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Deux Residents Mongols En Chine Et En Asie Centrale, De Tchinkkiz Khaghan a Khoubilai

Published online by Cambridge University Press:  24 December 2009

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Le grand homme d'état des commencements de la dynastie mongole fut un personnage énigmatique auquel les Chinois donnent le nom de Yaloutchhou Thsaī; les chroniques du Céleste Empire racontent qu'il était de la race des Tatars Khitan, et qu'il appartenait à la famille impériale des Liao, laquelle avait été dépossédée par les Tatars Kin, les Altan Khagan, auxquels Tchinkkiz fit une guerre sans merci pour s'emparer de leurs possessions du Nord de la Chine.

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References

page 257 note 1 En prononciation vulgaire et moderne Yé-liu-tchhou Thsaī.

page 257 note 2

page 257 note 1 Yaloutchhou Thsai, en 1229, persuada à Ogotai d'instituer le tchin mongol, avec son étiquette, à l'imitation des rites du Céleste Empire; ce fut lui qui, conformément à la mentalité chinoise, et contre toutes les idées des Mongols, restreignit fortement le pouvoir des militaires, en meme temps qu'il établissait l'assiette d'un budget; ce fut lui qui, en 1230, obtint de son souverain que 'on divisât les contrées qui avaient été arrachées à la domination des Altan Khaghan en dix provinces, organisées suivant les dogmes administratifs du Céleste Empire, et d'après les idées des Chinois.

page 258 note 2 'Ala ad-Din'Ata Malik al-Djouwaīni, Djihangousha, édition de Mirza Mohammad ibn'Abd al-Wahhab al-Kazwini, tome I, pages 75 et 84.Google Scholar

page 258 note 3 Ibid., pages 86 et 90.

page 258 note 4 Ibid., page 154.

page 258 note 5 Edition des Gibb Trustees, tome II, pages 85 et 86.

page 258 note 6 L'apanage constitué par Tchinkkiz Khaghan en faveur de la lignée de Tchaghataī s'étendait de Kara-Khotcho, Bur la frontière du CéleBte Empire, aux rives de l'Oxus, sur les marches du plus grand Iran; mais, dans l'esprit de Tchinkkiz, qui fut celui d'Ogotaī, de Kouyouk, de Mangou, de Khoubilaī, cette souveraineté, comme celle de l'oulous de Russie, était purement nominale et honorifique, la réalité du pouvoir temporel devant être exercée par un résident qui relevait directement du khaghan mongol. Ces dispositions tinrent et durèrent jusqu' à Mangou; il est vraisemblable que Mas'oud Beg fut le dernier résident à la cour de l'Ouloug Ef, qu'après lui commença la lutte déloyale et sans merci que les souverains du Tchaghataī menèrent contre les empereurs de Khanbaligh, et contre leurs vassaux, les princes de l'Iran; elle se poursuivit, implacable et criminelle, et, après des vicissitudes sans nombre, elle se termina par l'asservissement de la Perse au descendant d'un maire du palais du roi du Tchaghataī, si tant est que Témour-le-Boiteux ait jamais puse prévaloir d'unesemblable origine, et par l'independance de la Chine, qui se sépara d'un monde qui s'en allait a la dérive, pour s'en retourner à ses destinées traditionnelles et séculaires. Le bon plaisir du sucoesseur de Tchinkkiz donnait ainsi à Mahmoud Yalwatch et à Mas'oud Beg un pou voir absolu, une autorité sans appel, sur la Chine et sur toute l'Asie Centrale, le khaghan se réservant l'administration de la “yourte originelle”, le pays des Mongols. Les contrées iraniennes, à l'Occident du Djaihoun, dans ce système, furent gouvernées par des généraux d'armée, jusqu'au jour où le prince Houlagou, par ordre de son frère Mangou, s'en vint prendre la souveraineté de la Perse, avec le dessein de poursuivre, conformément aux volontés de Tchinkkiz, les conquêtes des Mongols dans l'Occident, dans l'empire byzantin, et dans les contrées soumises au sceptre des sultans Mamlouks. Ces fonctions de résident dans les pays conquis par le Thaī-Tsou des Yuan donnaient à ceux qui en étaient investis une autorité absolue; le résident, comme le namiestnik que l'empereur de Russie envoyait en mission spéciale, comme plénipotentiaire, en Sibérie, ou au Caucase, ne relevait que de la couronne; il n'avait aucun compte à rendre aux bureaux de Karakoroum et à leurs scribes.

