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Published online by Cambridge University Press: 19 April 2010
De plus en plus, un certain nombre d'organisations non gouvernementales (ONG) semblent revendiquer le droit d'apporter une assistance humanitaire en même temps que celui de dénoncer toute violation des droits de l'homme. Cette revendication, si elle est louable et compréhensible, ne correspond pas aux principes reconnus du droit et de la pratique en matière de secours. Nous examinerons ici quelques aspects de ce problème, notamment en ce qui concerne les dispositions du droit des traités applicables aux conflits armés et aux territoires occupés (Droit international humanitaire).
1 Cette question a été soulevée à la Conférence sur le thème «Droit et morale humanitaire», tenue à Paris en janvier 1987, dont on trouvera un compte rendu dans le numéro de mars-avril 1987 de la Revue internationale de la Croix-Rouge, No 257, pp. 229–232Google Scholar. Elle est également examinée dans la critique du livre de Jean-Christophe Rufin, Le piège, par Jean-Luc Blondel, dans le même numéro de la Revue, pp. 236–238.Google Scholar
2 C'est dans ce genre de situations que les violations des droits de l'homme ou du DIH sont les plus probables. En outre, on peut dire que le DIH, plus que tout autre corps du droit, contient la plupart des dispositions officielles acceptées par la majorité des Etats en ce qui concerne le type d'assistance humanitaire offerte par les ONG.
3 On peut remarquer qu'il n'existe de toute façon aucune définition totalement satisfaisante d'une ONG. Aux fins de la présente étude, une organisation non gouvernementale est une organisation qui n'a pas été créée par un gouvernement ou par un accord intergouvernemental. Elle a généralement un statut de droit privé, est composée de membres qui peuvent être des particuliers ou des personnes morales, a des objectifs spécifiques et peut être nationale ou internationale. De façon générale, voir H. H.-K. Rechenberg, «Non-Governmental Organizations» in Encyclopedia of Public International Law, Livraison 9 (Amsterdam, Pays-Bas, 1986), pp. 276Google Scholar et seq.
4 M. El Baradei et al., Model Rules for Disaster Relief Operations, Policy and Efficacy Studies No. 8, Institut des Nations-Unies pour la formation et la recherche (Unitar), 1982. Voir également la Déclaration de principes relative aux actions de secours en faveur des populations civiles en cas de désastre (XXIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, Istanbul, résolution XXVI, septembre 1969). Cette Déclaration s'inspire d'une grande partie des principes juridiques et coutumiers reconnus en matière de secours.
5 Première Convention de Genève, art. 18.
6 Deuxième Convention de Genève, art. 21.
7 Protocole I, art. 17. En outre, le Protocole I accorde une certaine protection générale à tous ceux qui ont des activités médicales, même s'ils n'ont pas reçu un mandat à cet effet par l'une des Parties au conflit (art. 16). Cependant, contraire ment au personnel sanitaire autorisé, civil ou militaire, le personnel sanitaire sans autorisation officielle d'une des Parties au conflit ne sera pas respecté et protégé en toute circonstance et les Parties au conflit ne sont pas tenues de l'aider et de faciliter son action humanitaire (voir par exemple Protocole I, art. 15).
8 J. S. Pictet (sous la dir. de), Commentaire [de la Première Convention de Genève de 1949], CICR, Genève, 1952, pp. 209–210.
9 Par exemple Première Convention de Genève, art. 39, 42, 44.
10 Par exemple Troisième Convention de Genève, art. 126 et Quatrième Convention de Genève, art. 143. Cependant, même ces droits peuvent être limités «en raison d'impérieuses nécessités militaires» (à titre temporaire seulement il est vrai) et la désignation de délégués du CICR doit être soumise à l'approbation des autorités intéressées.
11 Première Convention de Genève, art. 26. Ces sociétés de secours volontaire peuvent aussi appartenir à un pays neutre; dans ce cas, elles auront l'assentiment préalable de leur propre gouvernement et de l'autorisation de la partie au conflit intéressée (Première Convention de Genève, art. 27). La mention des «sociétés nationales de secours volontaires» se trouve dans le Protocole I (art. 8, par. c.), al. ii)).
