Hostname: page-component-cd9895bd7-8ctnn Total loading time: 0 Render date: 2024-12-26T21:14:51.043Z Has data issue: false hasContentIssue false

La participation sociale dans les résidences privées pour aînés

Published online by Cambridge University Press:  11 March 2020

Anna Andrianova*
Affiliation:
École de travail social et de criminologie, Université Laval, Québec, Québec
Émilie Raymond
Affiliation:
École de travail social et de criminologie, Université Laval, Québec, Québec
*
La correspondance et les demandes de tirés-à-part doivent être adressées à : / Correspondence and requests for offprints should be sent to: Anna Andrianova, M.Serv.Soc. École de travail social et de criminologie Université Laval 1030, avenue des Sciences-Humaines, local 6453 Québec, QC G1V 0A6 (anna.andrianova.1@ulaval.ca)
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Résumé

Le vieillissement de la population invite à étudier les résidences privées pour aînés, notamment sous l’angle du lien social. Après leur emménagement en résidence, plusieurs aînés veulent continuer de participer activement à la société. Cette recherche qualitative exploratoire a pour objectif de mieux comprendre les perceptions et les expériences d’aînés vivant dans une résidence privée par rapport à leur participation sociale, sur le plan de leurs relations interpersonnelles et de leurs activités de loisirs. Onze entrevues individuelles ont été menées auprès de personnes vivant dans des résidences privées pour aînés de la région de la ville de Québec, au Canada. Sur le plan personnel, les facteurs centraux pour la participation sociale sont l’adaptation au nouveau milieu de vie, l’implication dans ce milieu, notamment par le biais du bénévolat, ainsi que l’état de santé de la personne. En ce qui concerne l’environnement social, les facteurs importants sont la proximité géographique de l’entourage, une offre variée d’activités et la stabilité du personnel. Au final, des recommandations sont formulées au sujet des stratégies d’intervention et des pistes de recherche, lesquelles donnent suite aux constats énoncés, et ce, afin de mieux soutenir la participation sociale en résidence privée pour aînés.

Abstract

Abstract

Today’s aging population means that retirement homes must be considered more carefully in research, particularly in terms of social ties. After moving into a retirement home, many seniors wish to remain active and contribute to society, thereby maintaining a sense of purpose. The objective of this exploratory qualitative research is to explore and better understand the perceptions and experiences of seniors living in retirement homes regarding their social participation, in terms of interpersonal relationships and recreational activities. We interviewed 11 residents of private seniors’ residences in Quebec City, Canada. At the personal level, the central factors for social participation are adaptation to the new environment, involvement in this environment, especially via volunteering, and health status. Regarding the social environment, important factors include geographic proximity to the social network, diversity of proposed leisure activities and staff permanence. In conclusion, we compiled a list of recommendations in respect of intervention strategies and defined future research avenues that would address the issues of social participation highlighted in this study.

Type
Article
Copyright
© Canadian Association on Gerontology 2020

Introduction

Au Québec, comme sur la scène internationale, d’importants changements démographiques sont constatés, tels que le vieillissement de la population et l’augmentation notable du nombre de personnes âgées de 65 ans et plus (Institut de la statistique du Québec, 2014; Organisation de coopération et de développement économiques, 2014), et l’Institut de la statistique du Québec (2014) prévoit que ce nombre doublera d’ici les 50 prochaines années. Ce phénomène pourrait occasionner l’accroissement du nombre de personnes hébergées en résidence, comme en témoignent les rapports produits par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (2015, 2016), qui montrent que, dans la région de la Capitale-Nationale, le taux d’inoccupation des unités locatives en résidences privées a reculé dans les dernières années, passant de 4,9 % en 2015 à 4,4 % en 2016.

La province de Québec compte une grande diversité de milieux de vie substituts pour aînés. En 2014, la grande majorité des places (67,7 %) étaient en résidence privée (RPA) (Labrie, Reference Labrie2015). Les places en ressources de type non institutionnel (ressources intermédiaires, ressources de type familial) ne représentaient que 5,3 % des places (Labrie, Reference Labrie2015). Enfin, 27 % des places se trouvaient dans les différents types de centres publics d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) (Labrie, Reference Labrie2015). Il est à savoir que, en 2012, près de 9 % de la population totale des personnes de 65 ans et plus habitaient dans des résidences privées avec services (Ministère de la Famille et des Aînés et Ministère de la Santé et des Services sociaux [MFA-MSSS], 2012). C’est d’ailleurs précisément sur ces milieux que porte cette étude.

Par ailleurs, les modalités et choix résidentiels des personnes aînées touchent un thème central dans les politiques du vieillissement, celui de la participation sociale. Au Québec, la politique Chez soi : le premier choix (2003) met l’accent sur le maintien à domicile des aînés, associant le fait de vivre à domicile au statut de personne autonome (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2003). De même, la politique Vieillir et vivre ensemble, chez soi, dans sa communauté, au Québec fait la promotion du concept du vieillissement actif et de l’importance de continuer à vivre à domicile lorsque c’est possible (MFA-MSSS, 2012). À ce sujet, les travaux de Raymond, Grenier et Lacroix (Reference Raymond, Grenier and Lacroix2016) montrent que la conceptualisation du vieillissement actif renvoie d’abord aux aînés vivant à domicile et ayant un certain niveau d’activité, tandis que les aînés en résidence ou vivant des pertes de capacités sont symboliquement considérés dans une catégorie « autre », « à part », celle des aînés ayant besoin de soins et ne participant pas socialement selon les normes attendues. En fait, la participation sociale des aînés dans les discours médiatiques ou politiques réfère le plus souvent aux aînés dits « actifs », c’est-à-dire ceux qui sont en « bonne santé » et qui vivent à domicile (MFA-MSSS, 2012). Les personnes vivant en résidences privées pour aînés peuvent ne pas se sentir concernées par de tels propos. Pourtant, elles demeurent des citoyennes à part entière dans et à l’extérieur de la résidence. À cet égard, des recherches ont permis de constater les effets bénéfiques de la participation sociale sur la santé et le bien-être des aînés habitant dans différentes ressources d’hébergement (Park, Zimmerman, Kinslow, Shin & Roff, Reference Park, Zimmerman, Kinslow, Shin and Roff2012; Thomas, O’Connell & Gaskin, Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013). L’étude propose que les milieux résidentiels privés avec services contribuent à favoriser la participation sociale des aînés, en considérant le niveau de concordance entre, d’un côté, les expériences participatives des résidents et, de l’autre côté, leurs aspirations et leurs besoins en la matière. Une compréhension plus fine de ce sujet pourra ensuite mener à des interventions sociales pouvant mieux soutenir la participation sociale dans ce type de ressources d’hébergement.

