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Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
Les rapports de la philologie et de l'herméneutique ont toujours constitué un problème d'une redoutable complexité. Ce sont en effet les mêmes textes qui ont engendré à la période moderne le développement de la pensée de l'interprétation et les méthodes de la critique. L'espoir de parvenir à la formulation satisfaisante et définitive du sens d'un texte se trouve constamment différé par la production incessante d'interprétations nouvelles, qui utilisent souvent les ressources de la philologie pour se constituer et qui entrent en rivalité avec les précédentes. On peut se réjouir de ce caractère immarcescible du procès de l'interprétation, on peut aussi déplorer les échecs répétés de la philologie à le freiner. Il y a en effet quelque légitimité à affirmer que la philologie travaille ultimement contre l'herméneutique, c'est-à-dire contre le déploiement infini de l'interprétation.
1 Voir en ce sens un des travaux fondateurs, celui de Elsas, C., Neuplatonische und gnostische Weltablehnung in der Schuhle Plotins, Berlin, De GruyterGoogle Scholar (Religionsgeschichtliche Versuche und Vorarbeiten, vol. XXXIV), 1975. Également, , Plotinus amid Gnostics and Christians, éd. par Runia, T. D., Amsterdam, Free University Press, 1984Google Scholar. Une édition commentée des traites antignostiques, tenant compte des progres de l'erudition sur la gnose, manque encore aux etudes neoplatoniciennes. Voir enfin Edwards, M. J., «Neglected Texts in the Study of Gnosticism», Journal of Theological Studies, vol. 41 (1990), p. 26–50CrossRefGoogle Scholar.
2 Voir Dodds, E. R., Pagan and Christian in an Age of Anxiety: Some Aspects of Religious Experience from Marcus Aurelius to Constantine, Cambridge, Cambridge University Press, 1965, p. 24–26CrossRefGoogle Scholar.
3 Voir note 6, ci-dessous
4 Pour la bibliographic complète des travaux de Denis O'Brien, voir l'appendice à son étude sur la génération de la matière, complétée par la bibliographic de I'étude de 1993.
5 Voir sur cette question les nombreux travaux de H. J. Blumenthal, et notamment «Soul, World Soul and Individual Soul in Plotinus», dans Le Néoplatonisme, Paris, CNRS, 1971», p. 55–63Google Scholar et «Plotinus in the Light of Twenty Years’ Scholarship, 1951-1971», Aufstieg und Niedergang der Römischen Welt, Berlin-New-York, De Gruyter, vol. 36, 1, 1987, p. 557Google Scholar (cité dorénavant ANRW), qui insiste sur une interprétation équilibrée, tenant compte des aspects unitaires et différentiels. John Rist soutient que Plotin tenait à cette thèse des formes des individus; voir son «Ideas of Individuals in Plotinus», Revue Internationale de philosophie, vol. 24 (1970), p. 298–303Google Scholar. Une présentation de l'erudition plus récente, accentuant les difficultés de I'interprétation, se trouve dans K. Corrigan et P. O'Cleirigh, «The Course of Plotinian Scholarship from 1971 to 1986», ANRW, p. 581-84; sur la matière, voir particulièrement, p. 575-578.
6 Ce texte doit 00EA;tre lu, à la suite de l'édition Harder et Theiler de 1962, avec la correction de la ligne 17; voir le commentaire de D. O'Brien Théodicie plotinienne …, p. 14.
7 C'est ainsi que s'exprime Festugière, A. J., La Révélation d'Hermès Trismégiste, Paris, Gabalda, 1949–1954, vol. 3, 1953, p. 65–95Google Scholar. Voir également la critique de Blumenthal, H. J., Plotinus’ Psychology, La Haye, Nijhoff, 1971, p. 5CrossRefGoogle Scholar. Pour une discussion synthétique des enjeux philosophiques, voir Himmerich, W., Eudaimonia. Die Lehre des Plotin von der Selbstverwirklichung des Menschen, Würzburg, Triltsch (Forschungen zur neueren Philosophie und ihrer Geschichte, vol. XIII), 1959, p. 66Google Scholar.
8 Voir également sa contribution aux Mélanges offerts à Pierre Aubenque, «The Origin of Matter and the Origin of Evil in Plotinus’ Criticism of the Gnostics», dans Herméneutique et ontologie. Hommage à Pierre Aubenque, sous la dir. de Brague, R. et Courtine, J.-F., Paris, PUF (Épiméthée), 1990, p. 181–202Google Scholar.
9 Voir H.-R. Schwyzer, «Zu Plotins Deutung der sogenannten platonischen Materie», dans Zetesis. Album amicorum (…) aangeboden aan Prof. Dr. E. de Strycker, Anvers-Utrecht, De Nederlandsche Boekhandel, 1973, p. 266-280. O'Brien consacre également à la discussion des travaux de Schwyzer une importante note de son etude de 1993, dans laquelle il critique l'implication nécessaire entre l'absence de commencement et l'absence de génération. Plotin, affirme-t-il contre Schwyzer, a formellement nié cette implication dans son traité sur Les deux matières (II, 4, 5, 24 sqq.). Pour tenir cette interpretation, il faut recourir a un concept de generation dont la definition inclut comme critere determinant la provenance d'un principe supérieur. Même ce qui est inengendre parce que dépourvu d'un commencement dans le temps est engendre selon l'origine metaphysique. Cette clarification permet d'éclairer le débat.
