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Published online by Cambridge University Press: 10 November 2009
A little less than two months before the referendum on sovereignty on October 31, 1995, the Quebec government made public a “Preamble” to an eventual “Declaration of Sovereignty.” This document is analyzed in this article as a “foundational narrative,” that is to say as a narrative attempting to make of this event, which represents the accession of Quebec to sovereignty, a “beginning.” The author demonstrates that the document remains caught in a rhetoric which associates itself to what can be called, following the work of Claude Lefort and Marcel Gauchet, the “theologico-political matrix,” which could explain its chilled reception even by sovereigntists. The author asks in conclusion if it is possible to envisage a foundational narrative which would be compatible with the profound logic which governs modernity.
Un peu moins de deux mois avant le référendum sur la souveraineté du 31 octobre 1995, le gouvernement québécois rendait public un « Préambule » à une éventuelle « Déclaration de souveraineté ». Ce document, qui n'a fait l'objet d'aucune étude approfondie depuis, est analysé dans cet article en tant que «récit de foundation », c'est-à-dire en tant que récit qui cherche à faire de cet événement que représenterait l'accession du Québec à la souveraineté un « commencement ». L'auteur cherche à montrer que le document reste pris dans une rhétorique qui se rattache à ce qu'on peut appeler, notamment à la suite de Claude Lefort et Marcel Gauchet, la « matrice théologico-politique », ce qui pourrait expliquer la froideur avec laquelle il a été accueilli, y compris par les souverainistes. Il se demande en conclusion s'il est possible d'envisager un récit de fondation qui soit plus compatible avec la logique profonde qui gouverne la modernité.
1 Machiavel, Nicolas, Le Prince, trad, de Yves Lévy (Paris: Garnier-Flammarion, 1980), chap. 6, 29Google Scholar.
2 Miron, Gaston, L'homme rapaillé (Montréal: Presses de l'Université de Montréal, 1970), 5Google Scholar.
3 Laforest, Guy, « Comment être patriote au Québec en 1997 », Le Devoir (Montréal), 11 février 1997Google Scholar.
4 Il s'agit du Préambule à la «Déclaration de souveraineté » comprise dans le « Projet de loi n° 1 » intitulé « Loi sur l'avenir du Québec » (Québec: Éditeur officiel du Québec, 1995)Google Scholar. Ce projet n'a d'ailleurs jamais été adopté par l'Assemblée nationale étant donné les résultats du reférendum d'octobre 1995. Lu publiquement au Grand Théâtre de Québec le 6 septembre 1995, le Préambule avait fait l'objet de débats au sein des Commissions itinérantes sur l'avenir du Québec dans les mois précédents (Parizeau, voir Jacques, Pour un Québec souverain [Montréal: VLB éditeur, 1997], 88Google Scholar).
5 Voir la réaction de Johnson, Daniel rapportée par Cantin, Philippe, « “La fierté ne se donne pas en spectacle”. La Déclaration de souveraineté: une vision tronquée de l'histoire selon Johnson », La Presse (Montréal), 7 September 1995Google Scholar.
6 Bissonnette, Lise, « Un exercice périlleux et attachant », Le Devoir, 7 September 1995Google Scholar.
7 Samson, J.-Jacques, «Le happening du Grand Théâtre», Le Soleil (Québec), 6 September 1995Google Scholar.
8 Lessard, Denis, « Le préambule promet une société parfaite », La Presse, 7 September 1995Google Scholar.
9 Néron, Carol, « Les Québécois veulent plus que des discours et des poètes », Le Quotidien (Chicoutimi), 8 September 1995Google Scholar.
10 Pour Jean-Simon Gagné, ce document venu d'une « autre planète» s'appuie sur une «rhétorique qui sent parfois le fond de presbytère et la bouse de vache » (« Le mal du pays », Voir, 14–20 septembre 1995).
11 The Gazette (Montréal), 7 September 1995 : « predictable ethnic nationalist tone »Google Scholar.
12 Propos rapportés par Yakabuski, Konrad, « Des Québécois aux antipodes », Le Devoir, 8 September 1995Google Scholar.
13 Voir la timide défense du ministre Chevrette, Guy rapportée par Plante, Richard, « “Il y en a qui commentent la Déclaration de souveraineté sans l'avoir lue …”. Le ministre Chevrette de passage à Brigham », La Voix de l'Est (Sherbrooke), 9 September 1995Google Scholar.
