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Débats sur la laïcité et sentiment d'appartenance chez les immigrants racisés au Québec : Mieux comprendre l'impact des « événements focalisateurs »

Published online by Cambridge University Press:  16 June 2023

Antoine Bilodeau*
Affiliation:
Département de science politique, Université Concordia, 1455 boul. de Maisoneuve Ouest, Montréal, QC H3 G 1M5, Canada
Luc Turgeon
Affiliation:
École d’études politiques, Université d'Ottawa, 120 University, Pavillon des sciences sociales, Ottawa, ON K1N 6N5, Canada
*
Auteur correspondant : Antoine Bilodeau. Courriel : antoine.bilodeau@concordia.ca
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Résumé

Certaines études suggèrent que le projet de Charte des valeurs du PQ et la loi 21 ont nourri un sentiment d'exclusion chez les membres des religions minoritaires. Cependant, aucune étude ne permet à ce jour de comparer le sentiment d'appartenance des minorités religieuses avant et après la mise à l'agenda de ces projets législatifs. Ancrée dans la recherche sur les « événements focalisateurs » et reposant sur des données de trois sondages réalisés en 2012, 2014 et 2019, notre étude examine l'impact des débats sur laïcité sur le sentiment d'appartenance des immigrants racisés au Québec. Nos résultats démontrent qu'un déficit d'appartenance au Québec par rapport au Canada existait déjà en 2012, mais qu'il était circonscrit à certains groupes, notamment ceux de dénominations non chrétiennes et les non francophones. Nos analyses montrent aussi qu'avec les débats sur la laïcité, le déficit d'appartenance au Québec s'est étendu aux minorités non religieuses et aux francophones.

Abstract

Abstract

Some studies suggest that the PQ's proposed Charter of Values and Bill 21 have fostered a sense of exclusion among members of religious minorities. However, there is no study to date that compares the sense of belonging of religious minorities before and after these legislative projects were put on the agenda. Grounded in research on “focusing events” and drawing on data from three surveys conducted in 2012, 2014 and 2019, our study examines the impact of the secularism debates on racialized immigrants' sense of belonging in Quebec. Our results show that a deficit of belonging to Quebec relative to Canada already existed in 2012, but that it was circumscribed to certain groups, notably those of non-Christian denominations and non-French speakers. Our analyses also show that with debates on secularism, the Quebec belonging deficit has extended to non-religious minorities and Francophones.

Type
Étude originale/Research Article
Creative Commons
Creative Common License - CCCreative Common License - BY
This is an Open Access article, distributed under the terms of the Creative Commons Attribution licence (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted re-use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Copyright
Copyright © The Author(s), 2023. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

La période de 2013 à 2019 au Québec a été marquée par des débats sur la laïcité. Plus spécifiquement, deux projets législatifs concernant le port de symboles religieux par les employés de l’État québécois furent structurant. Le premier, le projet de loi 60 (Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement), introduit à l'Assemblée nationale à l'automne 2013 par le gouvernement du Parti Québécois, proposait d'interdire le port de symboles religieux chez l'ensemble des employés des secteurs public et parapublic provinciaux.Footnote 1 Le deuxième, le projet de loi 21 (Loi sur la laïcité de l'État), présenté au printemps 2019 par le gouvernement de la Coalition Avenir Québec et adopté au mois de juin de la même année, interdit le port de symboles religieux chez les employés de l’État en position d'autorité.Footnote 2 Dans les deux cas, on retrouve au cœur des débats qui en découlent l'enjeu qui est relatif aux effets de telles lois sur le vivre ensemble et sur le sentiment d'appartenance au Québec des minorités religieuses, et plus largement des minorités ethnoculturelles.Footnote 3

Pour plusieurs partisans de ces propositions législatives, celles-ci contribueraient à l'amélioration du vivre ensemble au Québec et au développement de l'identité nationale. Ainsi, dans leur mémoire soumis dans le cadre des auditions publiques sur le projet de loi 21, le Rassemblement pour la laïcité (2019: 5) indiquait que la laïcité de l’État « est un des socles de la démocratie et une condition essentielle de l'harmonie et du mieux vivre ensemble dans une société de plus en plus diversifiée, multiethnique et multiconfessionnelle ». Quant au Mouvement national des Québécoises et des Québécois (2019: 5), il affirmait lors des mêmes audiences que le projet de loi « pourrait avoir une portée identitaire et politique peut-être aussi grande que la loi 101, dans la mesure où elle viendra[it] structurer un principe essentiel fondateur [sic] notre existence collective ».

Chez leurs opposants, ces projets de loi allaient au contraire nuire à la cohésion sociale et, en particulier, au développement d'un sentiment d'appartenance au Québec. Dans une lettre ouverte publiée à la suite du dépôt du projet de loi 21, Lida Aghasi et Yann Hairaud de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes écrivaient que le projet de loi renforçait le clivage entre le « nous » et le « eux ». Ils soulignaient que le projet va « à l'encontre du développement du vivre ensemble et ne fait qu'attiser le sentiment de rejet et d'exclusion » (Aghasi et Hairaud, Reference Aghasi and Hairaud2019).

Bien qu'unique dans le contexte nord-américain, les propositions législatives québécoises trouvent écho dans bon nombre de pays européens. Au cours de la dernière décennie, des propositions similaires ont été débattues dans des pays comme la Suisse, la Bosnie-Herzégovine ou encore l'Allemagne. Quel impact ce type de propositions législatives a-t-il sur le sentiment d'appartenance des groupes minoritaires? Que ce soit dans le contexte québécois ou ailleurs dans le monde, nous possédons très peu de données probantes pour répondre à cette question. Dans cet article, nous tentons d'offrir des éléments de réponses en explorant le cas québécois, et plus précisément la période de 2013 à 2019, durant laquelle ont été proposés les deux projets législatifs du Parti Québécois et de la Coalition Avenir Québec.

Afin de rendre compte des effets possibles de tels projets législatifs, nous ancrons notre analyse dans la recherche portant sur les « événements focalisateurs » (Birkland, Reference Birkland1998; Kingdon, Reference Kingdon1995).Footnote 4 Alimi et Maney (Reference Alimi and Maney2018 : 760, notre traduction) définissent un « événement focalisateur » comme « un événement qui retient l'attention du public de manière intensive, substantielle et relativement durable ». Les débats autour du projet de loi 60 en 2013–2014 et du projet de loi 21 en 2019 ont incontestablement retenu l'attention soutenue du public. Le projet de loi 60, en particulier, a été au cœur des débats politiques de septembre 2013 à l’élection provinciale de 2014. Il a mené, tout au long de l'automne 2013, à d'importantes manifestations d'opposants et de partisans du projet de loi, de même qu’à des audiences publiques largement diffusées et commentées. Quant au projet de loi 21, il a été au cœur de débats publics dès son dépôt en mars 2019 jusqu’à son adoption en juin de la même année. Ce faisant, les deux propositions législatives constituent des événements focalisateurs; il reste maintenant à déterminer si, et dans quelle mesure, ceux-ci ont marqué le sentiment d'appartenance des groupes minoritaires.

