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Problématiques d’accumulation chez les aînés : l’expérience de proches aidants québécois au sein des services communautaires et publics

Published online by Cambridge University Press:  14 April 2023

Annik Moreau*
Affiliation:
École de travail social et de criminologie, Université Laval, Québec (Québec) G1V 0A6, Canada
Bernadette Dallaire
Affiliation:
École de travail social et de criminologie, Université Laval, Québec (Québec) G1V 0A6, Canada
*
Corresponding author: La correspondance et les demandes de tirés-à-part doivent être adressées à : / Correspondence and requests for offprints should be sent to: Annik Moreau, École de travail social et de criminologie Université Laval 1030, Avenue des Sciences Humaines Québec (Québec), G1V 0A6 (annik.moreau.1@ulaval.ca)
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Résumé

Cette recherche qualitative traite de la situation des proches aidants des aînés composant avec une problématique d’accumulation (trouble d’accumulation compulsive, autonégligence, syndrome de Diogène). Il s’agit d’un contexte de la proche aidance qui a été jusqu’à maintenant peu étudié, où les réalités du vieillissement et de la santé mentale sont en interaction. Onze proches aidants et huit intervenants sociaux des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches ont participé à des entretiens semi-dirigés, lesquels ont été soumis à une analyse thématique de contenu. Nos résultats indiquent que malgré l’interaction du vieillissement et de problématiques de santé mentale, ce sont les enjeux liés au vieillissement qui déclenchent le début de la proche aidance, puis le maintien de cet engagement dans la durée. Ils nous montrent aussi que des efforts de concertation et de coordination devraient être déployés afin que les différents acteurs interpellés prévoient des trajectoires de services pour la personne âgée et les proches avant que le problème d’accumulation engendre des enjeux de sécurité importants. Dans ces trajectoires, les organisations sociosanitaires gagneraient à davantage reconnaître les savoirs des proches et à mettre à leur disposition les services requis pour répondre à leurs besoins spécifiques.

Abstract

Abstract

This qualitative study examines the situation of informal caregivers of elderly people faced with a hoarding problem (e.g., compulsive hoarding disorder, self-neglect, and Diogenes syndrome). Few studies have examined this particular context of family care, at the intersection of the realities of aging and mental health. Eleven caregivers and eight social workers from the Capitale-Nationale and Chaudière-Appalaches regions took part in a series of semi-structured interviews that were analyzed for their thematic content. Our results indicate that, despite interactions between the aging and mental health problems, it is the issues related to aging that trigger the start of informal caregiving and then the maintenance of this commitment over time. They also show us that concerted efforts need to be made and coordinated so that the various actors involved can plan service trajectories for the elderly and their families and friends before the hoarding problem generates major safety issues. The social and health organizations in these trajectories would benefit from recognizing the knowledge of family and friends and from providing them with the services they need to meet their specific needs.

Type
Article
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Copyright
© Canadian Association on Gerontology 2023

Introduction

La syllogomanie est un diagnostic distinct depuis la dernière mise à jour du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders en 2013. Elle se caractérise par une difficulté et une souffrance à se départir des objets, ce qui amène un encombrement du milieu de vie. Elle touche de 2% à 6% de la population, la proportion étant plus importante chez les personnes âgées de 55 ans et plus, soit d’environ 6% (American Psychiatric Association, 2013). Les personnes âgées composant avec cette problématique peuvent avoir des besoins qui découlent à la fois d’une perte d’autonomie fonctionnelle et de l’encombrement de leur milieu de vie. Il ressort des recherches québécoises et canadiennes traitant de la situation des aînés touchés par un trouble mental (donc incluant ceux qui souffrent de syllogomanie) que l’administration des programmes psychosociaux peut être un obstacle à l’accessibilité aux services pour cette catégorie d’aînés, puisque les modalités d’admissibilité, tel que le guichet unique, génèrent des formes d’exclusion en raison de la rigidité de leurs critères (MacCourt, Wilson, et Tourigny-Rivard, Reference MacCourt, Wilson and Tourigny-Rivard2011; Moreau et Dallaire, Reference Moreau and Dallaire2020; Nour, Dallaire, Regenstreif, Hébert, et Moscovitz, Reference Nour, Dallaire, Regenstreif, Hébert, Moscovitz, Charpentier, Guberman, Billette, Lavoie, Grenier and Olazabal2010). Ces difficultés d’accès peuvent évidemment engendrer des conséquences sur la situation des proches aidants de ces aînés, qui doivent compenser le manque de services, afin de répondre aux besoins découlant des incapacités liées au vieillissement et au trouble mental (Cummings et Kropf, Reference Cummings and Kropf2011).

