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Le développement pétrolier au Mexique: une stratégie d'organisation du rapport de la population à l'espace*

Published online by Cambridge University Press:  10 November 2009

André Corten
Affiliation:
Université du Québec à Montréal

Abstract

The discovery of important oil fields in the southeast of Mexico in 1972 transformed totally the petroleum industry. That transformation, which was a part of a more general policy of industrial decentralization, induced a considerable interurban population migration. The object of this article is to discuss the migration in detail and to analyze the new link between the population and the territory, the population trying to establish itself in a buffer region against Central America. This link can be understood from the kind of political and social mobilization that characterizes the populist political system of Mexico. However, the tie to that specific social mobilization was not so strong as the centripetal movement of rent-transfer was reinforced, throwing a light on some crisis components of Mexico's system.

Résumé

La découverte d'importants gisements de pétrole au sud-est du Mexique en 1972 délocalise totalement l'activité pétrolière. Cette délocalisation qui entre par ailleurs dans une politique générale de déconcentration industrielle induit une migration interurbaine considérable. L'objet de ce texte est de montrer la spécificité de cette migration et d'analyser le nouveau rapport de la population au territoire qui tente ainsi de s'instituer dans cette région tampon avec l'Amérique centrale. Ce rapport de la population au territoire est expliqué à partir du type de mobilisation sociale et politique constitutive du régime populiste mexicain. Ce rapport ne s'établit cependant pas fermement. Le mouvement centripète de transfert de la rente se trouve renforcé, éclairant certains facteurs de crise du système mexicain.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 1988

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References

1 Dans la littérature abondante sur la rente, signalons Jean-Pierre Angelier, La rente pétrolière (Paris: CNRS, 1976)Google Scholar, Postel-Vinay, Gilles, La rente foncière dans le capitalisme agricole (Paris : Maspero, 1974)Google Scholar, et Palloix, Christian, De la socialisation (Paris: Maspero, 1981Google Scholar, chapitre 4). Je développe ailleurs (L'État faible, Haiti et république Dominicaine [Montréal: Ed. du CIDIHCA, 1988]Google Scholar, et avec Tahon, Marie-Blanche, L'État nourricier, Prolétariat et population Mexiquel Algérie [Paris: L'Harmattan, 1988]Google Scholar) une conception de la rente entendue comme contrepartie d'une responsabilité non assumée, contrepartie de l'épuisement des ressources naturelles et de la dégradation de l'environnement. Cette responsabilité n'est pas un travail au sens propre du mot, aussi la contre-valeur que représente la rente ne se calcule-t-elle pas en termes de surtravail. Cette contre-valeur n'est pas ce que, en termes marxistes, on appelle de la plus-value.

2 Les travaux de Perroux et de Boudeville suivis par ceux de plusieurs auteurs anglo-saxons ont influencé la conception qui s'élabore en Amérique latine dans les années cinquante et soixante et qui va orienter la création de plusieurs pôles nouveaux.

3 Zapata, Francisco et al., La Truchas, Acero y Sociedad en Mexico (Mixico: El Colegio de Mexico, 1978Google Scholar). Bizberg, Ilan, La action obrera en las Truchas (Mexico: El Colegio de Mexico, 1982)Google Scholar. Le pôle de Las Truchas avec le complexe sidérurgique Lazaro Cardenas a été ouvert en 1976. La décision de construire ce pôle, situé à 700 kilomètres de la ville de Mexico sur la côte du Michoacán, a été prise en 1971 par le Président Luis Echeverria. Durant de nombreuses années, le général Lazaro Cardenas, président de la Reéublique de 1934 à 1936 et figure charismatique du Mexique moderne, avait lutté pour son implantation. Dans une perspective plus générale voir aussi Gustavo Garza, Industrializacion en las principals ciudades de Mexico (Mexico: El Colegio de Mexico, 1980)Google Scholar.

