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La répression des infractions individuelles au droit de la guerre

Published online by Cambridge University Press:  19 April 2010

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Dans le contexte général de la répression des infractions, le droit de la guerre, ou droit international humanitaire, possède son propre champ d'application et ses caractéristiques spécifiques. En marge, si l'on peut dire, des systèmes de répression des actes illégaux adoptés par les Etats, le droit international comporte en effet un ensemble de sanctions s'appliquant aux infractions commises à l'échelon international par les Etats, les organisations et même les individus.

Type
Mise en œuvre du droit international humanitaire
Copyright
Copyright © International Committee of the Red Cross 1991

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References

1 La présente étude a été rédigée dans un cadre englobant toute la problématique évoquée dans ces lignes. Faute de place dans la Revue, nous avons choisi toutefois de mettre l'accent sur les infractions individuelles.

2 Cf. Bassiouni, Cherif: Derecho Penal Internacional: Proyecto de Código penal internacional, Tecnos, Madrid, 1984, pp. 6061.Google Scholar

3 Les traditionnalistes espagnols et les étrangers qui s'en inspirèrent contribuèrent de façon notable à l'établissement des bases sur lesquelles s'appuyeraient ultérieurement les systèmes nationaux de répression de ces infractions.

4 Comme le souligne Alexandre Plawski (Etude des principes fondamentaux du droit international pénal, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1972, p. 18Google Scholar): «Il serait vain de chercher les origines du droit international pénal avant le XIXe siècle. Ce sont seulement des prolégomènes qui peuvent esquisser quelques traits du développement des idées».

5 A cet égard, on peut citer les Instructions for the Government of Armies of the United States in the Field de Francis Lieber (Washington, 24 avril 1863), destinées à l'armée nord-américaine, qui s'appliquaient non seulement aux membres de cette dernière, mais aussi aux soldats ennemis prisonniers coupables d'infractions au droit de la guerre.

6 C'est le cas des Conventions de La Haye de 1899 et de 1907.

7 Pour reprendre les termes d'Antonio Quintane Ripollés (Criminalidad de Guerra, Nueva Enciclopedia Jurídica Seix, Editorial Seix, Barcelona, 1954, T. VI, p. 10Google Scholar): «Lorsqu'il s'agit d'établir les responsabilités, celles-ci tendent à s'effacer derrière l'aphorisme universitas delinquere non potest… et si l'on admet que l'Etat est l'unique sujet du droit et qu'à ce titre même, il ne saurait faillir, et si l'on considère que l'individu n'a pas d'existence internationale, alors toute sanction, toute punition est impossible».

8 Cf. le Reglamento para el servicio de campaña español du 5 janvier 1882Google Scholar, article 851.

9 Cette question fut traitée dans les articles 227, 228 et 229 du Traité de Versailles. L'Empereur fut accusé d'offense «à la morale internationale et à l'autorité sacrée des traités».

10 Certains des accusés furent jugés par des tribunaux allemands qui se montrèrent très cléments; d'autres purent se soustraire au jugement qui leur était réservé dans des tribunaux étrangers. La crédibilité du système s'en trouva pour longtemps sérieusement ébranlée.

11 Le 13 janvier 1942, les gouvernements des pays alliés occupés par l'Allemagne rédigèrent la «Déclaration de Saint James Palace» pour le châtiment des criminels de guerre; le 1er novembre 1943, les puissances alliées publièrent aux mêmes fins la «Déclaration de Moscou».

12 Le fonctionnement de ces tribunaux fut unifié par le biais de la Kontrollratsgesetz no 10 du 20 décembre 1945Google Scholar, inspirée des mêmes principes qui régissaient le Tribunal militaire international.

13 Malgré l'existence de la «War Crimes Commission» créée à Londres afin de coordonner les poursuites et procès, chaque juridiction appliqua sa propre procédure en la matière, basée sur les textes du 20 juillet 1947 pour la Belgique, du 10 juillet de la même année pour les Pays-Bas, du 4 mai 1945 pour la Norvège, du 14 juin 1945 pour la Grande-Bretagne, ou encore du 28 août 1944 pour la France.

14 Les principales différences consistaient dans la disparition de la «conspiracy» comme chef d'accusation, dans l'augmentation du nombre de membres du Tribunal et dans l'extension de la compétence personnelle et territoriale de sa juridiction.

15 Par exemple, le tribunal constitué pour juger l'affaire de l'atoll de Jaluit (assassinat de trois pilotes américains prisonniers) ou celui chargé du cas Yamashita (omission d'enquête aux fins d'éviter la commission des crimes de guerre).

16 L'article 6 mentionnait également le délit de «conspiracy», un concept anglo-saxon, qui fut ultérieurement abandonné: «Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toutes personnes, en exécution de ce plan».

17 Cf. également le premier paragraphe de l'article 9: «Lors d'un procès intenté contre tout membre d'un groupement ou d'une organisation quelconques, le Tribunal pourra déclarer (à l'occasion de tout acte dont cet individu pourrait être reconnu coupable) que le groupement, ou l'organisation à laquelle il appartenait était une organisation criminelle». Voir à ce sujet H. de, Touzalin, «Réflexions à propos du délit d'appartenance sur un essai d'unification des règles de répression en matière d'infraction aux lois et coutumes de la guerre», Revue de droit pénal militaire et de droit de la guerre, Bruxelles, IV–I, 1965, pp. 133Google Scholar et suivantes.

18 L'activité du Tribunal de Nuremberg prit fin le 1er octobre 1946, celle du Tribunal de Tokyo le 12 novembre 1948. Sauf quelques-uns de caractère local, les autres tribunaux furent supprimés en 1949.

19 Nous avons dénombré plus haut les quelques instruments hérités de ce régime d'exception.

20 Formulés par la Commission du droit international des Nations Unies lors de sa seconde session (5 juin–29 juillet 1950), les sept principes de Nuremberg sont pratiquement calqués sur le texte du Statut de Londres de 1945.

21 Cette Convention du 26 novembre 1968 s'applique également à l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité.

22 Dans de telles conditions en effet, un même acte peut être regardé selon les circonstances comme un délit ou un crime, voire une infraction bénigne, ou même purement et simplement ignoré. Il s'ensuit que la gravité de la sanction — ou son absence — dépend du lieu où l'acte en question a été commis et du pays dans lequel il est appelé à être jugé. Mieux encore, il peut arriver dans certains cas que son auteur choisisse sur la base de ces considérations d'être jugé par des tribunaux étrangers plutôt que dans son propre pays.

