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De la beauté comme symbole de la paix perpétuelle*
Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
Abstract
In this article I consider the Kantian preference for natural beauty from a socio-political point of view. Instead of only regarding the “intellectual” significance of beauty in nature as a symbol of morality, I show that the aesthetic appreciation of natural beauty must also be understood in its dialectical relation to society as “the place of antagonism.” By highlighting this dialectical understanding, I point out the socio-political contribution of aesthetic experience for the cultural progress of humanity. The fragility of beauty in the context of culture can be further interpreted as a symbol of the temporality of the project of perpetual peace in politics.
- Type
- Articles
- Information
- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 36 , Issue 4 , Fall 1997 , pp. 753 - 770
- Copyright
- Copyright © Canadian Philosophical Association 1997
References
Notes
1 Kant, E., Critique de la faculté de juger, trad. A. Philonenko, Paris, Vrin, 1979, p. 129. Désormais: CFJ.Google Scholar
2 Rousseau, J.-J., Rêveries du promeneur solitaire, Paris, Éd. Frères, Garnier, 1960Google Scholar. Dans la cinquieme promenade, Rousseau associe le sentiment d'existence à l'expérience du beau naturel et souligne, au milieu de la solitude des éléments naturels, le sentiment de paix qui se dégage de cet environnement par contraste avec les agitations relatives à la vie sociale de l'homme. Voir notamment les passages de la page 71.
3 Cette ambivalence se reflète dans l'avis très partagé de Kant à l'endroit du goût. Tantôt Kant reconnaît le goût comme la marque d'un moment décisif sur le chemin de la culture vers la moralité (cf. CFJ, §41), tantôt il le considère aussi comme une réelle possibilité d'errance (Cf. CFJ, §83).
4 Cette question n'est pas seulement déterminante au paragraphe 59 de la Critique de la faculté de juger (p. 176), mais elle constitue elle-même le point de depart de la différentiation qu'effectue Kant au paragraphe 42, en distinguant le jugement de goût pur (selon Kant, possible uniquement dans le cadre du beau naturel) et le jugement de goût social (la décoration, la mode, les beautés de l'art).
5 Rappelons ici que le paragraphe 83 traite, selon son titre, «De la fin dernière de la nature en tant que système téléologique». Kant y aborde explicitement la question du rapport entre nature et culture en ce qui a trait au développement de l'homme. Le propos (et le contenu) de ce paragraphe recoupe les idées que Kant développe, six ans avant la publication de la Critique de la faculté de juger (1790), dans son essai Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784).
6 L'expression allemande est «die ungesellige Geselligkeit der Menschen».
7 Kant, E., Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, dans Opuscules sur l'histoire, trad. S. Piobetta, Paris, Flammarion, 1990, p. 74. J'ai modifié ici légèrement la traduction. Désormais: IHC.Google Scholar
8 CFJ, p. 241.
9 Kant, E., Anthropologie du point de vue pragmatique, trad. M. Foucault, Paris, Vrin, 1991, p. 11. Désormais: APP.Google Scholar
10 IHC, p. 75. Traduction modifiée par moi.
11 Au paragraphe 83 de la Critique de la faculté de juger, Kant intègre explicitement la guerre parmi les moyens concourant au développement des talents de l'homme. Ainsi, le passage suivant: «[…] et en dépit de l'effroyable détresse dont elle accable l'espèce humaine et de la misère peut-être encore plus grande qu'impose sa constante préparation en temps de paix, la guerre est cependant une tendance supplémental (alors que l'espérance d'un état paisible de bonheur du peuple s'éloigne toujours plus) pour développer au plus haut point tous les talents, qui servent à la culture» (p. 243).
12 J'ai tenté de montrer, dans une autre étude, comment cette réflexion prend la forme d'une interrogation sur la significabilité de la nature pour l'homme et en quel sens elle s'articule comme une quête de langage, au centre de laquelle se constitue la conscience esthétique de la complexité et de la difficulté que représente le désir de vouloir exprimer la chose belle. Cf. «Significabilite de la nature et recherche du langage dans l'expérience esthétique chez Kant» (à paraître dans Les Études philosophiques).