Les recherches québécoises traitant de la proche aidance ont permis jusqu’ici de mieux connaître et reconnaître les réalités des proches aidants en documentant la charge qu’amène leur rôle, dont les conséquences biopsychosociales sur les personnes aidantes elles-mêmes, tout en mettant en lumière le fait que ces dernières constituent la pierre angulaire des soins et du maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie (Guberman et Lavoie, Reference Guberman, Lavoie, Charpentier, Guberman, Billette, Lavoie, Grenier and Olazabal2010; Kempeneers et al., Reference Kempeneers, Battaglini, Van Pevenage, Gagnon, Audy and Gerlash2015). Toutefois, aucune étude québécoise ne s’est spécifiquement intéressée à la situation des proches aidants des personnes âgées composant avec un problème d’accumulation (PÂPA), un contexte où leur rôle se joue au croisement des domaines de la santé mentale et du vieillissement. Considérant le vieillissement rapide de la population québécoise (Statistique Canada, 2017), jumelé à une prévalence plus élevée de la syllogomanie chez les personnes âgées de 55 ans et plus, il est raisonnable de croire qu’il pourrait y avoir une augmentation du nombre d’aînés et de proches aidants composant avec cette problématique. Dans cette optique, il est important de mieux connaître les réalités de cette catégorie spécifique de proches aidants, à savoir : Comment sont gérées les situations d’accumulation chez les aînés aux plans législatif, organisationnel et clinique ? Comment les proches se coordonnent-ils avec les autres acteurs du réseau sociosanitaire ?

Pourquoi parler de « problématique d’accumulation » ?

L’état du milieu de vie encombré ou insalubre chez certaines personnes âgées est un phénomène qui interpelle les communautés, les cliniciens et les chercheurs depuis déjà plusieurs décennies (Clark, Mankikar, et Gray, Reference Clark, Mankikar and Gray1975). Les intervenants sociaux et les chercheurs dans le champ de la santé mentale et de la gérontologie utilisent les concepts d’autonégligence, de syndrome de Diogène, de trouble d’accumulation compulsive (TAC) ou de syllogomanie pour désigner de telles problématiques (Moreau, Reference Moreau2016; Neesham-Grenon, Reference Neesham-Grenon2012). Depuis la publication de la dernière version du DSM, la syllogomanie a été désignée comme un diagnostic distinct, sous la catégorie des troubles obsessionnels compulsifs. Toutefois, au Québec, le terme de TAC semble privilégié, particulièrement dans le champ de la santé mentale. En parallèle, dans le domaine de la gérontologie, c’est plutôt le concept d’autonégligence qui est davantage utilisé; on le définit comme étant constitué par « une vaste gamme de comportements, distribués sur un continuum d’intensité, culturellement et socialement encadrés, effectués de façon intentionnelle ou non, qui résulte en un échec à répondre à ses propres besoins ou à se procurer des soins, et qui présentent un potentiel de conséquences négatives sur le bien-être, la santé et la sécurité de la personne et d’autrui » (Calvé, Beaulieu et Pelletier, Reference Calvé, Beaulieu and Pelletier2016, p. 6).

L’ensemble des concepts utilisés pour désigner ces phénomènes partagent plusieurs caractéristiques communes. Par exemple, les conséquences de l’autonégligence, tels les risques accrus de chutes, de blessures, d’éviction, d’isolement social et de détérioration de l’état de santé (Calvé, Beaulieu, et Pelletier, Reference Calvé, Beaulieu and Pelletier2016; Tompkins, Reference Tompkins2015) sont les mêmes que celles que l’on associe au TAC. L’autonégligence et le TAC peuvent être considérés à la fois comme des phénomènes distincts ou coexistants, l’encombrement du milieu de vie pouvant être l’une des manifestations de l’autonégligence. Ce contexte nous a donc amenées à utiliser le terme « problème d’accumulation » pour réaliser cette étude, d’autant plus que le diagnostic de syllogomanie demeure peu connu et difficile à établir. Cette appellation nous a permis d’aborder le phénomène de façon globale, tout en facilitant le recrutement des participants, qui saisissaient ainsi plus facilement le phénomène étudié.

Les problèmes d’accumulation chez les aînés et leurs conséquences pour les proches

Les premiers comportements d’accumulation se manifestent durant l’enfance et s’aggraveraient à chaque décennie de vie, ce qui expliquerait le fait que leur prévalence est plus grande chez les personnes de 55 ans et plus. Cependant, ce n’est pas le simple fait de vieillir qui exacerberait les problèmes d’accumulation, mais plutôt les événements courants du vieillissement qui contribueraient à l’amplification des comportements d’accumulation. Par exemple, le fait de demeurer plusieurs décennies dans le même domicile, d’avoir des problèmes de santé physique (maladies chroniques, mobilité réduite, niveau d’énergie diminué), des transformations au sein du réseau social (par ex., décès du conjoint), le manque de soutien social et l’insécurité financière engendrée par la retraite peuvent exacerber les problèmes d’accumulation déjà présents (Eckfield et Wallhagen, Reference Eckfield and Wallhagen2013; Steketee, Schmalisch, Dierberger, DeNobel et Frost, Reference Steketee, Schmalisch, Dierberger, DeNobel and Frost2012; Tompkins, Reference Tompkins2015).

