Published online by Cambridge University Press: 01 December 2020
Traditional academic criticism has looked for the unity of Mme de Lafayette's La Princesse de Clèves in the correspondence with its times, with the leading writers and thinkers of the period. New criticism believes the unity of the novel resides in a particular view of life of the author, pessimistic and even desperate, expressed in an individual style. In contrast with both the traditional and contemporary views the unity of the work consists of the creation of the inner life and personality of the main character who, significantly, gives her name to the novel; and of a complex but definite structure with themes and variations resembling a musical composition. The inner life of the main character is presented through two moral tests and culminates in a free choice which represents her total being: intellectual, moral, emotional. There is, therefore, no mutilation, no sacrifice of one aspect of herself to some external ethical standard, but full realization of the potentialities set forth by the novelist at the outset. (In French)
1 L'Intelligence et l'Echafaud, dans Théâtre, récits, nouvelles, Bibliothèque de la Pléiade (Paris: N.R.F., 1962) p. 1890.
2 A. Adam, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle (Paris: Domat, 1954), iv, 184–92. Ch. Dédéyan, Madame de Lafayette, 2ème éd. (Paris: Société d'édition d'enseignement supérieur, 1965), Chs. v, vi, vii: “Les Sources littéraires de La Pr. de CL”; Ch. viii: “Les Sources vivantes de La Pr. de Cl.”
3 A. Camus, L'Intelligence, p. 1890: “… il me semble que Mme de Lafayette ne vise, rien d'autre ne l'intéressant au monde, qu'à nous enseigner une très particulière conception de l'amour. Son postulat singulier est que cette passion met l'être en péril.” Serge Doubrovsky, “La Princesse de Clèves: une interprétation existentielle,” La Table Ronde (juin 1959), p. 36, se propose de découvrir “les affinités spirituelles les plus intimes entre le pessimisme de Mme de Lafayette et le désespoir de notre propre temps.” Il conclut, p. 51: “Les thèmes centraux du livre—l'échec de l'humanisme, l'impossibilité de l'amour, l'absence de Dieu et le vertige du suicide—ont un accent des plus contemporains.” Georges Poulet, “Madame de Lafayette,” dans Eludes sur le temps humain (Paris: Pion, 1950), p. 122: “L'œuvre de Mme de Lafayette n'a qu'un but: trouver les rapports de la passion et de l'existence.” Et p. 125 : “L'amour apparaît dès lors comme une force explosive qui rompt la continuité de l'être.” Jean Rousset, “La Princesse de Cleves,” dans Forme et signification (Paris: Corti, 1964), p. 24: “Quand la passion s'est emparée d'un être, il ne peut plus vivre. Cette expérience s'accorde avec une exigence esthétique pour rendre inconcevable une fin optimiste . . . l'amour est pour Mme de Lafayette un maléfice et une perte de substance qui contraint les malheureux atteints de ce mal à se détruire, à se retirer de la vie.”
4 A. Adam, Histoire, iv, 186: “Mais plus qu'un tableau de mœurs, &Pr. de Cl. était une tragédie de l'amour et de la jalousie. Elle se jouait à trois personnages et se développait avec la même stricte rigueur qu'une pièce de Racine.”
5 Jean Fabre, “L'Art de l'analyse dans La Princesse de Cleves,” Publications de la Faculté des Lettres de Strasbourg, No. 105 (Strasbourg, 1945), Pt. il, Etudes littéraires, p. 278. Et il conclut, p. 285: “Madame de Lafayette a donc réalisé le rêve qui sollicite tout grand artiste et qui est de créer une forme nouvelle.”
6 J. Fabre, “L'Art de l'analyse . . . ,” pp. 304–05: “Elle … a confié à des êtres selon son cœur—et ne pouvait confier qu'à eux—le secret de sa défiance et de sa mélancolie … Il n'est pas de romancier digne de ce nom qu'une sympathie profonde ne lie à ses personnages, mais dans le cas de la Pr. de Cl. on n'y sent aucun effort de dédoublement ou de transposition.”
7 J. Fabre a judicieusement noté que la structure du roman diffère aussi bien de celle de l'histoire et des mémoires que de celle de la tragédie : J. Fabre, “Bienséance et sentiment chez Mme de Lafayette,” Cahiers de l'Association internationale des Etudes Françaises, No. 11 (mai 1959), p. 40, et “L'Art de l'analyse . . . ,” pp. 281, 294.
8 J. Fabre, “Bienséance et sentiment. . . ,” p. 62: “Romancière et non moraliste, elle ne formule pas de vérités abstraites, mais en révèle de vivantes.”
