Hostname: page-component-78c5997874-xbtfd Total loading time: 0 Render date: 2024-11-10T10:40:08.473Z Has data issue: false hasContentIssue false

Cognistat: normes francophones pour les 60 ans et plus

Published online by Cambridge University Press:  30 January 2020

Martin Arguin*
Affiliation:
Centre de recherche en neuropsychologie et Cognition, Département de psychologie, Université de Montréal et Centre de recherche de l’Institut Universitaire de Gériatrie de Montréal, Montréal, Canada
Joël Macoir
Affiliation:
Département de réadaptation, Université Laval, Québec, Canada École de psychologie, Université Laval, Québec, Canada Centre de recherche CERVO, Québec, Canada
Carol Hudon
Affiliation:
École de psychologie, Université Laval, Québec, Canada Centre de recherche CERVO, Québec, Canada
*
Correspondence and requests for reprints should be sent to / La correspondance et les demandes de tirés-à-part doivent être adressées à : Martin Arguin, Ph.D. Département de psychologie Université de Montréal C.P. 6128, Succ. Centre-ville Montréal, Qc H3C 3J7 (martin.arguin@umontreal.ca)
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Cognistat is a cognitive screening test that is widely used in English-speaking countries. Its French adaptation is now available. The present study aims to establish norms for a population aged 60 and over. One hundred and fifty-one participants aged between 60 and 84 years old with normal cognitive function were divided into 5 five-year age groups. The results on Cognistat are reported for each subtest and age group. Age has a significant effect in only two subtests (Attention and Language Comprehension), which suggests a reduced performance for older participants. However, these effects are very weak and irregular. For this reason and given data distribution, norms are proposed to define performance thresholds for the 15th (lower limit of the normal range), 10th (mild cognitive impairment) and 5th (clinically significant) percentiles for each subtest for the clinical use of Cognistat with individuals 60 years of age and older.

Résumé

Résumé

Cognistat est un test de dépistage cognitif largement utilisé dans le monde anglophone. L’adaptation française du test est maintenant disponible. La présente étude vise à établir des normes pour une population âgée de 60 ans et plus. Cent cinquante et un participants âgés entre 60 et 84 ans et présentant un fonctionnement cognitif normal ont été répartis en cinq groupes d’âge d’une étendue de cinq ans chacun. Les résultats à Cognistat sont rapportés pour chaque sous-test et groupe d’âge. L’âge entraîne un effet significatif pour seulement deux sous-tests (Attention et Langage-Compréhension), celui-ci suggérant une moins bonne performance avec un âge plus avancé. Ces effets sont toutefois très faibles et irréguliers. Pour cette raison et étant donné la forme de la distribution des données, nous proposons des normes définissant les seuils aux 15e (limite inférieure de l’étendue moyenne), 10e (trouble cognitif léger) et 5e (cliniquement significatif) percentiles à chaque sous-test pour l’utilisation clinique de Cognistat auprès de personnes âgées de 60 ans et plus.

Type
Article
Copyright
© Canadian Association on Gerontology 2020

Introduction

Connu jusqu’en 1995 sous le nom de «The Neurobehavioral Cognitive Status Examination»), CognistatFootnote 1 est le test de dépistage (ou repérage) cognitif le plus largement utilisé en Amérique du Nord (Rabin, Barr & Burton, Reference Rabin, Barr and Burton2005). Ce test permet une évaluation rapide (environ 20 minutes) et fiable du fonctionnement cognitif chez les 16 ans et plus dans cinq domaines fonctionnels importants : le langage, les praxies constructives, la mémoire, le calcul et le raisonnement. L'attention, l'état de conscience et l'orientation sont également évalués.

L’intérêt particulier de Cognistat réside non seulement dans son efficacité et l’étendue des fonctions cognitives évaluées, mais également dans la qualité de l’évaluation qu’il offre. Ainsi, des données récentes (Kiernan, Mueller, Flanagan & Chertkow, Reference Kiernan, Mueller, Flanagan and Chertkow2013) obtenues auprès de 13 participants anglophones âgés évalués à la Clinique de la Mémoire de l’Hôpital Général Juif de Montréal pour des plaintes relatives à leur fonctionnement cognitif indiquent une excellente convergence entre les résultats obtenus à Cognistat et ceux obtenus au moyen d’une évaluation neuropsychologique exhaustive de plusieurs heures. De telles observations sont particulièrement significatives dans le contexte actuel de la pratique clinique, où le nombre de demandes d’évaluations cognitives pour des problématiques liées au vieillissement va croissant alors que les ressources disponibles à cette fin n’évoluent pas forcément de la même manière.