Nos analyses reposent sur trois sondages réalisés en 2012, 2014 et 2019. Nos résultats montrent que si un déficit d'appartenance au Québec par rapport au Canada existait déjà en 2012, il était circonscrit à quelques groupes : au premier rang desquels on retrouve les membres de dénominations religieuses non chrétiennes et les non francophones. Qui plus est, nos analyses démontrent qu'avec les débats entourant le projet de loi 60 et la loi 21, le déficit d'appartenance au Québec s'est étendu à d'autres groupes, notamment les non religieux et les francophones.

Événements focalisateurs et sentiment d'appartenance : l’état de la recherche

La recherche en sociologie et en science politique reconnait le rôle primordial que peuvent avoir certains événements focalisateurs sur les attitudes des membres du groupe majoritaire en ce qui concerne l'immigration et la diversité ethnoculturelle. Cela peut intervenir en réaction, par exemple, à des émeutes dans des quartiers multiculturels en Grande-Bretagne (de Rooij et al., Reference De Rooij, Goodwin and Pickup2015), à la « crise des migrants » en Europe (Czymara et Schmidt-Catran, Reference Czymara and Schmidt-Catran2017) ou encore à des attaques terroristes (Mancosu et Pereira, Reference Mancosu and Pereira2021; Schmidt-Catran et Czymara, Reference Schmidt-Catran and Czymara2020). Comme le rappellent par ailleurs Czymara et Schmidt-Catran (Reference Czymara and Schmidt-Catran2017), dans son étude classique sur les préjugés et le positionnement de groupes, Harold Blumer (Reference Blumer1958) notait déjà le rôle primordial des « grands événements » sur le développement des attitudes.

Peu de spécialistes de l'opinion publique explorent cependant l'impact de tels événements sur les attitudes des membres de minorités ethnoculturelles et religieuses. Une exception provient des travaux d'Abdelgadir et de Fouka (2020), qui s'intéressent aux effets de l'adoption de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises en 2004. L’étude illustre que cette interdiction a réduit le niveau d’éducation des jeunes filles musulmanes, tout en augmentant leur identification à leur religion, mais aussi à la France. Dans le cadre québécois, des chercheurs ont eu recours à des entrevues ou des études ethnographiques et ont montré que les débats sur les symboles religieux avaient contribué à un sentiment d'exclusion chez des membres de religions minoritaires, au premier rang chez les musulmans (Magnan et Larochelle-Audet, Reference Magnan, Larochelle-Audet, Wilson-Forsberg and Robinson2018; Tremblay, Magnan et Levasseur, Reference Tremblay, Magnan and Levasseur2018).Footnote 5

Notre étude vise à enrichir nos connaissances concernant les effets des événements focalisateurs à travers une contribution qui se décline de trois façons. Tout d'abord, peu de recherches offrent un examen empirique des conséquences des législations entourant le port des symboles religieux sur le sentiment d'appartenance des minorités religieuses et ethnoculturelles. De plus, les études existantes en contexte québécois reposent pour la plupart sur des entretiens réalisés uniquement après la mise à l'agenda de la Charte des valeurs et de la Loi 21. Notre étude vise donc dans un premier temps à fournir des données probantes permettant de mieux saisir l'effet de ces événements focalisateurs en comparant le sentiment d'appartenance des minorités religieuses et ethnoculturelles avant et après le dépôt des projets législatifs.

Deuxièmement, notre étude approfondit notre compréhension des événements focalisateurs en distinguant leurs effets circonscrits, qui affectent plus particulièrement certains groupes, et leurs effets généralisés, qui affectent tous les groupes minoritaires. Si les quelques études existantes sur le sujet examinent l'impact de législations comme celles interdisant des symboles religieux sur les groupes les plus affectés par de telles mesures, à savoir les minorités religieuses, il y a lieu de penser que ces législations peuvent avoir un effet qui va bien au-delà de ces dernières.

D'une part, comme les projets législatifs décrits plus haut portaient plus précisément sur le port de symboles religieux ostentatoires, une pratique plus répandue de nos jours chez les membres de certaines dénominations religieuses non chrétiennes, on peut anticiper que ces projets législatifs aient des effets sur le sentiment d'appartenance de ces mêmes individus. Ainsi, les débats sur les restrictions aux symboles religieux dans l'espace public pourraient être perçus par les minorités religieuses concernées comme un rejet de leurs pratiques et croyances, et les amener à développer un plus faible sentiment d'appartenance. Nous proposons de nommer ces possibles effets comme étant circonscrits.

D'autre part, on peut avancer l'hypothèse qu'au-delà des conséquences pratiques et circonscrites des législations pour certains groupes religieux, l'ensemble des minorités ethnoculturelles pourrait interpréter les débats publics entourant ces projets législatifs comme un rejet ou, à tout le moins, comme un malaise du groupe majoritaire avec la diversité ethnoculturelle plus largement définie. Très certainement, le dépôt des projets législatifs décrits plus haut a suscité un débat sur le rapport du Québec à la diversité religieuse, mais aussi à la diversité ethnoculturelle plus largement. En effet, la mise à l'agenda politique de ces deux projets de loi est survenue à la suite d'une période où l'on pouvait observer, selon Dupré (Reference Dupré2012 : 239), la présence d'un important discours public sur la nécessité pour le groupe majoritaire d'origine canadienne-française de reconquérir sa place au sein des institutions publiques. En ce sens, l'ensemble des minorités ethnoculturelles pourrait avoir perçu les débats sur le port de symboles religieux au sein des institutions publiques comme un message de rejet, et ainsi avoir développé un sentiment d'appartenance plus faible envers le Québec. Nous proposons de nommer ces possibles effets comme étant généralisés.

Finalement, notre étude se penche non seulement sur les changements dans le temps du sentiment d'appartenance – ce qui a été l’élément central des quelques études sur l'impact des événements focalisateurs –, mais elle porte aussi sur les sentiments d'appartenance. En effet, le sentiment d'appartenance des minorités est souvent l'objet d'une lutte entre plus d'une communauté politique. Dans des pays comme la Grande-Bretagne, l'Espagne, la Belgique et le Canada, c'est-à-dire dans des États multinationaux, des processus de compétition nationale signifient que différents paliers de gouvernement, représentant des communautés politiques distinctes, mais qui se chevauchent, luttent pour la loyauté de leurs commettants. Dans cette perspective, notre étude explore si des événements focalisateurs peuvent contribuer à modifier l’équilibre dans le sentiment d'appartenance à différentes communautés politiques.

Aménagement de la diversité ethnoculturelle et religieuse au Québec et au Canada : des modèles en compétition?

Avant d'explorer les hypothèses guidant notre étude, nous présentons dans cette section les approches des communautés politiques québécoise et canadienne dans la gestion de la diversité ethnoculturelle et religieuse dans la mesure où ces dernières influencent potentiellement le sentiment d'appartenance des minorités. Dans un État multinational, les approches dans la gestion de la diversité ethnoculturelle et religieuse peuvent être complémentaires, où les deux contextes renforcent ou entravent le sentiment d'appartenance aux deux communautés (à titre d'exemple, aux communautés canadienne et québécoise). Ils peuvent également être en compétition, c'est-à-dire proposer des modèles distincts qui contribuent potentiellement à augmenter le sentiment d'appartenance à une communauté au détriment de l'autre. Le cas canadien est souvent présenté comme correspondant à ce modèle (Banting and Soroka, Reference Banting and Soroka2012; Barker, Reference Barker2015). Selon nous, depuis les années 1960, les modèles québécois et canadien d'aménagement de la diversité sont davantage en compétition qu'ils ne sont complémentaires. Dans les deux cas, le développement de ces modèles s'est effectué à l'occasion de processus importants de refondation nationale : alors que l'identité québécoise se dissocia de l'identité canadienne-française, l'identité canadienne (anglaise) se dissocia quant à elle de l'identité britannique (Langlois, Reference Langlois2018; voir également Igartua, Reference Igartua2011).

