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Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
En 1976 paraissait le Marx de Michel Henry: ouvrage monumental de près de mille pages où la condamnation en bloc du marxisme, identifyé d'entrée de jeu à «l'ensemble des contresens qui ont été faits sur Marx» (I, p. 9), s'ordonne à l'ambitieux dessein d'exhumer le vrai Marx, enfoui sous «les thèses dogmatiques du matérialisme dialectique» (I, p. 21). Pour mener à bien son entreprise de restauration d'une «pensée de génie» (I, p. 23), M. Henry fait fond sur la méthode de la répétition appliquée par Heidegger au texte kantien. En bref, le travail que Michel Henry effectue sur la pensée marxienne consiste à en répéter les intuitions et les évidences fondamentales en fonction de la seule véritable question (c'est-à-dire philosophique) que Marx se serait jamais posée: qu'est-ce que la réalité?
1 Marx, t. I: Une philosophic de la réalité; t. II: Une philosophie de I'économie, Paris, Gallimard, 1976Google Scholar. Désormais, je ferai suivre les passages Cités de cet ouvrage du numéo du tome et de la page, le tout entre parenthéses.
2 Cf à ce sujet t. I, p. 32. Que Michel Henry n' éprouve aucun scrupule à placer son interprétation de Marx sous le signe de la répétition heideggerienne (cf. Heidegger, , Kant et le probléme de la métaphysique, Paris, Gallimard, 1953Google Scholar), voilà qui a de quoi étonner de la part d'un philosophe qui a toujours affiché un désaccord fondamental avec Heidegger. Cf. par exemple, le chapitre que Henry, M. consacre à I'interprétation heideggerienne du cogito, dans sa Généalogie de la psychanalyse, Paris, PUF, 1985, p. 87–123.Google Scholar
3 Opinion que partage du reste Paul Ricœur, en dépit ou plutôt à cause du caractére éminemment subjectif de la lecture henryenne de Marx: «Je pense, disait-il à M. Henry [lors de la discussion qui suivit la communication de ce dernier à Ottawa en octobre 1977], que dans tous les grands livres – et je crois que votre livre est un trés grand livre –, il y a deux voix qui parlent: dans votre livre il y a Marx et la vôtre.] (Geraets, Theodor F., dir., Actes du colloque international sur La rationalité aujourd'hui, 27 au 30 octobre 1977, Ottawa, Ed. de I'Université d'Ottawa, 1979, p. 135.Google Scholar)
4 Marx, , Manuscrits de 44, Paris, Éd. sociales, 1972.Google Scholar
5 Condition de I'homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983, p. 122.Google Scholar
6 Finitude et culpabilité, t. I, Paris, Aubier, 1960, p. 24.Google Scholar
7 Autrement qu'être ou Au-detè de I'essence, La Haye, M. Nijhoff, 1974, p. 19.Google Scholar
8 Condition de I'homme moderne, p. 318.
9 Ibid., p. 326.
10 L'anthropologie en I'absence de I'homme, Paris, PUF, 1981, p. 158.Google Scholar
11 L'homme révoké (Coll. [Idées]), Paris, Gallimard, 1969, p. 251.Google Scholar Il est à noter qu'en forçant ainsi le passage du fait au devoir, Marx, pour différent qu'il veuille son matéialisme de celui du xviiie siécle, se montre tout à fait fidéle à l'intention [ éthique] qui animait le matérialisme des Lumiéres. En effet, comme le rappelle fort judicieusement Ernst Cassirer, «[le] vrai noyau de pensée [de La Mettrie ou d'Holbach] n'est pas à chercher du côté de la philosophie de la nature mais du côté de l'éthique. Le matérialisme, sous la forme oú il est apparu au xviiie siècle, oè il a évté établi et dèfendu n'est pas un simple dogme scientifique ou métaphysique: c'est un impératif. II ne veut pas simplement fixer et corroborer une thése sur la nature des choses mais plutôt commander et interdire.» (Philosophie des lumiéres, Paris, Librairie Arthéme Fayard, 1966Google Scholar; rééd. [Coll. «Agora»], Paris, Presses Pocket, 1986, p. 117–118.) Un peu plus loin (p. 119–123), Cassirer ne manque pas de souligner les difficultés que souléve ce matérialisme normatif, dont Michel Henry nous a fait voir, à son insu, la persistance dans le matérialisme de Marx.