Published online by Cambridge University Press: 13 May 2014
Dans le Sud-Est de la Côte d'Ivoire le début des années soixante est marqué par la tentative de sécession du Sanwi et ses retombées. Le roi du Sanwi, décidant de se détacher de l'Etat ivoirien qui vient d'accéder à l'independance, est allé avec ses partisans s'établir au Ghana où il a formé un gouvernement provisoire. II donne légitimité à ce mouvement en faisant référence au traité d'alliance qu'un de ses prédécesseurs Amon Ndiffou avait signé avec la France, représentée par Fleuriot de Langle, le 4 Juillet 1843.
L'érection du Sanwi en Etat indépendant est le signal d'une sévère politique de répression qui s'abat sur les Anyi de la région. A Aboisso régne le sous-préfet Haccandie qui met en place un réseau d'agents de renseignements dans un pays où les villages et les families sont profondément divisées par ce qu'on commence à appeler “I'affaire du Sanwi”. En outre les crédits affectés à la région sont drastiquement réduits. Or antérieurement le Sanwi avait été le premier pôle de développement de la Colonie, dotée d'un important réseau routier pour l'écoulement des “produits” (café, cacao) et d'équipements sanitaires et scolaires. Et brusquement ce pays, d'où était issue une élite de lettrés et de fonctionnaires, se trouve déiaissé, voire sacxifie, au bénéfice d'autres parties de la Côte d'Ivoire.
1. Proclamation du “gouvernement royal” du Sanwi en 1959. En 1961 il s'installe au Ghana sous l'égide de Kwame N'Krumah. Voir Afrique Nouvelle, no. 1169, 1–7 Janvier 1970.
2. Le texte du traité est reproduit dans d'Aby, J. F. Amon, La Côte d'Ivoire dans la Cité africaine (Paris, 1951), 169.Google Scholar
3. Cet épisode, peu étudié, prit fin en 1967 par une séance publique de réconciliation qui eut lieu à Abidjan. En Novembre 1969, une nouvelle crise, de courte durée, éclate à Aboisso.
4. Voir notamment Chauveau, J. P. et Dozon, J. P. “L'Etat, l'économie de plantation et les ethnies en Côte d'Ivoire” in Terray, E., éd., L'Etat contemporain en Afrique (Paris, 1987).Google Scholar
5. Ces vexations sont notamment rapportées par le Mouezy, P. in Assinie et le royaume de Krinjabo, Histoire et Coutumes (Paris, 1954).Google Scholar Voir aussi H. Diabate, “Le Sannwin, un royaume akan de la Côte d'Ivoire (1701–1901). Sources orales et Histoire.” (Thése de Doctorat d'Etat, Universityé de Paris I, 1984).
6. J'ai assisté à Etueboue, en 1965–66, à plusieurs de ces cours.
7. A la suite d'une demande introduite en Janvier 1970 par les Chefs des villages eotile et l'Institut d'Histoire, d'Art et d'Archéologie de l'University d'Abidjan, ces lies ont été classées par le Gouvernement de la Côte d'Ivoire comme sites historiques protégés, de même que l'lle d'Assohon et la residence Verdier à Elima.
8. J'en ai moi-même bénéficié dés le début de mes enquêtes, en Janvier 1964. Ensuite Jean Polet et Henriette Diabate en firent eégalement l'expérience.
9. M. Odoukou Joseph eut cette vision en 1952 alors qu'il était en fonction au poste de douane de Frambo. Voici le corps de son récit:
L'un d'eux qui était leur porte-canne me dit: “tu dois aller dire au chef de canton Amontchi (Léon Hamon) que les ancêtres demandent qu'avant Noël l'ethnie (sic) eotile aille à Monobaha pour y faire des sacrifices. S'ils refusent il ne restera pas chef des Eotile.” Il parlait, le menton appuyé sur sa canne. Quand il eut fini ceux quiétaient derriére lui se sont retournés pour partir. Je me levai et courus à la porte pour les voir: il n'y avait plus personne. C'étaient les ɛhume (“revenants”) des ancêtres.
