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Published online by Cambridge University Press: 02 January 2013
Belley proposes a “new legal pluralism” as a new way of thinking and a new perception of law. This conception of law is far from the dissident approach taken in the original understanding of legal pluralism. Instead, it introduces a subversive element by positing the “new legal pluralism” as a substitute for the monist conception of law. This perspective contributes to an understanding of Islamic law and opens up opportunities to explore the sources of Islamic law elaborated in the seventh century CE and redefine the interaction of religion and law at their political interface. The author's hypothesis is that the paradigm of legal pluralism is foundational to Islamic law. Belley's approach constitutes a way of understanding the limitations of the construction of law characterized as “religious.”
Belley propose le paradigme du «nouveau pluralisme juridique» comme un autre mode de pensée et de penser le droit. Cette conception du droit s'éloigne de l'approche dissidente adoptée par le pluralisme juridique originel. Elle introduit une touche subversive: le «nouveau pluralisme juridique» se pose comme une idéologie de substitution à la conception moniste du droit. Une perspective qui contribue à l'élaboration d'une compréhension personnelle du droit islamique. Elle ouvre la possibilité d'explorer autrement les sources du droit islamique édifié dès le VIIème siècle de l'E.C. et de saisir l'interaction entre le religieux et le juridique à l'interface du politique. L'hypothèse avancée est que le paradigme du pluralisme juridique est au fondement du droit islamique. L'approche de Belley constitue une voie de compréhension des limites d'une construction d'un droit caractérisé comme religieux.
1 Belley, Jean-Guy, «Le pluralisme juridique comme doctrine de la science, du droit», dans Kellerhals, Jean, Manaï, Dominique et Roth, Robert, Pour un droit pluriel. Études offertes au professeur Jean-François Perrin, Genève, Helbing & Lichtenhahn, 2002, p. 135–164Google Scholar; Belley, Jean-Guy, «L'État et la régulation juridique des sociétés globales. Pour une problématique du pluralisme juridique», (1986), Sociologie et sociétés, vol. 18, p. 11–31CrossRefGoogle Scholar.
2 Le «nouveau pluralisme juridique» se distancie du pluralisme juridique développé par l'anthropologie et la sociologie du droit et qui déjà présentait une caractéristique de dissidence. Pour les promoteurs de ce dernier, il se définit par opposition au droit étatique tout en revêtant une polysémie de sens qui le considère comme un «mythe», un «idéal» dans une vision de centralisme juridique ou d'ethnocentrisme, un «outil heuristique», ou encore «une politique et une idéologie garantes d'une citoyenneté véritablement égalitaire»: Jenkins, Richard, «Myths of Pluralism», in Rethinking Ethnicity. Arguments and Explorations, Londres, Sage Publications, 1977, p. 25–39Google Scholar; Tamanaha, Brian Z., “The Folly of the ‘Social Scientific’ concept of Legal Pluralism”, Journal of Law and Society, vol. 20, n° 2, 1993, p. 192–217CrossRefGoogle Scholar; Olgiati, Vittorio, «Le pluralisme juridique comme lutte pour le droit: la folie théorique et méthodologique d'une récente proposition», dans Belley, J.-G., Le pluralisme juridique, Revue canadienne droit et société, vol. 12, n° 2, 1997, p. 47–74Google Scholar; Juteau, Danielle, «Le pluralisme», dans Les Cahiers du GRES vol. 1, n° 1, 2000, p. 47–52CrossRefGoogle Scholar.
3 J.-G. Belley, «Le pluralisme juridique comme doctrine de la science du droit», op.cit., notel.
4 Ost, Michel et van de Kerchove, François, De la pyramide au réseau?: Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002, 596 pagesGoogle Scholar. Pour illustrer cette conception du monisme les auteurs réfèrent à Carbonnier pour qui les phénomènes juridiques sont, soit au sein d'un système global (droit unique), soit en dehors de celui-ci (sous-droits).
5 Kuhn, Thomas Samuel, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972, 246 pagesGoogle Scholar.
6 Gurvitch, Georges, Le temps présent et l'idée du droit social, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1931, 336 pagesGoogle Scholar.
7 Griffiths, John, «What is legal pluralism?», dans Journal of Legal Pluralism, vol. 24, 1986, p. 1–50CrossRefGoogle Scholar.