page 259 note 1 “Il y avait, dans ce temps là, dit Djouwaīni, dans le Djihangotisha, page 199, une femme, nominée Fatima Khatoun, qni se mēlait des affaires du gouvernement; elle envoya 'Abd al-Rahman dans le Khitaī, à la place de Yalwatch.”

page 259 note 2 Kouyouk fut à peine monté sur le trône qu'il fit mettre à mort le favori de Fatima, 'Abd al-Rahman, et rendit la Résidence à Yalwatch; il est vraisemblable, quoique l'histoire n'en dise rien, que Mas'oud Beg avait été révoqué par Tourakina, car Rashid ad-Din dit dans son histoire, page 248, que Kouyouk “donna le gouvernement du Khitaī au sahib Yalwatch; le Turkestan, cest-à-dire l'Asie Centrale et la Transoxiane, jusqu' à l'Oxus, à l'émir Mas'oud Beg; le Khorasan, l' 'Irak, l'Azarbaīdjan, à l'émir Arghoun Agha”. Ces dispositions, à une personne près, le résident de Perse, rétablissait dans son intégrité le statut des débuts d'Ogotaī; elles rendaient à Yalwatch et ā Mas'oud leurs dignités, dans la forme même où elles leur avaient été conférées par le euccesseur du Conquérant du Monde; 'Ala ad-Din 'Ata Malik, dans le Djihangousha, man. supp. persan 205, folio 143 verso, dit formellement que Mangou, “confiatous les pays, du commencement du cinquième climat, des rives de l'Oxus, jusqu'au point le plus extrême de ce climat, au très grand sahib (sahib-i mou'azzam) Yalwatch; la Transoxiane, le Turkestan, Otrar, le pays des Ouïghours, Khotan, Kashghar, Djand, Khwarizm, Farghana, à Mas'oud Beg,” ce que Rashid ad-Din répète (ed. des Gibb Trustees, page 309), en disant qu'au début de son règne, Mangou confia le gouvernement de toutes les eontrees orientales au sahib Mahmoud Yalwatch; le Turkestan, la Transoxiane, le pays des Ouïghours, le Farghana, le Khwarizm, à Mas'oud Beg.

page 260 note 1 Il est inadmissible que Djouwaīni ait fait vivre Yalwatch à une èpoque à laquelle il était mort, ou qu'il se soit trompé sur les liens et le degré de parenté qui unissaient Yalwatch et Mas'oud Beg; le Djihangousha n'est pas une ceuvre livresque, exécutée à coups de fiches et de dépouillements, dans lesquels peuvent se glisser de singulières erreurs, dont tout un lot peutse perdre, sans laisser la moindre trace; iln'est pasun ouvrage comme la chronique de Rashid, qui fut rédigée sur des documents morts, en Perse, à Tauris, à des centaines de lieues de l'Asie Centrale; c'est un livre dans lequel Djouwaīni n'a fait que consigner et mettre par écrit ce qu'il vit et entendit, en Perse, en AsieCentrale, dans l'entourage d'Arghoun Agha, en quelque sorte les mémoires d'un temoin oculaire de l'épopée mongole. Qui pouvait être mieux renseigné sur les cadres administratifs et les questions politiques que le secrétaire intime et favori du vice-roi de l'lran? Et l'on ne saurait alléguer que Djouwaīni s'en laissa conter; Abagha n'aurait certainement pas confié à un niais une charge qui faisait de celui qui en etait investi, en quelque sorte, le successeur du khalife de Baghdad; sans compter que Rashid ad-Din qui, dans la Tarikh-i moubarak-i Ghazani, professe la même doctrine que le Djihangousha, était officiellement renseigné, de première main, sur le statut administratif des commencements de la monarchie, et que ses collaborateurs travaillaient sur des listes et sur des documents qui venaient directement des archives de Karakoroum, dans lesquels il ne pouvait point se glisser de telles erreurs; c'est un fait évident que l'on savait en Extrême-Orient, quand avaient commencé, et quand s'étaient terminées les fonctions de Yalwatch; si l'histoire mongole ne dit pas d'une façon formelle à quelle date Yalwatch quitta la Résidence, c'est que Khoubilaï le releva de sa charge quand il prit en main les renes de l'empire.