23 Plusieurs formules ont été proposées afin de remédier à cette situation. La plus modeste consisterait dans l'introduction d'une «loi-type» qui servirait de modèle pour les Etats; une solution intermédiaire serait d'adopter une «loi pénale universelle»; la proposition la plus ambitieuse consiste dans la création d'une «cour internationale pénale», qui aurait pleine compétence pour ce type d'infractions au moins. Toutefois, comme le souligne Henri Bosly («Responsabilité des Etats Parties à un conflit et des individus quant à l'application des règles de droit humanitaire», Revue de droit pénal militaire et de droit de la guerre, XII–2, 1973, pp. 201Google Scholar et suivantes), la première «est recherchée depuis plusieurs années», la seconde est «imprévisible dans un avenir plus ou moins proche» et la troisième est irréalisable aujourd'hui, car elle apparaît à beaucoup d'Etats «comme une limitation inadmissible de [leur] souveraineté». En conclusion, seules deux formules semblent envisageables dans l'état actuel des choses, à savoir la juridiction nationale d'une part, et, d'autre part, une éventuelle juridiction internationale «ad hoc» — autrement dit liée spécifiquement à chaque conflit armé. A cet égard, comme dans bien d'autres domaines, on peut considérer que la communauté internationale a atteint le niveau que lui autorise sa propre maturité, ni plus, ni moins.

24 Il faut mentionner notamment les articles 27 et 28 de la Convention de Genève du 6 juillet 1906 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne; le deuxième alinéa de l'article 56 du Règlement annexé à la Convention de La Haye du 18 octobre 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre; ainsi que les articles 28 et 29 de la Convention de Genève du 27 juillet 1929 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne.

25 Pour ce qui concerne les obligations internationales des Etats, il faut tenir compte du fait que si les Conventions ont été ratifiées par la majorité des Etats, il n'en va pas de même pour le Protocole I.

26 «Les Hautes Parties contractantes s'engagent à prendre toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l'ordre de commettre, l'une ou l'autre des infractions graves à la présente Convention définies à l'article suivant.

Chaque Partie contractante aura l'obligation de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, l'une ou l'autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie Contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partie Contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes.

Chaque Partie contractante prendra les mesures nécessaires pour faire cesser les actes contraires aux dispositions de la présente Convention, autres que les infractions graves définies à l'article suivant.

En toutes circonstances, les inculpés bénéficieront de garanties de procédure et de libre défense qui ne seront pas inférieures à celles prévues par les articles 105 et suivants de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949».

27 Ces articles traitent respectivement des droits et moyens de la défense, des droits de recours, de la notification des jugements, de l'exécution des peines et du régime pénitentiaire.

28 Ainsi qu'il est souligné dans le Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (Ed. Yves Sandoz, Christophe Swinarski, Bruno Zimmermann), CICR, Martinus Nijhoff Publishers, Genève, 1987, p. 1016, par. 3467: «Le système de répression des Conventions ne doit pas être remplacé mais renforcé et développé… pour s'appliquer dorénavant à la répression tant des infractions au Protocole que des infractions aux Conventions».

29 Barras, Raphaël («Incidences des dispositions pénales du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève de 1949 sur le système judiciaire national», Revue de droit pénal militaire et de droit de la guerre, XXI, 1982, p. 416Google Scholar) déclare à ce propos que les dispositions internationales sont «imparfaites» et que les législations nationales «doivent nécessairement combler cette lacune».

30 Qu'il suffise de mentionner à ce propos les obstacles auxquels se heurte la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre pour obtenir des réponses des Etats à son questionnaire sur «La répression nationale des infractions graves au droit humanitaire. Aspects criminalistiques et criminologiques».

31 Ainsi que le souligne le Comité international de la Croix-Rouge: «… d'une manière générale, il faut admettre que, dans la plupart des cas, la législation pénale ordinaire (Code pénal, code pénal militaire) est insuffisante pour assurer de manière adéquate la répression des infractions aux Conventions de Genève», Respect des Conventions de Genève — Mesures prises pour réprimer les violations (Rapports présentés par le CICR à la XXe et à la XXIe Conférence internationale de la Croix-Rouge), Genève, 1971, I, p. X.Google Scholar

32 C'est le cas notamment de la France, qui n'a pas su profiter de la réforme de son Code de justice militaire pour y intégrer systématiquement les infractions au droit de la guerre, se contentant d'inclure séparément dans ledit Code et dans le récent Règlement disciplinaire des forces armées du 12 juillet 1982 certains délits et fautes qui coïncident en partie avec les infractions mentionnées par les Conventions et le Protocole I, tout en répondant au CICR que «… de nombreux articles du code pénal et du code de justice militaire, qui ne visent pas spécifiquement des infractions aux Conventions de Genève, permettent d'assurer la répression des crimes et délits que celles-ci interdisent» et considérant ainsi comme remplie l'obligation souscrite dans le cadre des Conventions; du Portugal, qui dans l'article 87 de son Code de justice militaire sanctionne, en termes généraux et sans référence aucune aux Conventions de Genève, tout membre des forces armées «ayant commis un quelconque acte réprouvé par une convention internationale à laquelle le Gouvernement portugais a adhéré», en précisant qu'il en serait ainsi «lorsque les actes en question ne sont pas indispensables au succès des opérations militaires», une précision qui, de toute évidence, constitue une négation de l'esprit et de la lettre des Conventions de Genève; des Etats-Unis, qui soutiennent que leur législation pénale, militaire et publique suffit à sanctionner les infractions au droit de la guerre mentionnées dans les Conventions de Genève (selon les articles 18 et 21 du Uniform Code of Military Justice, les crimes de guerre sont sanctionnés par les tribunaux militaires, pour autant qu'ils soient commis par des personnes soumises audit Code; ainsi, la plupart des infractions graves commises sur le territoire des Etats-Unis sont regardées comme des violations de la législation nationale et peuvent être jugées par les tribunaux civils. En réalité, les Etats-Unis ne considèrent les crimes de guerre comme tels que lorsqu'ils sont commis par des ennemis ou des personnes agissant pour le compte de l'ennemi, circonstances où le droit international se confond avec la législation nationale); du Japon, qui prétend que, dans la mesure où sa Constitution prohibe le recours à la guerre, ses citoyens ne peuvent pas se trouver dans les situations prévues par les Conventions, en ajoutant que certaines dispositions de sa législation pénale permettent de sanctionner le cas échéant les infractions auxdites Conventions; c'est également le cas d'autres pays comme l'Irak, l'Afrique du Sud, etc.