8 L'ordre juridique comme référence est tantôt defini comme une «institution», tantôt comme des «différents ordonnancements de niveaux juridiques» ou des «champs semi-autonomesy», ou encore de «l'infra-droit», si ce n'est un «facteur de distinction entre un ordre normatif et un ordre non normatif», ou un «droit officiel et officieux»: Romano, Santi, L'ordre juridique, traduction de la 2e édition, par François, L. et Gothot, P., Paris, Dalloz, 1975, 174 pagesGoogle Scholar; Pospisil, Léopold Jaroslav, Anthropology of Law: A Comparative Theory, New York, Harper, 1971, 385 pagesGoogle Scholar; Moore, Sally Falk, «Law and Social Change: The Semi-autonomous Social Field as an Appropriate Subject of Study», Law and Society Review, vol. 7, 1973, p. 719–746CrossRefGoogle Scholar; Carbonnier, Jean, La sociologie du droit, Paris, Presses universitaires de France, 1978, 433 pagesGoogle Scholar; Rocher, Guy, «Pour une sociologie des ordres juridiques», 29 Cahiers de droit 91, 1988, p. 123–149Google Scholar; Chiba, Masajii, Legal Pluralism: Toward a General Through Japanese Legal Culture, Tokyo, Tokai University Press, 1989, 236 pagesGoogle Scholar.
9 Macdonald, Roderick A., «Pour la reconnaissance d'une normativité juridique implicite et ‘inférentielle’», Sociologie et sociétés, vol. XVIII, n° 1, 1986, p. 47–58CrossRefGoogle Scholar; Jacques Vanderlinden, , «Vers une nouvelle conception du pluralisme juridique», dans R.R.J. n°2, 1993, p. 574–583Google Scholar.
10 Face aux différentes associations considérant le droit islamique tantôt comme le fiqh (jurisprudence), tantôt comme la sharî'a (la loi islamique), nous avançons l'idée que ce droit peut avoir une signification distincte. Il est l'un et l'autre. Puisque la relation entre le divin et l'homme est déjà prescrite dans le Coran à travers le rite (‘ibadate), le droit islamique vise la relation strictement interhumaine. Celle-ci releve de l'action et de l'interaction (mu'amalate). À ce titre, ce droit est élaboré à partir de principes moraux et éthiques inscrits dans le texte sacré. L'ensemble de ces principes forme la sharî'a, c'est-à-dire la voie (et non la loi), la direction vers l'idéal islamique de comportement défini par le message divin. Cette sharî'a sert de référents tant au législateur lors de la discussion d'un projet de loi, qu'au juge dans la prise de décision pour trancher d'un cas litigieux et au croyant dans son interaction quotidienne. Par conséquent, le droit islamique se compose des principes (sharî'a en tant que voie) et du fiqh, c'est-à-dire une jurisprudence qui s'applique à établir une correlation entre ceux-ci et la conduite humaine. Il est intéressant de noter que la notion de sharî'a s'est dotée d'un sens législatif vers le XVIIIème siècle (E.C.) concomitamment à l'émergence du mouvement wahhabite (perçu par ses partisans comme un retour à l'islam pur et par ses opposants comme un nouveau courant religieux). À la fin de la décennie 70 et au moment de l'édification d'un état théocratique en Iran, elle est devenue le slogan de nombreux groupes politiques à travers le monde.
11 L'internormativité se comprend comme une succession de relations horizontals entre des ensembles normatifs égaux au sein d'un espace normatif donné.
12 Nouss, Alexis, «Métissage, transculture et singularité», dans Ouellet, Pierre (dir.), Politique de la parole. Singularité et communauté, Montréal, Trait d'union, coll. «le soi et l'autre», 2002, p. 99–112Google Scholar.
13 Le faqîh (sing, de fuqahâ) est la personne qui dispose d'une expertise en matière de norme religieuse et intervient dans la formulation du fiqh. Il pourrait être considéré, dans une terminologie moderne, comme un juge. Dans la définition de Chelhoud, il «étudie [cette norme] pour en comprendre l'esprit, en tirer les conséquences et pouvoir énoncer un jugement même quand le texte semble ambigu ou fait défaut»: Chelhoud, Joseph, «La place de la coutume dans le fiqh primitif et sa permanence dans les sociétés arabes à tradition orale», dans Studia Islamica, n°86, 1986, p. 19Google Scholar. L'expression de «premiers juristes» réfère aux juristes que Schacht qualifie «d'anciennes écoles de droit». Pour cet auteur, ils se caractérisent par l'absence d «accord total sur une doctrine, [de] doctrine à l'intérieur de chaque école [Kûfa et Bassorah en Irak, Médine et La Mecque au Hedjaz et celle de Syrie], [un] enseignement organisé, [un] statut officiel, même l'existence d'un ensemble législatif au sens occidental du mot»: Schacht, Joseph, Introduction au droit musulman, trad. Kempf, P. et Turki, A., nouvelle éd. Paris, Maisonneuve & Larose, 1999, 252Google Scholar pages. Ces premiers juristes sont à l'origine de l'initiative jurisprudentielle sous le califat omeyade (VIIème siècle (E.C.)). Ils ont posé les jalons en la matière pour les écoles juridiques sunnites (voir note suivante).
