Bienvenue dans le désert du réel,, Slavoj
Žižek,, Édition Flammarion, 2005.
Le statut de Slavoj Žižek dans les universités
américaines est ambigu. D'une part, sa popularité ne
cesse de grandir – comme le démontrent le succès de
ses livres et l'affluence à ses conférences –
d'autre part, rarement pris au sérieux par ses pairs, il est
relégué à l'univers des cultural
studies. Élève de Jacques-Alain Miller,
Žižek offre une vision originale de la politique où
il mélange psychanalyse, commentaires philosophiques de haute
voltige, anecdotes tirées de l'actualité,
interprétations et réinterprétations de sujets divers
allant du cinéma à la critique d'art, souvent avec un
humour peu caractéristique des milieux universitaires. Après
son Plaidoyer en faveur de l'intolérance
(Éditions Climats, 2004) qui critiquait la fausse tolérance
pratiquée par la société libérale et
multiculturelle, son essai Bienvenue dans le désert du
réel, traduit récemment en français, a
été écrit dans l'urgence après les
attentats du 11 septembre, au lendemain de l'invasion
américaine de l'Afghanistan. Žižek
présente dans ce livre la suite de certaines thèses
qu'il avait déjà évoquées. Il remet non
seulement en question le caractère “
d'événement ” attribué au 11 septembre
– pour lui, rien n'aurait vraiment changé – mais
il revisite l'opposition que les théoriciens politiques
décrivent (et imposent) entre l'Occident et son Autre
islamique : ces deux entités ne sont pas antagonistes, elles
appartiennent au contraire à la même dynamique capitaliste
mondiale et font le jeu de l'immobilisme. L'alternative doit
être pensée en dehors des oppositions. Ce que cherche donc
à faire Žižek, c'est moins d'offrir une
thèse en remplacement de celles qui existent déjà que
de réfuter celles-ci, en montrant l'identité
intrinsèque d'opinions qu'on prétend être
différentes.