Un premier élément de divergence entre les deux communautés est celui de la langue. Depuis la fin des années 1960, le gouvernement canadien fait la promotion du bilinguisme officiel. À l'opposée, depuis l'adoption de la loi 22 en 1974, le Québec fait du français la seule langue officielle de la province. De plus, la Charte de la langue française (la loi 101) adoptée en 1977 contraint les nouveaux arrivants (et tous les Québécois, à l'exception de la minorité anglophone) à envoyer leurs enfants à l’école francophone.Footnote 6

Les politiques d'aménagement de la diversité ethnoculturelle constituent une deuxième dimension où les approches québécoise et canadienne divergent. Depuis 1971, le gouvernement fédéral fait du multiculturalisme sa politique officielle d'intégration. Le multiculturalisme a largement été rejeté au Québec dans la mesure où il a été perçu comme constituant une négation du caractère national unique du Québec au sein du Canada (Labelle, Reference Labelle2008). Le Québec, quant à lui, a plutôt graduellement fait la promotion de l'interculturalisme (Bouchard, Reference Bouchard2012; Gagnon et Iacovino, Reference Gagnon and Iacovino2006; Lamy et Mathieu, Reference Lamy and Mathieu2020). Bien que ce dernier reconnaisse officiellement l'importance de la diversité multiethnique de la province, tout comme le multiculturalisme, il présente cependant explicitement le groupe majoritaire francophone comme le noyau vers lequel les nouveaux arrivants doivent converger.

Des débats importants existent quant aux différences ou aux similarités entre le multiculturalisme et l'interculturalisme. Pour certains, la différence serait essentiellement sémantique ou relativement minime (Kymlicka, Reference Kymlicka, Meer, Modood and Zapata-Barrero2016; Jedwab, Reference Jedwab2016). Les deux modèles se caractériseraient par un rejet de l'assimilation, une valorisation de la diversité et la promotion de l'interaction entre citoyens de différentes origines. Pour d'autres, ces approches seraient clairement distinctes (Gagnon et Iacovino, Reference Gagnon and Iacovino2006; Bouchard, Reference Bouchard2012). Ainsi, pour Bouchard (Reference Bouchard2012), l'interculturalisme se distinguerait du multiculturalisme notamment par une plus grande insistance sur la prédominance d'une langue (le français), l'importance d'une mémoire collective et la sensibilité envers les préoccupations de la culture majoritaire. Ultimement, pour Rocher et White (Reference Rocher and White2014 : 19), ce qui distingue les deux approches, c'est qu'elles s'inscrivent dans des processus distincts de construction nationale :

L’État fédéral présente le multiculturalisme comme une caractéristique fondamentale de la société canadienne dans le cadre d'institutions fédérales bilingues. Pour l’État québécois, l'interculturalisme doit contribuer au patrimoine historique porté par le groupe majoritaire dans un État qui désigne le français comme seule langue officielle.

Avec le bilinguisme et le multiculturalisme, le projet canadien proposait jusqu’à tout récemment un modèle identitaire qui pouvait paraître plus flexible que le modèle québécois avec sa priorisation de la langue française et la centralité de la majorité historique francophone. Plusieurs études publiées avant les deux propositions législatives sur le port des symboles religieux montrent d'ailleurs que les immigrants au Québec s'identifiaient davantage et plus aisément au Canada qu'au Québec (Labelle et Salée, Reference Labelle, Salée, Alexander Aleinikoff and Klusmeyer2001; Helly, Reference Helly2001; Bilodeau et al., Reference Bilodeau, White and Nevitte2010; Banting et Soroka, Reference Banting and Soroka2012).

Plus récemment, la place de la religion dans la société s'est affirmée comme point de divergence additionnelle entre les modèles québécois et canadien. D'abord illustrée à partir de 2006 avec la « crise des accommodements raisonnables », cette divergence a ensuite été mesurée par le biais d’études démontrant que les Québécois étaient beaucoup plus susceptibles que les autres Canadiens d'appuyer l'interdiction de symboles religieux chez les employés de l’État (Dufresne et al., Reference Dufresne, Kilibarda, Blais and Bibeau2019; Turgeon et al., Reference Turgeon, Bilodeau, White and Henderson2019).

De même, les projets de loi 60 et 21 ont été vivement dénoncés par plusieurs politiciens et leaders d'opinion au Canada hors Québec, et continuent toujours de l’être dans le cas de la loi 21. Dans ce contexte, il y a lieu de croire que les débats entourant les symboles religieux entre 2013 et 2019 ont accentué davantage les divergences du modèle canadien par rapport au modèle québécois.

Dans ce contexte où les communautés politiques québécoise et canadienne sont en compétition pour l'appartenance première des citoyens, y compris ceux des groupes minoritaires, et mettent de l'avant des modèles d'aménagement de la diversité ethnoculturelle qui peuvent apparaître divergents sur un certain nombre de paramètres, il serait par conséquent incomplet d'explorer l’évolution du sentiment d'appartenance des minorités ethnoculturelles et religieuses en lien seulement avec le Québec. Dans cette perspective, notre étude explore si les événements focalisateurs que sont les deux projets législatifs sur le port des symboles religieux ont contribué à modifier l’équilibre sur lequel repose le sentiment d'appartenance des communautés politiques québécoise et canadienne.

Le choix d'examiner l’équilibre entre les sentiments d'appartenance au Québec et au Canada semble d'autant plus pertinent à la lumière de certains résultats des recherches qui portent sur les effets des événements focalisateurs. Elles suggèrent effectivement que les événements focalisateurs – ou encore les expériences discriminatoires – peuvent provoquer un ressac chez les membres des groupes minoritaires, amenant ceux-ci à modifier leur sentiment d'appartenance au groupe national, ethnique ou religieux (Abdelgadir et Fouka, 2020; Bilodeau et al., Reference Bilodeau, White, Turgeon and Henderson2022; Terrasse, Reference Terrasse2021). Ces études témoignent du fait qu'en réaction à des expériences ou des évènements perçus comme discriminatoires ou stigmatisants, et dans le but afin de maintenir leur bien-être psychologique, les membres d'un groupe minoritaire sont susceptibles de modifier leur sentiment d'appartenance au détriment du groupe perçu comme davantage responsable de leur marginalisation et au bénéfice d'un groupe alternatif perçu comme un refuge (Portes et Rumbaut, Reference Portes and Rumbaut1990; Rumbaut, Reference Rumbaut2008).

Ces études examinent ainsi la mise en opposition entre l'appartenance à la communauté nationale et celle au groupe minoritaire, mais rarement ont-elles examiné la mise en opposition entre différentes communautés d'accueil nationales. C'est précisément ce que nous faisons dans le présent article. Inspirés par les travaux sur « l'ethnicité réactive » (Portes et Rumbaut, Reference Portes and Rumbaut1990; Rumbaut, Reference Rumbaut2008), dans un contexte où les communautés politiques québécoise et canadienne peuvent être mises non seulement en compétition, mais aussi explicitement en opposition, nous examinons comment les réactions aux débats sur la laïcité au Québec ont contribué à modifier l’équilibre face aux sentiments d'appartenance au Québec et au Canada.