14 L'une ou l'autre expression désigne les juristes qui forment des écoles de droit sunnite sous le califat abbasside (VIIIème siècle (E.C.)). Elles se distinguent des anciennes écoles par l'influence d'une autorité reconnue, l'élaboration d'une doctrine et la possibilité pour les disciples de faire preuve d'allégeance tout en développant leur propre courant. Ces écoles ont pris le nom de leur fondateur. Celles qui ont continué à être influentes sont les écoles hanafites (Abu Hanifa), malikites (Malik), shâfi'îtes (Al-Shâfi'î), hanbalites (Ibn Hinbal). Géographiquement, elles se retrouvent aujourd'hui pour la première en Syrie et Irak, la seconde plus en Afrique (Maghreb et Afrique centrale et occidentale), la troisième en Egypte et la quatrième (sous le courant wahhabite) en Arabie Saoudite.
15 Cette fonction est apparue sous le califat abbasside (VIIIème siècle (E.C.)).
16 Le métissage est d'abord la reconnaissance de la pluralité en tant que fait irréfutable. Ensuite, chaque élément de cette pluralité ne se résorbe pas l'un dans l'autre (fusion) ni se distingue l'un de l'autre (séparation). L'un est avec l'autre dans un devenir commun: Laplantine, François et Nouss, Alexis, Le métissage, Paris, Flammarion, Coll. «Dominos», 1997, 125 pagesGoogle Scholar.
17 Berque, Jacques, «Préface», dans Botiveau, Bernard, La loi islamique et le droit dans les sociétés arabes: mutation des systèmes. Paris/Aix-En-Province, Karthala/Iremam, 1993, p. 7–12CrossRefGoogle Scholar.
18 Des vagues d'auteurs se sont succédés dans l'étude de l'islam en lien avec la normativité juridique, parmi lesquels Pierre le Vénérable: abbé de Cluny (période médiévale), de Volney; de Paradis (Renaissance), de Sacy (Lumières), Wieihausen, Goldziher, Becker ou Massignon (XIXème siècle) ou Laoust, Sourdel et Gardet (contemporains).
19 Bourdieu, Pierre, «Sur l'objectivation participante», Actes de la recherche en sciences sociales, n° 150, 2003, p. 43–58Google Scholar.
20 Schacht, op.cit., note 15.
21 Le texte sacré inscrit l'islam dans la tradition monothéiste comme une rappel du message apporté par Moïse et par Jésus.
22 Ils définissent le rapport à Dieu dans la pratique des ‘ibadates comme la prière, jeûne, interdits alimentaires, l'obligation religieuse de redistribuer les ressources matérielles.
23 Les hudud sont les limites posées par Dieu au-delà desquelles toute transgression relève de la rébellion envers le Créateur: ils concernent le respect de la période de retraite à la mosquée pendant le ramadhan (II: 187); l'interdiction de reprendre les biens donnés à l'épouse répudiée (II: 227–228); la réconciliation des époux après répudiation (II: 229); l'interdiction de maintenir la femme répudiée dans un état de non-divorce (II: 231); le partage successoral (IV: 7 à 14); le vol (IV: 37), la fornication (IV: 15); l'accusation calomnieuse (IV: 16); le brigandage (V: 33). Toutefois, cette notion est souvent utilisée dans les ouvrages sur le droit islamique pour traduire les châtiments corporels (lapidation ou amputation de la main)!
24 Animé par l'action plus que par le discours, le «praticien reflexif» se sert de ses expériences passées pour face situations nouvelles: Schön, Donald, Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans l'agir professional, trad. Heynemand, J. et Gagnon, D., Montréal, Éd. Logiques, 1993, 418 pagesGoogle Scholar.