Vu leur état de santé ou leur condition physique qui peut décliner, les personnes âgées composant avec un problème d’accumulation (PÂPA) se retrouvent plus à risque de faire une chute, se blesser ou de ne pouvoir quitter les lieux en cas d’incendie. Plusieurs PÂPA répondent difficilement à leurs besoins de base en raison de l’encombrement d’utilités comme le four, le bain, le lit, ou encore l’accès restreint à leurs médicaments. Chez les personnes âgées présentant des troubles cognitifs, d’autres risques particuliers s’ajoutent, dont celui d’ingérer de la nourriture périmée ou d’autres substances nocives (Eckfield et Wallhagen, Reference Eckfield and Wallhagen2013; Tompkins, Reference Tompkins2015).

Les aidants des PÂPA ont à exercer leur rôle dans un contexte où les phénomènes du vieillissement et du trouble mental sont en interaction, ce qui peut exiger de répondre à une double demande (Cummings et Kropf, Reference Cummings and Kropf2015). Ils assument de multiples responsabilités, allant de la gestion des finances personnelles, au soutien émotif, à la supervision des soins d’hygiène ou à la gestion des rendez-vous médicaux et sociaux (Grisham, Steketee et Frost, Reference Grisham, Steketee and Frost2008). Plus l’âge de la personne accumulatrice est avancé, plus celui-ci aurait un impact significatif sur le bien-être et le fonctionnement social des proches aidants (Drury, Ajmi, Fernández de la Cruz, Nordsletten et Mataix-Cols, Reference Nordsletten, Fernández de la Cruz, Drury, Ajmi, Saleem and Mataix-Cols2014). L’un des principaux obstacles rencontrés par les proches aidants découle de la difficulté de la PÂPA à reconnaître sa situation comme problématique et le fait qu’elle puisse percevoir l’aide comme une menace. Les proches aidants doivent donc déployer des efforts émotionnels importants, surtout lorsqu’il est question de se départir des biens ou du désordre, deux aspects pouvant être sources de conflits (Park, Lewin et Storch, Reference Park, Lewin and Storch2014; Wilbram, Kellett et Beail, Reference Wilbram, Kellett and Beail2008).

Réponses offertes par le réseau sociosanitaire et le milieu communautaire du Québec

Chacune des régions du Québec est desservie par un Centre intégré en santé et services sociaux (CISSS) ou un Centre intégré universitaire en santé et services sociaux (CIUSSS) et des organismes communautaires. Peu de PÂPA vont chercher du soutien dans les ressources publiques ou communautaires et les références pour les problèmes d’accumulation proviennent généralement de tiers (services municipaux, professionnels de la santé et des services sociaux, propriétaires, familles) (Bodryzlova et O’Connor, Reference Bodryzlova and O’Connor2018). De plus, les modes de gestion des programmes psychosociaux peuvent être un obstacle à l’accessibilité et à une prestation de services intégrés répondant pleinement aux différents besoins des aînés composant avec un trouble mental, en raison de la rigidité des critères d’admissibilité. Ces difficultés d’accès et de prestation de services peuvent évidemment engendrer des conséquences sur la situation des proches aidants, qui se retrouvent à devoir répondre eux-mêmes autant aux besoins découlant des incapacités liées au trouble mental qu’à ceux découlant du vieillissement (Cummings et Kropf, Reference Cummings and Kropf2011; Moreau et Dallaire, Reference Moreau and Dallaire2020; Nour et al., Reference Nour, Hébert, Lavoie, Moscovitz, Billette and Regenstreif2013).

Les instances régionales de santé publique sont des acteurs significatifs en ce qui concerne les problèmes d’accumulation puisque, selon certaines études, elles seraient impliquées dans 63.8% des situations dans lesquelles les intervenants de première ligne en santé mentale sont interpellés (Bodryzlova et O’Connor, Reference Bodryzlova and O’Connor2018). Elles ont parfois le pouvoir d’exiger que le milieu de vie de la PÂPA soit vidé dans les cas extrêmes d’insalubrité et de risques pour la santé. Certaines instances régionales de santé publique du Québec se sont donc coordonnées avec les services sociosanitaires de leur région afin d’assurer des interventions adaptées dans les situations d’accumulation et favoriser la collaboration et l’adhésion des personnes accumulatrices aux services (Lacombe et Cossette, Reference Lacombe and Cossette2018).

On sait par ailleurs que le Québec dispose d’entreprises d’économie sociale en soutien à domicile (EESAD) permettant aux personnes d’avoir des services d’entretien ménager à moindre coût (Vaillancourt et Jetté, Reference Vaillancourt, Jetté and Vaillancourt2003). Cependant, vu l’encombrement qui peut être important et la présence de saletés ou d’insalubrité, certains de ces organismes ne desservent plus les personnes présentant une problématique d’accumulation (Moreau, Reference Moreau2016).

La Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui, communément appelée « Loi P-38 », permet aux intervenants sociaux ou policiers de priver temporairement une personne de sa liberté, en raison de la dangerosité de son état mental envers elle-même ou autrui. Malgré le caractère exceptionnel de cette loi, elle semble souvent appliquée dans les situations d’accumulation, puisque 73.9% des interventions au programme Santé mentale s’effectuent en contextes d’urgence et que dans 50% de ces situations la loi a dû être appliquée (Bodryzlova et O’Connor, Reference Bodryzlova and O’Connor2018; O’Connor et Koszegi, Reference O’Connor and Koszegi2016). D’autres instances, comme les services municipaux ou la Régie du logement du Québec, peuvent être impliquées dans les situations d’accumulation et utiliser leurs pouvoirs légaux tels des mises à l’amende, avis d’éviction, etc.

Enfin, notons que le Québec s’est doté en 2021 de sa première politique pour les personnes proches aidantes et d’un plan d’action gouvernemental incluant des mesures pour mieux soutenir les proches aidants dans leur rôle (en matière d’informations, de soutien psychosocial, d’accès aux services de soutien à domicile, etc.), dans une approche qui se veut axée sur le partenariat avec les proches aidants (Gouvernement du Québec, 2021; Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2021).

Nécessité d’une approche écologique pour l’analyse des situations vécues par les PÂPA et leurs proches aidants

Les constats empiriques présentés ci-haut montrent bien qu’au-delà de sa réalité comme condition au sens psychiatrique, le problème d’accumulation est un phénomène psychosocial impliquant la personne et ses environnements proximaux et distaux, donc les acteurs qui y évoluent (Dallaire et Desrosiers, Reference Dallaire, Desrosiers, Bergeron-Leclerc, Morin, Dallaire and Cormier2019) – incluant, au premier chef, les proches aidants. On voit donc la nécessité d’adopter des approches d’analyse multiniveaux, afin de bien saisir la complexité des phénomènes en cause. À cet égard, des modèles tels que celui du Vieillissement en santé (VES), développés au Québec par Cardinal, Langlois, Gagné et Tourigny (Reference Cardinal, Langlois, Gagné and Tourigny2008), s’avèrent particulièrement appropriés. Le modèle VES interpelle différents acteurs qui se situent à plusieurs niveaux d’intervention et d’action (la personne âgée elle-même, ses proches, la communauté, le gouvernement et ses organisations, la société), lesquels sont en interaction et peuvent influencer les conditions du vieillissement en amenant une multitude de leviers d’intervention pour favoriser un vieillissement en santé. Les leviers d’interventions se déclinent en neuf axes d’intervention. Dans le cas qui nous intéresse, les cinq premiers axes d’intervention, rattachés aux déterminants de la santé, nous ont permis d’aborder le problème à l’étude de la manière suivante : (1) l’amélioration des aptitudes et capacités des personnes âgées en agissant sur leurs croyances, leurs compétences, leurs habitudes de vie, etc.; (2) la création de milieux de vie sains et sécuritaires en agissant sur la qualité du lieu de résidence, du quartier, la sécurité du quartier, etc.; (3) l’amélioration des conditions de vie des PÂPA en agissant sur les normes sociales, les politiques sociales, etc.; (4) une organisation adéquate des services de santé et sociaux en agissant sur les relations entre les professionnels, les personnes âgées et leurs proches, les mécanismes de partage d’informations, etc.; et (5) la participation sociale de la personne âgée et l’amélioration du soutien aux proches aidants en agissant sur la qualité des liens dans les réseaux informels et formels et dans la communauté. Faisant la synthèse de plusieurs modèles intégrant les besoins spécifiques et diversifiés des personnes âgées, les déterminants de la santé, les possibilités d’actions préventives, de soins et de réadaptation à l’égard des aînés et de leurs proches, ainsi que les aspects positifs du vieillissement, le modèle VES s’inscrit résolument dans le paradigme de l’écologie sociale (Bronfenbrenner, Reference Bronfenbrenner1979). VES permet donc d’envisager des stratégies d’intervention tant sur les plans clinique qu’organisationnel et social pour maintenir ou améliorer la santé et le bien-être des aînés et, par extension, de leurs proches aidants.

Méthodologie

L’objectif de cette recherche était de mieux connaître les réalités des proches aidants des PÂPA. En particulier, nous voulions identifier différents enjeux personnels et sociaux qui marquent cette expérience particulière de la proche aidance. Le fait que cette problématique soit peu documentée justifiait l’utilisation d’un devis qualitatif, qui permet une exploration approfondie du problème selon les perspectives des acteurs (Creswell, Reference Creswell2007).