14 Le silence à l'égard du Préambule n'a été brisé que par les brèves allusions que I' on trouve dans les écrits suivants : Couture, Claude, La loyauté d'un laïc. Pierre Elliott Trudeau et le libéralisme canadien (Paris et Montréal: L'Harmattan, 1996), 54Google Scholar; Létourneau, Jocelyn, avec la collaboration Trépanier, d'Anne, « Le lieu (dit) de la nation : essai d'argumentation à partir d'exemples puisés au cas québécois », cette Revue 30 (1997), 70–71Google Scholar; Thériault, J.-Yvon, « We the People … A People with a Right to Sovereignty? » communication présentée au congrès de l'American Sociological Association, Toronto, août 1997, 2Google Scholar, et « La nation orpheline », Carrefour 19 (1997), 78, 91–92Google Scholar.
15 Arendt traite de la question du commencement et de la fondation en particulier dans l'Essai sur la révolution (Paris: Gallimard, 1967)Google Scholar et dans « Qu'est-ce que l'autorité? » dans La crise de la culture (Paris: Gallimard, 1972), 121–185Google Scholar (voir plus loin, la troisiéme section de cet article).
16 Lefort, Claude, « Permanence du théologico-politique? » dans ses Essais sur le politique. XIXe-XXe siècles (Paris: Gallimard, 1986), 251–300Google Scholar.
17 Arendt, Essai sur la révolution, 304. Ainsi que le remarque Roy, Alain (« Le discours légaliste. 2 », Liberté 231 (1997), 152)Google Scholar, la question du Québec soulève donc « un problème crucial, le plus grand de tous peut-être, étant lié au mystére de l'origine. Qu'est-ce qui fait un pays? d'où vient qu'un pays se tient? d'où prend-il son droit d'exister? » (I'italique est dans le texte). Ces questions, poursuit-il, bien qu'elles aient été posées depuis 1996 surtout par les fédéralistes tenants de ce qu'il appelle «le discours légaliste » (Stéphane Dion, Guy Bertrand, etc.), sont aussi celles des souverainistes (ibid., 154).
18 C'est, êcrit Levert, Paule, par une « forme qui le définit et polarise la matifère du changement […] que l'événement se constitue, prend corps, se distingue. Sans les formes qui nous permettent de distinguer et de nommer les événements, il n'y aurait pas de commencement. Ceux-ci supposent done toujours une opération discursive » (L'idée de commencement [Paris: Aubier, 1961], 19)Google Scholar.
En ce sens, tout commencement, qu'il soit perdu dans la nuit des temps ou paraisse avoir été vécu par des contemporains, suppose un récit de fondation. L'idée que la Cité puisse être advenue en quelque sorte dans la « transparence » aux yeux des contemporains (comme le laisse parfois entendre Alexis de Tocqueville à propos des Ètats-Unis: voir De la démocratie en Amérique (Paris: Robert Laffont, 1986), t. 1Google Scholar, lére partie, chap. 2, 61) participe aussi d'un récit de fondation, méme si elle ne s'avoue pas comme telle.
19 Derrida, Jacques, Otobiographies. L'enseignement de Nietzsche et la politique du nom propre (Paris: Galilee, 1984), 21–22Google Scholar.
Le droit n'est done pas à entendre seulement comme « droit institué », ainsi que le supposaient les défenseurs du « primat du droit » dans le débat qui a eu lieu concernant le droit du Québec à déclarer unilatéralement son indépendance. Le droit, du moins tel que le conçoivent des auteurs comme Arendt et Derrida (qui là-dessus se rejoignent, au-delà de tout ce qui les sépare—Honig, voir Bonnie, « Declarations of Independence: Arendt and Derrida on the Problem of Founding a Republic », American Political Science Review 85 [1991], 97–113CrossRefGoogle Scholar), est tout autant instituant qu'institué, il « appartient », si l'on peut dire, autant aux innovateurs, qui (se) donnent le droit, qu'aux conservateurs qui l'invoquent pour préserver l'ordre établi. De la même façon, l' « inconstitutionnalité » des innovateurs dont parle Arendt (Essai sur la révolution, 271), plutôt que de les confiner à l'illégalité pure et simple, les amène à concevoir la constitution, au-delà de Pensemble des documents écrits, sous l'angle du «pouvoir constituant », littéralement du pouvoir de constituer la société (voir sur cette question, quoique cet auteur prenne ses distances à l'égard d'Arendt, Negri, Antonio, Le pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité [Paris: Presses universitaires de France, 1997], passimGoogle Scholar).