13 Inversement, on peut penser que la nature finirait par perdre tous ses charmes, si, par malheur, il fallait qu'elle nous empêche de retrouver nos activités sociales et le monde civilisé. En effet, je ne suis pas sûr que la nature comme havre de paix puisse conserver sa vertu d'accalmie au-dela d'un certain laps de temps. La nature demeure belle pour autant qu'on soit libre de pouvoir la quitter quand on veut. De nouveau, cela me semble confirmer et illustrer concretement que nous avons affaire ici a une signification, qui ne trouve sa justification que dans son rapport d'opposition à la réalité contraire.
14 IHC, p. 21. Traduction modifiée par moi. Dans son Anthropologie dupoint de vue pragmatique, Kant explique que le fait d'être policé ou civilisé donne l'apparence de la moralité; «l'aspect de l'excellence éthique», écrit-il (p. 104). Cette remarque indique par elle-même, non seulement que les formes socialisées d'interaction entre les hommes sont insuffisantes, selon Kant, pour authentifier la moralité des hommes, mais aussi que Kant se montre conscient des glissements de la réalité simplement apparente des choses, souvent conforme au goût social et pouvant servir l'opportunisme des intérêts égoïstes individuels, mais rarement appropriée à susciter les questions d'ordre proprement moral.
15 CFJ, p. 177.
16 Kant, E., Métaphysique des mæurs II. Doctrine du droit. Doctrine de la vertu, trad. A. Renaut, Paris, GF-Flammarion, 1994, p. 306.Google Scholar
17 Sur le phénomène de la mode, Kant s'est exprimé dans son Anthropologie du point de vue pragmatique, p. 104.
18 L'appréciation esthétique de la nature présuppose la reconnaissance de la liberté de l'homme par rapport à la nature. Cette problématique a non seulement constitué le tremplin de l'esthétique de l'idéalisme allemand, mais elle se trouve de nouveau au cœur des discussions contemporaines pour repenser l'actuelle possibilité d'une esthétique de la nature, comme en témoigne l'opposition entre Martin Seel et Hartmut Böhme et Gernot Böhme. Cf. Böhme, H., «Rezension von M. Seel: Eine Ästhetik der Natur», Zeitschrift für philosophische Forschung, vol. 46 (1992), p. 319Google Scholar; Böhme, G., Natürlich Natur. Über Natur im Zeitalter ihrer technischen Reproduzierbarkeit, Francfort, Suhrkamp, 1992Google Scholar; et Seel, M., Ethisch-ästhetische Studien, Francfort, Suhrkamp, 1996, p. 237–241.Google Scholar
19 Cf. APP, p. 165.
20 Ibid., p. 163.
21 Mise à part, comme nous l'avons vu plus haut, la contrainte que la nature exerce sur les hommes, pour qu'ils vivent en société et puissent ainsi développer leurs dispositions et facultés.
22 À ce sujet, voir l'étude méticuleuse de Berghahn, Klaus L. «Utopie und Verantwortung in Kants Schrift “Zum ewigen Frieden”», dans Wolfgang Wittkowski, dir., Verantwortung und Utopie. Zur Literatur der Goethezeit. Ein Symposium, Tübingen, Max Niemeyer, 1988, p. 164–189.Google Scholar
23 Au tout début du Projet de paix perpétuelle, Kant mentionne, en exergue à son traité, que l'idée d'une paix perpétuelle est peut-être le «doux rêve» (süβen Traum) auquel se livrent les philosophes. Mais il se refuse expressément d'investiguer la question pour elle-même et laisse en suspens toute affirmation definitive à ce propos. Cf. Kant, E., “Zum ewigen Frieden. Ein philosophischer Entwurf”, dans Schriften zur Anthropologie, Geschichtsphilosophie, Politik und Pddagogik, vol. 9, édition W. Weischedel, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1983, p. 195.Google Scholar
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