page 262 note 1 Il ne faut point perdre de vue que c'est seulement à dater de l'epoque à laquelle Khoubilaï Khaghan s'installe à la Cour du Nord, en la qualité d'empereur chinois et de Fils du Ciel, que le Yuan-shi, l'histoire officielle, commence à parler de l'administration des Mongols; les rédacteurs de la chronique impériale n'eurent entre les mains qu'un nombre infime des pièces qui remontaient au régne des prédecésseurs de Kboubiiaï.

page 262 note 2 Tsaï signifie “qui est convenable, agréable”; ce mot ne se trouve plus dans la langue mandchoue, où dshaï “second, en second lieu” est un vocable tout different; il s'est conservé en mongol, dsaï dans la prononciation moderne, “aisance, commodité, agrément,” d'où l'adjectif courant dsaï-tou, dsaï-taï', convenable, digne d'éloges”; ce mot existe également dans les dialectes altaïques, avec la dissimilation fréquente t - s = s; il est en turk saï “ressouree, faculté”, et la même alternance phonétique se retrouve dans le turk saïidam “blanc”, en face du mongol tsaïdam “lait”; Yaloutchou-Yaloutchi est, sans qu'il soit nécessaire d'y insister plus longtemps, le doublet de la forme tonghouze-mongole yalva-tchi, avec ses variantes et ses aspects yilva-tchi, yalii-tchi, yilbi-tchi “envoyé céleste, prophète, devin, sorcier”, dont le sens étymologique est “celui qui emploie les apparences pour faire agir les hommes”. Yalva-tchi est en effet un nom d'action dérivé, par le suffixe participial chinois -tchi, du mot yali, * yala, de * yalva, qui se retrouve dans yalva-tchi, yaliïtchi, et qui a les deux sens de “flamme”, traduisant le Sanskrit jvâla, et de “fantôme”, puis, par suite du passage du nom d'agent “celle qui trompe”, au nom de l'action, “tromperie, supercherie,” d'où yali-khaï, yali-ghaï” “magicien”,yali-la-khou “duper les gens”. Si éloignées en apparence que soient les deux significations de “flamme” et de “fantôme”, d'entité qui trompe les hommes, elles n'en sont pas moins intimement liées sémantiquement: la flamme qui déchire les voiles de la nuit ne demeure-t-elle pas éternellement insaisissable aux mains qui la veulent saisir, et auxquelles elle se dérobe en les dévorant de brûlures cruelles? Du mongol yali, yala, la voyelle étant ambiguë, comme dans tout le phonétisme tonghouze et altaïque, dérive yala-ghou, et, avec la chute de la gutturale intervocalique, yala-ou, qui a passé dans le tchaghataï , avec son sens primitif de “flamme”, qu'il a vite perdu pour prendre celui de “drapeau”, par l'intermédiaire de “fanion ”. La flamme s'élève conique et triangulaire sur le brasier ardent qu'ont allumé les hommes, et c'est sous cette forme qu'elle est représentée dans les peintures qui enluminent les livres persans, sous les espèces d'un triangle isocele aux bords déchiquetés; c'est un triangle d'étoffe qui flotte aux lances des chefs de section et des parlementaires, et e'est par une extension abusive que ce mot a finipar déigner la pièce de soie qui forme lé sandjak, mot dont j'ai donné l'etymologie autre part; c'est par un fait de sémantique analogue quele mot “flamme”, dans la marine militaire, désigne la longue banderolle terminée en pointe aiguë, interdite aux navires de commerce, qui flotte aux mâts des bâtiments des armées navales, tant que dure la clarté du jour. De yala-(gh)ou, s'est formé, par l'adjonction du sufflxe-tchi, yalaou-tchi, primitivement “celui qui porte le fanion du parlementaire”, , puis “messager, envoyé” l'ouïghour répond à la forme yalaou-tchi par celle de yalaou-tch, avec la réduction du suffixe -tchi à -tch, comme dans la formation des nombres ordinaux; la forme tchaghataï yalaghou-tch recouvre un mot ouïghour qui est identique à yala-ghou-tchi, avec l'alternance des deux suffixes-tchi et -tch. De yala “mirage” dérivent les mots tchaghataï yal-ghin yal-ghoun, , avec i = ou, qui signifient “Damme et mirage”, comme le mongol yali, la forme yal-in, affaiblie de yal-ghin, par la chute de la gutturale, ayant conservé uniquement le sens primitif de “flamme”; de yala dérivent encore yal-ghan , qui ne signifie plus que “flamme”, et yal-koug “celui qui est faux dans son essence, qui passe sa vie à mentir”. De yala-ghou—yala-ou, par suite d'un phénomène épenthétique sur lequel je me suis longuement expliqué, dérive *yola-ghou “flamme”, d'ou yol-akh “arc-en-ciel”, ce mot turk étant visiblement dérivé de la forme mongole *yola-ghou, par la chute de la désinence, lequel mot yola-kh est devenu yola , par suite de la chute de la gutturale; du mongol *yola-ghou, est dérivé un participe actif ouïghour *yola-ghou-tch, qui est devenu yola-au-tch en tchaghataï, avec le sens de “celui qui porte le fanion du parlementaire, messager”; de la forme *yola, Be sont formés le turk-tchaghataï yol-douroum “éclair”, comme keu-turum “estropié, malade”, dont la prononciation a évolué en yol-dereum , puis en yil-dirim, qui est l'osmanli et yol-douz “étoile”; yala est devenu *yana dans le dialecte qui a abouti à l'osmanli, d'où yan-mak “brûler”, yan-ghin et yanghoun “feu”; ces mots n'ont rien de commun avec yan-tchouk “porte-manteau de cheval”, yan-djik, yan-dji “courrier, palefrenier”, qui dérivent, comme le montre suffisamment le doublet yam-djik de yan-djik, du mot turk-mongol yam “cheval de la poste”, lequel transcrit le chinois yé-ma “cheval de poste”, ou yé-mu “la poste a cheval”.