20 « Loi sur l'avenir du Québec », « Préambule », ligne 25. Comme le Préambule n'est pas paginé on a numéroté chacune des lignes. Elles seront désormais indiquées entre parenthèses dans le texte.
21 Point n'est besoin d'épiloguer longuement là-dessus. D'une part, personne en régime démocratique ne peut être autorisé à dire quelque chose comme « je vais réaliser la souveraineté et je vous l'annonce »; et on imagine aisément l'incongru d'une Déclaration, qui n'en serait d'ailleurs pas une, où il serait dit quelque chose comme « je constate que vous allez réaliser la souveraineté et […] ».
Dans la lettre qui accompagnait l' « Avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec », qui fut distribuée en vue de préparer les Commissions itinérantes sur l'avenir du Québec, le Premier Ministre Parizeau écrivait, dans les toutes premières lignes, que «[c]omme vous le savez, j'ai déposé à l'Assemblée nationale un avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec […] », avant de passer à la question du Préambule qui doit « dire qui nous sommes et ce que nous voulons devenir » (l'italique ajouté).
22 En d'autres mots, il est « impossible de contourner, pour une “déclaration”, le moment de l'unité substantielle du déclarant » (Gagné, Gilles, « Dieu qui sauve tout. Notes sur le préambule », Conjonctures 22 [1995], 25Google Scholar). C'est ce que confirme un examen de quelques-unes des nouvelles constitutions adoptées depuis une dizaine d'années à travers le monde. Ainsi, le « We, the people » de la Constitution américaine est repris par l'Afrique du Sud (The Constitution of the Republic of South Africa, 1996, « Preamble ») et par la Slovaquie (Constitution of the Slovak Republic, « The Preamble », dans International Institute for Democracy, dir., The Rebirth of Democracy—12 Constitutions of Central and Eastern Europe [Strasbourg: Council of Europe Press, 1995], 497Google Scholar), alors que la République tchèque préfère le « Nous, citoyens de la République tchèque… » (« We, the citizens of the Czech Republic… ») (Constitution of the Czech Republic, « Preamble », dans Rebirth of Democracy, 117). L'Estonie, Haïti et la Lettonie utilisent la formule « Le peuple… » (voir respectivement Constitution of the Republic of Estonia, dans Rebirth of Democracy, 155—il faut préciser dans ce cas qu'il s'agit de la Constitution de 1918 «réactivée» au moment de l'effondrement de l'U.R.S.S.; Constitution de la République d'Haïli, « Préambule » [Port-au-Prince: Éd. Scolha, 1987], 1Google Scholar; et Constitution of the Republic of Latvia, dans Rebirth of Democracy, 261). La Lithuanie utilise plutôt « La nation lithuanienne » (« The Lithuanian nation ») (Constitution of the Republic of Lithuania, dans Rebirth of Democracy, 277) et la Croatie fait référence à « la nation croate et à tous les citoyens » (« the Croatian nation and all citizens ») (Constitution of the Republic of Croatia, « Historical Foundations », dans Rebirth of Democracy, 67). La Bulgarie, la Hongrie, la Macédoine et la Slovéinie, enfin, font référence aux Assemblées élues représentatives des citoyens (voir, respectivement, Constitution of the Republic of Bulgaria, Constitution of the Republic of Hungary, Constitution of the Republic of Macedonia et Constitution of the Republic of Slovenia, dans Rebirth of Democracy, 11, 211, 333 et 555).
23 « Auteurs » devant ici être entendu au sens étroit de « ceux qui ont écrit le Préambule »—alors que, bien évidemment, c'est le « Nous » qui y est énoncé qui est censé en être l'auteur. Dans son ouvrage Pour un Québec souverain (91) Jacques Parizeau indique que le « projet de préambule [a été] préparé par Gilles Vigneault, Marie Laberge, Fernand Dumont et Jean-François Lisde ». La presse faisait plutôt état de six auteurs: « Ils [Gilles Vigneault et Marie Laberge] ont d'abord travailé sur des textes d'histoire d'un autre contributeur, le célèbre sociologue Fernand Dumont, et ont chacun de leur côté bâti tout le texte. Celui-ci a été, en maintes occasions, de réunion en réunion, soumis aux constitutionnalistes Henri Brun et Andrée Lajoie, et au conseiller du premier ministre, Jean-François Lisée, les trois autres membres du comité de rédaction. » (Normand, Gilles, « “Comme une lettre qu'on avait envoyée soi-même et qui nous revient sous une autre forme…” —Gilles Vigneault », La Presse, 7 September 1995Google Scholar).