Le but de l’étude est d’explorer et de mieux comprendre les perceptions et les expériences des résidents de RPA quant à leur participation sociale. La question de recherche se formule ainsi : est-ce que les résidences privées pour aînés encouragent les relations interpersonnelles des résidents et leur participation à des activités de loisirs? De cette question générale découlent deux questions spécifiques : 1) Est-ce que les résidents se perçoivent comme des participants actifs dans les relations qu’ils ont avec leur milieu? 2) Est-ce qu’ils prennent part aux activités de loisir à l’intérieur et à l’extérieur de la résidence?

Recension des écrits : les effets de la participation sociale et les facteurs susceptibles de l’influencer

La plupart des études sur la participation sociale portent sur des aînés vivant à domicile. Ces études montrent que les aînés qui participent socialement sont susceptibles de vivre plus longtemps, et d’être en meilleure santé (Gilmour, Reference Gilmour2012; Raymond, Reference Raymond2007; Raymond, Sévigny et Tourigny, Reference Raymond, Sévigny and Tourigny2012). Certains auteurs ont étudié l’effet de la participation sociale sur la santé et le bien-être des aînés habitant différentes ressources d’hébergement; ils ont démontré que la participation sociale est la composante la plus déterminante pour le bien-être des aînés (Litwin & Shiovitz-Ezra, Reference Litwin and Shiovitz-Ezra2006; Park et al., Reference Park, Zimmerman, Kinslow, Shin and Roff2012; Thomas et al., Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013; Tompkins, Ihara, Cusick & Park, Reference Tompkins, Ihara, Cusick and Park2012). Park et al. (Reference Park, Zimmerman, Kinslow, Shin and Roff2012) soulignent l’importance des relations interpersonnelles des aînés habitant dans les ressources d’hébergement pour leur santé et leur bien-être, et leur article propose des stratégies pouvant améliorer ces relations. Ainsi, l’établissement et le maintien de relations positives, significatives et réciproques avec les autres résidents et les proches contribueraient à la participation sociale des résidents. De plus, les individus vivant en résidence ayant un niveau élevé de participation sociale sont plus enclins à évaluer leur état de santé positivement, en plus d’être plus satisfaits de leur vie en général (Gilmour, Reference Gilmour2012). Les bénéfices de la participation sociale pour la santé des aînés sont notables. Ils se manifestent sur les plans de la santé physique, de la santé mentale et du recours aux services, ce qui fait montre de leur diversité.

Plusieurs auteurs soulignent l’importance des relations interpersonnelles pour les résidents (Charpentier & Soulières, Reference Charpentier and Soulières2007; Litwin & Shiovitz-Ezra, Reference Litwin and Shiovitz-Ezra2006; Raymond et al., Reference Raymond, Sévigny and Tourigny2012). Par exemple, Charpentier & Soulières (Reference Charpentier and Soulières2007) observent, dans leur étude menée auprès de vingt aînés âgés de 80 ans et plus vivant dans divers milieux d’hébergement (CHSLD publics et privés, résidences privées et ressources intermédiaires), que les relations interpersonnelles constituent un élément fondamental dans l’expérience quotidienne des résidents, en plus d’être grandement appréciées. Qui plus est, selon Raymond et al. (Reference Raymond, Sévigny and Tourigny2012), une des dimensions indispensables à une participation sociale satisfaisante est le développement de relations sociales significatives. Les résultats de l’étude de Litwin & Shiovitz-Ezra (Reference Litwin and Shiovitz-Ezra2006) ont d’ailleurs démontré que la qualité des relations interpersonnelles compte davantage pour les résidents que la participation aux activités en soi. L’étude de Thomas et al. (Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013) s’est penchée sur les perceptions et les expériences de six résidents habitant dans un établissement de soins pour personnes âgées en matière de relations interpersonnelles et sur la participation des résidents à des activités de loisirs. Les résultats montrent que les activités sociales ont été perçues comme un moyen de rester en contact avec d’autres résidents.

Plusieurs études ont permis de constater que le fait de participer aux activités de loisirs est primordial dans la création de liens entre les résidents (Barkay & Tabak, Reference Barkay and Tabak2002; Curle & Keller, Reference Curle and Keller2010; Kemp, Ball, Hollingsworth & Perkins, Reference Kemp, Ball, Hollingsworth and Perkins2012; Park et al., Reference Park, Zimmerman, Kinslow, Shin and Roff2012; Schorr, Iecovich, Alfasi & Shamai, Reference Schorr, Iecovich, Alfasi and Shamai2015; Thomas et al., Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013). Ces auteurs soulignent notamment que l’implication des résidents dans leur milieu agirait comme facilitateur au développement de relations interpersonnelles.

Certains auteurs ont exploré les facteurs susceptibles d’influencer la participation sociale des aînés (Barkay & Tabak, Reference Barkay and Tabak2002; Kemp et al., Reference Kemp, Ball, Hollingsworth and Perkins2012; Raymond, Gagné, Sévigny & Tourigny, Reference Raymond, Gagné, Sévigny and Tourigny2008; Schorr et al., Reference Schorr, Iecovich, Alfasi and Shamai2015). Barkay et Tabak (Reference Barkay and Tabak2002) ont étudié la corrélation entre le degré d’autonomie et le bien-être des résidents d’institutions gériatriques, et ont démontré que les résidents en meilleure santé et ayant de nombreux amis au sein de l’institution participent davantage aux activités sociales offertes. L’étude de Kemp et al. (Reference Kemp, Ball, Hollingsworth and Perkins2012) distingue deux groupes de facteurs qui sont susceptibles d’influencer la participation sociale des aînés habitant dans une ressource d’hébergement. Le premier groupe englobe les facteurs propres à la résidence : les facteurs environnementaux physiques de la résidence (lieu géographique, taille de la résidence, espaces communs et privés), les services offerts et les pratiques du personnel. Le deuxième regroupe les facteurs personnels des résidents, tels que l’état de santé, les relations avec les membres du réseau social et les caractéristiques identitaires (âge, valeurs, personnalité, etc.). La présente étude utilise d’ailleurs un modèle théorique s’intéressant à l’interaction entre les facteurs personnels et environnementaux pour expliquer la participation sociale.