Un aspect important par lequel Cognistat se distingue d’autres tests de dépistage cognitif utilisés couramment (ex. MMSE, Folstein, Folstein & McHugh, Reference Folstein, Folstein and McHugh1975; MoCA, Nasreddine et al., Reference Nasreddine, Phillips, Bédirian, Charbonneau, Whitehead, Collin and Chertkow2005) est l’utilisation de scores distincts pour chacun de ses sous-tests destinés à l’évaluation de fonctions cognitives distinctes. Cette spécificité des scores obtenus permet ainsi d’établir un profil cognitif distinguant les fonctions préservées de celles qui sont atteintes. De telles distinctions sont évidemment importantes pour orienter efficacement les démarches d’investigation qui doivent suivre et elles s’avèrent essentielles pour l’établissement d’un diagnostic.

Les alternatives courantes à Cognistat pour le dépistage cognitif (ex., MMSE, MoCA) permettent plutôt d’établir un score global unique (également appelé score composite) à partir duquel le clinicien doit déterminer si les performances observées reflètent un fonctionnement normal ou non. Un tel score global s’avère un outil indifférencié du fait qu’il résulte de l’intégration de mesures de performance à une variété d’épreuves de natures diverses et faisant appel à des fonctions cognitives variées. Ceci s’avère problématique considérant que le fonctionnement cognitif global reflété par ce score repose en réalité sur une collection de fonctions cognitives bien distinctes, chacune pouvant présenter une activité intacte ou altérée indépendamment des autres. Une conséquence néfaste de ce problème est qu’un score global à une évaluation cognitive donne peu de direction quant aux investigations qui pourraient être requises par la suite et celui-ci n’offre pas d’indication quant à la nature exacte du déficit cognitif. De manière encore plus critique, l’utilisation d’un test de dépistage cognitif n’offrant qu’un score global présente, de par la structure même de l’outil, un risque important que le résultat obtenu ne permette pas la détection d’une atteinte cognitive qui existe bel et bien. En effet, il semble tout à fait probable qu’une atteinte cognitive restreinte (n’affectant qu’une fonction spécifique par exemple) puisse passer inaperçue si son impact sur le score global devait s’avérer insuffisant pour faire passer ce score sous le seuil de normalité.

Hormis ses qualités intrinsèques, la pertinence d’un test d’évaluation cognitive particulier dans un contexte clinique s’avère fortement dépendante de la disponibilité de normes pour le test en question. Dans le cas de Cognistat, des normes existent pour la version anglaise du test, mais aucune n’est présentement disponible pour la version française, celle-ci ayant été publiée en 2017.

L’adaptation française de Cognistat est très proche de la version anglaise d’origine. De fait, la version française est destinée à l’ensemble de la francophonie et son adaptation a été faite en conséquence. Néanmoins, certaines différences légères existent inévitablement entre les versions anglaise et française et des facteurs d’ordre purement linguistique peuvent également avoir un impact sur la performance. Par exemple, le nombre de syllabes dans un mot (ex. « soulier » – « shoe », sous-test de dénomination) ou dans une question (ex. ; « Quel est votre nom complet? » - « What is your full name? », sous-test d’orientation) ou encore la nature ou le nombre des homonymes existant pour un mot (ex. « rose », qui est utilisé pour référer à la fleur, autant dans la version anglaise que française, sous-test de similitudes. Ce mot présente plusieurs homonymes, autant en français qu’en anglais, mais leurs significations diffèrent de manière importante selon la langue). De tels facteurs jettent évidemment un doute sur la pertinence d’appliquer les normes anglophones pour la version française. De plus, le fait que la population à laquelle s’adresse le test en version française est différente de celles pour lesquelles les normes ont été obtenues avec la version anglaise implique également la possibilité que les niveaux de performance normale soient différents (ex. Wechsler, Coalson & Raiford, Reference Wechsler, Coalson and Raiford2008).

L’objectif de la présente étude consiste au développement de normes pour l’adaptation française de Cognistat et pour les personnes âgées franco-québécoises entre 60 et 84 ans présentant un fonctionnement cognitif normal.