24 Gagné « Dieu qui sauve tout », 26; également, du même auteur, « Un Dieu qui sauve tout », Société numéro hors série (été 1995), 23.
25 Ces métaphores bucoliques, il est important de le relever, se trouvent au tout début du Préambule seulement; elles ne reviennent pas après les 10 premières lignes. II n'est donc pas exact de dire que le texte baigne tout entier dans pareille imagerie. Certes, ces métaphores sont lourdement chargées de sens, dans un contexte où le néo-nationalisme québéeois a prétendu se construire contre le vieux nationalisme canadien-français et où certains, depuis P.-E. Trudeau, ont contesté qu'il y ait eu rupture véritable entre les deux. En outre, ce « préambule au Préambule» colore l'ensemble du texte (comme le révèle l'expérience qui consiste à lire le document en « sautant » ces lignes). Mais il semble que son objectif, comme l'indique l'absence de recours ultérieur aux métaphores dont il use, est davantage de fournir une image capable de naturaliser l'histoire que de montrer que le Québec dont il est question est celui de Lionel Groulx.
26 Le « Nous » du « peuple » est done censé inclure les descendants des Français et des autres communautés—et pas seulement les premiers, qui constituent la « nation » à proprement parler. Voir également, plus loin, les lignes 46–47: « ce pays sera tous ceux, hommes et femmes, qui l'habitent, le défendent et le définissent, et [ … ] ceux-là, c'est nous ».
27 II est remarquable que le document passe sous silence (même s'il y est fait indirectement reéférence quand il est question de l'Acte d'Union) la tentative révolutionnaire de 1837–38 (voir plus loin, la troisième section de cet article).
28 II en compose, il faut le remarquer, la partie la plus longue: lignes 89–166.
29 Frye, Northrop, The Great Code: The Bible and Literature (Toronto : Academic Press, 1983), 169, 192–93Google Scholar.
30 Ibid., 113.
31 Benslama, Fethi, Une fiction troublante. De l'origine en partage (La Tour d'Aigues: Éd. de l'Aube, 1993), 11Google Scholar.
32 Arendt, Essai sur la révolution, 231, 236–37, 269, 271, 288.
33 Tillich, Paul, La dimension oubliée (Paris: Desclée de Brouwer, 1969), 70–73Google Scholar.
34 Gauchet, Marcel, Le désenchantement du monde (Paris: Gallimard, 1985), 12Google Scholar.
35 Lefort, Claude et Gauchet, Marcel, « Sur la démocratic: le politique et l'institution du social », Textures 3 (1971), 17Google Scholar.
36 Ibid., 20; et Lefort, Claude, Les formes de l'histoire (Paris: Gallimard, 1978), 294Google Scholar.
37 Comme le dit Benslama, « [l]a toute-puissance exclue, c'est ce que la collectivité humaine partage »: nul parmi elle n'a pu la faire être à partir de rien (Une fiction troublante, 49).
38 Gauchet, Marcel, « La dette de sens et les racines de l'État », Libre 2 (1977), 5–43Google Scholar.
39 Gauchet, Le désenchantement du monde, 54–56, 38.
40 Gauchet, « La dette de sens et les racines de l'État », 22.
41 Gauchet, Le désenchantement du monde, 65.
42 Mattei, Jean-François, « Platon et la modernité », dans Roger-Pol Droit, Les Grecs, les Romains et nous. L'Antiquité est-elle moderne? (Paris: Le Monde Éditions, 1991), 78Google Scholar.
43 Lefort, « Permanence du théologico-politique », 278 et s.
44 Gauchet, Le désenchantement du monde, 119.
45 Ibid. On reconnaît ici tout ce que doit Gauchet au travail de l'historien Kantorowicz, Ernst, auteur de Les deux corps du Roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Age (Paris: Gallimard, 1989)Google Scholar. de Gauchet, Voir, sur Kantorowicz, , « Des deux corps du roi au pouvoir sans corps. Christianisme et politique » (I et II), Le Débat 14 (1981), 133–157CrossRefGoogle Scholar et 15 (1981), 147–168.