Participants et recrutement

Cette recherche s’est déroulée au Québec dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, lesquelles regroupent des milieux urbains et ruraux. Deux populations ont été ciblées : a) les proches aidants d’une personne âgée aux prises avec un problème d’accumulation vivant à Québec et ses environs et b) les intervenants sociaux œuvrant, dans les mêmes secteurs, auprès des personnes âgées vivant des situations d’accumulation et de leurs proches. La combinaison de ces deux sources nous a permis d’enrichir les données recueillies et d’avoir une vision globale du problème à l’étude (Yin, Reference Yin2013).

Les critères d’inclusion établis pour les proches aidants étaient: 1) être âgé de 18 ans ou plus; 2) résider dans la région de Québec; et 3) être le proche aidant d’une personne âgée de 55 ans et plus vivant un problème d’accumulation au moment de l’entrevue, ou l’avoir été au cours des deux années précédant l’entrevue. Les critères d’inclusion ciblés pour les intervenants sociaux étaient : 1) être un intervenant détenant une formation en travail social, éducation spécialisée ou psychoéducation; et 2) pratiquer ou avoir pratiqué, durant les deux années précédant l’entrevue, auprès des personnes âgées de 55 ans et plus aux prises avec un problème d’accumulation et de leurs proches (dans le réseau sociosanitaire public, communautaire ou privé) de la région de Québec.

Le recrutement a été réalisé d’octobre 2019 à juillet 2020 via des organismes destinés aux proches aidants, des journaux locaux, les réseaux sociaux, des courriels diffusés via l’Université Laval et l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Après avoir pris connaissance de l’annonce de recrutement diffusée ou du courriel, les participants ont contacté directement la chercheuse principale. Un total de 19 participants ont été rencontrés, soit 11 proches aidants et huit intervenants sociaux.

Collecte et analyse des données

Nous avons privilégié l’entretien semi-dirigé individuel auprès des deux groupes de participants. Les guides d’entrevue abordaient les thèmes de la proche aidance, les représentations des problématiques d’accumulation, les interactions sociales (dans la dyade aidant-aidé; entre les PÂPA, les proches et les intervenants et/ou les autres acteurs impliqués) et les services. Les guides d’entretien ont été prétestés auprès de deux proches aidants et deux intervenants. Puisque les ajustements apportés aux guides ont été mineurs, les contenus de ces prétests ont été conservés pour les analyses. Tous les entretiens ont été enregistrés avec le consentement des participants et leurs transcriptions ont été soumises à une analyse thématique de contenu, gérée à l’aide du logiciel NVivo 12. Une grille de codification a été construite durant l’analyse continue des données. Après avoir thématisé un nombre d’entretiens suffisant, la grille de codification fût soumise à un test d’accord inter-juges appliqué à un sous-échantillon de transcriptions, afin de s’assurer que les thèmes respectaient les critères d’homogénéité, de pertinence, d’exclusivité mutuelle, de fidélité et de productivité (Bardin, Reference Bardin2007; Paillé et Mucchielli, Reference Paillé, Mucchielli, Paillé and Mucchielli2016).

Caractéristiques des participants

Des 11 proches aidants qui ont participé à cette étude, la majorité étaient des femmes (n=9). L’âge moyen des participants était de 41 ans et la majorité était l’enfant de la PÂPA. Huit proches aidants vivaient en milieu urbain et trois en milieu rural. Neuf proches aidants avaient obtenu un diplôme universitaire et deux un diplôme collégial. Lors de la collecte des données, seulement deux proches aidants cohabitaient avec la PÂPA et la durée de la proche aidance parmi les participants allait de deux à plus de vingt ans. Enfin, dans le cas de six des proches aidants, la PÂPA bénéficiait ou avait bénéficié de services de santé et/ou psychosociaux et une PÂPA était en attente de service au CLSC pour la problématique d’accumulation. Pour les six PÂPA qui avaient reçu ou bénéficiaient toujours d’un ou des services, ceux-ci étaient liés à leur santé physique. Le tableau 1 présente une synthèse de la composition de l’échantillon en fonction des données sociodémographiques.

Tableau 1. Données sociodémographiques des proches aidants

* Cette donnée n’était pas disponible pour certains participants, soit parce qu’ils n’arrivaient pas à déterminer le moment où la proche aidance débutait ou encore parce qu’ils avaient de la difficulté à se percevoir comme un proche aidant.

Intervenants psychosociaux

L’échantillon des intervenants sociaux (n = 8) était composé de six femmes et deux hommes et leur âge moyen était de 36.5 ans. Les intervenants avaient une formation soit en travail social (n = 3), en éducation spécialisée (n = 3) ou en psychoéducation (n = 2). Quatre intervenants pratiquaient dans un CI(U)SSS : dans les programmes Santé mentale et dépendance (n = 2), Soutien à l’autonomie des personnes âgées (n = 1) et Déficience intellectuelle-trouble du spectre de l’autisme et déficience physique (n = 1). Quant aux intervenants issus du milieu communautaire (n = 4), ceux-ci œuvraient dans des organismes destinés aux proches aidants (n = 1), dans des organismes offrant des services pour la stabilité résidentielle (n = 2) et de soutien communautaire en santé mentale (n = 1). Autant d’intervenants pratiquaient en milieu urbain (n = 4) que rural (n = 4). Le nombre d’années d’expérience en intervention pour les problèmes d’accumulation allait de un an à 13 ans. La composition de l’échantillon selon les données sociodémographiques est présentée dans le tableau 2.