Hypothèses

Bien que les partisans des deux projets de loi québécois sur le port de symboles religieux affirmaient que ces derniers ne ciblaient pas un groupe religieux en particulier, il n'en demeure pas moins que les débats publics ont porté principalement sur les symboles religieux associés à des groupes minoritaires (musulmans, juifs, sikhs). Les effets des débats qui ont suivi peuvent alors être circonscrits à ces minorités religieuses. En conséquence, notre première hypothèse est que durant la période de 2013 à 2019 l’équilibre dans le sentiment d'appartenance aux communautés politiques québécoise et canadienne s'est modifié à l'avantage du Canada uniquement chez les membres des minorités religieuses.

Une étude sur le sentiment d'appartenance au Québec et au Canada ne peut négliger le rôle de la langue. En effet, un certain nombre de recherches montrent l'impact de l'intégration linguistique sur le comportement politique et le sentiment d'appartenance des minorités ethnoculturelles au Québec, celles-ci adoptant un profil d'attitudes se rapprochant de celui des autres membres du groupe linguistique auquel elles s'intègrent (Bilodeau, Reference Bilodeau2016; Bilodeau et al., Reference Bilodeau, Turgeon, White and Henderson2015, Lavoie et Serré, Reference Lavoie and Serré2002). Dans le contexte des débats sur la laïcité, cette différence est potentiellement importante, dans la mesure où l'appui aux restrictions au port de symboles religieux était beaucoup plus élevé chez les francophones que chez les anglophones (Turgeon et al., Reference Turgeon, Bilodeau, White and Henderson2019). En conséquence, les effets des débats sur la laïcité pourraient varier en fonction de la langue parlée par les minorités ethnoculturelles et religieuses. Plus précisément, comme l'appui aux deux projets législatifs était plus faible chez les non francophones, on pourrait penser que les effets négatifs seront circonscrits aux minorités non francophones. Notre deuxième hypothèse suggère ainsi que durant la période de 2013 à 2019 l‘équilibre dans le sentiment d'appartenance aux communautés politiques québécoise et canadienne s'est modifié à l'avantage du Canada uniquement chez les membres des minorités qui sont non francophones.

Finalement, dans la mesure où les projets de loi ont été perçus comme plus que de simples législations régissant le port de symboles religieux dans les institutions publiques et comme étant symptomatiques d'un malaise plus généralisé avec la diversité ethnoculturelle, il est possible qu'ilss aient influencé le sentiment d'appartenance de l'ensemble des minorités ethnoculturelles et non seulement celui des minorités religieuses ou celui des minorités non francophones. En somme, les effets des débats sur la laïcité pourraient être généralisés à l'ensemble des minorités ethnoculturelles, peu importe leur religion ou leur langue d'usage. Dans cette perspective, notre troisième hypothèse veut que durant la période de 2013 à 2019, l’équilibre dans le sentiment d'appartenance aux communautés politiques québécoise et canadienne s'est modifié à l'avantage du Canada chez l'ensemble des minorités ethnoculturelles, incluant celles qui ne sont pas religieuses et celles qui sont francophones.

Méthodologie

Notre étude repose sur l'analyse des données de trois sondages réalisés respectivement à l'automne 2012, à l'hiver 2014 et au printemps/été 2019. Alors que les sondages réalisés en 2019 et 2014 nous permettent de mesurer la force du sentiment d'appartenance au moment où les deux projets de loi étaient débattus dans l'espace public, le sondage réalisé en 2012 intervient comme un point de référence pour la période précédant nos deux événements focalisateurs. En ce sens, notre étude vise à mesurer la force du sentiment d'appartenance au sein des minorités ethnoculturelles et religieuses en 2014 et 2019 en comparaison avec 2012.

Chaque sondage repose sur un échantillon de personnes immigrantes. Nous limitons nos analyses aux populations immigrantes – c'est-à-dire nées à l'extérieur du Canada – et qui sont racisées, suivant la définition de minorités visibles de Statistique Canada, c'est-à-dire « les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche » (Statistique Canada, 2011). Cette décision a été prise afin de travailler avec la même population pour chacun des trois sondages. Les trois sondages ont été réalisés via des questionnaires autoadministrés en ligne qui proviennent tous du panel web de la firme Léger, ils ont utilisé la même méthode de recrutement des participants, et leurs questionnaires offrent un certain nombre d'indicateurs identiques, notamment ceux liés au sentiment d'appartenance.Footnote 7 Notre analyse procède donc en regroupant les répondants correspondants au profil de personnes immigrantes racisées au sein des trois sondages. Cette manière de procéder nous permet de mener des tests statistiques afin de comparer le sentiment d'appartenance à travers les trois sondages.

Le premier sondage fait état d'un échantillon de 443 immigrants racisés interrogés dans le cadre du Sondage de minorités visibles lors des élections générales québécoises de 2012. Le deuxième sondage repose sur un échantillon de 315 immigrants racisés interrogés dans le cadre du Projet sur la diversité provinciale.Footnote 8 Le troisième sondage se fonde sur un échantillon de 574 immigrants racisés interrogés dans le cadre du projet Stratégies participatives des personnes immigrantes et minorités ethnoculturelles au Québec. Le Tableau 1 présente le profil sociodémographique des répondants pour chacun des trois sondages.

Tableau 1. Profil sociodémographique par année d'entrevue

Notre définition du sentiment d'appartenance s'inspire des études existantes sur le sujet. Nous concevons l'appartenance comme une affaire sociale (Antonsich, Reference Antonsich2010 : 649; Probyn, Reference Probyn1996 : 13), où l'appartenance signifie qu'un individu désire faire partie d'une communauté et qu'un individu sent que les autres membres veulent qu'il fasse partie de la communauté (Banting et Soroka, Reference Banting and Soroka2012 : 163). Cette distinction entre sentiment d'attachement et d'acceptation renvoie également à l'idée, telle que développée notamment par des penseurs de la reconnaissance, que l'identité est fondamentalement dialogique, c'est-à-dire qu'elle prend sa pleine signification dans notre relation à l'autre (Taylor, Reference Taylor1994; Honneth, Reference Honneth1996). En conséquence, conformément à la recherche existante, nous nous appuyons sur deux indicateurs mesurant séparément la force du sentiment d'attachement à la communauté politique et le sentiment d’être accepté par celle-ci (Bilodeau et al., Reference Bilodeau, White, Turgeon and Henderson2020).

Nous mesurons l'attachement par une question demandant aux répondants d’évaluer leur attachement au Québec et au Canada sur une échelle de 0 à 10, où 10 signifie qu'ils sont fortement attachés à la communauté politique et 0 signifie qu'ils n'y sont pas attachés du tout. De la même manière, nous mesurons le sentiment d’être accepté par une question demandant aux répondants d’évaluer leur sentiment d’être accepté au Québec et au Canada sur une échelle de 0 à 10, où 10 signifie qu'ils se sentent fortement acceptés par la communauté politique et 0 signifie qu'ils ne s'y sentent pas du tout acceptés.