46 Gauchet, Le désenchantement du monde, 118.
47 Gauchet, « Des deux corps du roi au pouvoir sans corps » (I), 141.
48 Gauchet, Le désenchantement du monde, 120; et « Des deux corps du roi au pouvoir sans corps » (I), 153. Voir également Manent, Pierre, Histoire intellectuelle du libéralisme. Dix leçons (Paris: Hachette-Pluriel, 1987), 26–27Google Scholar.
49 Lefort, « Permanence du théologico-politique? », 287.
50 Fascineé;es par l'image du corps royal, les differentes parties du corps politique se trouvent fascinées par l' « Un », par leur propre image où elles apparaissent toutes rassemblées, que le Roi incarne et exhibe devant eux, en sa personne même. Toute la réflexion de Lefort sur Le discours de la servitude volontaire d'Étienne de la Boétie va dans ce sens: ce qui fait que « mille obéissent à un », c'est la capacité de celui-ci à dire, à énoncer, le « nom d'Un ». Voir Claude Lefort, « Le nom d'Un », de la Boétie, dans Étienne, Le discours de la servitude volontaire. La Boétie et la question du politique (Paris: Payot, 1978), 247–307Google Scholar.
51 Lefort, « Permanence du théologico-politique », 279.
52 Ibid., 283.
53 Gauchet, Le désenchantement du monde, 57, 64.
54 Arendt, Essai sur la révolution, 234.
55 Létourneau, « Le lieu (dit) de la nation », 60.
56 Benslama, Une fiction troublante, 16, 17.
57 Ibid., 57, 21,22, 70.
58 Ibid., 72.
59 Peut-être, en effet, que l'idée de l'Humanité autofondée, par la déligitimation généalogique qu'elle entraîne, suppose comme son envers indépassable, indique Benslama, la volonté d'un retour intégral à l'origine ainsi radicalement remise en cause—la volonté de l' « intégrisme » (Benslama, Une fiction troublante, 67, 87, 88).
60 Pour reprendre un argument « straussien »: démontrer la néeessité historique d'un phénomène ne revient aucunement à démontrer qu'il correspond à ce qui est juste ou bon (Edmond, Michel-Pierre, Philosophie politique [Paris: Masson, 1972], 18–19Google Scholar).
61 Strauss, Leo, Droit naturel et histoire (Paris: Flammarion, 1986), 86Google Scholar.
62 De telle sorte qu'on a absolument tort de considérer, comme Villa, Dana R. (Arendt and Heidegger: The Fate of the Political [Princeton : Princeton University Press, 1996], 189 par exempleGoogle Scholar), qu'Arendt, comme Martin Heidegger, défend l'idée d'une politique sans fondation ou fondement (« groundless politics »).
63 Arendt, « Qu'est-ce que l'autorité? » 160.
64 Arendt, Essai sur la révolution, 304–05. Enegrén, Voir André, La pensée politique de Hannah Arendt (Paris: Presses universitaires de France, 1984), 188–189CrossRefGoogle Scholar.
65 Arendt, « Qu'est-ceque l'autorité? » 159.
66 L'idée de « re-fondation » tire son origine de Machiavel: voir les Discours sur la décade de Tite-Live (Paris: Berger-Levrault, 1980), Livre 3, chap. 1, 245–249Google Scholar; voir également le commentaire de Lefort, Claude, Le travail de l'euvre Machiavel (Paris: Gallimard, 1972), 589, 601–04Google Scholar.
67 Arendt, Essai sur la révolution, 293.
68 Arendt, « Qu'est-ce que l'autorité? » 159.
69 Ibid., 164.
70 Ibid., 163. Duffé, Voir Bruno-Marie, « Hannah Arendt: penser l'histoire en ses commencements. De la fondation à l'innovation », Revue des sciences philosophiques et théologiques 61 (1983), 405–406Google Scholar.
71 Becker, Voir Carl L., The Declaration of Independence: A Study in the History of Political Ideas (New York: Vintage Books, 1958), 36–37Google Scholar; ainsi que les remarques de Derrida, Otobiographies, 24–25, 27–28.
72 Arendt, Essai sur la révolution, 301.
73 Quéré, LouisDes miroirs équivoques. Aux origines de la communication moderne (Paris: Aubier, 1982), 33Google Scholar.
74 Gauchet, Marcel, « L'expérience totalitaire et la pensée de la politique », Esprit 8–9 (août-septembre 1976), 24–25Google Scholar (l'italique est dans le texte). Dans la mesure où l'espace de délibération démocratique est ainsi institué on peut dire, paradoxalement, qu'il se fonde sur la « quête de son fondement » (Lefort, « Permanence du théologico-politique », 270).