Tableau 2. Données sociodémographiques des intervenants sociaux

Résultats

Les données présentées ici ont été analysées à partir d’une grille inspirée du modèle VES de Cardinal et al. (Reference Cardinal, Langlois, Gagné and Tourigny2008), une perspective d’écologie sociale permettant de considérer les interfaces entre : (a) les besoins de la PÂPA et ceux du proche aidant (axes 1, 2 et 5); (b) les soutiens informels inhérents à la proche aidance et les services formels de prévention, curatifs et de réadaptation offerts à la PÂPA (axe 4); (c) les problèmes observés dans les services disponibles pour les PÂPA et leurs proches, ainsi que les pistes de solutions à ces problèmes (axe 4); et (d) les réalités du vieillissement et celles du trouble mental (axes 1 et 3).

L’amorce de la proche aidance

Pour la majorité des proches aidants (9/11), la PÂPA vivait avec le problème d’accumulation depuis des décennies. Un peu plus de la moitié (6/11) des proches aidants attribuaient le début de la proche aidance à une maladie et/ou un déclin physique ou cognitif chez la PÂPA. À ce sujet, deux des intervenants rencontrés ont expliqué que ce sont les problèmes de santé physique ou la perte d’autonomie de la PÂPA et les inquiétudes des proches pour sa sécurité qui amènent ces derniers à s’impliquer. Également, six participants (proches et intervenants) nous ont expliqué qu’il y a parfois un facteur déclenchant qui peut faire en sorte que la proche aidance débute, par exemple : le décès d’un membre de la famille qui soutenait la PÂPA, le désir de la PÂPA de demeurer à domicile malgré sa perte d’autonomie, les pressions exercées par les propriétaires ou la Régie du logement, des rénovations, une relocalisation, etc. Enfin, selon sept proches aidants et cinq intervenants (12/18), devenir aidant est un devoir qui s’impose en raison du lien de filiation avec la PÂPA (n = 9), de la profession de l’aidant (n = 3) (par ex., travailleuse sociale, éducation, etc.) et/ou de ses qualités personnelles (n = 2).

Les services destinés aux PÂPA

Pour faire face aux enjeux auxquels ils sont confrontés, les proches aidants vont chercher des informations (livres, Internet) et/ou des services de santé de première ligne pour la PÂPA, si elle n’en a pas déjà (n = 8). Une seule intervenante a rapporté qu’une proche aidante avait recouru à des services privés pour désencombrer le milieu de vie de la PÂPA, ce qui s’avèrerait coûteux et peu efficace à long terme, car en ciblant uniquement l’état du milieu de vie, on ne résoudrait pas vraiment la problématique et un retour de l’encombrement s’ensuit.

Des six proches aidants dont la PÂPA bénéficiait de services, tous ont rapporté des soins de santé physique, soit : des services en réadaptation (n = 3) (par ex., à la suite d’une chute, la perte d’un sens), en oncologie (n = 2) ou des services première ligne tels les soins infirmiers ou de la physiothérapie (n = 2). De ces six PÂPA, une personne bénéficiait également d’un suivi en gérontopsychiatrie. Pour l’ensemble de ces PÂPA, les familles et les proches (n = 6/6) avaient été intégrés dans les suivis et avaient eu des contacts avec les professionnels de la santé. Deux autres participants nous ont expliqué que la PÂPA était en attente de services. Une PÂPA était en attente pour un suivi en santé mentale afin de travailler sur la problématique d’accumulation suite à l’intervention des services municipaux, et le temps d’attente perdurait depuis quelques mois au moment de l’entrevue. La proche aidante a expliqué que cela cause un « vide » et fait en sorte que la PÂPA pourrait ne plus avoir la motivation ou l’espoir d’entamer un suivi lors de sa prise en charge. Une autre PÂPA était en attente des services d’une entreprise d’économie sociale en soutien à domicile (EESAD) depuis quelques mois pour de l’entretien ménager, la demande ayant été initiée par la proche aidante. À ce sujet, deux intervenantes ont mentionné que la mise en place de tels services était parfois difficile dans les situations d’accumulation, en raison des critères de salubrité de certaines EESAD.