Modèle théorique

En ce qui concerne le concept de la participation sociale des aînés, non seulement plusieurs définitions existent (Fougeyrollas, Reference Fougeyrollas2010; Gaudet, Reference Gaudet2012; MFA-MSSS, 2012; Quéniart & Charpentier, Reference Quéniart and Charpentier2010), mais une absence de consensus se dégage des écrits scientifiques. Selon Raymond et al. (Reference Raymond, Gagné, Sévigny and Tourigny2008), il est possible de regrouper les définitions en matière de la participation sociale en quatre grandes "familles" de définitions. Ainsi, le premier groupe définit la participation sociale comme la réalisation des activités de la vie quotidienne (s’alimenter, communiquer, etc.). Le deuxième groupe associe participation sociale et interactions sociales. Le troisième groupe désigne la participation sociale des aînés comme l’intégration dans des réseaux sociaux, tel que le voisinage. Le quatrième et dernier groupe renvoie aux activités à caractère social réalisées dans le cadre d’une organisation dont les objectifs sont explicites, comme une association de défense des droits des retraités. Certaines publications s’intéressent particulièrement au caractère contributif de la participation sociale et des formes organisées de participation sociale (Gaudet, Reference Gaudet2012; MFA-MSSS, 2012; Quéniart & Charpentier, Reference Quéniart and Charpentier2010). Par exemple, dans le cadre de la politique Vieillir et vivre ensemble, chez soi, dans sa communauté, au Québec, la participation sociale désigne surtout le bénévolat et le maintien en emploi (MFA-MSSS, 2012). Comme l’expliquent Raymond, Grenier et Hanley (Reference Raymond, Grenier and Hanley2014), la notion de participation sociale devrait être élargie afin de refléter les choix et les besoins de l’ensemble des aînés, puisque la définition actuelle, utilisée dans les politiques québécoises de vieillissement, est centrée sur les formes contributives de participation. Dans l’étude, le modèle théorique du processus de production du handicap a été choisi. Développé à partir des années 1980 au Québec par l’équipe de Fougeyrollas et al; et de Fougeyrollas (Reference Fougeyrollas, Cloutier, Bergeron, St-Michel, Côté, Côté and Rémillard1998; Reference Fougeyrollas2010), il s’intéresse à l’interaction entre les facteurs personnels et environnementaux pour expliquer la participation sociale.

Le Modèle de développement humain – Processus de production du handicap 2 (MDH-PPH 2) (Fougeyrollas, Reference Fougeyrollas2010) a servi de modèle théorique à l’étude. Selon Fougeyrollas (Reference Fougeyrollas2010), la réalisation des habitudes de vie permet la participation sociale de la personne. D’après ce modèle, ce qui permet la réalisation des habitudes de vie est l’interaction entre les facteurs personnels (les déficiences, les incapacités et les autres caractéristiques personnelles) et les facteurs environnementaux (les facilitateurs et les obstacles) dans le contexte de la vie réelle de la personne (Fougeyrollas, Reference Fougeyrollas2010). L’étude fera référence aux habitudes de vie qui ont trait aux rôles sociaux. En effet, ce modèle sépare les habitudes de vie en deux catégories, soit les activités courantes et les rôles sociaux. L’emphase sera mise sur ces derniers, puisque les rôles sociaux intègrent une dimension plus relationnelle ou interactive, en lien avec le service social. Par ailleurs, parmi les six habitudes de vie considérées dans les rôles sociaux pour ce modèle, les relations interpersonnelles et les loisirs semblent les plus adaptés au contexte et à l’étape de vie des participants de l’étude. Dans le cadre du modèle, les relations interpersonnelles concernent « les habitudes liées aux relations avec les autres » (Fougeyrollas et al., Reference Fougeyrollas, Cloutier, Bergeron, St-Michel, Côté, Côté and Rémillard1998, p. 140), tandis que les loisirs sont « les habitudes liées aux activités récréatives ou autres, pratiquées durant les temps libres dans un contexte de plaisir et de liberté » (Fougeyrollas et al., Reference Fougeyrollas, Cloutier, Bergeron, St-Michel, Côté, Côté and Rémillard1998, p. 141). Ce modèle a été retenu pour deux raisons. Premièrement, son utilisation permet de mieux comprendre les facteurs personnels et environnementaux qui, dans les milieux résidentiels privés, encouragent ou freinent la participation sociale des résidents. Deuxièmement, l’étude des facteurs favorisant ou freinant la participation des personnes permet de cibler des zones où agir et des éléments à modifier. En effet, il est possible d’accroître la participation sociale en agissant sur les facteurs personnels et environnementaux. L’identification des facteurs pouvant faire l’objet d’une intervention pourrait, éventuellement, mener à des interventions sociales soutenant plus adéquatement la participation sociale dans ce type de ressources d’hébergement.

Méthodologie

Comme mentionné précédemment, la recherche a pour objectif principal d’explorer les perceptions et les expériences des résidents quant à leur participation sociale, précisément en ce qui concerne leurs relations sociales et leur participation à des activités de loisirs.

La méthodologie de recherche repose sur un paradigme constructiviste. Les données ont été recueillies de façon à permettre de dégager le sens que les participants attribuent à un objet. La logique de recherche est abductive, c’est-à-dire qu’elle utilise à la fois une démarche inductive et déductive (Anadón & Guillemette, Reference Anadón and Guillemette2007). En effet, le terrain a été approché avec un ancrage théorique dans le MDH-PPH 2, nous amenant à prévoir les dimensions personnelles et environnementales de la participation sociale et leur entrelacement. Cependant, le caractère inductif reste dominant, c’est-à-dire que l’orientation fondamentale consiste à étudier les phénomènes à partir de l’expérience propre des acteurs. La procédure de codification développée témoigne également de la dimension abductive de la recherche. Si le MDH-PPH 2 (Fougeyrollas, Reference Fougeyrollas2010) constitue la toile de fond des procédures d’analyse, les catégories principales ont été induites du matériel et libellées d’une manière souhaitant rendre compte des données récoltées (par exemple, les catégories « adaptation à un nouveau milieu de vie » et « offre d’activités de la résidence ».

La population à l’étude est constituée de personnes qui habitent dans trois résidences privées pour aînés se trouvant dans la région de la Capitale-Nationale. L’échantillon a été constitué selon une méthode non probabiliste (Ouellet & Saint-Jacques, Reference Ouellet, Saint-Jacques, Mayer, Ouellet, Saint-Jacques and Turcotte2000). L’échantillon compte 11 participants provenant de trois résidences aux caractéristiques diversifiées (emplacement géographique, nombre de résidents, etc.). La taille de cet échantillon non probabiliste correspond aux standards reconnus, puisqu’il s’agit d’une étude de type exploratoire (Deslauriers, Reference Deslauriers1991). Étant donné que l’étude vise à connaître la perception des résidents habitant une résidence privée concernant leur participation sociale, des personnes qui vivent de manière permanente dans la résidence depuis au moins deux ans ont été sélectionnées. Ce critère de sélection s’explique par la nécessité que les personnes rencontrées puissent avoir accumulé un nombre suffisant d’expériences concernant leur intégration dans le milieu sur le plan des relations interpersonnelles et des activités de loisirs. Avant de procéder aux entrevues, une vérification de l’aptitude légale des participants a été effectuée; des personnes légalement inaptes auraient été exclues de l’étude, puisque leur habileté à consentir pleinement et librement à participer au projet n’aurait pas été assurée par les procédures éthiques prévues. Concernant leur lieu de résidence géographique, cinq participants provenaient du centre-ville de Québec, trois, de la banlieue de Québec, et trois autres du territoire de la MRC de la Jacques-Cartier. La majorité des répondants (n=5) habitaient dans une résidence de très grande taille, trois personnes habitaient dans une résidence de grande taille et trois personnes résidaient dans une résidence de petite taille (Association des groupes de ressources techniques du Québec, 2015). Les personnes ayant participé à l’étude représentent un échantillon plutôt hétérogène du point de vue de leur profil social. Premièrement, l’échantillon est composé majoritairement de femmes (huit femmes contre trois hommes). Au moment des entrevues, l’âge moyen des sujets de la recherche se situait à 83 ans, variant de 65 à 95 ans et plus. Plus précisément, quatre individus étaient âgés de 65 à 74 ans ; un, de 75 à 84 ans ; quatre, de 85 à 94 ans ; et deux de 95 ans et plus. C’est donc dire que le groupe d’âge le moins représenté est celui des 75 à 84 ans. En ce qui concerne les activités, elles sont de deux natures : bénévolat et travail rémunéré. À cet égard, trois personnes font du bénévolat au sein de leur résidence, alors qu’une personne y travaille à temps partiel. L’échantillon est homogène quant à l’origine ethnique des personnes ayant participé à l’étude, c’est-à-dire des personnes considérées blanches et québécoises d’origine.