75 Benslama, Une fiction troublante, 51, 52. Alors que c'est la mort qui donnait vie au « Corps paternel » dépecé par les fils selon Freud, c'est grâce à une convocation à un « repas totémique textuel », à une mise à mort « du texte mythique » fondateur du corps politique (ibid., 54), que la fiction et ainsi la fondation pour-raient coexister avec le scepticisme des Modernes selon Benslama.
76 II est évidemment hors de question ici de proposer formellement un autre Préambule que celui de 1995. II ne s'agit que d'esquisser très brièvement, sur la base des préeédents raisonnements, ce qui pourrait se situer au centre de sa trame narrative.
77 Ceci dit sans ignorer la complexité du débat historiographique à propos de ces événements. A ce sujet, Bernard, voir Jean-Paul, Les rébellions de 1837–38. Les patriotes du Bas-Canada dans la mémoire collective et chez les historiens (Montréal: Boréal Express, 1983)Google Scholar. L'affirmation faite ici revient seulement, ce qui suffit dans le cadre d'une réflexion qui porte sur la possibilité de l'é1aboration d'un réeit fondateur, à énoncer qu'il est possible de lire les événements de 1837–1838 comme un moment qui renvoie à la liberté républicaine. Voir, à ce sujet, le récent ouvrage de Kelly, Stéphane, La petite loterie. Comment la Couronne a obtenu la collaboration du Canada français après 1837 (Montréal: Boréal, 1997)Google Scholar.
78 « Manifeste des patriotes (1838) », dans Daniel Latouche, avec la collaboration de Poliquin-Bourassa, Diane, Le manuel de la parole. Manifestes québécois. Tome I : 1760 à 1899 (Sillery: Boréal Express, 1977), 79–80Google Scholar. Voir, sur cette Déclaration d'indépendance, Greer, Allan, The Patriots and the People: The Rebellion of 1837 in Rural Lower Canada (Toronto: University of Toronto Press, 1993), 340Google Scholar.
79 Dumont, Fernand, Genèse de la société québécoise (Montréal: Boréal, 1993), 331Google Scholar.
80 Ibid.
81 L'historien, en principe du moins, ne peut pas se permettre d'ignorer les faits et leur complexité. Un récit fondateur n'est pas un cours d'histoire, par définition, il est forcément sélectif.
82 Dumont, Genèse de la société québécoise, 331.
83 Cantin, Serge, Ce pays comme un enfant. Essais sur le Québec (1988–1996) (Montréal: L'Hexagone, 1997), 154Google Scholar (commentant L'hiver de force de Réjean Ducharme).
84 Angenot, Marc a récemment cherché à décrire le souverainisme québécois comme un mouvement essentiellement appuyeé sur le ressentiment: voir ses interventions « Démocratic à la québécoise », Le Devoir, 13 June 1996Google Scholar et « Lettre ouverte à Bernard Andrès », Liberté 229 (02 1997), 109–119Google Scholar; voir également, plus globalement, son ouvrage Les idéologies du ressentiment (Montreal: XYZ, 1995)Google Scholar. En dépit, d'une rhétorique violemment antinationaliste qui ameèe l'auteur à tenir des propos pour le moins farfelus (le gouvernement souverainiste « illégitime » a le projet d'interdire le vote des plus récents « Néo-Canadiens » et de l'étendre à tous les Québécois « de souche » de 16 ans: « Lettre ouverte à Bernard Andrès », 111, 116), la question soulevée dans ces textes est pertinente: il est difficile, voire impossible de ne pas tomber dans le ressentiment quand on cherche à fonder sur une défaite comme la Conquête et sur la colère qui s'ensuit. Voir, pour une réflexion subtile sur les liens entre le ressentiment et le nationalisme québécois, les érits de Jacques, Daniel, « La mort annoncée d'un projet insignifiant? » Possibles 19, 1–2 (hiver-printemps 1995), 209–226Google Scholar et ceux de Larose, Jean, notamment La souveraineté rampante (Montreal: Boréal, 1994)Google Scholar.
85 Nietzsche, Friedrich, Généalogie de la morale (Paris: Gallimard, 1977)Google Scholar. Voir, à propos de la notion de « force réactive », le commentaire de Deleuze, Gilles dans son Nietzsche (Paris: Presses universitaires de France, 1965), 19 et sGoogle Scholar.
86 La souveraineté rampante, passim.