Méthodologie

Participants

Les participants sont de langue maternelle franco-québécoise, âgés entre 60 et 84 ans inclusivement et ils rapportent un fonctionnement cognitif normal. De plus, dans le contexte d’un autre projet, environ un tiers des participants ont été testés avec le test de dépistage Montreal Cognitive Assessment (MoCA; Nasreddine et al., Reference Nasreddine, Phillips, Bédirian, Charbonneau, Whitehead, Collin and Chertkow2005) et ceux ayant obtenu un score inférieur au seuil de normalité ont été exclus de la présente étude (voir plus bas). Sur la base d’informations auto-rapportées, ont également été exclus de l’étude les participants a) présentant des plaintes quant à leur fonctionnement cognitif; b) ayant reçu un diagnostic préalable de déficit cognitif; c) présentant une atteinte neurologique susceptible d’affecter la cognition (ex. sclérose en plaques, historique d’accident vasculaire cérébral, etc.); d) traités pour une maladie psychiatrique; e) présentant un abus de substances (ex. alcoolisme) et f) présentant une atteinte visuelle ou auditive non-corrigée par des appareils appropriés (ex. lunettes, lentilles cornéennes ou aide auditive).

En raison de l’application de ces critères de sélection, tous les participants retenus se sont avérés alertes au sous-test d’État de conscience, pour lequel aucun résultat ou analyse additionnels ne seront rapportés.

Les participants ont été divisés en cinq groupes d’âge : 60 à 64 ans, 65 à 69 ans, 70 à 74 ans, 75 à 79 ans, et 80 à 84 ans. Nous avons obtenu les résultats de 30 participants pour chaque groupe, sauf pour le groupe 70 à 74 ans, qui est constitué de 31 participants. Sept autres participants ont été évalués mais leurs données ont dû être rejetées pour différents motifs. Pour deux d’entre eux, leur score à Cognistat s’est avéré anormalement faible relativement aux autres participants et une évaluation subséquente réalisée avec le test Montreal Cognitive Assessment (MoCA; Nasreddine et al., Reference Nasreddine, Phillips, Bédirian, Charbonneau, Whitehead, Collin and Chertkow2005) suggère chez eux une atteinte cognitive légère. Pour les cinq autres participants, les données ont dû être rejetées car ils ont révélé en cours d’évaluation qu’ils présentaient des critères d’exclusion, et ce malgré qu’une vérification à cet égard ait été faite préalablement.

Matériel

Les participants ont été évalués avec l’adaptation française du test de dépistage Cognistat (Kiernan, Mueller, Langston & Van, Reference Kiernan, Mueller, Langston and Van1987). Ce test évalue les fonctions cognitives suivantes : l’orientation, l’attention, le langage (trois sous-tests : Compréhension, Répétition et Dénomination), les praxies constructives, la mémoire, le calcul et le raisonnement (deux sous-tests : Similitudes et Jugement).

En plus du fonctionnement cognitif, Cognistat permet de documenter une grande variété de caractéristiques personnelles à travers un questionnaire préalable à l’administration des sous-tests, dont : le sexe, la dominance manuelle, le nombre d’années d’études, la présence d’atteintes neurologiques, de déficience visuelle, de perte auditive, d’étourdissements ou de troubles de l’équilibre, de douleur, d’anxiété ou de dépression, de manie ou de psychose, de trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, de troubles de l’apprentissage, de toxicomanie, de privation de sommeil, d’épuisement, et d’implication dans des litiges légaux. Ces caractéristiques personnelles auto-rapportées ont été recueillies pour tous les participants et ont été utilisées afin de s’assurer que les groupes de participants étaient appariés sur ces paramètres.

Procédure

Le projet a reçu l’approbation du Comité d’éthique de la recherche en arts et sciences de l’Université de Montréal et du Comité d’éthique de la recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec avant que le recrutement des participants ne soit entamé. L’étude a été menée sur deux sites distincts, soit le Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (101 participants) et le Centre de recherche CERVO de Québec (50 participants). La cueillette de données a été réalisée par sept évaluateurs qui avaient préalablement été entraînés à cette fin.

Après que les participants eurent rempli un formulaire de consentement leur expliquant le déroulement de l’étude, le test de dépistage cognitif Cognistat leur a été administré selon la procédure recommandée par le manuel. La durée d’administration du test était d’environ 20 minutes.