25 Le contexte de l'epoque était favorable au pluralisme religieux et juridique.
26 La Sunna est le corpus des propos (hadith) du prophete. Pour une majorité de théologiens et de juristes, elle informe sur l'enseignement coranique et le complete. Or, la distance les propos émis et leur assemblage soulève une incertitude quant à leur entière authenticité. Ainsi, les travaux effectués au cours des dernière s décennie s mettent en exergue l'anachronisme qui les sous-tend et par la même occasion leur légitimité: voir Mernissi, Fatima, Le harem politique. Le Prophète et les femmes, Paris, Albin Michel, 1989, 294 pagesGoogle Scholar; ou les contradictions entr e les hadith et le message prophétique à propos du mythe de la création de la femme: Hassan, Riffat, «Equal before Allah? Woman-Man Equality in the Islamic Tradition», Harvard Divinity Bulletin, Harvard University, January-May 1987, vol. XVII, n° 2, p. 5–10Google Scholar.
27 Il s'agit de s quatre proches disciples du prophète qui ont dirigé la communauté musulmane naissante après son décès: Abu Bakr As-Saddîq, Umar Ibn Al-Khattâb, Uthmân Ibn ‘Affân et ‘Alî Ibn Abî Tâlib. Avec l'ensemble de s premiers croyants, ils sont qualifiés de compagnons (suhaba).
28 Historiquement reconnue comme première école sunnite de droit et la plus ouverte à l'interprétation personnelle. Sa présence marque encore certains pays comme la Turquie (et pays appartenant à l'empire ottoman ) et l'Asie de l'est. Son originalité par rapport aux autres écoles se situe dans le fait que sans concevoir une codification, cette école a tracé, élaboré et développé les concepts clés du droit islamique.
29 L'ijtihad se définit dans la culture juridique islamique comme un effort consenti par les juristes Dour parvenir, à partir des principales sources du droit islamique (Coran et Sunna) à élaborer un avis juridique (fetwa). Il s'oppose à stagnation (taqlid défini souvent par imitation). Si chaque école juridique utilise une méthodologie particulière de mise en œuvre du raisonnement, on distingue de manière générale entre l'ijtihad sélectif (les juristes émettent un avis juridique sur la base d'une confrontation des différents points de vue juridiques donnés sur une question déjà traitée) et l'ijtihad créatif (les juristes déduisent une nouvelle règle ou un nouveau principe à partir d'une question non traitée précédemment): Ammar, Mohammed Salah Ben, Islam et transplantation d'organes, Paris, Springer-Verlag, 2009, 250 pagesCrossRefGoogle Scholar.
30 Dupret, Baudoin, «L'historicité de la norme islamique: du positivisme de l'islamologie juridique à l'anthropologie de la norme islamique», Annales HSS, 1999, n° 1, p. 169–196Google Scholar.
31 Le poids de l'autorité des écoles établies semble opérer comme un effet dissuasif sur les opinions divergentes puisque l'histoire du droit islamique ne mentionne aucune école dissidente. Voir la critique de Shahrour sur le monopole interprétatif: Shahrour, Mohamed, Al-Kitâb wa'l-qur'ân. Qirâ'a mu'âsira (Le livre et le Coran. Une lecture contemporaine), Damas, Dâr al-Ahâli l'Iil, 1990Google Scholar.
32 Le principe du consensus des savants consiste à se mettre d'accord sur un point de droit à un moment donné et d'éviter toute divergence. Le consensus fonctionne comme dans la tradition catholique (ce qui est accepté partout, par tous et pour toujours) et en droit romain (l'opinio prudentium).
33 Sarfati-Larson, Magali, The Rise of Professionnalisme Berkeley, University of California Press, 1977, 312 pagesGoogle Scholar, et Abel, Richard, «Lawyers in the Civil Law World», dans Abel, Richard L. et Lewis, Philip S. (eds.), Lawyers in Society, T. II «The Civil Law World», Berkeley, University of California Press, 1988, p. 9 et suivGoogle Scholar.
