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Vinay Swamy et Louisa Mackenzie (dirs.), Devenir non-binaire en français contemporain. Genre(s) et création. Paris : Editions Le Manuscrit, 2022, xxvi + 254 pp., IBSN : 978 2 304 05242 8.

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Vinay Swamy et Louisa Mackenzie (dirs.), Devenir non-binaire en français contemporain. Genre(s) et création. Paris : Editions Le Manuscrit, 2022, xxvi + 254 pp., IBSN : 978 2 304 05242 8.

Published online by Cambridge University Press:  21 October 2022

Chantal Crozet*
Affiliation:
Global and Language Studies School of Global, Urban & Social Studies RMIT University GPO Box 2476, Melbourne VIC 3001 Australia chantal.crozet@rmit.edu.au
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Abstract

Type
Book Review
Creative Commons
Creative Common License - CCCreative Common License - BY
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Copyright
© The Author(s), 2022. Published by Cambridge University Press

Cet ouvrage collectif offre un éventail impressionnant de réflexions sur les défis que représente le vécu non-binaire dans un espace francophone, tant au niveau linguistique et culturel que pédagogique. Une de ses originalités est l’espace interculturel dans lequel il se situe. Les auteurs sont d’origine nord-américaine ou française, et quatre des huit chapitres sont traduits de l’anglais. L’espace francophone non-binaire qui est exploré est riche et varié. L’intérêt commun des auteurs est d’étudier, de mieux comprendre, le vécu du sujet non-binaire francophone où qu’il se trouve, en milieu ambiant dominant anglophone ou francophone. A travers les divers chapitres émane une volonté de préférer les lieux d’entente et de collaboration, plutôt que de tension, entre la binarité telle qu’elle est vécue en France et en Amérique du Nord. Louisa Mackenzie (chapitre six) rappelle, à juste titre, que dans ce domaine la France est à la fois en dialogue et indépendante des Etats-Unis, les deux pays ayant leurs propres et longues histoires d’activisme pour la défense de la non-binarité. Histoires qui continuent de se développer en parallèle à travers les débats actuels.

Certains chapitres abordent la question de langue de plus près, d’autres focalisent sur la question identitaire, l’une et l’autre étant toutefois toujours présentes.

Dans « Le masculin l’emporte » : stratégies linguistiques et politiques de genre dans les associations LGBT+ en France (chapitre 1), Flora Bolter considère non seulement les initiatives des associations LGBT+ en France pour la création d’une langue plus équitable pour tout individu genré ou non, elle dévoile aussi certains usages individuels qui défient la binarité linguistique de la langue française selon le contexte, invitant à accepter ‘la nébuleuse de possibilités’ (p.40) actuelle en termes d’expression non-binaire.

Dans Briser le silence, occuper l’absence : transféminismes francophones et injustices épistémiques (chapitre 2), Alexandre Baril, chercheur transféministe bilingue, aborde les tensions entre féminisme et transféminisme, notant l’invisibilité encore trop récurrente des personnes trans, intersexes genderqueers et non-conformes de genre dans les espaces francophones.

Dans « Faut-il choisir ? » : non-binarité et transidentité dans les cours de langue française, Blase A. Provitola (chapitre 3), professeur transgenre, partage son expérience personnelle auprès de ses étudiants et collègues en ce qui concerne ses pratiques d’inclusion/expression non-binaire qu’iel actualise dans le respect de la vie privée.

Dans Réflexions transnationales sur la corporéité des pronoms non-binaires (chapitre 4), Logan Natalie O’Laughlin fait aussi part de son expérience personnelle en tant que personne transgenre usant des pronoms de genre dans trois langues différentes : anglais, français et allemand. Il invite à considérer toute langue comme un champ de potentialités uniques et non-conformes pour exprimer le genre, tout en reconnaissant la complexité du positionnement que les enseignants de français doivent naviguer entre soutien aux personnes non-binaires et désir de soutenir des décisions personnelles éclairées et non-imposées.

Dans Variation interculturelle de la perception du spectre masculin-féminin : indexation française et américaine de la voix genrée (chapitre 5), Maria Candea et LeAnn Brown font part de leurs travaux démontrant que la perception de la voix humaine est largement amorphe, suggérant qu’étudier cette perception peut ainsi contribuer à l’identification et à la reconnaissance d’un genre non-binaire.

Dans Par-delà la pensée binaire franco-américaine sur le genre non-binaire, Louisa Mackenzie (chapitre 6) explore les expériences de non-binarité de sujets francophones dans un contexte américain, suggérant que les tensions entre langue bigenrée et identité non-binaire peuvent être résolues en mobilisant et transformant la culture anglophone au service d’une non-binarité francophone vécue en dehors des institutions.

Dans Un déclic Gestalt pour la langue française : arguments pour un genre non-binaire (chapitre 7), Vinay Swamy, professeur de français aux Etats-Unis distingue et explore écriture inclusive et subjectivités non-binaires en tant que résistance au cispatriarcat, arguant que la langue française rend invisible le féminin et le non-binaire, prônant la nécessité de surmonter les défis historiques liés au genre dans cette langue, en vue de créer la possibilité d’une expression neutre ou inclusive en français.

Le dernier chapitre de l’ouvrage, Devenir non-binaire : un entretien avec Alpheratz (chapitre 8), par Louisa Mackenzie et Vinay Swamy se lit à la fois comme un aboutissement et une ouverture. Ecrit en français neutre tel que préconisé par Alpheratz (linguiste francophone), il permet au lecteur d’explorer la pensée de l’auteur sur la conceptualisation et le vécu du genre ‘spectral’, neutre ou non-binaire qu’il situe dans un espace non-déterminé et fluide. Les nombreux exemples de français neutre dans ce chapitre ancrent les possibilités d’écriture neutre dans une nouvelle réalité, ce qui ne sera pas au gout de tous mais démontre qu’il est possible d’innover linguistiquement en faveur d’une langue française non-genrée, ou du moins une langue plus fluide en matière d’expression du genre.

Cet ouvrage collectif aborde un sujet sensible sans heurter. Un tour de force qui explore et informe, sans être prescriptif, sur le vécu des personnes non-binaires dans des espaces francophones variés. Comme le titre l’indique la non-binarité en français contemporain est en devenir. Elle se doit, comme en témoigne ce livre, d’être pensée en mettant diverses perspectives francophones et autres en dialogue plutôt qu’en opposition, l’enrichissant et la rendant plus convaincante de ce fait.