33 Parmi les pays à avoir témoigné, à travers des projets législatifs, de leur volonté de remplir leurs obligations, on peut citer la Belgique, qui après le refus d'un premier projet, en a formulé un second comportant onze articles répartis en deux sections, la première énonçant et définissant les infractions graves, la seconde portant sur les compétences, la procédure et l'exécution des peines. Présenté sous le numéro 577 à la session de 1962–1963 du Parlement en vue d'honorer les engagements issus de la ratification des Conventions de Genève, ce projet très détaillé prévoit des sanctions graves pour les infractions et touche également au problème de l'exclusion de la responsabilité pénale). La République fédérale d'Allemagne, qui après avoir affirmé en 1964 que toutes les infractions au droit de la guerre mentionnées dans les Conventions tombaient sous le coup du droit pénal public allemand en vigueur, a néanmoins élaboré un projet de loi relatif aux délits contre les lois et coutumes de la guerre (les auteurs du projet ont choisi la formule d'une législation spéciale complémentaire aux dispositions pénales publiques, qui tantôt se base sur des délits existants, tantôt définit des délits «ex novo» pour les infractions ne pouvant pas être sanctionnées autrement, et prévoit des peines relativement modérées). Il en va tout autrement de l'Italie qui n'a pas élaboré le moindre projet, alors que sa législation pénale est insuffisante pour sanctionner les infractions contenues dans les Conventions de Genève et dans le Protocole I, qu'elle a pourtant également ratifié avec le Protocole II en 1986, quoique avec certaines réserves (le Code pénal militaire italien, qui date de 1941, contient bien certaines dispositions réprimant les actes contraires aux lois et coutumes de la guerre, mais elles sont loin de couvrir le champ des infractions mentionnées dans les Conventions. Le contenu de l'ambitieuse épigraphe du chapitre III, titre III, «Des actes de guerre illicites», est très incomplet). Il est à regretter que beaucoup d'autres Etats se trouvent dans la même situation, car mieux vaut une répression organisée, fût-elle hétérogène, que l'absence de tout complément aux règles internationales.

34 Parmi ces derniers, il faut citer notamment l'Espagne qui, dans les articles 68 à 79 de son récent Code pénal militaire de 1985, a inscrit dans les termes appropriés toutes les infractions citées dans les Conventions de Genève; la Suisse, qui dans son Code pénal militaire de 1950 — articles 109 et suivants — a également mentionné comme délits les infractions figurant dans les Conventions; les Pays-Bas, qui ont fait de même dans les lois du 19 mai 1954 et du 10 juillet 1962; la Grande-Bretagne, qui, par le biais du Geneva Conventions Act de 1957Google Scholar, a adapté sa législation aux Conventions de 1949, réprimant les infractions graves qui y sont contenues et établissant des règles affectant aussi bien le contenu que la procédure du droit pénal; l'Australie, qui a adopté en 1957 également une loi similaire, de même que le Canada, l'Irlande (1962)Google Scholar, l'Inde (1960)Google Scholar, la Nouvelle-Zélande (1958)Google Scholar, l'Ouganda (1964)Google Scholar, la Malaisie (1962)Google Scholar, le Kenya (1968)Google Scholar, ainsi que d'autres pays membres du Commonwealth britannique. Cette liste comprend aussi la Suède, qui a adapté sa législation en 1964, établissant à cette occasion une réglementation très complète; la Norvège, qui a modifié l'article 108 de son Code pénal militaire afin de permettre l'inculpation et le jugement de toute personne commettant des infractions graves telles qu'elles figurent dans les Conventions; le Danemark, qui a fait de même au chapitre 25 de son Code pénal militaire; la Yougoslavie, qui a introduit dans son Code pénal une série de dispositions recouvrant les infractions inscrites dans les Conventions, et d'autres pays encore. Parmi tous ceux-là, l'Ethiopie mérite d'être citée en exemple. Rédigé par le professeur suisse Jean Graven, son Code pénal de 1957 a en effet «incorporé hardiment au droit national […], de manière plus systématique et complète que ne l'ont fait après les Conventions de 1949 certaines autres législations, tout le domaine nouveau des infractions contre le droit des gens». Ensuite ce Code, aux articles 282 et suivants, traite de toutes les infractions contenues dans les Conventions de Genève.

Cela dit, l'important consiste à «savoir si les pays dotés d'une législation spéciale l'appliquent effectivement et comment», ainsi que le soulignent pertinemment Georges Levasseur et R. Merle (L'état des législations internes au regard des obligations contenues dans les Conventions internationales de droit humanitaire, Bruxelles, Centre de droit international de l'Université de Bruxelles, 1970, p. 251Google Scholar), à qui nous devons l'essentiel des données de la liste ci-dessus. Question à laquelle il est hélas difficile de répondre, «étant donné le manque d'information, la discrétion tout à fait justifiée du CICR et l'évidente répugnance des autorités locales responsables à s'expliquer sur certains manquements au droit de la guerre» (ibid.).

Les informations utilisées dans la présente étude sur la situation juridique dans les divers pays peuvent avoir subi certains changements ces dernières années, sans que l'auteur ait pu les obtenir.

35 C'est le cas en particulier de l'URSS, dont le Code pénal de 1960 traite uniquement des infractions commises par les militaires prisonniers de guerre et des délits commis à leur encontre; de la Hongrie, qui se limite aux infractions contre les prisonniers de guerre et à certaines infractions commises au détriment de la population civile; de la Tchécoslovaquie, dont la loi de 1961 sanctionne seulement les délits commis contre les prisonniers de guerre, les blessés, malades et naufragés et la population civile. Notons que ces législations spéciales ne comportent aucune disposition spécifique en matière de procédure.