12 Deuxième Convention de Genève, art. 24. Ces sociétés de secours officielle ment reconnues peuvent aussi appartenir à un pays neutre; dans ce cas, elles devront avoir l'assentiment préalable de leur propre gouvernement et l'autorisation de la partie au conflit intéressée (Deuxième Convention de Genève, art. 25).
13 Troisième Convention de Genève, art. 125.
14 Quatrième Convention de Genève, art. 142.
15 Quatrième Convention de Genève, art. 63.
16 Ainsi, le personnel des sociétés de secours volontaires qui bénéficie du même statut protégé en DIH que le personnel sanitaire permanent des forces armée est soumis à des conditions strictes. Ces conditions s'appliquent tant à la société (reconnaissance et autorisation, notification, contrôle) qu'à son personnel (tâches médicales identiques, engagement exclusif, soumission aux lois militaires). Bien que ce soit le droit du pays intéressé qui détermine en dernier ressort le statut du personnel des sociétés de secours volontaires et les conditions dans lesquelles il prête son concours aux services sanitaires des forces armées, sauf disposition contraire, ce personnel conservera son caractère civil. Le personnel des sociétés de secours volontaire occupé à d'autres tâches aura aussi un statut civil mais sans les privilèges de ceux qui ont les mêmes fonctions que le personnel sanitaire permanent des forces armées, par exemple le droit d'arborer l'emblème protecteur de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge (Première Convention de Genève, art. 40) et, en cas de capture, le droit au statut de personnel retenu plutôt que à celui de prisonnier de guerre (Première Convention de Genève, art. 28; voir aussi Troisième Convention de Genève, art. 33).
17 Par exemple, les biens des sociétés de secours volontaires utilisés pour venir en aide aux malades et aux blessés des forces armées sont mieux protégés que ceux des unités sanitaires de l'armée: ils ne peuvent être considérés comme butin de guerre ou confisqués et ne peuvent être réquisitionnés ou saisis que sous certaines conditions (Première Convention de Genève, art. 34). Cela montre bien que ces sociétés conservent leur propre personnalité et statut d'institutions volontaires et privées même si elles sont étroitement liées à une des Parties au conflit.
18 Par exemple, en ce qui concerne les territoires occupés, voir l'art. 59 de la Quatrième Convention de Genève.
19 De façon générale, Y. Sandoz, «Le droit d'initiative du Comité international de la Croix-Rouge», Annuaire allemand de droit international, 1979, pp. 352–373Google Scholar. Voir aussi les Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 1986Google Scholar, par. 2 (al. d) et par. 5 de l'article 5; Statuts révisés du CICR, 1973Google Scholar, par. 1 (al. d) et par. 2 de l'article 4.
20 CICR, «Les démarches du CICR en cas de violations du droit international humanitaire», Revue internationale de la Croix-Rouge, no 221, mars-avril 1981, pp. 79–86.Google Scholar
21 Voir par exemple, Y. Sandoz, «Appel du CICR dans le cadre du conflit entre l'Irak et l'Iran», Annuaire français de Droit International, 1983, pp. 161–173.Google Scholar
22 Article 1 commun aux Conventions de Genève de 1949 et par. 1) de l'article 1 du Protocole I de 1977.
23 Même après avoir consenti à l'envoi de secours, le Gouvernement sri lankais a souligné que l'aide n'était pas nécessaire et qu'il ne l'acceptait que «dans l'intérêt de relations de bon voisinage», The Guardian, Londres, 26 juin 1987, p. 10.Google Scholar
24 Pictet, J. S. (sous la dir. de) op. cit., pp. 118–119.Google Scholar
25 Ibid., pp. 119–120.
26 Ibid.
27 Bothe, M. et al. , New Rules for Victims of Armed Conflicts, Martinus Nijhoff Publishers, La Haye/Boston/Londres, 1982, p. 435Google Scholar (commentaire de l'article 70 du Protocole additionnel I de 1977).
28 Voir le commentaire de l'article 12 de la Première Convention de Genève, J. S. Pictet (sous la dir. de), op. cit., pp. 151–152.