34 Certains ouvrages consacrés au droit islamique mettent en corrélation le principe du consensus et la clôture de la porte de l'ijtihad. Ce qui signifie que la réflexion et la transformation du droit islamique en fonction de son contexte se sont achevées entre le IXème et le Xème siècle (E.C.) avec le travail entrepris par les écoles juridiques sunnites. Depuis, le droit s'est figé. Or, d'autres ouvrages, notamment celui de Schacht, adoptent une position inverse. Les adaptations de la normativité islamique se sont poursuivies tout au long des siecles a travers le fiqh (au sens de droit islamique), et les méthodologies de raisonnement (raisonnement par analogie (qiyas); la libre opinion (ray) et l'intérêt général (maslaha)) se sont développées. Des instruments qui ont préparé l'intégration de normes étrangères. Voir les raisons socio-historiques de l'apparition du concept de la métaphore de la «clôture de l'ijtihad» en Occident: Éric Chaumont, «Quelques réflexions sur l'actualité de la question de l'ijtihâd», dans Fregosi, F., Lectures contemporaines du droit islamique, Strasbourg, Presses universitaires de StrasbourgGoogle Scholar, coll. «Société, Droit et Religion en Europe», 2004, p. 71–79Google Scholar.
35 Leur travail est à l'origine de la science juridique ou finalités de la sharî'a (maqâsid ash-sharî'a) qui est développée, au XIVème siècle (E.C.) par un disciple de l'école malékite, Abu Ishaq al-Shâtibî. Al-Shâtibi s'appuie sur la méthode de raisonnement par analogie (qyas) et développe les principes d'approbation (al-istihsan) et d'utilité commune (al-istislàh). Son objectif vise à établir une conciliation entre la raison et la révélation: Boulaabi, Abderraouf, Islam et pouvoir: les finalités de la charia et la légitimité du pouvoir, Paris, L'Harmattan, 2005, 305 pagesGoogle Scholar. Sans toutefois s'y attarder, il est intéressant de noter que al-Shâtibî fait l'objet de critiques quant à son «interprétation tronquée [du Coran qui] restait en deçà des réelles intentions de la sharî'a» par Al-Banna, Gamal, Vers une nouvelle jurisprudence islamique, trad. Akouri, Mona, Egypte/Monde arabe, Deuxième série, 3 2000Google Scholar, [En ligne], mis en ligne le 08 juillet 2008. URL: http://ema.revues.org/index811.html (consulté le 13 juin 2010).
36 Voir notamment l'action des féministes islamiques dans la relecture des versets dits de l'inégalité. Elles affirment, au contraire, l'égalité homme/femme en faisant ressortir la nature commune «insan» (être humain) des deux entités: Ahmed, Leila, Women and Gender in Islam: Historical Roots of a Modem Debate, New Haven, Yale University Press, 1992, 296 pagesGoogle Scholar; Wadud, Amina, Quran and Women: Rereading the Sacred Text from a Woman's Perpective, New York, OxfordUniversity Press, 1999, 118 pagesGoogle Scholar.
37 Botiveau, Bernard, «Droit islamique: du politique à l'anthropologique», Droit et Société, 15, 1991, p. 161–174CrossRefGoogle Scholar.
38 Le monde islamique est déjà familier avec la mise en forme scripturaire de la parole orale. Celle-ci s'est faite progressivement à différents moments de l'histoire de l'islam. La première remonte à la transcription de la parole divine (Coran), suivie deux siècles après par celle du prophète (Sunna) et plus tard par la compilation du fiqh par les théologiens (notamment les disciples de certaines écoles). Elle se poursuit avec la rédaction du droit islamique.
39 En fait, ce pays s'est lancé dans la codification de ses lois de manière précoce par rapport aux autres pays musulmans (Suleyman le magnifique au XVIème (E.C.)). Vers la fin de l'empire ottoman, le Mejellah (code civil) est la principale source de droit des tribunaux turcs.
40 L'ensemble des solutions en matière de biens et d'obligations éparpillées dans les différents volumes du fiqh est rassemblé dans un corpus unique, le Murshid. Il est à noter que ni le Mejellah ni le Murshid ne touchent de manière directe aux questions de statut personnel qui reprennent les prescriptions coraniques, considérées jusqu'à présent comme «intouchables»: Botiveau, Bernard, Loi islamique et droit dans les sociétés arabes: mutations des systèmes juridiques du Moyen-Orient, Paris, Karthala/IREMAM, 1993, 384 pagesCrossRefGoogle Scholar.
41 Pour une analyse plus profonde de la dimension culturelle du droit: Henry, Jean-Robert, «Le changement juridique dans le monde arabe ou le droit comme enjeu culturel», Droit et Société, n° 15, 1990, p. 157–170Google Scholar.