36 Ainsi que le soulignent les auteurs du Commentaire de la Ire Convention de Genève (Les Conventions de Genève du 12 août 1949 — Commentaire publié sous la direction de Jean Pictet, CICR, Genève, 1952Google Scholar), p. 396: «Il n'y a pas d'unité d'inspiration entre les différents systèmes pénaux. Dans les pays anglo-saxons, en effet, il semble que l'existence d'une règle de droit international, expresse ou coutumière, même si elle ne comporte pas de sanctions, permette aux tribunaux nationaux de prononcer des condamnations lorsque cette règle est violée. Au contraire, dans les pays du continent européen, la loi pénale, pour pouvoir être appliquée, doit comporter non seulement une règle normative, mais aussi des dispositions prévoyant expressément la sanction, sa nature et sa gravité. Dans ces pays, l'adage nulla poena sine lege garde toute sa valeur. Quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir sur la répression qui est intervenue après la Seconde Guerre mondiale, il eût été plus satisfaisant de pouvoir s'appuyer sur des règles préexistantes, sans être obligé de recourir à des mesures spéciales».

37 L'énumération de ce que les Conventions entendent par «actes contraires» serait interminable et exigerait un examen attentif de toutes les obligations découlant de ces textes.

A cet égard, il nous a semblé toutefois opportun de citer ici les articles 54 (I) et 45 (II), qui disposent que «Les Hautes Parties contractantes, dont la législation ne serait pas dès à présent suffisante, prendront les mesures nécessaires pour empêcher et réprimer en tout temps les abus…» relatifs à l'emploi protecteur de la croix rouge, quel que soit le but de cet emploi.

38 Les paragraphes 1 et 2 stipulent que: «1. La santé et l'intégrité physiques ou mentales des personnes au pouvoir de la Partie adverse ou internées, détenues ou d'autre manière privées de liberté en raison d'une situation visée à l'article premier ne doivent être compromises par aucun acte ni par aucune omission injustifiés. En conséquence, il est interdit de soumettre les personnes visées au présent article à un acte médical qui ne serait pas motivé par leur état de santé et qui ne serait pas conforme aux normes médicales généralement reconnues que la Partie responsable de l'acte appliquerait dans des circonstances médicales analogues à ses propres ressortissants jouissant de leur liberté.

2. Il est en particulier interdit de pratiquer sur ces personnes, même avec leur consentement: a) des mutilations physiques; b) des expériences médicales ou scientifiques; c) des prélèvements de tissus ou d'organes pour des transplantations, sauf si ces actes sont justifiés dans les conditions prévues au paragraphe 1».

39 Le paragraphe 3 énonce quelques dérogations aux règles précitées.

40 Cf. Protocole additionnel I, article 85.

41 L'article 44 porte sur le statut et la protection des combattants et des prisonniers de guerre. L'article 45 vise la protection des personnes ayant pris part aux hostilités, auxquelles il attribue par principe le statut de prisonnier de guerre. L'article 73 concerne la protection des réfugiés et apatrides.

42 L'article 57 se réfère aux précautions dans l'attaque, stipulant en particulier dans l'alinéa mentionné que l'on doit «s'abstenir de lancer une attaque dont on peut attendre qu'elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu».

43 L'article 37 porte sur l'interdiction de la perfidie, cette notion englobant notamment le fait d'arborer abusivement des signes de protection.

44 Ledit article prohibe les transferts en masse ou individuels et les déportations, sauf pour raisons de sécurité.

45 L'article 53, qui vise la protection des biens culturels et des lieux de culte, interdit à l'alinéa b) d'utiliser lesdits biens «à l'appui de l'effort militaire».

46 L'affirmation selon laquelle les infractions graves seront «considérées» comme des crimes de guerre laisse perplexe. Peut-être cette disposition a-t-elle pour seul but d'éviter toute ambiguïté en établissant clairement l'équivalence des termes.

47 Le droit de la guerre ne pouvait en effet échapper au principe général qui détermine tout système répressif, à savoir, d'une part, l'existence d'un acte délictueux et, d'autre part, sa conséquence, la sanction pénale, ce qui suppose de définir et classer les actes et comportements susceptibles d'être sanctionnés (cf. Devesa, J. M. Rodriguez, Derecho Penal Español, Parte General, Madrid, 1973, vol. I, p. 145).Google Scholar

48 Dans le droit de la guerre et de manière générale, le sujet passif des infractions peut être un individu ou une collectivité, pour autant qu'il/elle appartienne à l'une des «catégories» définies dans les Conventions et le Protocole I. Par conséquent, le droit de la guerre ne protège pas tous les individus, mais uniquement ceux jouissant d'une «protection particulière» du fait de leur appartenance auxdites catégories. Toutefois, cette «restriction» ne diminue en rien la portée des instruments de protection générale également inclus dans les textes humanitaires relatifs aux situations de conflit. Dans certains cas, l'appartenance à l'une ou l'autre des catégories en question n'est pas absolument déterminante; dans d'autres cas en revanche, comme pour les prisonniers de guerre notamment, cette appartenance revêt une importance essentielle (cf. Conventions de Genève du 12 août 1949 — Commentaires, op. cit., vol. III, p. 57Google Scholar et suivantes).

49 On se heurte ici à une difficulté inhérente à tout le système du droit pénal, à savoir la définition du concept de «délit naturel» (cf. Maggiore, Giuseppe: «Delitto naturale e delitto legale», Riv. de Crim. e Diritto Crim., 1948Google Scholar) et, dans le cas qui nous occupe, d'infraction grave “naturelle”».

50 «L'expression elle-même d'“infractions graves” a donné lieu à d'assez longues discussions. La délégation de l'URSS aurait préféré l'emploi des mots “crimes graves”, ou l'expression “crimes de guerre”. Si finalement la Conférence a préféré l'expression “infractions graves” c'est parce qu'elle a estimé que, bien que de tels faits soient qualifiés de crimes dans la législation pénale de presque tous les pays, il n'en demeure pas moins que le mot “crimes” a des acceptions différentes selon les législations» (Commentaire, Ire Convention, op. cit., p. 417).Google Scholar

51 Comme le soulignent les auteurs du Commentaire des Protocoles (op. cit., pp. 1069–1070, par. 3621): «… La distinction entre les infractions graves et les violations graves n'apparaît guère dans le texte des Conventions et du Protocole, qui se réfère toujours aux “infractions graves”».

52 Nous avons déjà traité du paragraphe 5 de l'article 85 du Protocole I, qui établit cette qualification. Voici ce qu'en dit le Commentaire des Protocoles (op. cit., p. 1027, pars. 3521, 3522):

«Ce paragraphe jugé indispensable ou évident par certaines délégations, a paru déplacé ou dangereux à d'autres.

