Published online by Cambridge University Press: 10 November 2009
Duncan Black has proposed a theory of political choices in which the individual ordering of preferences and voting procedures in committees are the basic elements. This paper shows that the theory must also take into account certain “objective” orders of preferences which affect individual rankings. To this end, the author analyses the results of a pre-1968 election poll in the federal ridings of Langelier and Louis-Hébert. All the respondents do not rank the four parties (Liberal, Progressive Conservative, New Democratic Party, and Social Credit Rally) in the same order; this can be explained in terms of the complexity of political issues, party strategies, or certain social characteristics of the respondents. The ranking by a majority of the respondents seemed related to two sets of criteria. The first, the sociopolitical, corresponds roughly to a left-right axis, on which the parties are aligned as follows: NDP–Liberals–Progressive Conservatives–Créditistes; the second is an ethnic criterion, according to which the parties take this order: Créditistes–Liberals–Progressive Conservatives–NDP.
Among the other insights provided by the analysis, two are particularly important: the strong rejection of the Social Credit Rally by those who do not place it first, and the indifference towards the other parties by those who do.
1 Black, Duncan, « The Unity of Political and Economic Science », Economic Journal, Sept. 1950, 506.Google Scholar
2 Cette théorie a été exposée dans son livre, The Theory of Committees and Elections (Londres, 1958).
3 Arrow, Kenneth J., Social Choice and Individual Values (2ième éd., New York, 1963).Google Scholar
4 Downs, Anthony, An Economic Theory of Democracy (New York, 1957).Google Scholar
5 Nous avons discuté de cette question dans notre article, « La Dimension politique de l'action rationnelle », Revue Canadienne d'Economique et de Science Politique, mai 1967, 190–204.
6 Un des meilleurs états de la question demeure l'article de William H. Riker, “Voting and the Summation of Preferences,” American Political Science Review, Dec. 1961, 900–11. En français, le problème a été fort bien posé par Marc Barbut, « Quelques aspects mathématiques de la décision rationnelle », Les Temps Modernes, oct. 1959, 725–45.
7 Une situation de ce genre s'est produite lors de l'élection fédérale de 1957, à l'échelle des circonscriptions. Le Parti Progressiste-Conservateur a remporté 112 circonscriptions, contre 105 par le Parti Libéral. Mais dans 29 des 48 autres circonscriptions, le Parti Libéral a obtenu plus de votes que le Parti Progressiste-Conservateur. II y a done 134 circonscriptions qui ont préféré le Parti Libéral au Parti Progressiste-Conservateur, contre 131 seulement qui ont exprimé la préférence inverse. Pourtant c'est le Parti Progressiste-Conservateur qui a formé le gouvernement.
8 Sur cette question, et plus généralement sur la signification des paradoxes de Condorcet, on pourra lire l'excellent article de Georges T. Guilbaud, « Les Théories de l'intérêt général et le problème logique de l'agrégation », Economie Appliquée, oct.-déc. 1952, 501–84. On pourra lire également le chapitre 14 (“Group Decision Making”) de l'ouvrage de Luce, R. Duncan et Raiffa, Howard, Games and Decisions (New York, 1957).Google Scholar
9 Fauvet, Jacques, La France déchirée (Paris, 1957), 101–3.Google Scholar
10 C'est ainsi que le Parti Communiste Français agit souvent comme s'il était plus éloigné des socialistes que des radicaux ou même que des partis centristes.
11 Ces 342 sujets faisaient partie d'un échantillon de 1000 personnes (500 par circonscription) tirées au hasard à partir des listes électorates. Le questionnaire a été envoyé par la poste. Desétudiants l'ont ensuite recueilli en passant d'une maison à l'autre. Malgré la proportion relativement faible des personnes qui ont répondu, les réponses des sujets à la question oú on leur demandait d'évaluer les partis de façon globale correspondent assez bien au vote qui a été exprimé le 25 juin 1968. Voici les pourcentages d'électeurs qui ont choisi l'un ou l'autre des partis, dans l'échantillon et dans la population électorate.
Comme dans la plupart des enquetes de ce genre, la proportion des électeurs dans l'échantillon qui font un choix en faveur d'un parti est plus grande que la proportion des électeurs dans la population qui se rendent aux urnes, le jour du vote. La surreprésentation du Parti Libéral et du NPD tient peut-être à ce fait. De plus, nous avons remarqué que les électeurs qui appuient ces deux partis répondent plus facilement á un questionnaire qui leur parvient par la poste que les électeurs qui appuient les deux autres partis. D'après le recensement de 1966, il y avait 45.5 pour cent d'hommes dans la population de 20 ans et plus de la circonscription de Langelier; parmi les sujets qui ont répondu au questionnaire, il y en a 42.2 pour cent. Dans Louis-Hébert, par contre, il y avait en 1966 44.3 pour cent d'hommes dans la population de 20 ans et plus, alors que parmi les sujets qui ont répondu au questionnaire, il y en a 54.7 pour cent. Voici quelques autres caractéristiques sociales des sujets qui ont répondu au questionnaire:
12 On a compté avec les ordres complets les ordres oú les sujets ne hiérarchisent que trois partis sur quatre, sans nommer le quatriéme, qui était le plus souvent le Ralliement Créditiste. Ce phénoméne accentue encore plus le rejet du Ralliement, dont il est traité dans le présent déVeloppement.