Les Eotile venus de partout (à l'exception des Pepeïro), – une cinquantaine d'hommes et de femmes par village – seréunirent à Etueboue, et chacun alla dormir dans la cour de ses parents lignagers, même s'il ne les avait jamais vus auparavant. Tout le monde pleurait en se reconnaissant.
Puis les pélerins sollicitèrent par des libations la levée des deux interdits, c'est–à–dire la permission pour tous d'emprunter des pinasses (à moteur), alors que seules des pirogues peuvent accoster à Monobaha, et celle de faire le voyage pour les femmes en règles. Une fois arrivés à Monobaha on eut dit que les habitants venaient à peine de quitter les lieux: sur le sol on voyait des pipes, des plats, des pierres à écraser. Il y avait aussi un grand rocher avec des creux pour écraser les feuilles de tabac. On ramassa tous les objets qu'on put pour les ramener chez nous. Le plus étonnant est qu'on trouva là un arbre à longues branches, pas trës gros mais qui forme comme un parapluie; et tout autour de l'arbre pas une herbe ne poussait, comme si le sol venait d'être balayé, mais sans qu'on voie la trace d'un pied. C'est cet endroit qu'on choisit pour faire la cérémonie. Tout le monde dit: “Ce sont les ancêtres qui ont préparé tout cela”.
On égorgea des poulets, pour examiner leur intérieur, puis on offrit en sacrifice des moutons. (Récit fait en français, chez Mme Ama Kolia, à Abidjan, en juillet 1982).
10. Décédé
11. Un fort courant n'est-il pas également passé de Jeanne d'Arc à Michelet, des paysans du Beauvaisis à Pierre Goubert, ou des Sans-culottes à Albert Soboul?
12. Relation du Sieur Ducasse sur son voyage de Guinée avec la Tempeste en 1687–1688; Journal du Sieur Tibierge, Principal Commis de la Compagnie de Guinée sur le Pont d'or (Paris, 1692); Relation du Voyage de Guinée fait en 1698 par Mr. le Chevalier Damon, suivie de la Relation trés curieuse que Mr. le Chevalier Damon a fait aux Indes pour faire un Etablissement à Issigny 1701–1702; et enfin Relation du voyage du Royaume d'Issiny fait par le R. P. Godefroy Loyer (Paris, 1702). Ces relations ont été publiées par Paul Roussier, L'Etabliseement d'Issiny (1687–1702) (Paris, 1935).Google Scholar
13. Voyages de Jean Godot, tant en l'Amérique, Affrique, Asie etc.. Bibliothèque Nationale, S. Fr. 1264. Voir J.P. Nardin, “Un nouveau document pour l'étude des populations lagunaires de la Côte d'Ivoire au début du XVIIIè siécle: le Voyage de Jean Godot à Assinie,” Proceedings of the XVIIth Congress of Ethnol. Sciences, Tokyo, 1968, 78–81.Google Scholar
14. Aussi suprenant que cela paraisse, tous ces auteurs mentionnent une importante production de céréales (mil, millet, bled de Turquie) dans cette région où ni le mil ni le millet ne sont plus cultivés.
15. Jean Godot, Voyages, 138.
16. Tibierge in Roussier, Etablissement, 66. Les termes de capessaire, capsaher, cabocère, dérivés du portugais caboceiro (chef), sont indistinctement appliqués par les Européens à tout détenteur d'autorité politique.
17. Loyer in Roussier, Etablissement, 179.
18. Damon in ibid., 100.
19. Enquêtes que j'ai effectuées de 1964 à 1987.
20. Les membres des lignages sont dispersés dans tous les villages. Deux chefs de lignage peuvent résider dans un même village.
21. Génie qui réside dans l'Ile dont il est l'éponyme, face au village de Mbrati.
22. Dans un contexte fort différent un constat analogue a été fait à propos de la mémoire historique anyi: Perrot, C. H., Les Anyi-Ndenye et le pouvoir politique aux 18e et 19è siècles (Paris, 1982)Google Scholar, 25 sq.; idem., “L'histoire dans les royaumes agni de l'Est de la Côte d'Ivoire,” Annales: Economies, Sociétés, Civilisations, 25 (1970), 1659–77.
23. Par le P. Mouezy, Assinie