42 Chehata, Chafik, «Les concepts de Qabd Damân et de Qabd Amâna en droit musulman Hanéfite», Studia Islamica, n° 32, 1970, p. 89–99Google Scholar.
43 Quant au rapport entre le droit étatique et le droit islamique, il est intéressant de référer aux dispositions constitutionnelles de nombreux pays musulmans. La sharî'a ou les principes de la sharî'a sont depuis les années 70, soit «source principale de la législation» (Égypte, Arabie Saoudite), soit «source majeure de la législation» (Libye). Dans d'autres pays, c'est l'islam qui est religion d'État (Algérie).
44 L'expérience turque a offert au régime colonialiste l'opportunité de l'époque de la transposer dans les pays conquis d Afrique du Nord et du Proche-Orient. L'objectif construit en plusieurs étapes devait faire cohabiter les deux systèmes juridiques islamique et colonial, en place, pour ensuite procéder à la substitution du premier par le second ou simplement à la création par syncrétisme d'un autre système juridique. La dernière éventualité est illustrée par le Pakistan qui, au milieu du XXème siècle E.C, adopte l'«anglo-muhammeddan law». À l'inverse, l'Algérie et la Tunisie fournissent des exemples infructueux de tentatives de mise en place de codes musulmans par les gouvernements français. Dans ces pays, les tribunaux musulmans ont conservé primauté, monopole d'interprétation et d'application du droit islamique.
45 Les réformes dans le domaine du statut personnel apportent un bémol à l'affirmation avancée. À défaut d'intervenir directement dans les dispositions coraniques, le législateur de nombreux pays musulmans procède par interprétation qui le conduit à des solutions originales. Ainsi, le mariage civil bénéficie d'une reconnaissance au même titre que le mariage religieux. Et, le divorce judiciaire connaît un engouement du fait de la garantie des droits accordés au conjoint divorcé et la protection de l'intérêt de l'enfant. Des paramètres que la pratique de la répudiation unilatérale a tendance à négliger.
46 S. Romano, op.cit., note 8.
47 Sans établir de liens directs, ce phénomène coïncide également avec l'entrée dans la mondialisation de ces sociétés.
48 Il est à noter, sans insister, qu'une littérature spécialisée se consacre à l'étude de cette question en mettant en avant la dialectique du religieux et du politique et notamment la montée de certains groupes qualifiés d'islamistes. Ce terme s'entend à partir de la définition de «l'islamisme [qui] est (…) l'utilisation politique de l'islam par les acteurs d'une protestation antimoderne perçue comme portant atteinte à leur identité à la fois nationale et religieuse»: Etienne, Bruno, «L'islamisme comme idéologie et comme force politique», dans Cités, vol. 2, n° 14, Paris, Presses Universitaires de France, 2003, p. 45–55Google Scholar.
49 L'article de Salvotore donne un aperçu du parcours historique de la normativité de la sharî'a en tant que «métanorme» et de son impact actuel: Salvatore, Armando, «La sharî'a moderne en quête de droit: raison transcendante, métanorme publique et système juridique», Droit et société, n° 30, 1998, p. 293–316Google Scholar.
50 Dupret, Baudoin, «L'Autorité de la référence. Usages de la sharî'a islamique dans le contexte judiciaire égyptien», Archives de sciences des religions, n° 125, 2004, 189–210Google Scholar.
51 F. Laplantine et A. Nouss, op.cit., note 13.
52 Par exemple celle de Mahmoud Mohammed Taha (Soudan), de Abdulkarim Sorouch (Iran), de Mohamed Talbi (Tunisie) ou de Gamal Al-Banna (Egypte).
53 À ce registre s'inscrit la normativité répressive à l'égard des femmes musulmanes et ce, à l'encontre justement des préceptes divins.
54 Éric Chaumont, «Peut-on qualifier le droit musulman de «défense»», http://oumma.com/La-charia-et-la-polygamie-1-4.
55 Le cas de Nasr Hamid Abû Zayd, un auteur égyptien condamné à l'exil (précédé d'une sentence d'apostasie par les religieux de son pays) pour avoir proposé «une méthode étude analytique» du Coran, fait une analyse acérée du discours religieux contemporain et affirmé que la «pensée islamique s'est rigidifiée … par défaut d'un débat pluraliste».
56 Achour, Yadh Ben, Normes, foi et loi en particulier en islam, Tunis, Éd. CERES, 1993, 270 pagesGoogle Scholar.