13 Si, faute de sondage auprès des électeurs, on considère les localités comme les unités d'analyse et qu'on leur accorde un poids équivalent à leur population de votants, on observe, par exemple, un premier paradoxe de Condorcet dans la circonscription de Kamouraska, en 1962. Le Crédit Social obtient 4550 votes, le Parti Libéral 4165 votes et le Parti Conservateur 3762 votes. Mais 48.7 pour cent de la population électorate des localités préfère le Parti Libéral au Crédit Social, contre 48 pour cent seulement, qui préfère le Crédit Social, au Parti Libéral. Dans les autres localités, qui représentent 3.3 pour cent de la population des votants, les deux partis sont nez à nez. II y a done un poids plus grand de localités qui préfèrent le Parti Libéral au Crédit Social, et pourtant c'est celui-ci qui remporte la victoire.
14 Le nombre d'ordres complets qui sont cohérents par rapport à un ordre objectif est donné par la formule 2n−1/n!, où n représente le nombre de partis.
15 I1 serait intéressant de traiter ces phénomènes dans la perspective adoptée par Philip E. Converse, dans son étude intitulée “The Problem of Party Distances in Models of Voting Change,” parue dans M. Kent Jennings et L. Harmon Zeigler, The Electoral Process (Englewood Cliffs, 1966), 175–207. Dans cette étude, Converse montre entre autres choses que les électeurs ont une vue différente des ordres objectifs à partir desquels ils établissent leur ordre de préférences entre les partis. En particulier, la longueur des axes ou encore la distance relative qui s£pare les partis semble varier. Notre propre analyse tend à montrer que non seulement le Ralliement apparait très é1oigné des autres partis, pour ses partisans comme pour ses adversaires, mais que les premiers confondent même les positions du Parti Conservateur et celles du Parti Litéral, ne sachant pas trop bien d'ailleurs si le NPD vient avant ou après ces deux partis ainsi confondus. Autrement dit, pour plusieurs partisans du Ralliement, l'ordre objectif apparaitrait un peu comme ceci:
alors que pour la plupart des autres électeurs, il apparait plutôt comme ceci:
16 Il semble toutefois qu'au niveau des mesures socio-économiques, le Ralliement Créditiste apparaisse à bon nombre d'électeurs comme un parti encore plus à gauche que le NPD. C'est ainsi que l'ordre objectif RNLC explique 122 ordres individuels complets à ce niveau, ce qui est beaucoup plus que les 98 ordres expliqués par l'axe ethnique RLCN, et presque autant que les 130 ordres expliqués par l'axe NLCR. Dans Louis-Hébert, l'axe RNLC explique même un plus grand nombre de cas que les axes NLCR et RLCN. Ce phénoméne accentue encore plus le caractère ambigu du Ralliement.
17 Rappelons ici que l'existence d'un deuxième ordre objectif rend possible l'apparition du second paradoxe de Condorcet. Supposons, par exemple, que dans un corps électoral de 100 votants, 35 aient exprimé l'ordre LCNR, 30, l'ordre CRLN, 30 aussi, l'ordre RLCN, et 5, l'ordre NLCR. Ces 4 ordres sont cohèrents par rapport aux ordres objectifs NLCR et RLCN. Pourtant dans une telles situation L domine C (par 70 votes contre 30), C domine R (par 70 votes contre 30, également), mais R domine L (par 60 votes contre 40). II y a done intransivité collective entre ces trois termes, d'où le second paradoxe de Condorcet. On pourrait toutefois montrer qu'avec deux ordres objectifs qui sont universellement respectés, la probabilité d'un second paradoxe de Condorcet est très faible.
18 Nous avons noté plus haut que ces deux candidats avaient un passé « ethnique » assez marqué. De plus, une bonne partie de leur campagne électorate a porté sur les problèmes constitutionals et plus généralement sur les relations entre les deux principaux groupes ethniques du pays.
19 Ces deux profils nous amènent à noter un phénoméne assez inquiétant. Les catégories d'électeurs qui ne sont ni très cohérents, ni très portés à n'avoir que des évaluations partielles sont les plus jeunes, les vendeurs et les commercants, ceux qui ne s'identifient pas à un parti politique, ou encore, parmi ceux qui s'identifient, les partisans du NPD. Or les études électorales tendent à montrer que ce sont là généralement des catégories d'électeurs instables qui se portent facilement d'un parti à l'autre. Le risque apparaît grand qu'à l'intérieur de ce sous-ensemble, souvent décisif quant au résultat d'une élection, se produise le second paradoxe de Condorcet. Contrairement à certains auteurs américains, comme Gordon Tullock (dans Toward a Mathematics of Politics (Ann Arbor,1967), 37–49), qui ont actuellement tendance à minimiser l'importance du paradoxe, nous estimons donc que celui-ci pose de sérieux problèmes au bon fonctionnement des mécanismes de l'agora, par l'assez forte probabilité qu'il a de se produire chez les catégories d'électeurs dont l'instabilité même leur assure un pouvoir souvent décisif dans la prise de décision collective.