4 Voir notamment les Actes du colloque franco-mexicain de 1981 publiés conjointement par l'Institut de Géographie de l'UNAM et le CREDAL, Los grandes complejos industrials y su impaclo en el espacio latinoamericano (Mexico, 1982)Google Scholar. Voir par ailleurs le No 26 des Cahiers des Amériques latines (1982) ainsi que l'article de Jean Revel-Mouroz, « Pétrole et mutation d'un espace géographique : le cas de la raffinerie de Cadareyta (Nuevo Leon) », Les Cahiers des Amériques latines 24 (1981), 139165.Google Scholar

5 Foucault, Michel, Histoire de la sexualilé, La volonlé de savoir (Paris: Gallimard, 1976), 177–91.Google Scholar

6 Ces données ont été réunies dans le cadre d'une recherche subventionnée par le C.R.S.H., le F.C.A.R. et l'UQAM, co-dirigé avec Cary Hector. Elles ont été présentées dans deux notes de recherche: Corten, André, « Fonds des salaires et stock alimentaire, les processus de prolétarisation au Mexique » (Montréal: UQAM, Département de science politique, Note de recherche No 28, 1985)Google Scholar, et Corten, André et Tahon, Marie-Blanche, « Prolétarisation et formation des procès de travail, Mexique-Algérie » (Montréal: UQAM, Département de science politique, Note de recherche No 31, 1985)Google Scholar. Pour une analyse plus générale, voir Corten et Tahon, L'État nourricier.

7 Instituto de Estadistica, Geografia e Informatica/PEMEX, La industria petrolera en Mexico (1983)Google Scholar. En 1968, le Mexique produisait 142 millions de barils de pétrole brut; 40 pour cent provenaient de la zone de Poza Rica, 20 pour cent de la zone Nord et 40 pour cent de la zone Sud. En 1978, il en produit trois fois plus (441 millions) dont 83 pour cent sont extraits dans la région du Sud. En 1981, 884 millions. En dehors de Comalcalco et du golfe de Campeche, 48 millions de barils seulement proviennent encore de Poza Rica.

8 Le complexe de Cactus à Reforma produit 1038 182 tonnes métriques, celui de Cosoleacaque près de Minatitlan en produit 4 108 058 et celui de Minatitlan 508 296. Les complexes de Cangrejera et de Pajaritos, proches de Coatzacoalcos, en produisent respectivement 286 236 et 870 587. Voir La industria petrolera.

9 Le 31 décembre 1981, dans l'État de Tabasco, on comptait 5 272 travailleurs de planta (« fixes ») et 9353 travailleurs « transitoires ». Au Chiapas, respectivement 271 et 1218 et dans l'État de Veracruz, respectivement 21 520 et 18 363. Voir La industria petrolera. Á Poza Rica (Veracruz), il y aurait au total 12000 travailleurs.

10 En 1970, Ville de Mexico: 46, 48 pour cent, Monterrey : 10,89 et Guadalajara: 4,28 pour cent. Voir Garza, Industrialization, 58.

11 Les indices de croissance de la population industrielle sont pour 1940–1950, 1950–1960, 1960–1970, 1970–1980 respectivement de 177, 163, 139 et 174. Les indices de production industrielle, pour les mêmes périodes, sont de 122, 221, 217 et 199. Calculs effectués à partir des statistiques reprises par le BIT et les Nations-Unies.

12 De 1970 à 1975, la proportion du personnel occupé dans l'industrie dans les États de Coahuila et Chihuala, frontaliers des États-Unis, s'élève par rapport au total national; elle s'accroît de 1,2 pour cent.

13 La place de la construction dans l'emploi total augmente aussi. De 6,3 pour cent de la population active en 1970, la construction passe à 7,5 pour cent en 1975 et à 9,0 pour cent en 1980.

14 Basurto, Jorge, « The Late Populism of Luis Echevarria », dans Michael Conniff (dir.), Latin American Populism in Comparative Perspective (Albuquerque: University of New Mexico, 1982), 93–112.Google Scholar

15 La dette publique extérieure n'était que de 3,2 milliards de dollars en 1970. En 1976, elle est de 19,6 et en 1982 de 50,4. La dette extérieure globale atteint 105 milliards fin 1987.

