. 156–7 et les notes): “il vaudrait la peine d'en rechercher les sources, pour voir si elles sont toutes byzantines ou si elles reflètent, comme les sermons d'un anonyme otrantais du XIIIe ou du X1Ve siécle, l'influenc d'e la scolastique latine.” Étant donné sa fonction auprès de Frèdèric, il est clair que Jean, tout en résidant à Otrante, devait être parfaitement informé des événements “culturels” de la cour de l'Empereur. Il est tout aussi évident que sous sa forme ultime — c'est-à-dire celle qui nous a été transmise par le Paris. —‘ la prothéorie a pu être rédigée, ou simplement recopiée, en Terre d'Otrante. Pour un exemple assez similaire (la traduction, par Nicolas d'Otrante, le maître de Jean Grasso, de “l'Art du burin” — ᾑτοũλαζευτνου τέΧυν — du latin en grec, le latin étant lui-même traduit de l'arabe), voir Hoeck et Loenertz, Nikolaos-Nektarios von Otranto Abt von Casole, pp. 69 sqq.Google Scholar
84 Que la tradition soit proprement sicilienne ou qu'elle constitue une importation récente — c'est-à-dire postérieure à l'âge des translittérations — de l'Orient grec. Voir à ce propos Irigoin, J., “L'Italie méridionale et la tradition des textes antiques,” Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik, 18 (1969): 37–55.Google Scholar
85 Notons un dermer fait intéressant: dans la traduction grecque des constitutions de Frédéric II, originellement rédigées en latin, le prologue porte aussi le nom de “prothéorie” (von der Lieck-Buyken, voir T., Die Konstitutionen Friedrichs II. von Hohenstaufen für sein Königreich Sizilien, Ergänzungsband, I. Teil [Köln/Wien, 1978], p. 11). La main qui a copié la prothèorie, soit dit en passant, me paraît fort proche de celle qui a copié le Barb. gr. 151 (voir von der Lieck-Buyken, Die Konstitutionen Friedrichs II, planche I) qui est pour sa part certainement originaire d'Italie du Sud ou de Sicile).Google Scholar
86 La culture grecque étant représentée par le “fonds commun” alexandrin, Philopon en l'occurrence. Étant donné la richesse unique de ses bibliothèques en manuscrits grecs, la Sicile pouvait fonctionner de ce point de vue en quasi-autarcie.Google Scholar
87 Pour le reprendre, il est vrai, sur l'unité de l'intellect! Bessarion, Voir, In calumniatorem Platonis, éd. Mohler, L. (Kardinat Bessarion als Theologe, Humanist und Staatsmann, III. Bände, Bd II.), Paderborn, 1927 (Neudruck, 1967), 146, 23–24: “ώζ 'Aλεξάυδρῳ τῷ Aφροδισιεῑ χαí 'A ερόῃ τῷ 'Aρα ι τοῑζ δοχο⋯ι χλειυοτέροιζ τ⋯υ 'Aριοτοτέλουζ ⋯ξηγητ⋯υ χαχ⋯ζ ἔδοξευ.”Google Scholar
88 Harlfinger, Voir D., “Die Überlieferungsgeschichte der Eudemischen Ethik,” Untersuchungen zur Eudemischen Ethik. (= Akten des 5. Symposion Aristotelicum, Oosterbeck, Août 1969), p. 1–50, et en particulier p. 7–12 (stemma p. 30) pour un cas similaire: le Cant. U. L. Ii. 5.44 copié à Messine peu avant 1300 et représentant, avec son jumeau (le Vat. gr. 1342), la “recensio messanensis,” a été recopié à Byzance avant 1330;Google ScholarDe Gregorio, G., “Osservazioni ed ipotesi sulla circolazione del testo di Aristotele tra Occidente e Oriente,” Scritture, libri e testi nelle aree provinciali di Bisanzio (= actes du Colloque d'Erice, sept. 1988) II vol., t. II, éd. G. Cavallo, G. De Gregorio, M. Maniaci, pp. 475–98 (20 planches).Google Scholar
89 Haskins, Voir Ch.H., Studies in the History of Mediaeval Science (Cambridge, Mass., 1924), et le volume collectif Micrologus II 1994, “Le scienze alla corte di Federico II.”Google Scholar