Les premières délégations insistaient sur la nécessité d'affirmer l'unité de la notion de crime de guerre, que les crimes particuliers soient définis par le droit de Genève ou par celui de La Haye et de Nuremberg. Les autres, sans contester que les infractions graves aux Conventions et au Protocole soient effectivement des crimes de guerre, préféraient que ces instruments gardent leur terminologie distincte, vu leurs objectifs purement humanitaires».

53 Il est dit dans le préambule de l'Accord de Londres du 8 août 1945 concernant la poursuite des criminels de guerre que les signataires agissent «dans l'intérêt de toutes les Nations Unies». L'article 19 du Projet d'articles sur la responsabilité des Etats approuvé par la Commission du droit international établit que la violation par un Etat d'une disposition visant à préserver les intérêts supérieurs de la communauté internationale est regardée par ladite communauté comme un crime international. A notre avis, c'est dans cette même perspective qu'il convient d'envisager le crime de guerre. Par ailleurs, rappelons que dans les législations établissant une distinction entre «crime» et «délit», la notion de crime est associée aux violations les plus graves.

54 Les infractions graves définies à l'article 50 de la Ire Convention de Genève (et dans les articles correspondants des trois autres Conventions) «sont celles qui comportent l'un ou l'autre des actes suivants». La formule «l'un ou l'autre» (en anglais «any») semble bien suggérer que l'énumération n'est pas exhaustive. Ainsi qu'il est noté dans le Commentaire (Ire Convention, op. cit., p. 413Google Scholar): «En dehors des infractions graves énumérées à l'article 50, on peut en imaginer d'autres ayant, elles aussi, le caractère d'infractions graves, telle, par exemple, l'usurpation du signe distinctif de la croix rouge en temps de guerre».

55 A notre sens, la notion d'infraction grave ne se limite pas en effet à l'énumération contenue dans les articles mentionnés, mais s'étend à tout abus de même gravité implicitement envisagé dans les Conventions et le Protocole, ainsi que dans les autres règles coutumières et conventions pertinentes. C'est bien le sens d'ailleurs de l'extrait suivant tiré du Commentaire des Protocoles (op. cit., p. 1000, note 11): «Cela veut dire que seuls les comportements énumérés par ces listes sont soumis à la juridiction universelle en vertu des Conventions et du Protocole. Cela n'exclut pas que d'autres infractions le soient en vertu du droit coutumier ou conventionnel».

56 «II est apparu immédiatement que les violations de certaines dispositions de détail des Conventions de Genève pouvaient constituer des délits mineurs, voire de simples fautes disciplinaires, et qu'il ne saurait être question de prévoir, pour de telles infractions, une répression universelle» (Commentaire, Ire Convention, op. cit., p. 416).Google Scholar

57 Comme le note Stanislaw E. Nahlik (Etudes et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix-Rouge en l'honneur de Jean Pictet, CICR, Martinus Nijhoff Publishers, Genève, 1984Google Scholar, «Le problème des sanctions en droit international humanitaire», p. 477Google Scholar), qui a étudié la question pour ce qui concerne les infractions à la Convention de 1954 sur la protection des biens culturels, «le soin d'en dresser la liste attend donc la plume d'un commentateur».

58 Article 86, par. 1 du Protocole I.

59 Tout au moins dans le cadre des compétences de la Commission internationale d'établissement des faits dont traite l'article 90 du Protocole I: «Des violations mineures peuvent devenir graves par répétition et il appartiendra à la Commission de l'établir» (Commentaire des Protocoles, op. cit., p. 1069, par. 3621).Google Scholar

60 L'aspect matériel ou pénal de la sanction des infractions comportant nécessairement l'enchaînement «délit-responsabilité-peine», il est en effet indispensable que les Etats commencent par désigner concrètement le délit et par en établir la définition précise.

61 A priori, le classement que l'on peut établir concernant l'attitude des Etats au regard de la définition des infractions est indépendant de celui se rapportant au respect global de leurs obligations. Néanmoins, on ne peut nier qu'il existe d'évidents recoupements entre ces deux critères.

62 Il faut mentionner notamment dans ce groupe les Etats-Unis, qui soutiennent la doctrine suivante: les violations du droit de la guerre commises par des personnes soumises à la juridiction militaire nationale constituent en général des violations du Uniform Code of Military Justice et, par conséquent, elles doivent être jugées selon les critères contenus dans ce dernier; les violations du droit de guerre commises par des personnes qui ne sont pas soumises à la juridiction militaire constituent en général des violations de la législation fédérale ou de la législation pénale des différents Etats et, par conséquent, elles doivent être jugées selon les critères contenus dans lesdites législations; seules seront jugées selon les normes internationales les violations du droit de la guerre commises par des ennemis ou des personnes servant les intérêts d'un Etat ennemi, conformément au vieux principe selon lequel «international law is part of the law of the land»; la France, qui, par le biais de son Code de justice militaire et de son Règlement de discipline générale des armées, établit une série d'interdictions qui coïncident en partie avec les infractions définies dans les textes de droit international pertinents (les articles 407 et suivants dudit Code de justice militaire définissent avec précision certains actes délictueux, et l'article 445 énonce des critères généraux); Barras (Incidences…, op. cit., pp. 442443Google Scholar) note qu'il existe un système de répression par analogie fondé sur l'Ordonnance du 28 août 1944 relative à la répression des crimes de guerre; la République fédérale d'Allemagne, dont le projet, élaboré avec une certaine indépendance vis-à-vis des normes internationales, mais néanmoins très détaillé, semble à beaucoup d'égards aller plus loin que les Conventions et même que le Protocole I en matière de protection des personnes; la Belgique, dont le projet est dans l'esprit très similaire au projet allemand, quoique plus fidèle dans sa forme aux définitions et classifications des Conventions et du Protocole; et enfin l'Italie, dont le Code pénal militaire de 1941 contient une série de dispositions pour la répression des infractions aux lois et coutumes de la guerre, bien entendu sans relation directe avec les normes internationales.