L’évolution du sentiment d'appartenance (2012–2019)

La Figure 1 rapporte les niveaux d'attachement et d'acceptation exprimés par les répondants pour chacun des trois sondages. Plusieurs constats doivent être soulignés. Tout d'abord, en ce qui concerne l'attachement aux communautés politiques, les immigrants racisés affichent un attachement plus fort au Canada qu'au Québec, un constat concordant avec celui de la recherche précédant les débats sur la laïcité (Bilodeau et al., Reference Bilodeau, White and Nevitte2010; Labelle et Salée, Reference Labelle, Salée, Alexander Aleinikoff and Klusmeyer2001; Helly, Reference Helly2001). Deuxièmement, on remarque une baisse notable de près d'un point de l'attachement au Québec entre 2012 et 2014 (de 7,1 à 6,2) – on se trouve alors au cœur du débat sur la Charte des valeurs –, pour rebondir en 2019 au niveau initialement observé en 2012. En comparaison, on observe une tendance à la hausse de l'attachement au Canada, passant de 7,3 en 2012 à 7,7 en 2014 et à 8,3 en 2019. Troisièmement, en ce qui a trait aux sentiments d'acceptation, les personnes immigrantes racisées semblent se sentir davantage acceptées par la communauté politique canadienne que par la communauté politique québécoise : on observe un écart de près d'un point, et cette différence apparaît stable à travers nos trois sondages.

Figure 1. Attachement et acceptation chez les immigrants racisés (2012, 2014 et 2019)

Sentiments d'appartenance québécois et canadien en compétition

Nos analyses se concentrent maintenant sur les écarts d'attachement et les écarts de sentiments d'acceptation, ceux-ci nous permettant de rendre compte plus efficacement et simplement de la dynamique de compétition entre les communautés politiques québécoise et canadienne chez les immigrants racisés. Pour chaque répondant, nous calculons la différence entre le sentiment d'appartenance au Canada et au Québec. L'opération est réalisée séparément pour l'attachement et pour le sentiment d'acceptation. Les nouvelles mesures sont des échelles variant de -10 à 10, où un score positif signifie un attachement/acceptation plus fort pour le Canada et un score négatif signifie un attachement/acceptation plus fort pour le Québec.

À cette étape, nous réalisons des analyses multivariées qui incluent un certain nombre de variables de contrôles afin de nous assurer que les écarts observés et leurs variations à travers nos trois sondages ne sont pas dus à des effets de composition. Tout d'abord, nous contrôlons pour la durée de résidence dans la province, étant donné que celle-ci est connue pour être corrélée à une meilleure intégration des personnes immigrantes (Bass et Casper, Reference Bass and Casper2001; White et al., Reference White, Nevitte, Blais, Gidengil and Fournier2008). Nos analyses contrôlent également pour le statut sociodémographique des répondants. Nous tenons compte de l’âge, du genre, du niveau d’éducation, du revenu familial, de la dénomination religieuse ainsi que de la langue parlée à la maison. Pour ces analyses, notre principal intérêt est pour la variable indiquant l'année d'entrevue du répondant. Le Tableau 2 rapporte les résultats détaillés et la Figure 2 les écarts d'attachement et d'acceptation prédits par nos modèles pour chacune des années d'entrevue (2012, 2014 et 2019).

Tableau 2. Écarts d'attachement et d'acceptation (avec variables contrôles)

Erreur type entre parenthèses.

Régression linéaire (moindres carrés ordinaires)

* p < 0.05, ** p < 0.01, *** p < 0.001

Figure 2. Écarts d'attachement et d'acceptation CAN-QC chez les immigrants racisés (2012, 2014 et 2019)

Nos variables de contrôle révèlent un certain nombre de relations avec les écarts d'attachement et d'acceptation qu'il convient de souligner. Peut-être sans surprise, les immigrants racisés qui parlent principalement français à la maison affichent un écart d'attachement davantage orienté vers le Québec (par 1,03 points) que ceux qui y parlent surtout une autre langue. Le même constat prévaut pour l’écart d'acceptation (par 0,66 points). Autre constat à souligner : pour l’écart d'attachement, on remarque que plus les immigrants racisés ont vécu longtemps au Québec, plus l’écart devient négatif (-0,02 par année supplémentaire passée au Québec), signifiant une amélioration relative de l'attachement au Québec vis-à-vis du Canada. L’écart d'acceptation ne semble pas changer avec les années passées au Québec.

Finalement, en ce qui concerne les différences entre les groupes religieux, on observe que les non religieux affichent un écart d'attachement davantage orienté vers le Québec que les immigrants racisés religieux (par 0,87 points). On remarque aussi que les immigrants racisés de dénominations non chrétiennes affichent un écart d'acceptation davantage orienté vers le Canada que les autres répondants (par 0,96 points).

En ce qui concerne les écarts d'attachement, la Figure 2 montre qu'alors que les immigrants racisés étaient légèrement plus attachés au Canada qu'au Québec en 2012 (un écart de 0,5 points), l’écart s'est accru en 2014 (1,5) et s'est quelque peu résorbé en 2019 (1,2). Ainsi, la période marquée par la montée des débats sur l'interdiction des symboles religieux semble avoir eu un effet structurant sur l'ensemble de notre échantillon composé d'immigrants racisés au Québec élargissant l’écart d'attachement à la faveur du Canada (et au détriment du Québec).Footnote 9

Comme l'indiquait déjà la Figure 1, la situation est quelque peu différente en ce qui concerne le sentiment d'acceptation. En effet, on remarque que, dès 2012, les immigrants racisés se sentent déjà davantage acceptés par le Canada que par le Québec (1,3) et que cet écart s'accentue légèrement durant la période étudiée, passant à 1,4 en 2014 et à 1,5 en 2019. On peut toutefois se questionner sur la présence, déjà observée en 2012, d'un écart à l'avantage du Canada. Il est possible que si la période de 2012 à 2019 n'est pas associée à une détérioration de la relation des immigrants racisés avec le Québec (par rapport au Canada) en ce qui concerne le sentiment d'acceptation, que ce soit parce que cette relation était déjà déficitaire au départ. Bref, il est possible que les débats sur les accommodements raisonnables de la deuxième moitié des années 2000 ou encore l'existence déjà à ce moment de contextes d'accueil distincts bien établis aient fait en sorte que l’écart dans le sentiment d'acceptation était déjà ancré chez plusieurs immigrants. Ce qui change, par contre, durant cette période, est l'apparition d'un déficit pour le Québec par rapport au Canada en ce qui a trait à l'attachement aux communautés politiques. Alors que l’écart d'attachement entre les deux communautés politiques était peu saillant en 2012, il gonfle en 2014 et perdure encore en 2019. Il est cependant trop tôt pour affirmer que les événements focalisateurs ont mené à des effets généralisés.

Effets focalisateurs généralisés ou circonscrits?

La section précédente montre qu'un écart d'attachement à la faveur du Canada vis-à-vis du Québec semble s’être cristallisé durant la période 2012 à 2019. Cependant, à cette étape de nos analyses, nous avons considéré les immigrants racisés comme formant un groupe homogène. La présente section examine si des effets circonscrits, comme le proposent nos hypothèses, sont observés chez certains groupes d'immigrants plus que chez d'autres ou si, au contraire, c'est vraiment chez l'ensemble des immigrants racisés que nous observons une transformation dans la relation aux communautés politiques québécoise et canadienne.