10 Corrigan, K., «Is There More than One Generation of Matter in the Enneadss», Phronesis, vol. 31 (1986), p. 167–181CrossRefGoogle Scholar. Jean-Marc Narbonne a montré les difficultés d'une interprétation sédimentee de la generation de la matière dans un article oø il discute a la fois l'édifice complexe proposé par K. Corrigan et l'interpretation de O'Brien;, D. voir son «Plotin et le problème de la génération de la matière: à propos d'un article récent», Dionysius, vol. 11 (1987) p. 3–31Google Scholar. Cet article a entrainé une réponse de Corrigan, K., «On the Generation of Matter in the Enneads: A Reply», Dionysius, vol. 12 (1988), p. 17–24Google Scholar et une note rectificatrice de O'Brien, D., «J.-M. Narbonne on Plotinus and the Generation of Matter: Two Corrections», Dionysius, vol. 12 (1988) p. 25–26Google Scholar.
11 O'Brien, D., Plotinus on the Origin of Matter, p. 28–34Google Scholar.
12 II serait trop long de montrer ici que plusieurs des points de désaccord reposent sur un vocabulaire ontologique mal défini: les moments de la génération ne sauraient, par exemple, être confondus avec des «generations» differentes. Je ne pense pas qu'on puisse etre ici entierement oecumenique, mais je crois par ailleurs, sans prendre le temps de le demontrer, que D. O'Brien ne fait pas beaucoup d'efforts en ce sens en direction de K. Corrigan. Certains ecarts paraissent moindres qu'il ne se plait a les presenter. Voir a cet egard la synthese des enjeux presentee par K. Corrigan, ANRW, p. 577. Celui-ci insiste sur le caractere incontournable de Pambigui'te du texte plotinien.
13 Dans son étude sur le traité II, 4, Jean-Marc Narbonne adopte une position entièrement opposée, not amment au sujet de III, 9, 3, qu'il interprète comme Schwyzer. Voir son Plotin. Les deux matierès [Ennéade 11, 4 (12)]. Introduction, texte grec, traduction et commentaire, Paris, Vrin, 1993, p. 167 sq. Sur ce point precis, je crois que Interpretation de D. O'Brien est plus fidèle au texte de Plotin, mais il ne s'agit bien entendu que d'un élément dans une discussion très complexe. Narbonne ne défend pas un émanatisme aussi radical que celui proposé par O'Brien et son interprétation se trouve contrainte d'accepter plusieurs compromis, par exemple au sujet de I, 8 qui affirme explicitement la génération de la matière sensible. Voir par exemple son étude, p. 186 sq. Le principe de son interprétation (cf. p. 204) renonce peut-être un peu trop rapidement a la recherche d'une interpretation intégratrice de la métaphysique de Plotin, mais elle le fait nettement dans l'esprit d'un respect des textes singuliers dans leur contexte et dans leur difficulte propre. L'hostilite manifested par O'Brien a l'endroit du travail de J.-M. Narbonne résulte sans doute d'un refus de ce qui se donne comme une herméneutique ayant renoncé à des préventions systématiques. Ce conflit mériterait d'être discute pour lui-meme, il depasse en importance et en amplitude le propos de la présente étude.
14 Jean-Marc Narbonne a défendu cette doctrine contre les reproches d'incohérence qui ont été souvent formulés à son endroit, notamment par P. Merlan (From Platonism to Neoplatonism, La Haye, Nijhoff, 2e éd., 1960); voir Plotin. Les deux matières [Ennéade II, 4 (12)], p. 97. Les arguments de Narbonne sont clairs et bien résumés, p. 109; il insiste sur la pertinence de la doctrine de la matiere intelligible pour resoudre des difficultes propres a la doctrine platonicienne des formes. Au sujet de la matière sensible, il reconnait à son tour une certaine ambiguité (par exemple, p. 137) et même une ambivalence qui lui semble caracteristique de Plotin (p. 161).
15 O'Brien revient sur ce passage et sur I'interpretation de H.-R. Schwyzer dans son étude de 1993, Théodicée plotinienne…, p. 64 sq.
16 Notamment contre I'interpretation de John Rist, qui a beaucoup ecrit sur ces quéstions; voir notamment «Plotinus on Matter and Evil», Phronesis, vol. 6 (1961), p. 154–166CrossRefGoogle Scholar. Pour une discussion de la position de I Rist, voir O'Brien, D., «The Origin of Matter and the Origin of Evil», p. 195-201 et dans l'étude de 1993, Théodicée plotinienne…, la note III: «Les sens divers du mal: incoherénces dans la terminologie de J. M. Rist», p. 69–77Google Scholar.
17 O'Brien, D., Theodicée plotinienne…, p. 40Google Scholar.
18 Sur cet argument de II, 9, 3, voir la reconstitution proposée par D. O'Brien, «The Origin of Matter and the Origin of Evil», p. 185 sq.
19 Sur ce passage, voir O'Brien, D., Plotinus on the Origin of Matter …, p. 23–25Google Scholar et Narbonne, J.-M., Plotin…, p. 140 sqq., qui présente bien les interprétations rivalesGoogle Scholar.
20 Voir O'Brien, D., «Plotinus on Evil: A Study of Matter and the Soul in Plotinus’ Conception of Human Evil», dans Le Néoplatonisme, Paris, CNRS, 1971, p. 114–146Google Scholar. Les passages paralleles de I, 2,4 et V, 1, 1 sont moins précis sur le caractere volontaire de la descente. Mais l'expression to autexousio (V, 1, 1,5- 6 et IV, 8, 5, 26) est rare et indique une liberté spécifique de l'ame humaine, une autodetermination de son mouvement. D. O'Brien insiste a juste titre sur le fait que cette liberté n'est pas de soi mauvaise ou peccamineuse. C'est la matiere qui rend possible la faute (I, 8, 14).