63 Ce groupe est très important. Nous citerons en exemple l'Ethiopie, dont le Code pénal, rédigé ainsi que nous l'avons dit plus haut par Jean Graven, inclut de manière détaillée toutes les infractions mentionnées dans les textes des Conventions, mais sous une formulation différente; l'Espagne, qui, dans son récent Code pénal militaire du 9 décembre 1985, articles 68 à 79, a procédé à la redéfinition d'une grande partie des infractions internationales, auxquelles ont été rajoutés d'autres délits ainsi qu'une disposition générale concernant les autres actes contraires aux prescriptions des Conventions internationales ratifiées par le pays; la Yougoslavie, qui, de façon similaire, a introduit dans son Code pénal, articles 124 et suivants, pratiquement toutes les infractions graves mentionnées dans les Conventions, sous une formulation également différente; les Pays-Bas, qui, peu avant de ratifier les Conventions de Genève, ont édicté une nouvelle loi sur le droit pénal de la guerre — Act on War Criminal Law — modifiant et complétant leurs dispositions antérieures de façon à les adapter aux textes internationaux; et enfin la Norvège, qui, dans son Code pénal militaire, établit une définition générale des infractions et, dans son Code pénal civil, propose des définitions spécifiques.

64 En raison de sa connotation particulière dans le domaine du droit international privé, le terme «renvoi» doit être utilisé avec précaution. Par ailleurs, il convient de noter que cette relation existe dans les deux sens, le droit international renvoyant lui-même au droit interne des Etats.

65 Ce groupe également comprend beaucoup de pays. C'est le cas de la Grande-Bretagne, qui, par le biais de sa loi de 1957 sur les Conventions de Genève, sanctionne globalement toutes les violations graves énumérées dans lesdites Conventions en se référant spécifiquement à leurs textes respectifs; de l'Irlande, qui, avec sa loi de 1962, reprend le modèle anglais, tout en le complétant par l'adjonction de dispositions sanctionnant les «violations mineures»; du Danemark, qui, dans l'article 25 de son Code pénal, a également opté pour une définition globale fondée sur le renvoi aux normes internationales; de l'Australie (par sa loi de 1957), du Canada, de l'Inde, de la Nouvelle-Zélande, de l'Ouganda, du Kenya, du Nigeria et de la Malaisie, qui ont avec quelques variantes imité l'exemple de l'Angleterre; du Brésil, qui a adopté lui aussi dans son Code pénal militaire de 1969, aux articles 400 à 408, la formule de la définition globale avec renvoi aux textes internationaux; ou encore de la Suisse, qui a opté pour la même solution en 1968.

(N. B. Ces listes de pays ne sont pas exhaustives. Par ailleurs, le caractère fragmentaire des sources et leur fiabilité inégale ont pu conduire à des erreurs de classement.)

66 La nécessité de définition d'une quelconque violation du droit aux fins de sanction pénale découle directement du principe nullum crimen sine lege, qui veut qu'il n'y ait pas de délit sans définition juridique préalable.

67 Abstraction faite des problèmes théoriques propres aux divers systèmes pénaux, la question de la responsabilité comporte les trois aspects suivants: l'identité des personnes qui commettent le délit ou y participent, le degré d'exécution du délit et les éventuelles circonstances atténuant ou excluant la responsabilité civile. Se pose en outre la question de la responsabilité civile qui dans certains cas accompagne la responsabilité pénale. Nous laisserons pour le moment cet aspect de côté.

68 La distinction entre le pénal et le disciplinaire varie d'une législation à l'autre en fonction de la gravité de l'infraction. Par commodité, nous considérerons dans ces lignes que tout ce qui s'applique à la responsabilité pénale vaut également pour la responsabilité disciplinaire, sous réserve d'une précision que nous formulerons plus loin.

69 Se référant aux Conventions exclusivement, les auteurs du Commentaire de la Ire Convention (op. cit., p. 409) soulignent que «les sanctions à fixer s'appliquent aux personnes ayant commis ou ayant donné l'ordre de commettre une infraction grave. Ainsi donc se trouve établie la responsabilité conjointe de l'auteur d'un acte et de celui qui l'a ordonné: ils pourront tous deux être poursuivis comme coauteurs», tout en précisant plus loin: «… cependant, aucune allusion n'est faite à la responsabilité que pourraient encourir des personnes qui ne sont pas intervenues pour empêcher une infraction ou la faire cesser»; le Protocole I a comblé cette lacune dans son article 86, par. 2 cité plus haut, auquel se rapporte l'extrait suivant du Commentaire des Protocoles (op. cit., p. 1035, par. 3540): «La reconnaissance de la responsabilité des supérieurs qui, sans aucune excuse, ne font pas ce qui est en leur pouvoir pour empêcher leurs subordonnés de commettre des infractions au droit des conflits armés, n'est donc pas nouvelle en droit conventionnel. Le principe ne faisait cependant pas l'objet d'une réglementation expresse au titre des sanctions pénales».

70 L'article 6 du Statut établissait la responsabilité individuelle non seulement des auteurs directs des crimes mentionnés dans ledit article, mais aussi des “dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes» en question, vis-à-vis «de tous les actes accomplis par toutes personnes, en exécution de ce plan».

71 La remarque du Commentaire de la Ire Convention (op. cit., pp. 409–410) relative à l'établissement des responsabilités pour les actes commis sur ordre d'un supérieur a donc valeur de généralité: «La Conférence diplomatique n'a pas retenu cette notion, laissant à la législation nationale le soin de résoudre le problème».

72 Dans le cadre des procès de Nuremberg et de Tokyo, les défenseurs tentèrent de faire admettre divers motifs d'exonération de la responsabilité pénale, mais tous furent rejetés sur la base de principes du droit international. Furent notamment invoqués à cette fin: 10) le principe nullum crimen sine lege, repoussé au nom d'une interprétation large du droit, ce dernier se composant non seulement des lois écrites, mais aussi de règles coutumières; 20) la non-rétroactivité des lois pénales, rejetée pour les mêmes motifs, en arguant du fait que les crimes en question étaient déjà reconnus comme tels à l'époque où ils furent commis; 30) le fait d'avoir agi en vertu d'ordres supérieurs ou, autrement dit, le devoir d'obéissance (aux termes de l'article 8 du Statut, cette circonstance pouvait constituer au mieux «un motif de diminution de la peine».

mais non pas d'exonération de la responsabilité); 40) le principe de la nécessité, rejeté comme n'ayant jamais constitué une excuse au regard du droit international et comme étant en outre condamné par le monde civilisé.