Dans un premier temps, afin de tester l'hypothèse 1, nous examinons l’évolution des écarts d'attachement chez différents groupes d'immigrants racisés selon leur religion. Nous distinguons ici trois dénominations religieuses: 1) non chrétiennes (n = 479), 2) chrétiennes (n = 546) et 3) les non religieux, c'est-à-dire qui n'ont aucune religion (n = 250).Footnote 10 Comme nous l'avons stipulé dans l'hypothèse 1, nous anticipons un élargissement des écarts d'attachement et d'acceptation à la faveur du Canada vis-à-vis le Québec davantage chez les immigrants racisés de dénominations religieuses non chrétiennes que chez les autres immigrants racisés. Dans un second temps, afin de tester l'hypothèse 2, nous examinons l’évolution des écarts d'attachement et d'acceptation chez différents groupes d'immigrants racisés selon la langue la plus parlée à la maison.Footnote 11 Nous distinguons ici deux groupes, soient ceux qui parlent surtout le français (n = 725) et ceux qui utilisent principalement une autre langue à la maison (n = 547). Nous anticipons un élargissement des écarts d'attachement et d'acceptation à la faveur du Canada vis-à-vis le Québec davantage chez les immigrants racisés non francophones que chez les francophones.

Afin de tester nos hypothèses, nous avons réalisé les mêmes analyses multivariées décrites à l’étape précédente, mais auxquelles nous avons ajouté des variables d'interaction entre l'année d'entrevue et la dénomination religieuse du répondant, ainsi qu'entre l'année d'entrevue et la langue parlée à la maison par le répondant. Cela nous permet d’évaluer les écarts d'attachement et d'acceptation pour chacune des trois années pour chacun des groupes d'immigrants racisés. On pourrait penser que la corrélation est très forte entre le fait de parler principalement français à la maison et la dénomination religieuse, notamment par l'influence de la population immigrante maghrébine souvent francophone et musulmane. Néanmoins, nos données montrent que la réalité est plus complexe. En effet, la proportion de francophones est également distribuée dans nos trois dénominations religieuses, les francophones représentant entre 54% et 58% des répondants de chaque dénomination. De plus, les analyses de tolérance ne relèvent aucun problème de multicollinéarité entre nos variables explicatives dans nos modèles d'analyses multivariées. Le Tableau 3 rapporte ci-dessous les résultats des analyses multivariées avec les variables d'interaction.

Tableau 3. Écarts d'attachement et d'acceptation (avec effets d'interaction)

Erreur type entre parenthèses.

Régression linéaire (moindres carrés ordinaires)

* p < 0.05, ** p < 0.01, *** p < 0.001

Variations selon la dénomination religieuse

La Figure 3 rapporte les écarts d'attachement et d'acceptation prédits par le modèle présenté dans le Tableau 3 pour chaque groupe religieux pour chacune des années en gardant toutes les autres variables à leur valeur moyenne.Footnote 12 En ce qui concerne les écarts d'attachement des immigrants racisés non chrétiens, aucun écart significatif n'est observé en 2012, mais un écart de plus de deux points à l'avantage du Canada apparaît en 2014, et perdure en 2019. Ce résultat est conforme à nos attentes. Les personnes de religions non chrétiennes davantage ciblées par les débats publics entourant les projets législatifs sur les symboles religieux semblent avoir réagi significativement.

Figure 3. Sentiment d'appartenance, écart Canada-Québec selon la religion chez les immigrants racisés (2012, 2014 et 2019)

En comparaison, les variations dans le temps ne sont pas aussi prononcées chez les immigrants racisés de dénominations chrétiennes. En effet, si un écart (de 1 point) à l'avantage du Canada était déjà observé en 2012, celui-ci augmente légèrement en 2014 (à 1,4 points), une différence avec 2012 qui n'est pas statistiquement significative. De plus, l’écart observé en 2019 redescend au niveau de 2012. L’écart d'attachement chez les immigrants racisés chrétiens ne semble donc pas avoir varié significativement durant la période entre 2012 et 2019.

Les résultats les plus inattendus sont cependant ceux concernant les immigrants racisés non religieux. On aurait pu s'attendre à ce que ce groupe d'immigrants ne s'identifiant à aucune religion ne soit pas influencé par les débats sur l'interdiction des symboles religieux, n’étant pas directement ciblé par les projets de loi. Néanmoins, nos analyses rapportent une évolution surprenante. Alors qu'en 2012 ce groupe d'immigrants non religieux rapportait un écart d'attachement d'un peu moins d'un point à la faveur du Québec – le seul groupe de nos analyses à prioriser ainsi la communauté politique québécoise –, cet écart à l'avantage du Québec non seulement disparaît en 2014, mais se renverse à l'avantage de la communauté politique canadienne en 2019. L’écart d'attachement glisse donc vers le Canada par 1,5 points entre 2012 et 2019 (de -0,7 à +0,8) chez les immigrants racisés non religieux.

En ce qui concerne les écarts dans le sentiment d'acceptation entre le Canada et le Québec au sein des trois sous-groupes religieux en 2012, 2014 et 2019, les résultats dévoilent des tendances s'apparentant à celles pour les écarts d'attachement. Tout d'abord, on remarque un élargissement de l’écart de sentiment d'acceptation à la faveur du Canada chez les immigrants racisés non chrétiens, celui-ci passant d'environ 1,5 points à 2,2 points. Chez les immigrants racisés de dénominations chrétiennes, on remarque ici une baisse de l'avantage canadien de 2012 à 2014, mais une remontée au niveau 2012 en 2019. Finalement, c'est encore une fois pour les non religieux que les résultats sont les plus inattendus. On remarque en effet à partir de 2019 l’émergence d'un écart à l'avantage du Canada chez les immigrants racisés qui se disent non religieux. Alors qu'en 2012 et en 2014, nos analyses ne prédisent aucun écart statistiquement significatif pour ce sous-groupe d'immigrants entre les sentiments d’être acceptés par le Canada et le Québec, on remarque qu'en 2019 ce sous-groupe d'immigrants affiche maintenant un sentiment d'acceptation plus fort (de 1,1 points) en lien avec le Canada qu'avec le Québec. Ces résultats appuient l'hypothèse 3 d'un effet généralisé des projets de loi visant à restreindre le port des symboles religieux avec une transformation du sentiment d'appartenance (attachement et acceptation) à l'avantage du Canada, non seulement chez les groupes les plus susceptibles d’être touchés par ces législations, mais aussi chez le groupe le moins susceptible d’être touché, soit les immigrants racisés qui n'appartiennent à aucune dénomination religieuse. La prochaine section examine si une tendance similaire est reproduite en ce qui concerne les groupes linguistiques.

Variations selon la langue parlée à la maison

La Figure 4 rapporte les écarts d'attachement et d'acceptation prédits pour les immigrants racisés francophones et non francophones.Footnote 13 Les résultats dévoilent des situations fort contrastées pour les deux groupes. Tout d'abord, en ce qui concerne l'attachement, nous observons chez les non francophones un écart à l'avantage du Canada qui demeure relativement stable (entre 1,5 et 2,1 points) pour les trois années étudiées. Chez les immigrants racisés non francophones, l'attachement relatif aux communautés politiques canadienne et québécoise semble donc être demeuré inchangé durant la période de 2012 à 2019. Chez les immigrants racisés francophones, en revanche, nous observons un changement. Alors qu'aucun écart significatif n’était observé en 2012 chez ce groupe, un écart de 1,2 points à la faveur du Canada apparaît en 2014 et perdure encore en 2019. Les débats entourant les restrictions au port de symboles religieux chez certains employés de la fonction publique québécoise durant la période étudiée semblent ainsi avoir eu un effet seulement chez les immigrants racisés qui parlent français à la maison, mais pas chez ceux qui parlent une autre langue.