Analyses des données

Une comparaison a d’abord été faite des caractéristiques personnelles des participants selon leur groupe d’âge. De cet ensemble, la seule variable continue est le nombre d’années de scolarité et le test utilisé est l’analyse de variance. Pour les autres cas, comme il s’agit de données nominales, nous avons appliqué le test du χFootnote 2, qui compare les groupes sur la fréquence des états possibles de la variable dépendante analysée. Par la suite, afin d’examiner s’il existe des variations significatives des performances à Cognistat en fonction du groupe d’âge, le test de Jonckheere-Terpstra pour échantillons indépendantsFootnote 2 a été appliqué.

Résultats

Les analyses effectuées afin de comparer entre eux les groupes de participants quant à leurs caractéristiques personnelles (sexe, dominance manuelle, nombre d’années de scolarité, présence d’atteintes neurologiques, épuisement, historique de troubles psychiatriques, privation de sommeil, déficit visuel, perte auditive, troubles de l’équilibre ou étourdissements, implication dans un litige légal, présence de douleur, historique de troubles de l’apprentissage, et présence d’un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité) sont rapportées au Tableau 1. Les résultats ne démontrent aucune différence significative entre les groupes sur les différents paramètres examinés. Il est donc conclu que tous les groupes sont comparables entre eux sur des caractéristiques personnelles pertinentes autres que l’âge.

Tableau 1 : Distribution des différentes caractéristiques personnelles pertinentes des participants pour chaque groupe

Sexe : F = femmes, H = hommes; Dominance manuelle : G = gauche, D = droite; Scolarité : moyenne en nombre d’années, ET = écart-type; les lignes suivantes indiquent le pourcentage des participants présentant la caractéristique en question. Afin de faciliter la lisibilité du tableau, la case indique le symbole – si aucun participant ne présente la caractéristique.

Le Tableau 2 rapporte les statistiques descriptives pour les différents sous-tests de Cognistat. Pour chaque sous-test, le tableau rapporte le score maximal possible, la moyenne des scores obtenus par chaque groupe ainsi que l’écart-type. Nous rapportons également la médiane des scores à chaque sous-test, qui offre notamment une information pertinente à la distribution des scores obtenus. Les seuils correspondant aux 5e (score cliniquement significatif), 10e (trouble cognitif léger) et 15e (limite inférieure de l’étendue moyenne) percentiles indiqués à la dernière colonne du Tableau 2 seront discutés plus bas.

Tableau 2 : Score maximum possible, statistiques descriptives et points de coupure aux 5e, 10e et 15e percentiles pour les différents sous-tests de Cognistat

Aucune variation significative en fonction de l’âge n’est observée pour les sous-tests d’Orientation (T JT (4) = -0,89, n.s.), Langage - Répétition (T JT (4) = 1,24, n.s.), Langage - Dénomination (T JT (4) = -0,01, n.s.), Construction (T JT (4) = 0,19, n.s.), Mémoire (T JT (4) = 0,19, n.s.), Calcul (T JT (4) = 1,29, n.s.), Raisonnement – Similitudes (T JT (4) = 0,33, n.s.), Raisonnement – Jugement (T JT (4) = -1,2, n.s.). Par contre, les sous-tests d’Attention (T JT (4) = -3,37, p < .005) et de Langage - Compréhension (T JT (4) =-2,33, p < .05) présentent un effet significatif de l’âge. Dans les deux cas, l’effet de l’âge n’est pas régulier mais reflète globalement une légère diminution des performances avec l’âge (voir Tableau 2, panneaux b et c).

Sur la base des distributions des scores, nous avons établi une échelle en percentiles pour chaque sous-test de Cognistat. La dernière colonne de chaque panneau du Tableau 2 rapporte les scores correspondant aux 5e, 10e et 15e percentiles de la répartition observée des performances pour chaque sous-test. L’obtention d’un score égal ou plus bas qu’un seuil par un patient indique une performance qui est soit sous la limite inférieure de l’étendue moyenne pour le 15e percentile, une manifestation d’un trouble cognitif léger pour le 10e percentile, ou une atteinte cliniquement significative dans le cas du 5e percentile.

Dans l’ensemble, les niveaux de performance sont très élevés pour tous les sous-tests et les écarts-types sont très faibles, ce qui indique une dispersion des données qui est faible et asymétriqueFootnote 3. À l’appui, les médianes obtenues correspondent presque toutes au score maximal pour le sous-test concerné. Ceci indique que plus de 50 % des participants ont obtenu le score maximal à ces sous-tests.