16 Cabrera, Ignacio, « Las opciones del petroleo », Problemas del desarrollo, Revista latinoamericana de economia 56 (1983–1984), 131–32.Google Scholar

17 L'expression des economistes classiques surtout développee par John Stuart Mill et McCullock et critiquée par Marx (Le Capital, Livre 1, Chapitre 24, Section 5) est reprise ici pour désigner cette situation intermédiate entre le fordisme des pays industrialisés des annees cinquante a soixante-dix où la masse des salaires augmentait dans une proportion au moins égale É la productivite et la situation de la « dévalorisation absolue de la force de travail » observable dans les régimes militaires brésiliens et chiliens par exemple. LÉ, les salaires réels diminuent durant une longue période. Au Mexique, pendant la décennie 1970 les salaires réels ne baissent pas mais n'augmentent pas non plus substantiellement (1% par an), même si le PIB per capita croit rapidement (3,4%). Pas plus que dans l'analyse des classiques, il n'est pas necessaire de tenir compte seulement de salaires au sens strict. Notons cependant que le Mexique se caractérise par le fait que les revenus salariaux sont majoritaires et que le secteur informel est moins developpé qu'ailleurs. Ce phénoméne a été noté par Humberto Muñoz, Orlandina de Oliveira et Claudio Stern au terme de leur vaste étude sur ('industrialisation et la migration é) Mexico 1930–1970 (Mexico City: Industrialization, Migration and the Labor Force, 1930–1970, Report UNESCO, 570–391). II continue É se vérifier au début des années quatre-vingt. II faut, concluent-ils, rejeter la proposition de la « surtertiarisation ». En cela le Mexique se distingue nettement de la Colombie et du Venezuela. Selon la Banque Mondiale, le Mexique compterait 37 pour cent de sa population dans le tertiaire tandis que ces deux pays en compteraient respectivement 52 et 54 pour cent.

18 Chiapetto, Crescencio Ruiz, « Efectos de las implantaciones industriales en el crecimiento demografico: lecturas … critica », dans Los grandes complejos, 204–24.Google Scholar

19 Allub, Léopold et Michel, Marco A., « Quatre théses erronees sur les migrations internes en Amérique latine (le cas d'une région pétroliere mexicaine: l'Etat de Tabasco) », Cahiers des Ameriques latines 26 (1982), 157–75.Google Scholar

20 Michel, Allub et, « Quatre theses erronees », Tableau 1.Google Scholar

21 Corten et Tahon, « Prolétarisation ».

22 Humberto Muéoz, Orlandina de Oliveira, Claudio Stern, Mexico City.

23 Marie-France Prévôt-Schapira, « Pétrole et nouvel espace industriel au Mexique, Coatzacoalcos-Minatitlan » (thése de 3e cycle, Paris III, 1981). Voir aussi Marie-France Schapira, « Travailleurs du petrole et pouvoir syndical au Mexique », Cahiers des Ameriques la tines 20 (1979), 65–91.

24 Notons que dans la region de Villahermosa … proportion des « transitoires » É la PEMEX s'éleve à 66 pour cent alors qu'elle est en moyenne de 48 pour cent.

25 Tirado, Manlio, Elproblema del Petroleo: Tabasco, Chiapas y el Gasoduto (Mexico : Ediciones Quinto Sol, 1978), 17.Google Scholar

26 La population de Coatzacoalcos, qui s'élève à 186 129 personnes, a plus que doublé durant la décennie. Angel, VoirBatalla, Bassols, Geografia economica de Mexico (Mexico: Trillas, 1982), 149.Google Scholar

27 Ibid.

28 Pour plus de détails, voir Corten, « Fonds des salaires », Tableau 2. Notons pourtant que le salaire minimum officiel n'est pas plus élevé à Villahermosa qu'à Aguascalientes: 421 pesos par jour en 1983. Voir Annuario Estadistico de los Estados Unidos de Mexico (Mexico: S.P.P., 1983).Google Scholar

29 Ces données ne comprennent pas le prix des loyers. Les locataires paient en moyenne 4 400 pesos par mois à Villahermosa (le peso mexicain vaut 1/120 de dollar US-moyenne annuelle-et 1/55 en 1982, voir Anuario, 1983), 1500 pesos dans la région de Cordoba-Orizaba et 2 300 à Aguascalientes. Si tous les interviewés devaient payer un loyer, les dépenses familiales déclarées représenteraient 105 pour cent du revenu de l'interviewé à Villahermosa et 133 pour cent à Aguascalientes.