page 265 note 1 La forme yalou, dont dérivent yaloutchou et yalwatch, se retrouve dans le nom d'autres personnages de la famille royale des Liao; les historiens chinois donnent au fondateur de la puissance des Khitan Liao, au commencement du xe siecle, le nom de Yalou (ou Yalouk, aujourd'hui lut dans certains dialectes, ryul = ryut en coréen, ritz = rit en japonais, lwet en annamite)-apoki, c'est-à-dire Yalou-aboki, dans lequel abo-ki est une forme participiale tonghouze à sens imprécis, par l'affixe—ki, lequel se trouve en mandchou sous les aspects kha, khé, khi, ka, ké, ki, suivant le théme verbal Auquel il s'applique: ara- “écrire”, ara-kha “ecrit”, ou “écrivant”; abo-ki, pour amo-ki, avec m = b, est une forme participiale d'un verbe amo- “être heureux,” amo-khou en mongol, d'ou amo-l, amo-r, amo-gholank “bonheur”; amo-ki signifie “qui jouit dubonheur”, ou “qui procurelebonheur”, d'où pour Yalou-aboki le sens de “celui qui a la puissance d'illusionner les hommes pour leur bonheur, ou pour le sien”; un général khitan, qui vécut vers 975, est appelé par les chroniques Yalou-uka a la double prononciation, par l'aspirée, hiu en coréen et en annamite par la gutturale, kiu en japonais, yau en cantonais moderne, pour ou, ü, l'esprit doux dans cette forme étant l'affaiblissement du k, comme dans la transcription chinoise Yu-thien du nom Sanskrit de Khotan, Kustana, voir Rashid, Histoire des Mongols, Appendice, page 68), dans lequel nom uka transcrit une forme tonghouze uga, uka “parole”, en mongol ügé, la transcription de mongol par étant constante; Yalou-uka signifie “celui dont la parole produit l'illusion chez les hommes”; d'autres formes analogues se trouvent dans l'histoire des Thang: Yalou-yenhi qui transcrit Yalou-khanggi, entendu par les Célestes Yalou-'enghi, avec le transfert inattendu de l'aspiree de -khanggi au deuxième élément -gi de ce mot, transformé en -ghi, cette aspirée étant remplacée dans la première syllabe par un élément consonnantique équivalent à l'esprit doux du grec, par la transformation de ladite aspiree en gutturale, ce qui est un phénomène insolite. Ce nom tonghouze est une formation participiale en -khanggi, identique à celles en -khanggé, -kanggé de la langue mandchoue; elle signifie, à proprement parler, “celui qui pratique l'illusion”, et elle est identique, pour le procédé de dérivation qui lui est appliqué, à Yalou-tchou, Yalwa-tch; le personnage qui porta le nom de Yalou-khanggi régna sur les Liao; en l'annee 1115, il f ut battu par Akouta, qui fonda la dynastie des Kin; le reste de Ja nation des Liao marcha vers l'Occident, passa dans la vallée de l'lli, oü ils fondérent le royaume des Kara Khitan, dont Yalou-tashi , descendant à la huitième génératioan du fondateur de la dynastie des Liao, fut le premier souverain; son nom se restitue, sans aucune difficulté, en Yalou-tash, qui est un dérivé de yalou “illusion”, par le suffixe -tash, lequel, en turk, signifie “compagnon”, et, postposé à un nom, forme un adjectif indiquant le possesseur de la qualité