Étant donné la non-normalité des distributions des données, les seuils n’ont pas pu être établis à partir d’une méthode postulant une distribution normale des observations. La méthode adoptée pour établir les seuils (rapportés à la colonne de droite du Tableau 2) repose donc sur le score le plus élevé obtenu parmi les 5%, 10%, ou 15% des participants les moins performants de l’échantillon.

Discussion

Cognistat est un test fiable (ex. Kiernan et al., 2014) dont l’administration peut être faite rapidement. Dans le contexte actuel d’optimisation des ressources dédiées aux soins de santé, Cognistat semble donc un outil de triage qui permettra de modérer l’impact qu’aura le vieillissement de la population sur la charge de travail des services cliniques. Dans la présente étude, 151 participants âgés entre 60 et 84 ans ont été évalués avec l’aide du test de dépistage cognitif Cognistat dans le but de constituer des normes pour une population âgée franco-québécoise.

Les résultats démontrent un excellent appariement des groupes d’âge sur une variété importante de caractéristiques personnelles. La comparaison des performances obtenues par les participants des différents groupes d’âge ne démontre un effet significatif de l’âge que pour les sous-tests d’Attention et de Langage – Compréhension. Dans les deux cas, les performances tendent à diminuer avec l’âge, quoique très faiblement et d’une manière irrégulière. Ce déclin est en accord avec la littérature sur l’effet du vieillissement qui indique une réduction de l’empan auditivo-verbal et de la compréhension verbale chez les populations âgées (Bopp & Verhaeghen, Reference Bopp and Verhaeghen2005; Burke & Shafto, Reference Burke, Shafto, Craik and Salthouse2008; Hasher, Lustig & Zacks, Reference Hasher, Lustig, Zacks, Conway, Jarrold, Kane, Miyake and Towse2007; Hasher & Zacks, Reference Hasher and Zacks1988).

Hormis les effets discutés plus haut, les données obtenues dans la présente étude reflètent des niveaux moyens de performance qui sont uniformément très élevés pour tous les sous-tests et tous les groupes d’âges et une très faible variabilité inter-individuelle de ces performances. Il est à souligner qu’une telle distribution est attendue dans le cas d’un test de dépistage, dont l’objectif unique est la détection d’atteintes cognitives. L’intérêt du test étant autre que de discriminer finement entre les individus hautement performants, celui-ci a été conçu de telle manière que 80% des personnes évaluées dans un échantillon normal obtiendront un score maximal aux différents sous-tests. Ceci se vérifie dans la présente étude, où 78% des participants obtiennent le score maximal aux différents sous-tests.

Normes pour les versions anglaise et française

Les présents résultats s’accordent très bien avec les données normatives de la version anglaise de Cognistat qui sont disponibles pour une population âgée. Macaulay, Battista, Lebby, and Mueller (Reference Macaulay, Battista, Lebby and Mueller2003) ont étudié un groupe de 112 personnes âgées présentant un fonctionnement cognitif normal, réparties suivant les mêmes groupes d’âges que ceux utilisés ici. Le niveau moyen d’éducation des participants était de 14,8 ans, ce qui est presque identique à celui de la présente étude (14,6 ans). Tout comme dans la présente étude, les résultats de Macaulay et al. indiquent des niveaux très élevés de performance, des écarts-types très faibles et des distributions asymétriques des données. À travers les groupes d’âge, les scores moyens rapportés par Macaulay et al. sont presque identiques à ceux rapportés ici (différence maximale de 0,4 point; sous-test des Praxies constructives), exception faite des sous-tests de Mémoire et Similitudes pour lesquels les moyennes rapportées par Macaulay et al. sont inférieures de presque deux points (sur des maximums possibles de 12 et de 8, respectivement) à celles rapportés ici.

Il semble peu probable que ces différences puissent s’expliquer par la nature des items utilisés. En effet, pour chacun des sous-tests, les termes utilisés dans la version française sont tous une traduction littérale de ceux de la version anglaise et leurs propriétés linguistiques sont très comparables. Ce qui apparaît comme une cause plus probable des différences de performances entre les études concerne les critères de sélection des participants qui ont été appliqués. Ainsi, dans la présente étude, les participants ont été questionnés quant à d’éventuelles plaintes concernant leur fonctionnement cognitif, un possible abus de drogues ou la présence d’une atteinte visuelle ou auditive non-corrigée par des appareils appropriés et ceux présentant un de ces problèmes ont été exclus de l’échantillon. De plus, le test de dépistage MoCA a été administré à environ un tiers des participants à la présente étude et ceux y ayant obtenu un score inférieur au seuil de 26/30 ont été exclus (voir plus haut). Quoique les participants de Macaulay et al. aient été sélectionnés avec soin, il semble que ceux-ci n’aient pas été questionnés à ces propos. Ce qui apparaît comme l’élément le plus crucial dans l’étude de Macaulay et al. est le risque plus élevé que dans celle rapportée iciFootnote 4 d’avoir inclus des participants avec une légère atteinte cognitive non diagnostiquée.