La méthode de l’entretien semi-dirigé a été utilisée pour collecter les données (Campenhoudt & Quivy, Reference Campenhoudt and Quivy2011; Mayer & Saint-Jacques, Reference Mayer, Saint-Jacques, Dans Mayer, Ouellet, Saint-Jacques and Turcotte2000). Le guide utilisé pour les entrevues individuelles avec les résidents est présenté au tableau 1. Ce guide n’a pas été validé ou prétesté préalablement. Toutefois, considérant la démarche itérative de l’approche constructiviste, certaines modifications ont été apportées au guide durant l’entrevue. En effet, les résultats obtenus au fur et à mesure ont souvent généré de nouvelles pistes à explorer. Ces nouvelles questions ont ensuite pu ouvrir sur d’autres thèmes. Ainsi, la grille d’entrevue qui a été utilisée a permis que de nouvelles questions soient abordées durant l’entrevue.

Tableau 1: Guide d’entrevue individuelle avec les résidents

L’information recueillie a été traitée grâce au logiciel de traitement de données NVivo11 et a été analysée d’après la méthode d’analyse de contenu. Cette dernière consiste en la codification et la classification des divers éléments du matériel analysé, ce qui permet à l’utilisateur de dégager leur signification (L’Écuyer, Reference L’Écuyer1990). Cette analyse a été réalisée selon les étapes identifiées par Mayer et Deslauriers (Reference Mayer, Deslauriers, Mayer, Ouellet, Saint-Jacques and Turcotte2000). Tout d’abord, le contenu des entrevues individuelles a été enregistré sur un support numérique. L’intégralité du contenu des entrevues a été par la suite retranscrite sur un fichier informatique puis enregistrée dans le logiciel NVivo11. Ensuite, à l’étape de la préanalyse, une lecture flottante du contenu a permis une meilleure appropriation du contenu. L’étape suivante correspond au codage du matériel afin d’analyser le contenu et de faire ressortir les sous-thèmes d’analyse ainsi que les catégories et les sous-catégories d’analyse. Lors du codage, la catégorisation a été abordée selon le modèle abductif (L’Écuyer, Reference L’Écuyer1990). Ainsi, certaines des catégories ont été obtenues à partir du MDH-PPH 2 (Fougeyrollas, Reference Fougeyrollas2010), tandis que d’autres ont été induites au cours de l’analyse, ce qui correspond à la démarche de recherche abductive. Le contenu des entrevues des participants a été analysé afin de comprendre l’effet des facteurs personnels et environnementaux sur la participation sociale des résidents.

Dans le but d’assurer la crédibilité de la démarche d’analyse inductive, la procédure de vérification de la clarté des catégories a été privilégiée (Lincoln & Guba, 1985, cité dans Blais & Martineau, Reference Blais and Martineau2006). Cette stratégie a permis d’assurer la précision des catégories durant le processus d’analyse. Ainsi, l’analyse a été effectuée par deux évaluateurs et elle consistait à utiliser les catégories préalablement développées pour classer l’information. La co-chercheure a agi à titre d’évaluatrice lors de la validation. Le matériel a ainsi été codé deux fois. Certaines variations entre le codage des deux évaluateurs ont été constatées, ce qui a permis de clarifier les catégories initiales. Le taux d’accord a été calculé pour cinq entrevues et s’approchait de 80%, ce qui est considéré comme souhaitable (Fortin & Gagnon, Reference Fortin and Gagnon2016).

Résultats

Les résultats permettent d’identifier les facteurs qui peuvent influencer la participation sociale des personnes habitant dans les résidences privées pour aînés. Sur le plan personnel, les facteurs ayant le plus d’importance pour les résidents sont l’adaptation au nouveau milieu de vie, l’implication dans ce milieu, notamment par le biais du bénévolat, ainsi que l’état de santé de la personne. En ce qui concerne l’environnement social, les facteurs apparaissant comme centraux sont la proximité géographique de l’entourage, une offre variée d’activités et la stabilité du personnel.

L’arrivée dans un nouveau milieu de vie peut s’accompagner, sur le plan personnel, de difficultés d’adaptation. « Comment je trouve ma vie en général ici, c’est bien, ce n’est pas comme chez nous. [À l’arrivée,] j’ai eu des difficultés d’adaptation, oui, j’ai fait une dépression nerveuse, je ne voulais plus rester ici. […] La première année, c’était très dur ». Comme en témoigne ce dernier extrait de verbatim, les résidents peuvent trouver très difficile la transition vers un milieu de vie substitut.

Quelles que soient les activités bénévoles, religieuses, musicales ou sportives, elles semblent refléter les intérêts de longue date des résidents. À titre d’exemple, une participante mentionne qu’elle a toujours aimé la lecture. Elle se décrit d’ailleurs comme une grande lectrice. En arrivant à la résidence, elle est devenue bénévole à la bibliothèque. À l’évidence, l’implication des personnes dans leur milieu d’hébergement par le biais de tâches concrètes, de façon ponctuelle ou continue, peut accroître les interactions sociales des résidents : « Je travaille comme assistante [à la bibliothèque]. C’est ça qui m’a aidé à connaître les personnes, on les reçoit, on les aide à sélectionner leurs livres. Et puis ça fait jaser, ça fait une certaine vie sociale ». Selon une résidente, l’implication bénévole dans sa résidence contribue à favoriser ses relations interpersonnelles : « J’ai une activité principale qui fait que je m’occupe de la messe, on a la messe deux fois par semaine ici. Donc, ça amène beaucoup d’activités, comme ce matin, je suis allée au presbytère chercher les papiers, ça me fait rencontrer des gens aussi qui veulent un moment donné, pour une raison ou une autre, avoir des renseignements, acheter des messes. Ça amène beaucoup de choses et ça me permet aussi en même temps d’avoir des contacts que je n’aurais pas si je n’avais pas mené une activité comme ça ».