Un proche aidant a rapporté avoir eu un bon soutien en lien avec le problème d’accumulation dans un service de réadaptation, qui a abordé directement les impacts de l’état du milieu de vie sur le fonctionnement quotidien de la PÂPA (par ex., difficulté à trouver des documents importants). Toutefois selon deux autres proches aidantes, la problématique d’accumulation n’était pas assez abordée ou approfondie, malgré les risques encourus par la PÂPA : « Je suis vraiment impressionnée de voir le nombre d’infirmières qui sont venues ici, puis qu’il y en a juste une qui a osé aborder le sujet » (Proche aidante). Alors que la présence des services peut être perçue par les proches aidants comme une occasion d’aborder et d’intervenir sur le problème d’accumulation, cela ne s’actualise pas nécessairement dans les faits : « La travailleuse sociale elle m’avait dit : « Probablement qu’on va s’opposer au retour à domicile si ta mère ne fait pas de modifications. » Mais finalement, lors de la rencontre avec la famille ils ont dit : “On ne s’oppose pas au retour, puis organisez-vous” » (Proche aidante) Consciente du fait que la problématique d’accumulation puisse dépasser l’offre de services en santé dont bénéficiait la PÂPA, cette proche aidante aurait tout de même souhaité que l’occasion soit saisie pour acheminer une référence vers un service adapté en vue du retour à domicile.

Bien qu’aucun proche aidant n’ait rapporté que la PÂPA bénéficiait de services en santé mentale, notons que les PÂPA peuvent être orientées vers des services de soutien d’intensité variable (SIV), puisque deux intervenants de notre échantillon travaillaient dans ce service et assuraient le suivi de PÂPA. Ce service est destiné aux personnes composant avec un trouble mental grave et offre la possibilité de faire des visites à domicile et des accompagnements (par ex., chez le médecin) dans une perspective de rétablissement. Enfin, des services de santé mentale et de prévention de l’instabilité résidentielle sont également offerts par les organismes communautaires. Ces services sont souvent initiés par des tiers (propriétaires, proches) et généralement déployés dans le milieu de vie de la PÂPA.

Les obstacles à la mise en place des services

Qu’il y ait des services en place ou non, aucun participant proche aidant dans notre échantillon n’a rapporté que la PÂPA bénéficiait de services spécifiquement en lien avec le problème d’accumulation. Le manque de reconnaissance du problème chez la PÂPA semble y contribuer aux yeux de certains proches aidants : « Quand elle a été hospitalisée pendant quelques mois, l’ergothérapeute avait pris des photos de son domicile, puis ma mère, elle niait. Elle disait : “Non, ce n’est pas comme ça chez nous” » (Proche aidante).

D’autres proches aidants (4/11) ont expliqué que le fait que le milieu de vie de la PÂPA n’était pas considéré insalubre ou dangereux faisait en sorte qu’ils avaient peu d’emprise pour aborder la situation avec la PÂPA et favoriser la mise en place de services : « Comme je vous dis, ce n’est pas insalubre. C’est ça qui nous bloque en fait. » Des intervenants (n = 3) ont mentionné que sans les balises légales, comme le risque d’expulsion ou une hospitalisation à la suite de l’application de la loi P-38, il est probable que les PÂPA refuseraient le soutien : « Je n’ai personne d’entièrement volontaire, je dirais plutôt que c’est du suivi semi-volontaire parce qu’il y a un risque qui fait que la personne accepte l’aide » (Travailleur social). Selon les intervenants, ce contexte contribue à l’épuisement des proches aidants, qui ont à porter la situation durant des années avant qu’il y ait des services en place.

Paradoxalement, alors que la dangerosité semble déclencher la mise en place de services, notons qu’elle peut aussi être motif à la fin de leur prestation. Un intervenant d’un CI(U)SSS nous a ainsi relaté un exemple où l’état du milieu de vie de la PÂPA ne permettant pas de lui offrir les soins infirmiers à domicile de façon sécuritaire, les proches ont dû assurer les transports de la PÂPA pour ses soins de santé jusqu’à ce qu’il y ait des changements dans le milieu de vie.

Un dernier élément pouvant expliquer que des PÂPA n’avaient pas de services en lien avec la problématique d’accumulation était les perceptions que les PÂPA peuvent avoir quant aux services psychosociaux ou dans le domaine de la santé mentale. Quatre proches aidants ont rapporté des perceptions négatives de la part des PÂPA, telle: « Son discours depuis que je suis jeune c’est : “Les psychologues sont faits pour le monde qui sont fous,” “Les travailleurs sociaux c’est pour le monde qui ont des gros, gros problèmes là !” »