Seuils de normalité – Version française

Les seuils de performance aux 5e, 10e et 15e percentiles destinés à caractériser les performances d’un patient comme présentant un déficit significatif, un trouble cognitif léger, sous la limite inférieure de l’étendue moyenne ou encore à l’intérieur de cette limite ont tendance à fluctuer légèrement et de manière irrégulière en fonction de l’âge. Dans bien des cas, ces fluctuations impliquent une augmentation du seuil avec l’avancement en âge. Ceci est contraire à la logique suggérant une détérioration des performances avec l’âge, puisque les exigences à rencontrer pour déclarer qu’un score est normal sont plus élevées pour des participants plus âgés.

Ces fluctuations sont attribuables à la taille de l’échantillon pour chaque groupe d’âge. Par exemple, pour les seuils correspondant au 5e percentile, ce sont essentiellement les niveaux de performance des deux participants les plus faibles dans chaque groupe de 30 ou 31 participants (i.e. 6,7% ou 6,5% du groupe, respectivement) qui déterminent le positionnement du point de coupure. Étant donné le faible nombre de participants qui contrôlent la valeur de ce paramètre, il n’est pas particulièrement étonnant de rencontrer les fluctuations plus ou moins aléatoires observées ici.

Tel qu’indiqué plus haut, aucun effet significatif de l’âge n’est observé pour 8 des 10 sous-tests de Cognistat. De plus, pour les deux autres sous-tests, l’effet significatif du groupe d’âge est de très petite taille. En effet, dans ces cas, l’écart séparant la moyenne la plus élevée de la plus basse est inférieur à un point.

L’absence d’effet de l’âge sur la performance à Cognistat dans l’étendue 60-84 ans ne doit pas être interprétée comme un argument à l’encontre d’un possible déclin du fonctionnement cognitif avec le vieillissement normal durant cette période. Ainsi, l’ensemble des résultats rapportés ici démontre que les performances aux différents sous-tests ne sont pas distribuées normalement. Ainsi, les distributions de performances sont fortement asymétriques, avec un grand nombre de participants (peu importe le groupe d’âge ou le sous-test) qui obtiennent le score maximal. Cette caractéristique des résultats suggère la présence d’un effet plafond qui réduit la sensibilité du test dans le haut de l’échelle, conformément à la conception du test dans un objectif de dépistage. Il est proposé que l’absence de déclin de performance à Cognistat chez des participants en santé âgés entre 60 et 84 ans soit attribuable à cet effet plafond.

Compte tenu, d’une part, des difficultés relatives aux seuils au 5e percentile établis séparément pour chaque groupe et, d’autre part, de la stabilité des performances en fonction de l’âge dans l’étendue 60-84 ans, nous jugeons pertinent de recommander, dans un contexte clinique, l’utilisation d’un point de coupure reposant sur les données globales (regroupées sans égard au groupe d’âge) afin de bien caractériser la performance d’un patient. En effet, ce critère s’avère nettement plus robuste que ceux établis séparément pour chaque groupe puisqu’il tient compte de la distribution des scores pour 151 participants plutôt que de 30 ou 31 d’entre eux. Ces seuils recommandés sont présentés au Tableau 3 pour chaque sous-test.

Tableau 3 : Seuils au 5e, 10e, et 15e percentiles pour 60 ans et plus pour chaque sous-test

Conclusions

La présente étude établit les normes de performance pour une population gériatrique (60 ans et plus) pour la version française de Cognistat. Ces normes sont très proches de celles disponibles pour la version anglaise du test (Macaulay et al., Reference Macaulay, Battista, Lebby and Mueller2003) et les points de divergence s’expliquent par une sélection des participants qui abaisse ici le risque d’inclusion de participants avec une atteinte cognitive relativement à l’étude de Macauley et al.

