Published online by Cambridge University Press: 19 April 2010
Les questions que le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge se pose aujourd'hui sur le sens de son action ne diffèrent pas de celles qui sont à l'origine du Mouvement: comment aider le mieux possible? Comment secourir dans l'immédiat et protéger dans la durée? Pour répondre à ces questions, il faut remonter aux premières années du Mouvement.
1 En 1923, la XIe Conférence internationale de la Croix-Rouge avait écarté d'un projet du CICR toutes les dispositions concernant la protection des populations civiles, pour n'en conserver que celles qui concerneraient les prisonniers de guerre (dont allait sortir la Convention de 1929). Onze ans plus tard, à Tokyo, la XIVe Conférence adoptait un projet (du CICR) de convention protégeant les civils, que le CICR s'efforça de faire adopter. La Seconde Guerre mondiale allait interrompre momentanément ses efforts.
2 Si la Croix-Rouge s'était occupée pratiquement du problème très tôt (voir son intervention déjà lors de la troisième guerre carliste en Espagne dans les années 1872–1876 et en Bosnie-Herzégovine en 1875), ce n'est qu'à la IXe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Washington, 1912) qu'on aborda la question d'une convention internationale à ce propos (proposition Clark, délégué de la Société nationale américaine qui, à l'époque, ne fut pas suivie). En 1921, la Xe Conférence adopte une résolution (Résolution 14) qui reconnaît le droit d'intervention humanitaire des Sociétés nationales «en cas de guerre civile, de troubles sociaux et révolutionnaires», tout en confiant au CICR la tâche de suppléer, si besoin est, à la faiblesse de la Société nationale du pays troublé et d'organiser l'action internationale de secours. La résolution 14 de la XVIe Conférence (Londres, 1938) confirmera le champ d'intervention de la Croix-Rouge énoncé en 1921.
3 Se référant (sans le mentionner explicitement!) au «blocus sanitaire» imposé par la France en Algérie, la XIXe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Nouvelle Delhi, 1957) utilisa ce que nous pourrions appeler l'ouverture humanitaire de l'article 3 commun en exprimant «le vœu qu'une disposition nouvelle soit ajoutée aux Conventions de Genève de 1949, étendant la portée de l'article 3 de ces Conventions, afin que:
a) les blessés soient soignés sans discrimination, et que les médecins ne soient inquiétés en aucune manière à l'occasion des soins qu'ils sont appelés à donner dans ces circonstances…
b) le principe sacré du secret médical soit respecté,
c) il ne soit apporté à la vente et à la libre circulation des médicaments aucune restriction autre que celles prévues par la législation internationale, étant entendu que ces médicaments seront exclusivement utilisés à des fins thérapeutiques,
fait en outre un pressant appel à tous les Gouvernements afin qu'ils rapportent toutes les mesures qui seraient contraires à la présente résolution». (Résolution 17) La Résolution 19 de la même Conférence rappelait d'ailleurs la légitimité d'une intervention secourable de la Croix-Rouge en cas de conflit interne.
4 Originalité notamment par rapport aux «droits de l'homme», essentiellement déclaratifs et pauvres en mécanismes propres à en assurer un respect effectif sur le terrain. Le droit international prévoit que la protection juridique sera accompagnée d'un contrôle sur le terrain, par des Puissances protectrices ou le CICR. Le droit international humanitaire ne garantit pas qu'il sera toujours pleinement respecté mais il donne la «règle du jeu» et les moyens de sa concrète mise en œuvre.
5 Bugnion François, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de la guerre, Introduction (à paraître).
6 Voir notamment J. Moreillon, «La Croix-Rouge: protection et assistance», dans RJCR no 731, septembre–octobre 1981, p. 267–272 et J.-P. Hocké, «Action humanitaire: protection et assistance», dans RICR no 745, janvier-février 1984, p. 11–17.
7 «L'action de secours du CICR est inséparable de son action de visite et de renseignements. Elles se complètent et se renforcent mutuellement. De même qu'une action de secours serait dispersée et inefficace si elle ne s'appuyait pas sur une connaissance précise des besoins, de l'identité et du nombre de victimes, de même la collection de ces renseignements n'atteindrait pas son but si elle n'était pas assortie d'une action d'assistance». Durand, A., Histoire du Comité international de la Croix-Rouge. 2: De Sarajevo à Hiroshima, Institut Henry-Dunant, Genève, 1978, p. 403.Google Scholar
L'exemple du blocus allié pendant la Seconde Guerre mondiale illustre parfaitement ce point: les envois collectifs pour les prisonniers de guerre en mains allemandes (secours) ne furent autorisés que lorsque le CICR eut fourni la preuve qu'il était en mesure de contrôler (fonction essentielle de l'action protectrice) leur distribution, c'est-à-dire en ayant accès aux camps.