73 Les Principes de droit international reconnus dans le Statut du Tribunal de Nuremberg adoptés en 1950 par la Commission du droit international des Nations Unies rejetaient en effet diverses causes d'exclusion de la responsabilité pénale. Principe II: “Le fait que le droit interne ne punit pas un acte qui constitue un crime de droit international ne dégage pas la responsabilité en droit international de celui qui l'a commis». Principe III: «Le fait que l'auteur d'un acte qui constitue un crime de droit international a agi en qualité de chef d'Etat ou de gouvernant ne dégage pas sa responsabilité en droit international». Principe IV: «Le fait d'avoir agi sur l'ordre de son gouvernement ou celui d'un supérieur hiérarchique ne dégage pas la responsabilité de l'auteur en droit international, s'il a eu moralement la faculté de choisir».

74 Il faut rappeler une fois encore combien il est difficile d'obtenir des données fiables et bien documentées à cet égard.

75 C'est le cas de la grande majorité des pays, dont beaucoup sont toutefois confrontés à des situations difficiles à résoudre. On peut citer en particulier les Etats-Unis, qui appliquent leurs propres lois civiles ou militaires pour punir les auteurs d'infractions relevant du droit international et étudient actuellement le motif d'exonération de la responsabilité que constitue le devoir d'obéissance; et la France, qui poursuit également les actes contraires aux lois et coutumes de la guerre par le biais de ses propres instruments juridiques civils ou militaires, selon les cas.

76 Certains pays ont introduit des modifications quant au champ d'application de la responsabilité pénale, tels l'Espagne et le Portugal, qui limitent celle-ci aux militaires (une position très critiquable, en ce qu'elle rend très difficile la poursuite des infractions aux lois et coutumes de la guerre commises par des civils); la Grande-Bretagne, qui établit expressément la responsabilité des auteurs, coauteurs et complices, où que soit commise l'infraction, ce qui constitue une rupture notable d'avec sa vieille tradition territorialiste; ou encore les Pays-Bas, qui établissent explicitement la responsabilité des personnes donnant l'ordre de commettre un acte illégal.

77 C'est le cas entre autres de la Suède, qui a retenu la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique pour une faute commise par un subordonné qu'il n'a niempêchée ni sanctionnée alors qu'il en avait connaissance; et de la Norvège, qui a incorporé dans sa législation le principe de la responsabilité non seulement des auteurs, mais aussi des complices des infractions aux Conventions.

78 Ainsi que le soulignent les auteurs du Commentaire des Protocoles (op. cit., p. 1000, note 11): «Cela n'empêche pas non plus les Parties contractantes de prévoir dans leur législation la répression pénale d'autres infractions encore, qui ne seraient toutefois punissables que commises par les membres de leurs propres forces armées».

79 Cette situation ne se présente que dans le cas où un Etat assimile les infractions mineures aux termes du droit international à des délits ou crimes.

80 Ainsi que le suggèrent les auteurs du Commentaire de la Ire Convention (op. cit., p. 409): «la législation […] devra fixer, pour chaque infraction, la nature et l'étendue de la peine, et cela en tenant compte du principe de la proportionnalité des peines avec la gravité des délits».

81 La peine étant une création de la loi, seules constituent des peines au sens technique celles qui sont considérées comme telles par la législation concernée. En l'absence d'un concept international, les peines varieront donc sensiblement d'un système juridique à l'autre. Par ailleurs, il est vrai que les infractions au droit de la guerre possèdent des connotations particulières vis-à-vis des délits courants incorporés dans les législations internes, de sorte qu'il n'est généralement guère indiqué de leur appliquer des sanctions identiques (cf. à ce propos Dautricourt, J. Y., “La protection pénale des Conventions internationales humanitaires», Revue de droit pénal et de criminologie, vol. 35, no 9, juin 1955).Google Scholar

82 A l'image de ce que nous avons observé plus haut concernant la définition et la classification des infractions, les différences entre les peines imposées par les divers Etats sont en effet colossales. Telles sont hélas les limites actuelles du droit international!

83 L'article 69 du Code pénal militaire de l'Espagne illustre bien cette position, en prévoyant pour les mauvais traitements infligés à un ennemi ayant déposé les armes ou n'ayant pas les moyens de se défendre des peines de prison comprises entre quatre mois et quatre ans, entre cinq et quinze ans en cas de lésions graves, et, en cas de décès consécutif de la victime, entre quinze et vingt-cinq ans de réclusion, voire la peine de mort.

84 Parmi ces pays “rigoureux”, on peut mentionner, outre l'Espagne déjà citée, la Grande-Bretagne, qui, en cas d'homicide intentionnel d'une personne protégée par une Convention par exemple, prévoit une peine de réclusion à perpétuité; les Pays-Bas, dont les peines varient de dix ans d'emprisonnement à la peine capitale selon la gravité de l'infraction et ses conséquences; l'Australie, qui prévoit, en cas d'homicide intentionnel d'une personne protégée par l'une ou l'autre des Conventions, des peines pouvant aller jusqu'à la réclusion à perpétuité et même la peine de mort; ou encore le Canada, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et l'URSS, qui tous ont également inclus la peine capitale dans l'éventail de leurs sanctions pénales.

85 II convient ici de noter que les Etats sont d'une certaines façon conditionnés dans l'établissement des peines applicables aux infractions au droit de la guerre, non seulement par leur propre système pénal, mais aussi par leur expérience passée. Plus précisément, ainsi que le soulignent Levasseur et Merle (L'Etat des législations…, op. cit., p. 229Google Scholar): «Il semble qu'il soit difficile d'insérer dans l'arsenal de la législation répressive d'un pays, en harmonie suffisante avec le contexte, des dispositions sanctionnant le respect des règles du droit humanitaire. Les interventions qui ont lieu paraissent se ressentir d'un passé récent. Aussi, selon que les Etats intéressés ont, au cours de précédents conflits, vu leurs [ressortissants] figurer en grand nombre dans les rangs des victimes ou dans ceux des coupables, la tendance à une répression plus ou moins forte varie considérablement».

86 C'est le cas notamment de la Norvège, où la peine maximale prévue par le Code pénal militaire est de quatre ans de réclusion, quoiqu'elle soit sans doute susceptible d'être augmentée par le biais de dispositions spéciales; du Danemark, où la peine maximale est de douze ans de prison; de la Suisse, qui prévoit des peines de trois jours à trois ans d'emprisonnement et, pour les cas les plus graves, de un à vingt ans; de la Thaïlande, où la sanction ne peut dépasser sept années de prison; et, symptomatiquement, de l'Allemagne, dont «la modération étonne» (Levasseur et Merle, L'Etat des législations…, op. cit., p. 230Google Scholar), les peines prévues n'excédant pas dix ans de réclusion. Cela dit, il convient de ne pas perdre de vue que la modération de ces peines se définit essentiellement par la comparaison avec d'autres régimes plus sévères.