Footnotes

Cette étude a été réalisée grâce à l’appui financier d’un contrat de service de recherche avec Novatek International, dans le contexte d’une subvention du Programme d’Aide à la Recherche Industrielle du Conseil National de Recherche du Canada. Merci à Nélia Sofia Domingues, Avril Gagnon-Chauvin, Wan Seo Kim, David Rémillard Pelchat, Isabelle Tremblay et Valérie Turcotte pour leur contribution à la cueillette de données.

1 Une information détaillée sur Cognistat est disponible sur le site www.cognistat.com. Contrairement au MoCA ou au MMSE, Cognistat n’est pas un test en libre accès.

2 L’analyse de variance n’a pas été utilisée car les scores observés ne suivent pas une distribution normale, tel que discuté plus bas.

3 C’est en raison de ces caractéristiques particulières de la distribution des données que l’analyse de variance n’a pas pu être utilisée pour examiner l’effet de l’âge (voir plus haut).

4 Il est possible que la validité des informations auto-rapportées discutées ici ne soit pas totale. Idéalement, les informations relatives à l’état de santé des participants, leur niveau de fonctionnement, etc. devraient être obtenues à partir d’évaluations objectives mais les exigences qu’une telle démarche imposent étaient hors de portée, compte tenu des ressources disponibles pour la réalisation de la présente étude.

References

Références

Bopp, K. L., & Verhaeghen, P. (2005). Aging and verbal memory span: A meta-analysis. Journal of Gerontology, 60(5), 223233.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Burke, D. M., & Shafto, M. A. (2008). Language and aging. In Craik, F. I. M. & Salthouse, T. A. (Eds.), The handbook of aging and cognition (3 rd ed.), pp. 373443. New Jersey: Lawrence Erlbaum Associates.Google Scholar
Folstein, M. F., Folstein, S., & McHugh, P. R. (1975). Mini-Mental State: A practical method for grading the cognitive state of patients for the clinician. Journal of Psychiatric Research, 12(3), 189198.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Hasher, L., Lustig, C., & Zacks, R. (2007). Inhibitory mechanisms and the control of attention. In Conway, A., Jarrold, C., Kane, M., Miyake, A. & Towse, J. (Eds.), Variation in working memory (pp. 227249). New York, NY: Oxford University Press.Google Scholar
Hasher, L., & Zacks, R. T. (1988). Working memory, comprehension, and aging: A review and a new view. Psychology of Learning and Motivation, 22, 193225.CrossRefGoogle Scholar
Kiernan, R., Mueller, J., Flanagan, R., & Chertkow, H. (2013). The MCI Index : Risk assessment of cognitive decline. Alzheimer’s and Dementia: The Journal of the Alzheimer’s Association, 9(4), 442443.CrossRefGoogle Scholar
Kiernan, R. J., Mueller, J., Langston, J. W., & Van, C. (1987). The neurobehavioral cognitive status examination: A brief but differentiated approach to cognitive assessment. Annals of Internal Medicine, 107(4), 481485.CrossRefGoogle Scholar
Macaulay, C., Battista, M., Lebby, P. C., & Mueller, J. (2003). Geriatric performance on the Neurobehavioral Cognitive Status Examination (Cognistat): What is normal? Archives of Clinical Neuropsychology, 18(5), 4634671.Google Scholar
Nasreddine, Z. S., Phillips, N. A., Bédirian, V., Charbonneau, S., Whitehead, V., Collin, I., … Chertkow, H. (2005). The Montreal Cognitive Assessment, MoCA: A brief screening tool for mild cognitive impairment. Journal of the American Geriatrics Society, 53(4), 695699.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Rabin, L. A., Barr, W. B., & Burton, L. A. (2005). Assessment practices of clinical neuropsychologists in the United States and Canada: A survey of INS, NAN and APA Division 40 members. Archives of Clinical Neuropsychology, 20, 3365.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Wechsler, D., Coalson, D. L., & Raiford, S. E. (2008). WAIS-IV: Technical and interpretive manual. NCS Pearson Inc: États-Unis.Google Scholar
Figure 0

Tableau 1 : Distribution des différentes caractéristiques personnelles pertinentes des participants pour chaque groupe

Figure 1

Tableau 2 : Score maximum possible, statistiques descriptives et points de coupure aux 5e, 10e et 15e percentiles pour les différents sous-tests de Cognistat

Figure 2

Tableau 3 : Seuils au 5e, 10e, et 15e percentiles pour 60 ans et plus pour chaque sous-test