La participation aux activités de la résidence est perçue par ces participants comme un facilitateur de relations interpersonnelles. Ce n’est donc pas la participation aux activités en soi qui est importante pour les résidents; cette participation facilite le processus d’adaptation et d’intégration des résidents, comme le mentionne ce participant : « À force de faire les activités, on connaît le monde un peu plus. Sans les connaître en profondeur. À force de se voir et de connaître les histoires de tout le monde ».

Il se peut également que le fait de prendre part à la vie sociale en résidence ne représente pas une priorité pour la personne. Certains résidents peuvent préférer mener principalement leur vie à l’extérieur de leur milieu résidentiel, alors que d’autres souhaitent rester « indépendants » et continuer à mener leur ancienne vie. À ce sujet, certains résidents n’apprécient pas de cohabiter avec les autres et de participer aux activités de la résidence : « Ma journée ici, ça consiste un peu comme quand j’étais chez moi. J’avais un logement, puis je m’occupais de mes affaires, tout ça, je faisais mes commissions. Excepté qu’il faut que je rencontre les gens, il faut que je les côtoie. Mais en n’allant pas à la salle à manger, c’est comme si je suis à loyer. J’aime ça. […] Mais mes journées, c’est comme ça : on fait le lavage dans la salle à lavage, on reste ici. Je ne suis pas la personne pour faire mon petit ordinaire, aller dans le salon et aller jaser puis tout ça. Non, je ne suis pas le genre à aller placoter. Plutôt d’avoir mon coin. […] Je ne participe pas beaucoup à l’animation, je n’aime pas bien bien ça. […] J’aime mieux lire, j’aime la lecture, je lis chez moi ou je reste à la bibliothèque puis je lis ».

Cela dit, les problèmes de santé perçus par la personne peuvent générer des complications, notamment lors des sorties à l’extérieur de la résidence : « Quand je pars d’ici [à l’extérieur de la résidence], je suis bien fatiguée par exemple. Il faut que je pense à tout… à amener mes médicaments ». Certains résidents peuvent délaisser leurs activités bénévoles et diminuer leur participation sociale dès qu’une déficience surgit, afin de prendre soin d’eux : « J’avais besoin d’une prothèse à la hanche et j’étais à l’hôpital. Je n’ai pas voulu rester toute seule avec ça [seule responsable de la bibliothèque], j’étais en convalescence. Il y a une autre personne qui s’est présentée pour la gérance. La gérance, je l’ai fait, mais je ne voulais pas en avoir la responsabilité. Mais je travaille avec elle depuis ce temps-là comme assistante ».

Par ailleurs, les résidents les plus en santé peuvent être affectés par les déficiences ou incapacités des autres résidents, et hésiter à avoir des interactions avec eux : « Je n’ai pas d’amis en résidence. Ils sont tous malades. […] J’aimerais ça avoir un ami, mais ils ont tous des maladies ». On peut se demander si ce type de réflexion est animé par la peur ou par l’anticipation de la détérioration de son propre état de santé.

En ce qui a trait à l’environnement social, les proches habitant à l’extérieur de la résidence peuvent faciliter la participation aux activités de loisirs des aînés à l’extérieur de la résidence. En effet, les proches peuvent inviter les résidents à partager des activités : « Je vais chez eux [les membres de sa famille], prendre un souper avec eux autres. Ça passe du temps, ça distrait. Parce que, bien souvent, les soupers les samedis ici [en résidence], ce n’est pas toujours agréable et je ne peux pas manger toute sorte de choses. Ça fait que je vais souper avec eux autres, faire d’autres choses ». Ensuite, les proches peuvent apporter une aide considérable et offrir du soutien au quotidien pour les déplacements, les courses ou les finances : « Je ne suis pas capable de voyager bien bien. Quand je vais magasiner, ma fille vient me chercher avec son auto. Je prends la chaise roulante au magasin ». Par ailleurs, il s’avère important que les proches habitent à proximité de la résidence pour offrir leur aide. À cet égard, six des personnes rencontrées ont mentionné qu’une des raisons les ayant motivés à choisir la résidence où ils habitent est précisément la proximité géographique des membres de leur famille. Cet extrait d’une entrevue avec une participante en fait montre : « Ma fille qui habite à côté [à proximité de la résidence], je la vois souvent. […] C’est elle qui s’occupait de mes affaires. Elle venait chaque semaine [à l’ancienne résidence avant l’emménagement en résidence privée]. Et c’était loin pour elle. Ça m’a incité un peu plus [d’emménager dans la résidence près de sa fille] ». L’éloignement géographique ou le déménagement subi des personnes significatives peut restreindre les relations du résident avec elles. Afin de pallier à cette situation, certains résidents se servent d’Internet ou du téléphone afin de maintenir le contact avec leurs proches, comme en témoignent ces paroles d’une participante : « Mon frère fait de l’humanitaire depuis qu’il est retraité de l’enseignement. […] Ma belle-sœur et mon frère voyagent ensemble, et à l’avenir, ils vont faire des projets ensemble. Puis ils nous envoient les suivis sur Internet avec des photos ».

Par ailleurs, les données issues des entretiens suggèrent que la taille de la résidence influence la participation des résidents aux activités y ayant lieu. En effet, les deux plus grandes résidences visitées sont en mesure d’offrir un large éventail d’activités, tandis que dans la résidence de taille moyenne, l’offre d’activités est plus limitée. À titre d’exemple, une personne habitant dans une résidence de taille moyenne répond de la façon suivante à une question au sujet des activités offertes dans sa résidence : « Quelles activités? Un jeu de poche? Il n’y a pas autre chose. […] Non, il n’y a rien d’autre. Rien d’autre. Rien. Rien ». Les résidents rencontrés habitant dans les résidences de très grande taille avaient, quant à eux, plus de facilité à choisir une activité qui correspond à leurs goûts et leurs intérêts en raison de la plus grande variété offerte. Puisque notre étude ne portait que sur trois résidences privées, les données issues des entretiens pourraient faire l’objet de travaux ultérieurs pour confirmer ou infirmer le lien entre la taille de la résidence et la participation aux activités offertes.

La stabilité du personnel peut être considérée comme un facteur favorisant la vie sociale des résidents, car cela permet aux résidents de développer des liens de confiance avec les employés. À l’inverse, le roulement fréquent du personnel nuit au lien de confiance, comme le suggère l’extrait suivant : « On a toujours des nouveaux [personnel], c’est toujours un mélange. On mélange des gens d’intérieur avec des temporaires, méli-mélo, tu ne peux pas savoir. […] Donc, souvent, tu ne peux pas faire confiance ou te fier au préposé ou ceux-là qui travaillent ».