Figure 4. Sentiment d'appartenance, écart Canada-Québec selon la langue chez les immigrants racisés (2012, 2014 et 2019)

Finalement, en ce qui concerne les écarts dans le sentiment d'acceptation au Canada et au Québec pour les immigrants francophones et non francophones, on remarque tout d'abord chez les immigrants racisés non francophones un écart à l'avantage du Canada de 1.8 points et que cet écart est stable entre 2012 et 2019. Par comparaison, chez les immigrants racisés francophones, les écarts prédits suggèrent un élargissement de l’écart d'acceptation à la faveur du Canada entre 2012 et 2019. En effet, si un écart de 0,8 points à la faveur du Canada semble déjà présent en 2012, celui-ci monte à 1,1 points en 2014 et finalement à 1,4 points en 2019. Ces résultats appuient eux aussi l'hypothèse affirmant que les débats sur la laïcité de l’État entre 2012 et 2019 ont eu un effet généralisé et non circonscrit aux groupes plus susceptibles d’être touchés par les projets de loi. Plus précisément, ce sont chez les immigrants racisés francophones – plus propices à interagir dans des réseaux (francophones) où l'appui aux deux projets législatifs était plus répandu – que nous observons le principal changement à la faveur du Canada en ce qui concerne le sentiment d'acceptation.

Conclusion

Les propositions législatives québécoises visant à restreindre le port de symboles religieux chez certains employés de la fonction publique (Charte des valeurs et Loi 21) sont uniques en Amérique du Nord, mais trouvent écho dans bon nombre de pays européens. Cependant, que ce soit dans le contexte québécois ou ailleurs dans le monde, la recherche existante ne nous permet pas d’évaluer quels effets de telles législations ont – ou peuvent avoir – sur le sentiment d'appartenance des minorités religieuses touchées par celles-ci et plus largement chez l'ensemble des minorités ethnoculturelles.

Un certain nombre d’études dans le cadre québécois suggèrent que les débats sur les symboles religieux ont nourri un sentiment d'exclusion au sein des individus appartenant aux religions minoritaires (Magnan et Larochelle-Audet, Reference Magnan, Larochelle-Audet, Wilson-Forsberg and Robinson2018; Tremblay, Magnan et Levasseur, Reference Tremblay, Magnan and Levasseur2018), mais celles-ci permettent seulement de mesurer l'effet possible de ces débats une fois ceux-ci déjà bien engagés. Aucune étude ne permettait à ce jour de comparer à l'aide de données probantes le sentiment d'appartenance des minorités religieuses et ethnoculturelles avant et après la mise à l'agenda de la Charte des valeurs et de la Loi 21.

Ancrée dans la recherche portant sur les « événements focalisateurs » (Birkland, Reference Birkland1998; Kingdon, Reference Kingdon1995) et reposant sur des données de trois sondages réalisés en 2012, 2014 et 2019, notre étude a tenté d'identifier l'impact des deux projets législatifs sur le sentiment d'appartenance des immigrants racisés au Québec. Plus précisément, nous avons tenté d’évaluer dans quelle mesure la proposition de la Charte des valeurs et celle qui allait mener à la loi 21 ont eu des effets circonscrits modifiant le sentiment d'appartenance des groupes directement touchés par les projets législatifs, et dans quelle mesure leurs effets ont été généralisés à l'ensemble des minorités ethnoculturelles. Le Québec étant une entité d'un État multinational où les ordres de gouvernements québécois et fédéral sont en compétition pour l'appartenance des citoyens et où ils proposent des modèles d'aménagement de la diversité ethnoculturelle et religieuses qui divergent sur un certain nombre de points, nous avons considéré l'impact des projets législatifs sur l’équilibre dans les sentiments d'appartenance aux communautés politiques québécoise et canadienne.

La recherche existante montre déjà qu'au tournant des années 2010, le Québec souffrait d'un déficit vis-à-vis du Canada en ce qui a trait au sentiment d'appartenance des minorités ethnoculturelles (Bilodeau et al., Reference Bilodeau, White and Nevitte2010; Labelle et Salée, Reference Labelle, Salée, Alexander Aleinikoff and Klusmeyer2001; Helly, Reference Helly2001). Notre étude souligne qu'un tel déficit d'appartenance était bel et bien présent en 2012 au moment où notre enquête débute, mais que ce déficit était circonscrit à certains groupes minoritaires, notamment chez les membres de dénominations non chrétiennes et les non francophones. Nos résultats montrent aussi que ce déficit perdure et s'accentue (surtout chez les minorités non chrétiennes). Notre étude révèle également des tendances inattendues.

Durant la période allant de 2012 à 2019, nous observons l’émergence d'un déficit d'appartenance au Québec à l'avantage du Canada chez de nouveaux groupes qui n’étaient pas directement touchés par les effets des législations proposées. Ainsi, ce ne sont pas les groupes attendus (non chrétiens, non francophones) qui semblent avoir été le plus influencés par le contexte entre 2012 et 2019, mais plutôt ceux que nous attendions le moins, c'est-à-dire les non religieux et les francophones.

Dans la mesure où nous observons des changements au sentiment d'appartenance au sein de groupes qui n’étaient pas directement touchés par les projets législatifs, nos résultats nous mènent à rejeter nos hypothèses 1 et 2 selon lesquelles les effets auraient été circonscrits aux groupes plus directement ciblés par les projets législatifs. À l'inverse, il nous apparaît opportun de conclure que nos résultats appuient l'hypothèse 3 selon laquelle la proposition de Charte des valeurs et la Loi 21 ont eu des effets généralisés. En ce sens, notre étude suggère que les chercheurs qui souhaitent mieux comprendre les effets des événements focalisateurs devraient élargir le spectre de leurs analyses lorsqu'ils tentent de saisir toute l’étendue que de tels événements peuvent avoir sur l'opinion publique.

S'il est vrai que le désir d'appartenir à la communauté québécoise, cet élan vers le Québec, n'a pas objectivement décliné entre 2012 et 2019, il s'est néanmoins affaibli par rapport au désir d’être Canadien. Dans la bataille que se mènent les gouvernements québécois et canadien pour la loyauté et le cœur de leurs commettants, le Québec semble avoir perdu du terrain aux dépens du Canada auprès des groupes minoritaires. Si les modèles canadiens et québécois d'aménagement de la diversité ethnoculturelle divergeaient déjà au début des années 2000, le premier mettant en valeur le bilinguisme et le multiculturalisme et le second valorisant la primauté de la langue française et l'interculturalisme, les projets de Charte des valeurs et la Loi 21 ont concrétisé (voire institutionnalisé) une nouvelle divergence contrastant liberté de religion et laïcité de l’État. En ce sens, nos résultats confirment les craintes de l'ancien Premier ministre du Québec Jacques Parizeau qui, dans une intervention remarquée sur le projet de Charte des valeurs, s'inquiétait que ce dernier ait pour effet de permettre au gouvernement fédéral de se présenter comme le véritable défenseur des minorités au Québec (Parizeau, Reference Parizeau2013).