30 Gerardo, SelonChavez, Gonzalez (Salarios e Inflacion en Mexico: 1970–1983 [Mexico: UNAM, Instituto de Investigaciones Economicas, 1984, cuadro 13]), le salaire réel journalier était de 23,43 pesos (de 1968) en 1969, 26,54 en 1978, 29,18 en 1979, 27,20 en 1980, 27,83 en 1981, 24,38 en 1982 et 18,54 en Juin 1983.Google Scholar

31 Corten et Tahon, L'État nourricier.

32 Nous l'avons vu, le Mexique se distingue nettement d'autres pays latinoaméricains comme la Colombie par exemple. Mathias, Voir Gilberto, Salama, Pierre, L'État surdéveloppé; Des métropoles au tiers monde (Paris: La Découverte/Maspero, 1983), 6166.Google Scholar

33 Ainsi la population active continue d'augmenter, y compris dans l'industrie manufacturière, après 1982, même si le taux de chômage s'y accroit considérablement. En 1984, la population active a augmenté de 94 000 personnes par rapport à 1982; par contre, la population occupée a baissé de 346 000 personnes (Momento economico [Mexico: UNAM, Agosto, 1984]).Google Scholar

34 Les revenus des couches moyennes salariées semblent avoir été plus comprimés suite à la crise que les revenus moyens ouvriers.

35 Allub et Michel, « Quatre thàses erronées ».

36 Selon le recensement de l'État du Tabasco (1980), les femmes représentent 28,6 pour cent de la population active à Villahermosa. Elles sont surtout occupées dans les services (48,3%). Selon le recensement de l'État d'Aguascalientes (1980), les femmes représentent 30,8 pour cent de la population active de la ville. Les données pour Cordoba-Orizaba ne sont pas disponibles.

37 Soit 173 099 femmes sur les 407 001 personnes travaillant dans l'industrie manufacturière. Voir Tableau 9 de X Censo General de Poblacion y Vivienda, 1980, Resumen General Abreviado (Mexico: Instituto de Estadistica Geografia e Informatica, 1984). Dans le district fédéral, les femmes représentent 36,3 pour cent de la population active et 60,4 pour cent de la population active des services.Google Scholar

38 La masculinisation de l'emploi semble être un trait général d'une politique volontariste de l'État. Voir, à ce sujet, le développement du secteur public en Algérie tel qu'analysé dans André Corten, Tahon, Marie-Blanche, « La formation accélérée de la classe ouvrière: l'expérience algérienne », Capital, travail et société 15 (1982), 4057.Google Scholar

39 En 1970, les femmes représentaient 19,0 pour cent de la population active de l'ensemble du Mexique et 20,6 pour cent dans les industries de transformation (IX Censo General de Poblacion 1970, Resumen General Abreviado[Mexico: Direccion General de Estadistica, 1972], Tableau 27). En 1980, 27,8 et 26,3 pour cent des industries manufacturières (X Censo). Depuis, le gonflement de l'emploi, surtout féminin, dans les « maquiladoras » laisse penser que le pourcentage s'est encore sensiblement accru.Google Scholar

40 Voir à ce sujet la remarquable analyse d'Agnès Heller, La théorie des besoins chez Marx (Paris, 10/18, 1978). Plus particulièrement à propos des enclaves dans lesquelles cette réductions s'opère de manière plus visible, voir Francisco Zapata et Ilan Bizberg, « Enclave industrial y demandas obreras », dans Los grandes complejos, 359–85.

41 Chevalier, Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses (Paris: Librairie générale française, 1978).Google Scholar

42 Chevalier, François et Huguet, Louis, Peuplement et mise en valeur du Iropique mexicain (Mexico: Miscellanea Paul Rivert, 1958).Google Scholar

43 Barre, Marie-Chantal, « Les nouveaux mouvements de population centraméricaine », Amérique latine 20 (1984), 73. II y aurait également 120 000 Salvadoriens.Google Scholar

44 Prévôt-Schapira, « Pétrole et nouvel espace industriel », 176–77.