Il arrive que les résidents développent des liens privilégiés ou des amitiés avec le personnel. Comme les membres du personnel sont plus jeunes et qu’ils ne présentent pas d’incapacités auditives ou cognitives, certains aînés préfèrent se lier s’amitié avec eux : « Moi, parfois je parle, je me confie aux petites filles en bas [personnel qui travaille à la réception], elles me connaissent. […] C’est ça qui m’a sauvée ici, de ne pas jaser avec ce monde-là qui n’a pas d’allure [résidents ayant des déficiences cognitives]. La minute que j’ai su que j’allais m’en aller d’ici, j’ai comme explosé en dedans. Je peux venir quand même en transport adapté et j’irai les voir [les membres du personnel de la résidence]. Peut-être je m’attache trop vite au monde, mais les petites filles sont fines avec moi ».

À la lumière de ce récit qui est représentatif de la pensée de plusieurs participants, il est constaté que le personnel peut influencer la vie sociale des résidents.

Discussion

Cette section sera divisée en deux sous-sections correspondant à la question de recherche : les relations qu’entretiennent les résidents entre eux ainsi qu’avec leurs proches; et la participation aux activités intérieures à la résidence et aux activités qui se déroulent à l’extérieur de celle-ci.

Sous L’angle des Relations Interpersonnelles

Les résultats de l’étude suggèrent que les relations qu’entretiennent les résidents entre eux ainsi qu’avec leurs proches à l’extérieur de la résidence ont une grande importance pour eux. Ces liens leur permettent de rester connectés à la société et de continuer à y prendre part, comme l’ont montré d’autres études (Charpentier & Soulières, Reference Charpentier and Soulières2007; Litwin & Shiovitz-Ezra, Reference Litwin and Shiovitz-Ezra2006; Raymond et al., Reference Raymond, Sévigny and Tourigny2012). De plus, l’étude confirme que le fait de participer aux activités de loisirs semble être primordial dans la création de liens entre les résidents (Barkay et Tabak, Reference Barkay and Tabak2002; Curle et Keller, Reference Curle and Keller2010; Kemp et al., Reference Kemp, Ball, Hollingsworth and Perkins2012; Park et al., Reference Park, Zimmerman, Kinslow, Shin and Roff2012; Schorr et al., Reference Schorr, Iecovich, Alfasi and Shamai2015; Thomas et al., Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013). Par ailleurs, l’étude vient renforcer cette observation auprès des aînés plus jeunes (65 ans et plus) vivant uniquement dans les résidences privées d’hébergement, puisqu’il est constaté que les relations interpersonnelles étaient abondamment discutées et commentées par les résidents.

Le fait d’entretenir des liens avec les personnes significatives soutient la participation sociale des résidents, ce qui ressort également des travaux de Barkay et Tabak (Reference Barkay and Tabak2002), de Kemp et al. (Reference Kemp, Ball, Hollingsworth and Perkins2012) et de Thomas et al. (Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013). À la lumière des résultats, il a été remarqué que les employés des résidences font partie de ces personnes significatives. Ainsi, un élément comme la stabilité du personnel peut favoriser la vie sociale des résidents, puisque cela aide ces derniers à développer des liens de confiance avec les personnes employées à la résidence. Il pourrait être pertinent d’explorer ce sujet dans des études ultérieures.

Selon les participants de l’étude, la proximité géographique de leurs proches peut encourager leur participation sociale. Cependant, quand la proximité en présentiel n’est pas possible, les résidents peuvent se servir d’Internet et du téléphone afin de rester en communication avec leur entourage, ce qui est également confirmé par Thomas et al. (Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013). L’utilisation de ces moyens offre l’occasion de rester en contact et de communiquer plus facilement avec les proches, ce qui aurait pour effet de favoriser la participation sociale des résidents.

La présente étude propose que les caractéristiques personnelles peuvent avoir un impact sur la participation sociale des résidents. Certains auteurs, tels que Park et al. (Reference Park, Zimmerman, Kinslow, Shin and Roff2012), ont noté que des aptitudes comme la résilience peuvent être vues comme un élément favorisant le développement de nouveaux liens sociaux. Dans le cas de la présente étude, la capacité d’adaptation a été identifiée comme étant susceptible d’influencer la participation sociale de la personne, notamment au moment de son arrivée dans la résidence.

Sous L’angle de la Participation aux Activités

Les résultats montrent que, parfois, le fait d’avoir une vie sociale en résidence ne constituait pas une priorité pour la personne interrogée. Certaines peuvent notamment préférer mener leur vie à l’extérieur du milieu résidentiel ou privilégier les activités relevant de la vie quotidienne, comme le fait de prendre soin de soi; c’est d’ailleurs ce qui ressort des travaux de Raymond et al. (Reference Raymond, Grenier and Hanley2014).

Par ailleurs, plusieurs participants à l’étude sont engagés bénévolement dans leur milieu de vie. Selon eux, le bénévolat leur permet des interactions sociales, en plus de contribuer à leur participation aux activités. Les résidents s’engagent bénévolement pour plusieurs raisons, entre autres pour aider les autres ou pour utiliser leurs talents et leurs compétences, ce que viennent appuyer les études menées par Quéniart et Charpentier (Reference Quéniart and Charpentier2010) et Gaudet (Reference Gaudet2012). À la suite de Raymond et al. (Reference Raymond, Gagné, Sévigny and Tourigny2008) et de Quéniart et Charpentier (Reference Quéniart and Charpentier2010), qui notent que les déficiences physiques peuvent limiter l’engagement social des aînés, il a été constaté que l’état de santé constitue un critère important à la réalisation des activités bénévoles.

Les résultats ont mis de l’avant que la participation aux activités de la résidence peut être facilitée ou entravée par plusieurs facteurs personnels. Par exemple, le système organique et les aptitudes des participants ont un rôle important dans la participation sociale de l’individu dans son milieu, comme le soulèvent à juste titre Barkay et Tabak (Reference Barkay and Tabak2002). Les résultats qualitatifs permettent de mettre en perspective les résultats quantitatifs de ces derniers (Barkay & Tabak, Reference Barkay and Tabak2002), notamment en lien avec les problèmes de santé perçus par la personne qui peuvent générer des complications, particulièrement lors de la participation aux activités à l’extérieur ou à l’intérieur de la résidence.

Les facteurs environnementaux influencent la participation sociale des résidents. Par exemple, à l’image de ce qu’expliquent certains auteurs (Kemp et al., Reference Kemp, Ball, Hollingsworth and Perkins2012; Park et al., Reference Park, Zimmerman, Kinslow, Shin and Roff2012; Thomas et al., Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013), les entretiens avec les onze résidents suggèrent que l’offre variée d’activités offertes par la résidence soutient la participation sociale des aînés.

Quelques résidents ont dit avoir participé aux activités de la résidence pour des raisons sociales plutôt que pour l’activité en soi, ce qui va dans le même sens que l’étude de Thomas et al. (Reference Thomas, O’Connell and Gaskin2013). Pour leur part, les résultats relèvent que ce n’est pas la participation aux activités en soi qui semble être importante pour les résidents, mais plutôt le fait qu’elle facilite le processus d’adaptation et d’intégration.