Notre étude a évidemment ses limites. Premièrement, il ne nous était pas possible de remonter plus tôt dans la période pré-2012. En effet, si les propositions concrètes et fort médiatisées ont été mises de l'avant en 2013–2014 et 2019, la question de la place des religions (minoritaires) a occupé l'avant-plan médiatique bien avant 2014 avec ce qui est maintenant commun d'appeler « la crise des accommodements raisonnables » en 2006. Il est par conséquent permis de questionner si la relation des immigrants et des minorités ethnoculturelles aux communautés québécoise et canadienne avait commencé à changer dès 2006.

Il nous est malheureusement impossible de répondre à cette question. Nonobstant les transformations qui auraient pu se produire avant 2014 dans le sentiment d'appartenance des minorités ethnoculturelles et religieuses au Québec, il nous apparaît néanmoins évident que les projets de loi médiatisés en 2013–2014 et ensuite en 2019 ont eu un effet important sur le sentiment d'appartenance relatif au Québec et au Canada.

Finalement, si notre étude montre que des transformations sont observées pour la période entre 2012 et 2019 et que c'est durant cette période que les deux projets législatifs ont été mis à l'agenda, rien n'assure avec certitude qu'il y a un lien de causalité directe entre les débats sur l'interdiction des symboles religieux et les changements observés.Footnote 14 Certains pourraient argumenter que d'autres explications pourraient rendre compte de ces transformations dans le sentiment d'appartenance des minorités au Québec. Il n'en demeure pas moins que, pour le moment, et à défaut d'autres explications, nous ne pouvons que conclure que les débats sur l'interdiction des symboles religieux à travers les propositions législatives qui ont pris place en 2014 et 2019 ont contribué à détériorer la relation des immigrants racisés avec la communauté politique québécoise, ou plus précisément ont contribué à creuser l’écart dans le sentiment d'appartenance à l'avantage du Canada.

Remerciements

Les auteurs remercient le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes, le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada ainsi que le Fonds de recherche du Québec – Société et culture pour leur soutien financier pour la collecte et l'analyse des données utilisées pour ce projet. Sincères remerciements aussi à Will Kymlicka pour ses commentaires sur une version préliminaire de ce texte ainsi qu'aux évaluateurs anonymes et au co-directeur (section francophone) Félix Mathieu pour leurs suggestions promptes et constructives. Les auteurs demeurent les seuls responsables de l'interprétation des données.

Footnotes

1 Ce projet de loi ne fut jamais adopté en raison de la défaite du Parti Québécois lors des élections générales d'avril 2014.

2 Cela inclut les policiers, les juges, les procureurs de la couronne, les gardiens de prison de même que les enseignants.

3 Pour une discussion des arguments habituellement invoqués en faveur ou contre le port de symboles religieux, voir Howard (Reference Howard2019), en particulier le chapitre 2.

4 Mieux connus sous le terme anglais « focusing events ».

5 Une rare étude quantitative est celle de Hassan et al. (Reference Hassan, Mekki-Berrada, Rousseau, Lyonnais-Lafond, Jamil and Cleveland2019) sur le bien-être psychologique d’étudiant.es universitaires lors du débat sur la Charte des valeurs québécoises, entre autres les membres de différentes minorités ethnoculturelles et ethnoreligieuses.

6 S'ils décident d'envoyer ces derniers dans des écoles qui bénéficient d'un financement public.

7 Les répondants pré-identifiés comme membres d'une minorité visible ont reçu une invitation par courrier électronique. Chaque invitation contenait un lien d'invitation unique (url) qui ne pouvait être utilisé qu'une seule fois. Les répondants étaient tous membres du panel Internet Léger (Léo) de plus de 400 000 personnes vivant actuellement au Canada et recrutées au hasard par téléphone (61 %) ou par divers autres moyens. Le taux de recrutement annuel du panel est d'environ 15 000 nouveaux membres par an, tandis qu'environ 10 000 à 12 000 panélistes sont retirés du panel ou se retirent chaque année. Les panélistes sont récompensés pour leur participation au fil du temps par une série d'incitations financières. Aucun taux de réponse spécifique ne peut être calculé pour une enquête en ligne car, contrairement aux enquêtes téléphoniques, il n'est pas possible d'évaluer si les personnes ont refusé de participer ou si elles n'ont pas lu ou reçu l'invitation. Les sondages étaient proposés en anglais et en français.

8 Nous utilisons ici l’échantillon québécois de la composante de minorités visibles du Projet sur la diversité provinciale.

9 Il est à noter que chez les membres du groupe majoritaire, nous observons un écart d'attachement favorable au Québec et que celui-ci est stable entre 2012 et 2019 (-2,8). Les mesures concernant le sentiment d'acceptation ne sont pas disponibles chez les membres du groupe majoritaire.

10 Nous aurions aimé vérifier plus spécifiquement l’évolution des écarts chez les immigrants racisés de religion musulmane, mais la taille de nos échantillons pour chacun de nos trois sondages ne nous permet pas de réaliser des analyses fiables.

11 Il y a des débats concernant quels sont les meilleurs indicateurs pour mesurer l'intégration linguistique des immigrants au Québec (Micone, Reference Micone2022 ; Corbeil, Reference Corbeil2020). Les données que nous utilisons nous limitent à l'indicateur de la principale langue parlée à la maison. Néanmoins, des études montrent que cet indicateur capte des différences notables dans les profils d'opinions et d'attitudes politiques chez les immigrants au Québec (Bilodeau et al., Reference Bilodeau, White and Nevitte2010 ; Bilodeau et al., Reference Bilodeau, Turgeon, White and Henderson2015 ; Bilodeau, Reference Bilodeau2016).

12 Ces écarts prédits sont calculés à partir des résultats du Tableau 2 en variant les variables de religion et d'année d'entrevue et en gardant les autres variables à leur valeur moyenne respective. La commande « margins » de Stata 17 est employée.

13 Ces écarts prédits sont calculés à partir des résultats du Tableau 2 en variant les variables de langue parlée à la maison et d'année d'entrevue et en gardant les autres variables à leur valeur moyenne respective. La commande « margins » de Stata 17 est employée.

14 D'autres événements importants se sont déroulés durant cette période qui ont touché des membres de minorités religieuses et qui auraient également pu affecter le sentiment d'appartenance des immigrants racisés au Québec et au Canada, notamment l'attentat à la Mosquée de Québec en 2017 et d'autres projets législatifs comme le projet de 62 sur le port de vêtements dissimulant le visage au moment de l'offre et/ou de la réception d'un service public.

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Figure 0

Tableau 1. Profil sociodémographique par année d'entrevue

Figure 1

Figure 1. Attachement et acceptation chez les immigrants racisés (2012, 2014 et 2019)

Figure 2

Tableau 2. Écarts d'attachement et d'acceptation (avec variables contrôles)

Figure 3

Figure 2. Écarts d'attachement et d'acceptation CAN-QC chez les immigrants racisés (2012, 2014 et 2019)

Figure 4

Tableau 3. Écarts d'attachement et d'acceptation (avec effets d'interaction)

Figure 5

Figure 3. Sentiment d'appartenance, écart Canada-Québec selon la religion chez les immigrants racisés (2012, 2014 et 2019)

Figure 6

Figure 4. Sentiment d'appartenance, écart Canada-Québec selon la langue chez les immigrants racisés (2012, 2014 et 2019)