désignée par ce mot; Yalou-tash signifie done “celui qui possède la faculté de se servir de l'illusion”, dans un sens tres voisin des deux noms Yalou-tchou et Yalou-khanggi; Yalou-tash régna de 1124 à 1136; il eut pour successeur son fils, Yalouïlik qui exerça l'autorité de 1136 à 1154, d'abord, de 1136 à 1142, sous la tutelle desa mére; le nom dece souverain est Yalouï-lik, adjectif formé par le suffixe turk -lik, qui n'est pas tonghouze, du mot yalouï = yalou, qui se retrouve dans les formes mongoles yaliï-tchi, yilbi-tchi (voir plus haut); Yalouï-lik est “celui qui jouit de la faculté de faire illusion”; il signifie un aspect dela faculté dont Yalou-tchou est le nom d'agent. Un autre de ces Khitan joua un rô1e important dans l'bistoire des Mongols, au commencement de la souveraineté de Tcbinkkiz, comme le personnage qui fait l'objet de cette notice; le Yuan-shi le nomme Yalou-louka, c'est-à-dire Yalou-louk, qui est une forme absolument équivalente à celle de Yaloui-lik. Yalou-louk souleva le Liao-toung contre les Kin qui avaient dépossédé sa famille, et s'empara de Liao-yang, dont il fit sa capitale; Tchinkkiz le fit roi du Liao-toung; Yalou-louk n'écouta pas les conseils des anciens sujets de sa famille, qui le poussaient à prendre le titre impérial, et à se proclamer indépendant des Mongols; ce personnage, qui fut très utile aux Mongols, à leurs débuts (1213–1214), savait qu'il ne fautpas jouer avec le feu. L'analyse de ces nomsne manque pas d'intérêt; elle montre que les formes turkes, comme Yalou-tash, Yalou-louk, Yalwa-tch, Yalou-tchou, voisinaient dans la langue de ces Tonghouzes avec des formes purement mandohoues, comme Yalou-khanggi, Yalou-aboki, tandis qu'aujourd'hui, et depuis de longs siècles, la discrimination est absolue entre ces deux séries de formes, les vines spéciales au turk, les autres au mandchou; c'est de même qu'au moyen âge, le mongol connaissait le participe passif en -mish ā côté de sa forme -khsan, -ksen, alors que cette dernière seule est usitée depuis le xive siècle dans la langue des Mongols. Ce nom de Yalou n'a certainement rien à voir avec celui qui se trouve transcrit dans le Liao-shi sous la forme ya-la, que le vocabulaire annexe à cet ouvrage historique considère comme la transcription d'un mot mandchou yarou “requin”; si I'on en croyait les auteurs de cet ouvrage lexicographique, ce serait le même mot yarou qui se cacherait sous les espêces des transcriptions yen-lou et (chapitre 7, page 23 verso); yali, dans ce vocabulaire (chapitre 1, page 12 recto, et chapitre 9, page 10 recto), est, de l'avis des philologues qui l'ont rédigé, un mot mandchou, qui signifie “viande”; enfin yu-lou (chapitre 9, page 13 verso) serait un phonème mandchou yarou qui désigne les quadrupèdes en général; ces assertions philologiques, comme toutes celles que l'on trouve dans ce livre, témoignent de l'imagination des linguistes chinois de l'èpoque khien-loung, qui eurent la singuliere idée de refaire les transcriptions des xiie-xive siècles, mais non de leur science.