29 CICR, Kampuchéa, Genève, octobre 1981, p. 13Google Scholar; voir aussi p. 6.
30 Voir par exemple l'article 70 du Protocole I.
31 Par exemple, il est interdit d'utiliser contre les personnes civiles la famine comme méthode de guerre (Protocole I, art. 54 et Protocole II, art. 14 respective ment). En outre, pour que d'autres parties d'une disposition aient un sens, la discrétion ne peut pas être illimitée (voir par exemple le par. 1) de l'art. 70 du Protocole I), et un traité doit être interprété en bonne foi (Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969, par. 1 de l'art. 31). Evoquant l'article 18 du Protocole II sur les sociétés et les actions de secours dans les conflits armés internes, le Département d'Etat des Etats-Unis a observé: «cette importante disposition… résulte d'un compromis avec les délégations [à la Conférence diplomatique] qui n'étaient pas disposées à accepter une obligation inconditionnelle d'autoriser et de faciliter les envois de secours. Pour leur part, les Etats-Unis s'attendraient à ce que l'exigence de l'assentiment de la partie intéressée ne soit pas appliquée de façon arbitraire et que les envois de secours indispensables ne soient restreints ou interdits que pour les raisons les plus imperatives et légitimes» (Message du Président transmettant le Protocole II au Sénat, 29 janvier 1987, 26 ILM (1987) 561 at 567).
32 Voir également l'article 5 de la Quatrième Convention de Genève, qui prive des droits prévus dans la Convention, entre autres, une personne protégée qui «fait individuellement l'objet d'une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l'Etat». Néanmoins, ces personnes doivent être traitées avec humanité et ne seront pas privées de leur droit à un procès équitable et régulier.
33 Voir par exemple les articles 30 et 143 de la Quatrième Convention de Genève qui autorise le CICR à rendre visite aux personnes protégées.
34 J.S. Pictet (sous la dir. de), Commentaire (de la Quatrième Convention de Genève de 1949), CICR, Genève, 1958, p. 240.
35 Ibid.
36 Voir par exemple l'article 26 de la Première Convention de Genève sur les sociétés de secours volontaires et l'article 63 de la Quatrième Convention sur les sociétés de secours dans les territoires occupés.
37 Voir par exemple l'article 61 de la Quatrième Convention de Genève sur la distribution de secours.
38 En fait, il s'agit là peut-être d'un acte assez courageux de la part de la Croix-Rouge indienne, qui illustre le principe d'indépendance de la Croix-Rouge, The Guardian, 3 juin 1987, p. 6.Google Scholar
39 Voir le par. 4) de l'article 81 du Protocole I.
40 Les accords de statut du CICR en sont un exemple.
41 A titre d'illustration, la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge conclut généralement avec son personnel sur le terrain des accords définissant les conditions de sa mission. Si ce personnel est détaché par une Société nationale, il peut également avoir signé un accord similaire avec celle-ci.
42 The Guardian, 4 juillet 1987, p. 6.Google Scholar
43 Cependant, même la tenue de dossiers doit se faire de façon à ne pas compromettre l'opération de secours. Dans l'action de secours au Sri Lanka, la presse de langue anglaise de Colombo, qui serait influencée par le Gouvernement, a accusé le personnel de la Croix-Rouge indienne de constituer des dossiers sur des allégations de disparitions et d'abus des forces gouvernementales. Ces accusations ont été démenties par la Haute Commission indienne, The Guardian, 1 juillet 1987, p. 10.Google Scholar
44 On assiste peut-être à l'élaboration d'une règle coutumière tendant à donner à l'emblème de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge un pouvoir de protection s'il est arboré par des personnes ou unités autorisées dans des situations de conflit interne, du moins dans celles visées par l'article 3 commun aux Conventions de Genève, même si ces situations ne justifient pas l'application du Protocole II. On pourrait aussi soutenir que cette règle coutumière s'applique également aux troubles et tensions internes qui relèvent des instruments internationaux des droits de l'homme mais non de l'article 3 commun, ce qui prête davantage à controverse mais n'est pas totalement infondé.
45 Voir Note 20 supra.
46 Voir Note 4 supra.