87 On peut citer en exemples la Suède, dont l'éventail de peines va de deux ans de prison à la réclusion perpétuelle, et le Brésil, qui prévoit aussi bien les sanctions les plus légères que la possibilité d'appliquer la peine de mort. Etant donné le caractèretrès approximatif de ces classements, nous aurions également pu inclure l'Espagne et d'autres pays dans ce groupe.

88 Encore une fois, il est vraiment affligeant de constater l'énorme disparité qui règne dans ce domaine, vraisemblablement parce que l'on touche ici également à la sacro-sainte souveraineté des Etats.

89 Quoique les Nations Unies aient évoqué à plusieurs occasions la possibilité de créer une Cour internationale pénale (résolution 951 du 11 décembre 1946, résolution du 9 décembre 1948, résolution du 11 décembre 1957), le projet n'a pas abouti à ce jour et il n'est guère probable qu'il aboutisse dans un avenir proche, d'où la nécessité de se reposer sur les différentes juridictions nationales pour ce qui touche à l'application du droit de la guerre.

90 Ainsi qu'on peut le lire dans le Commentaire de la Ire Convention (op. cit., p. 411): «La poursuite devant les tribunaux devra s'effectuer d'une manière uniforme, quelle que soit la nationalité des inculpés. Nationaux, amis, ennemis, tous seront soumis aux mêmes règles de procédure et seront jugés par les mêmes tribunaux».

91 C'est le cas entre autres des Etats-Unis, qui se réservent en outre la possibilité de créer selon les circonstances des tribunaux spéciaux, de la Belgique, de l'Irlande, de la République fédérale d'Allemagne, de l'Espagne et du Danemark.

92 C'est le cas notamment de la Grande-Bretagne et de la Norvège, dont les tribunaux militaires sont chargés, en temps de guerre, de juger les infractions commises par des personnes civiles sur le théâtre des opérations.

93 On peut mentionner dans ce dernier groupe la Suisse et l'Italie qui, en temps de guerre, soumettent les populations civiles à l'autorité des seuls tribunaux militaires.

94 Rappelons encore une fois — et cela vaut également pour la question des compétences, que nous allons examiner ci-après — que la difficulté à obtenir des données fiables limite la validité de nos classements.

95 C'est le cas en Suisse, où la juridiction militaire est en toute circonstance compétente aux termes du Code pénal militaire, que ce soit vis-à-vis des militaires ou des personnes civiles; en Turquie, au Danemark, en Belgique, en France (qui soumet à la juridiction des tribunaux militaires le personnel militaire et assimilé, mais ne dispose pas d'attribution de compétence pour ce qui concerne les personnes civiles); en Norvège, en Irlande, en Grande-Bretagne, au Canada, au Brésil; ainsi qu'aux Etats-Unis, où les militaires sont soumis à l'autorité de tribunaux civils en temps de guerre, à défaut de tribunaux militaires.

96 C'est le cas notamment au Danemark, aux Etats-Unis (sauf création de tribunaux spéciaux), en Irlande, au Canada, en République fédérale d'Allemagne, et au Brésil.

97 Le système judiciaire de la plupart des Etats cités est beaucoup plus complexe, mais nous nous en sommes délibérément tenus à l'essentiel, du fait que les infractions graves ne peuvent se produire qu'en temps de guerre.

98 Cf. article 75, Protocole I.

99 «Ce n'est donc pas seulement sur la demande d'un Etat que l'on devra entreprendre les recherches policières nécessaires, mais aussi spontanément». (Commentaire de la Ire Convention, op. cit., p. 411.)Google Scholar

100 A cette fin, on peut invoquer «l'assistance judiciaire mutuelle», la «Commission internationale de Police criminelle» ou encore plus, spécifiquement, «l'assistance judiciaire mutuelle en matière pénale».

101 Dans la mesure où ces procédures s'appliquent aussi bien aux violations commises par les Etats qu'aux infractions individuelles, les remarques relatives aux Etats que nous avons formulées plus haut sont également pertinentes sur ce point.

102 Comme le soulignent les auteurs du Commentaire de la Ire Convention (op. cit., p. 415): «En se référant aux règles établies pour les prisonniers de guerre, la Conférence diplomatique a pris une décision sage. Plutôt que d'établir un droit nouveau, elle a préféré renvoyer à un droit déjà existant, un droit qui a fait ses preuves et qui constitue pour les inculpés une sauvegarde certaine». A notre sens, mieux aurait valu peut-être la solution inverse, à savoir de fixer des garanties générales dans l'article 49 de la Ire Convention et dans les articles correspondants, et de s'y référer dans la Convention relative aux prisonniers de guerre.

103 Voir Commentaire des Protocoles (op. cit., pp. 893–894).

104 Pour l'interprétation du concept de “charges suffisantes”, on se reportera à la doctrine (Commentaire de la Ire Convention, op. cit., p. 411Google Scholar): «C'est, en principe, la législation nationale qui répondra à cette question; mais, d'une manière générale, on peut admettre qu'il s'agit d'un état de fait tel que, dans le pays où l'extradition est demandée, la poursuite devant le tribunal aurait lieu. C'est ce que les autorités judiciaires anglo-saxonnes appellent une inculpation prima facie et c'est ce terme qui est employé dans le texte anglais de l'article”.

105 C'est le cas de l'immense majorité des pays et notamment de l'Espagne, de la Suisse, de la Norvège, de la Suède (qui suit le modèle britannique dans la définition des infractions, mais non pas dans la procédure), de la France, de l'Italie et du Portugal, pour ne citer que quelques exemples.

106 On peut citer en particulier les Pays-Bas, qui ont établi des juridictions et des procédures spéciales; la Grande-Bretagne, dont le Geneva Conventions Act de 1957 porte davantage sur les questions de procédure que sur les délits proprement dits; l'Irlande, le Canada, l'Inde, la Nouvelle-Zélande, qui s'inspirent étroitement du modèle britannique, ainsi que d'autres pays membres du Commonwealth.