page 266 note 1 Au xiie siècle, les Kara-Khitan étaient Nestoriens; en 1140, Yalouïlik professait le Christianisme, et le pape Alexandre III écrit à son fils Tchourlouk “Indorum regi sacerdotum sanctissimo”. Ces princes firent une guerre terrible aux Musulmans, ce qui n'est d'ailleurs pas une preuve de leur foi en la mission du Christ; les Mongols de la Perse, au xiiie et au xive siècle, professèrent le Bouddhisme et l'lslamisme, ce qui ne les empêcha point de se faire passer pour Chrétiens aux yeux du roi de France et du roi d'Angleterre, pour capter leur alliance, et les précipiter dans une croisade insensée à leur unique profit, contre les sultans Mamlouks; le fait est encore plus visible après la conversion de Ghazan que du temps de ses prédécesseurs bouddhistes, lesquels avaient une certaine tendance, une certaine bienveillance, pour le Christianisme, que Ghazan, comme tous les Musulmans, poursuivait d'une haine aveugle. Quoiqu'il en soit, qu'ils aient professé la foi du Christ, ou qu'ils s'en soient vantés pour duper le Saint-Pére, les Kara-Khitan anéantirent le royaume turk-karlouk de Satok-Boghra, s'emparèrent de Kashghar, de Khotan, chassèrent les Saldjoukidesdes vallées de l'Amou-daria et du Sir-daria, poussèrent presque jusqu' à Samarkand, et ils infligerent une défaite eanglante à Sultan Sindjar, qui cherchait à arrâter les progrès vers l'Occident des Turks, ses congénères. C'est à propos des Khitan qu'est née la légende du “Presbyter Joannes”; pour justifier ce titre étrange, Rübrilck raconte que les “gens (de cette nation) ordonnaient comme prêtres tous leurs enfants mâles, alors qu'ils étaient encore dans leurs berceaux, et que c'était là la raison pour laquelle preeque tous les hommes y étaient prêtres”; cette interprétation est une glose née dans l'esprit d'un Occidental pour justifier le titre du souverain des Kéraït, ou plutôt de la forme sous laquelle il crut l'entendre. Presbyter Joannes est une transcription-traduction de Wang-khan, titre de ces princes mandchous, dans le sens de “le roi-souverain”, dont on retrouve la traduction mentale, chez les Altaïques, dans les royaumes musulmans, sous les formes Sultanshah, Malikshah (Malakshah étant une incompréhension), ces barbares ne pouvant, comme l'empereur chinois, se contenter d'un titre royal, et en exigeant un double, comme les Turks, qui se faisaient nommer Yinalteguin. Wang se prononçait Yan(g), ou plutôt, sa prononciation oscillait entre la forme chinoise Wang (Ang = ) et Yang, comme le montre sufiisamment le titre mongol Tayang, qui est le nom d'un chef de la tribu des Naïman, pére de Goutchlouk, et qui transcrit d'une manière très exacte le chinois tai-wang “roi suprême”. Comme on le voit par de nombreux passages de sa narration, Rübrück a constamment et systématiquement confondu deux vocables essentiellement différents, khan, forme réduite de khaghan, qui désigne le chef des clans altaïques, et kam, le titre des sorciers-prêtres du culte fétichiste des Turks et des Tonghouzes, qui, avec la confusion des