9 Jules Brody, “La Princesse de Cleves and the Myth of Courtly Love,” University of Toronto Quarterly, 38 (1969), 106–30, montre bien que le processus d'idéalisation de Nemours répond aux conventions du genre et de l'esprit romanesques et plus profondément aux besoins psychologiques de Mme de Cleves, mais qu'il est illusoire et ne change en rien la véritable nature du duc. Loin d'être une créature d'exception, selon le mythe courtois, il cherche, comme les hommes en général, la satisfaction égoïste de ses instincts.
10 Toutes les citations de La Princesse de Cleves renvoient à l'édition d'Emile Magne, dans Romans et nouvelles (Paris: Gamier, 1958).
11 Armand Hoog, “Sacrifice d'une princesse,” préface à La Princesse de Cleves (Paris: Delmas, 1956), déclare: “Voici les héros, et ils ne changeront plus.” Et il souligne ce qu'il appelle “cette singulière psychologie d'essences” (p. xvi).
12 On peut relever ici la parenté avec la pensée cartésienne, Descartes, Les Passions de l'âme, dans Œuvres et lettres,
Bibliothèque de la Pléiade (Paris: N.R.F., 1953), article 48, p. 720: “Ce que je nomme ses propres armes sont des jugements fermes et déterminés touchant la connaissance du bien et du mal, suivant lesquels elle a résolu de conduire les actions de sa vie.”
13 Brody, pp. 106–07. 14 Descartes, Les Passions de l'âme, article 27, pp. 708–09, et article 45, p. 717.
15 Bussy, Lettre à Mme de Sévigné du 29 juin 1678: “… l'aveu de Mme de Cleves à son mari est extravagant . . . L'auteur, en le faisant, a plus songé à ne pas ressembler aux autres romans qu'à suivre le bon sens.” Lettres de Mme de Sévigné, Bibliothèque de la Pléiade (Paris : N.R.F., 1960), ii, 1043.
16 Le “repos,” en tant que valeur morale, est invoqué et recherché par les héros cornéliens: Auguste, dans Cinna v.376, v.622; Pauline dans Polyeucte v.611. Il s'agit pour eux, non pas d'un état passif et négatif, mais d'un état de paix intérieure auquel le héros ou l'héroïne parvient par un effort du jugement et de la volonté pour dompter les passions.
17 Valincour, Lettres à Madame la Marquisexxx sur le sujet de la Princesse de Cleves (Paris : Bossard, 1925), p. 125, est sévère pour M. de Cleves: “Je n'ai presque vu personne qui l'ait plaint … Et de bonne foi, quelle compassion pour un homme qui meurt parce qu'il veut mourir; qui meurt comme un sot, sans vouloir être éclairci; qui s'afflige et se désespère sans savoir de quoi?”et p. 127: “En vérité, je ne puis m'empêcher de le haïr un peu de sa folie, malgré toute son infortune …” Le terme de “folie” indique, malgré l'absence de véritable compréhension de la part de Valincour, la nature et les conséquences de la crise psychologique qui aboutit à la mort du prince.
18 “Sur La Princesse de Cleves” dans Répertoire (Paris: Editions de Minuit, 1960), pp. 76–77.
19 G. Poulet, Etudes sur le temps humain, p. 131 : “Ainsi le passé prend toute sa force, la force d'un irréparable.”
20 Poulet, pp. 128–29: “De l'expérience vécue Mme de Cleves a tiré un jugement de condamnation qui ne frappe pas seulement son amour passé, mais l'amour futur, mais la passion en soi. La passion est mauvaise, non parce qu'elle a eu pour effet précisément de faire mourir M. de Cleves, mais parce que la mort de M. de Cleves est le symbole de tous les désordres et malheurs auxquels elle conduit.”
21 A opposer à l'attitude d'une convertie: “Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée …” dit Pauline dans Polyeucte v. v. 1727.
22 “Vous me demandez, Madame, les motifs qui m'ont déterminé à quitter le monde. Je vous diray simplement que je le laissay parce que je n'y trouvay point ce que j'y cher-chois. J'y voulois un repos qu'il n'estoit point capable de me donner.” Lettre de l'abbé de Rancé du 22 novembre 1686 à Mme de Lafayette. Mme de Lafayette, Correspondance, éd. A. Beaunier (Paris: N.R.F., 1942), ii, 141.
23 Faute de mieux, les termes du vocabulaire religieux se trouvent utilisés ici pour décrire un perfectionnement, un progrès spirituel dont l'origine est naturelle et non surnaturelle.