Forces et Limites de L’étude

Tout d’abord, bien que cette étude n’offre pas de « recette » pour favoriser la participation sociale des résidents, elle peut aider le propriétaire, l’administration, la direction et le personnel d’une résidence à identifier ce qui encourage ou contraint la participation sociale des résidents. Cette analyse peut mener à mettre en œuvre des actions visant à favoriser la participation. Également, la présente étude permet de mettre en relation l’environnement social et physique de la résidence, et les désirs et réalités des résidents en matière de participation sociale, ce qui est peu fréquent dans les écrits. Souvent, ces derniers se concentrent sur l’une ou l’autre dimension (environnementale versus personnelle). De plus, la présente étude se distingue des recherches effectuées jusqu’alors sur la participation sociale, car celles-ci portent surtout sur les aînés vivant à domicile.

Sur le plan des limites de la recherche, la méthode d’analyse choisie, soit la technique d’analyse de contenu, comporte une limite, puisque l’analyse effectuée comporte inévitablement une certaine part de subjectivité (Mayer & Deslauriers, Reference Mayer, Deslauriers, Mayer, Ouellet, Saint-Jacques and Turcotte2000). Le recours à un échantillon de volontaires non probabiliste doit également être pris en compte (Ouellet & Saint-Jacques, Reference Ouellet, Saint-Jacques, Mayer, Ouellet, Saint-Jacques and Turcotte2000). Effectivement, il se peut que les individus s’étant intéressés et ayant pris part à l’étude participent socialement d’une manière se distinguant de la participation de personnes n’ayant pas été rejointes. De plus, la désirabilité sociale peut avoir influencé la manière dont les résidents ont partagé leurs réflexions et leurs expériences (Savoie-Zajc, Reference Savoie-Zajc and Dans Gauthier2009). Finalement, les onze résidents rencontrés ne constituent pas un échantillon représentatif des aînés vivant en résidence privée. Néanmoins, par leurs discours, un portrait crédible de leur participation sociale à l’intérieur et à l’extérieur de la résidence a pu être esquissé.

Conclusion

Plusieurs recommandations pour la pratique du travail social peuvent être formulées en se basant sur les résultats de cette recherche. Tout d’abord, il semble important d’intervenir de manière individualisée auprès des résidents présentant de la difficulté à concrétiser leurs choix ou leurs aspirations en matière de participation sociale. Pour ce faire, des rencontres individuelles pourraient permettre d’évaluer les défis rencontrés et d’identifier, avec les personnes principalement concernées, des stratégies pouvant les aider à participer de la manière dont elles le souhaitent. En ce sens, les résultats suggèrent que le fait de s’impliquer dans la résidence, bénévolement ou par la participation aux activités y étant offertes, peut faciliter l’intégration et l’adaptation de la personne. Afin de favoriser les liens avec la famille et les amis qui habitent à l’extérieur de la résidence, les proches peuvent être invités à participer aux activités offertes à l’extérieur comme à l’intérieur de la résidence. De plus, des cours portant sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et des communications, comme les téléphones intelligents et Internet en général, pourraient aider les résidents à entrer en contact plus facilement avec leurs proches. Concernant le climat à l’intérieur de la résidence, des efforts peuvent être déployés afin de favoriser la rétention du personnel et de minimiser le plus possible son roulement. De plus, une formation visant à maintenir des rapports sains, empathiques et non infantilisants pourrait être offerte aux employés.

En raison de la grande importance qu’attribuent les résidents aux relations interpersonnelles, il apparaît important de continuer les recherches à ce sujet. Il serait notamment pertinent d’étudier comment favoriser le développement des rapports positifs entre les résidents. De tels travaux de recherche pourraient également être menés auprès des membres de la famille des résidents, car nombre d’entre eux accompagnent leurs proches et ont ainsi développé une vision propre quant à la participation sociale. Dans un contexte de recherche, il serait également pertinent de mettre en place une étude participative. Cela permettrait de co-construire des connaissances et des interventions qui tiennent compte à la fois des savoirs scientifiques et des savoirs d’expériences quant à la participation sociale. Un tel travail permettrait d’enrichir et de nuancer la liste des facteurs freinant ou favorisant la participation sociale dans ce type de ressources d’hébergement.

En conclusion, cet article, qui s’est penché sur la participation sociale des personnes vivant en résidence privée pour aînés dans la région de la Capitale-Nationale, s’est intéressé aux facteurs qui favorisent ou nuisent à cette participation. Nous nous sommes concentrés sur la participation sociale dans le contexte des activités de loisirs et des relations interpersonnelles. Les résultats de l’étude permettent de mettre en relief l’importance de considérer le vécu des résidents et leurs aspirations en matière de participation sociale, ainsi que de réfléchir aux types de services à prioriser pour offrir des réponses adaptées à leurs besoins dans un contexte de milieu de vie substitut.