gutturales, et l'équivalence m-n, sonnait à peu de chose près comme khan. Il a entendu Yang-kam, au lieu de Yang-khan, et il a fort régulièrement traduit Yang-kam par Yan le prêtre, Presbyter Joannes, alors que Bar Hébreus, qui a également compris Yang-Wang comme l'équivalent de Johannes, s'est parfaitement rendu compte que khan dans le nom de Wang-khan est le mot qui signifie “souverain”, d'où sa traduction Malik Yohanna du nom de l'adversaire de Témoutchin. Et Bar Hébreus n'était point le seul à professer cette opinion, puisque c'est cette même interprétation de “prince Jean”, traduisant le titre Wang-khan de tous les souverains khitans, dont avait hérité l'adversaire malheureux de Témoutchin, qui, en 1145, se trouve appliquée à Yalouïlik par l'évêque de Gabala; c'est la même erreur, la confusion du titre de khan, que portait Tchourlouk, avec kam, qui a conduit le pape Alexandre III à le traiter de “sacerdos sanctissimus”, en se figurant vraisemblablement que la puissance et la dignité du chef des Khitan étaient comparables à celles du Souverain Pontife. On s'étonne à juste titre que le moyen âge ait tait de ce personnage énigmatique le souverain de l'lnde et de l'Éthiopie, et, d'une façon générale, que les hommes de cette époque aient confondu la péninsule hindoue et le royaume d'Abyssinie; la raison en est simple: l'lnde et l'Éthiopie étaient deux contrées situées à l'Orient du monde, que l'on ne pouvait gagner qu'en traversant la Méditerranée et la mer Rouge; les marins qui naviguaient dans ces parages savaient que pour aller dans l'lnde ou en Éthiopie, il fallait suivre un chemin qui conduisait sous les mêmes cieux, aux mêmes latitudes, où l'aspect des constellations sur lesquelles ils se guidaient était identique; les mêmes hommes étaient allés dans l'lnde ou en Afrique par des routes qui se superposaient sur une grande partie de leur durée; ils les eonf ondirent, et leur concept resta vague; l'lnde comprit tout son hinterland, l'Asie Centrale et la Chine continentale; l'Éthiopie comprit l'Afrique jusqu'aux sources lointaines du Nil; c'est en ce sens que, dans le titre d'un manuscrit du roman de Barlaam et Joasaph (arabe 268), on lit que ce récit merveilleux “a été apporté de l'intérieur de l'Abyssinie, c'est-à-dire de l'lnde, au couvent de Saint-Saba”, que Marco Polo traite l'Abyssinie d'Inde majeure, que, jusqu'à la fin du xviiie siècle, l'ocean Indien porta sur les cartes marines le nom d'ocean Ethiopique. Je ne crois pas inutile d'ajouter, au sujet des titres des souverains turks, formés de deux mots signifiant “roi”, que dans Yinal-teguin, yinal est le mot turk, et téguin son équivalent chinois, tai-koan “officier supérieur”, que les Japonais ont emprunté sous la forme taïkoun, les Annamites, sous celle de taïkon “mécanicien d'une chaloupe, patron”; cette sinomanie poussa les Altaïques à emprunter aux Célestes, par un pur snobisme, des mots dont ils n'avaient aucun besoin réel, comme tengri “ciel”, qui est le chinois thien-li “la Loi céleste”, alors qu'ilg possédaient le terme oghan.