References

Bibliographie

Anadón, M., et Guillemette, F. (2007). La recherche qualitative est-elle nécessairement inductive? Recherches Qualitatives – Hors Série, 5, 2637.Google Scholar
Association des groupes de ressources techniques du Québec. (2015). Consultation dans le cadre de la prépublication du projet de Règlement sur la certification des résidences privées pour aînés : Mémoire présenté par l’Association des groupes de ressources techniques du Québec au Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Repéré à http://agrtq.qc.ca/wp-content/uploads/Mémoire-AGRTQ_Prépublication-Règlement-certification-RPA_271115.pdfGoogle Scholar
Barkay, A., & Tabak, N. (2002). Elderly residents’ participation and autonomy within a geriatric ward in a public institution. International Journal of Nursing Practice, 8(4), 198209.CrossRefGoogle Scholar
Blais, M., et Martineau, S. (2006). L’analyse inductive générale: Description d’une démarche visant à donner un sens à des données brutes. Recherches qualitatives, 26(2), 118.Google Scholar
Campenhoudt, L. V., et Quivy, R. (2011). Manuel de recherche en sciences sociales. Paris: Dunod.Google Scholar
Curle, L., et Keller, L. (2010). Resident interactions at mealtime: An exploratory study. European Journal of Ageing, 7(3), 189200.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Deslauriers, J. P. (1991). Recherche qualitative. Guide pratique. Montréal: McGraw-Hill.Google Scholar
Fortin, M. F. et Gagnon, J. (2016). Fondements et étapes du processus de recherche (3e éd.). Montréal: Chenelière-Éducation.Google Scholar
Fougeyrollas, P. (2010). Le funambule, le fil et la toile. Transformations réciproques du sens du handicap. Québec: Les Presses de l’Université Laval.Google Scholar
Fougeyrollas, P., Cloutier, R., Bergeron, H., St-Michel, G., Côté, J., Côté, M., … Rémillard, M. B. (1998). Classification québécoise: Processus de production du handicap. Québec, Réseau international sur le Processus de production du handicap. Réperé à http://ariane.ulaval.ca/cgi-bin/recherche.cgi?qu=i9782922213058Google Scholar
Charpentier, M. et Soulières, M. (2007). Pouvoirs et fragilités du grand âge « J’suis encore pas mal capable pour mon âge » (Mme H., 92 ans). Nouvelles Pratiques Sociales, 19(2), 128-43.CrossRefGoogle Scholar
Gaudet, S. (2012). Lire les inégalités à travers les pratiques de participation sociale. Repéré à http://sociologies.revues.org/3874Google Scholar
Gilmour, H. (2012). Participation sociale et santé et bien-être des personnes âgées au Canada. Rapports sur la santé, 23(4).Google Scholar
Institut de la statistique du Québec. (2014). Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2011-2061. Repéré à http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/perspectives/perspectives-2011-2061.pdfGoogle Scholar
Kemp, C. L., Ball, M. M., Hollingsworth, C., & Perkins, M. M. (2012). Strangers and friends: Residents’ social careers in assisted living. The Journals of Gerontology, Series B: Psychological Sciences and Social Sciences, 67(4), 491502.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Labrie, Y. (2015). L’autre système de santé. Quatre domaines où le secteur privé répond aux besoins des patients. Repéré à http://www.iedm.org/fr/52693-l-autre-systeme-de-sante-quatre-domaines-ou-le-secteur-prive-repond-aux-besoins-des-patientsGoogle Scholar
L’Écuyer, R. (1990). Méthodologie de l’analyse développementale du contenu. Méthode GPS et concept de soi. Sillery: Presses de l’Université du Québec.Google Scholar
Litwin, H. & Shiovitz-Ezra, S. (2006). The association between activity and wellbeing in later life: what really matters. Ageing and Society, 26, 225-43.CrossRefGoogle Scholar
Mayer, R. et Deslauriers, J. P. (2000). Quelques éléments d’analyse qualitative. L’analyse de contenu, l’analyse ancrée, l’induction analytique et le récit de vie. Mayer, Dans R., Ouellet, F., Saint-Jacques, M. C., Turcotte, D. et collaborateurs (Eds.), Méthodes de recherche en intervention sociale (pp. 159-188). Montréal: Gaëtan Morin Éditeur.Google Scholar
Mayer, R. et Saint-Jacques, M.-C. (2000). L’entrevue de recherche. Dans Mayer, R., Ouellet, F., Saint-Jacques, M.C., Turcotte, D. et collaborateurs, Méthodes de recherche en intervention sociale (p. 115-135). Montréal, Gaëtan Morin Éditeur.Google Scholar
Ministère de la Famille et des Aînés et Ministère de la Santé et des Services sociaux. (2012). Vieillir et vivre ensemble. Chez soi, dans sa communauté, au Québec. Gouvernement du Québec.Google Scholar
Ministère de la Santé et des Services sociaux. (2003). Chez soi : Le premier choix. La politique de soutien à domicile, Québec, Gouvernement du Québec.Google Scholar
Organisation de Coopération et de Développement Économiques. (2014). Panorama de la société 2014: Les indicateurs sociaux de l’OCDE, Éditions OCDE. Repéré à http://dx.doi.org/10.1787/soc_glance-2014-frCrossRefGoogle Scholar
Ouellet, F. & Saint-Jacques, M. C. (2000). Les techniques d’échantillonnage. Mayer, Dans R., Ouellet, F., Saint-Jacques, M. C., Turcotte, D. et collaborateurs (Eds.), Méthodes de recherche en intervention sociale (pp. 71-91). Montréal: Gaëtan Morin Éditeur.Google Scholar
Park, N. S., Zimmerman, S., Kinslow, K., Shin, H. & Roff, J. (2012). Social engagement in assisted living and implications for practice. The Journal of Applied Gerontology, 31(2), 215-38.CrossRefGoogle Scholar
Quéniart, A., & Charpentier, M. (2010). Les multiples formes d’engagement des aînés. De l’aide aux proches à la militance. In Vieillir au pluriel: Perspectives sociales. Québec: Les Presses de l’Université du Québec.Google Scholar
Raymond, É. (2007). La participation sociale, défi des sociétés vieillissantes, Mémoire présenté dans le cadre de la Consultation publique sur les conditions de vie des aînés.Google Scholar
Raymond, É., Gagné, A., Sévigny, A. et Tourigny, A. (2008). La participation sociale des aînés dans une perspective de vieillissement en santé. Réflexion critique appuyée sur une analyse documentaire. Québec, Direction de santé publique de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, Institut national de santé publique du Québec, Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec et Institut sur le vieillissement et la participation sociale de l’Université Laval.Google Scholar
Raymond, É., Grenier, A., & Hanley, J. (2014). Community participation of older people with disabilities. Journal of Community and Applied S ocial Psychology, 24(1), 5062.CrossRefGoogle Scholar
Raymond, É., Grenier, A., et Lacroix, N. (2016). La participation dans les politiques du vieillissement au Québec: Discours de mise à l’écart pour les aînés ayant des incapacités? Développement humain, handicap et changement social, 22(1), 521.Google Scholar
Raymond, É., Sévigny, A., et Tourigny, A. (2012). Participation sociale des aînés : La parole aux aînés et aux intervenants. Institut national de santé publique du Québec. Repéré à. https://www.inspq.qc.ca/publications/1466Google Scholar
Savoie-Zajc, L. (2009). L’entrevue semi-dirigée. Dans Gauthier, B. (Dir.). Recherche sociale: De la problématique à la collecte de données (5e édition). Québec: Presses de l’Université du Québec.Google Scholar
Schorr, A. V., Iecovich, E., Alfasi, N., & Shamai, S. (2015). Socio-Spatial integration of older adults in four types of residential environments in Israel. The Journal of Applied Gerontology, 129.Google ScholarPubMed
Société canadienne d’hypothèques et de logement. (2015). Le marché de l’habitation. Rapport sur les résidences pour personnes âgées. Québec. Repéré à http://www.cmhc-schl.gc.ca/odpub/esub/65989/65989_2015_A01.pdfGoogle Scholar
Société canadienne d’hypothèques et de logement. (2016). Le marché de l’habitation. Rapport sur les résidences pour personnes âgées. Québec. Repéré à https://www.cmhc-schl.gc.ca/odpub/esub/65989/65989_2016_A01.pdfGoogle Scholar
Thomas, J. E., O’Connell, B. & Gaskin, C. J. (2013). Residents’ perceptions and experiences of social interaction and participation in leisure activities in residential aged care. Contemporary Nurse: A Journal for the Australian Nursing Profession, 45(2), 244-54.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Tompkins, C. J., Ihara, E. S., Cusick, A. & Park, N. S. (2012). Maintaining connections but wanting more: The continuity of familial relationships among assisted-living residents. Journal of Gerontological Social Work, 55(3), 249-61.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Figure 0

Tableau 1: Guide d’entrevue individuelle avec les résidents