Les services destinés aux proches aidants

Si les services destinés spécifiquement aux PÂPA sont plutôt rares, le soutien pour leurs proches l’est tout autant. Seuls deux proches aidants de notre échantillon avaient obtenu des services spécifiquement pour les difficultés liées à leur rôle d’aidant, soit dans le cadre de services privés ou de services psychosociaux généraux. Comme l’explique si bien l’un des proches aidants : « Dans le système de santé c’est difficile d’obtenir des services pour les proches quand il n’y a pas un patient. C’est comme si le système de santé s’intéressait aux patients. Puis à partir du moment qu’il n’y a pas de patient dans la pièce [rire], il n’y a pas de service. » Selon l’ensemble des participants (proches et intervenants), la difficulté chez les proches aidants de voir l’utilité d’un suivi pour eux-mêmes sans offrir un soutien direct à la PÂPA, le manque de connaissances sur les ressources d’aide destinées aux proches et l’absence de ressources spécifiques destinées aux problèmes d’accumulation dans la région de Québec expliquent le peu de soutien qu’ils ont actuellement. Notons néanmoins qu’une intervenante œuvrant dans un service destiné aux personnes âgées en CI(U)SSS a rapporté qu’une éducatrice spécialisée était nouvellement intégrée dans le service afin de conseiller et outiller les proches aidants.

Les services municipaux

Les services municipaux n’avaient pas été impliqués dans la majorité des situations rapportées par les proches aidants (8/9). Toutefois, deux proches aidantes ne comprenaient pas pourquoi les services municipaux n’étaient pas intervenus, vu l’état du milieu de vie de la PÂPA et le fait que les pompiers ou des inspecteurs connaissaient l’état des lieux. Quant aux intervenants, bien que la plupart avaient eu des contacts avec des services municipaux dans les suivis liés aux problèmes d’accumulation, aucun n’avait observé un suivi où les services municipaux et les familles étaient impliqués simultanément. Notons que cette donnée spécifique est manquante pour deux proches aidants et deux intervenants, en raison d’une reformulation de question dans le guide d’entrevue. Néanmoins, ces quatre participants n’ont pas fait mention des services municipaux (ou de sécurité-incendie) dans le reste de leur entretien, ni lorsque nous leur avons demandé si d’autres services avaient été impliqués dans les situations discutées.

Pour la proche aidante qui a rapporté que les services municipaux étaient intervenus auprès de la PÂPA, le signalement avait été fait par une intervenante qui craignait pour leur sécurité. Le processus a été éprouvant pour la PÂPA qui s’est trouvée sous pression. Bien que les services municipaux aient permis d’améliorer la sécurité du milieu de vie, la proche aidante qui a expérimenté ce processus a mentionné qu’elle ne referait pas la démarche, vu le stress que cela a engendré à la PÂPA et que l’état du milieu de vie était redevenu le même après quelques temps : « Je ne le referais pas étant donné qu’au final c’est pareil comme avant. Pis tout ce que ça causé comme stress à ma mère » (Proche aidante).

Une problématique taboue et méconnue

Huit proches aidants situaient explicitement le problème d’accumulation chez la PÂPA comme un trouble mental et ont fait référence aux notions d’anxiété, d’insécurité, d’émotions, de stigmate et de compulsion. Selon le discours de ces aidants, des fondements psychologiques sont à la source de l’encombrement du milieu de vie de la PÂPA, ce qui fait en sorte que la résolution du problème ne peut reposer uniquement sur la motivation.

Un total de 10 participants (six proches aidants et quatre intervenants) ont dit que les problèmes d’accumulation étaient « tabous » ou mal connus dans notre société. Cela engendre un manque de connaissance de la problématique chez les différents acteurs interpellés (PÂPA, proches, intervenants, services municipaux, services policiers, services de sécurité-incendie) et, conséquemment, un manque de ressources adaptées. Ainsi, autant les proches que les intervenants disent manquer d’informations sur le sujet et se sentir « démunis » (n = 5), que ce soit pour soutenir la PÂPA dans son quotidien (proches aidants) ou pour soutenir la PÂPA et/ou les proches aidants en intervention (intervenants).

Pistes de solutions

Autant les proches (n = 6) que les intervenants (n = 4) perçoivent que des mesures doivent être prises en amont des interventions actuellement réalisées. Huit participants ont nommé l’importance de sensibiliser la population en général via des publicités, capsules, conférences, brochures afin qu’il y ait une meilleure connaissance et reconnaissance de cette problématique. Des participants ont mentionné que de la sensibilisation devrait se faire directement auprès de tous les acteurs interpellés, qu’il s’agisse des services policiers, les intervenants, les proches, etc. De plus, certains considèrent que des interventions devraient se faire avant que la situation ne devienne dangereuse pour la PÂPA. Par exemple, les propriétaires et services municipaux qui sont aux faits d’une situation devraient intervenir et utiliser leurs pouvoirs (par ex., respect des règlements municipaux ou des clauses du bail). Enfin, le besoin des proches d’être informés (via un guide, des formations en ligne) et connaître les pratiques à privilégier et celles à éviter a aussi été relevé. Du côté des intervenants, le besoin d’avoir des balises claires pour intervenir, comme c’est le cas dans les situations de maltraitance par exemple, a été relevé.

Par ailleurs, l’organisation même des services gagnerait à être adaptée, vu la non-reconnaissance de la problématique chez la PÂPA. Une proche aidante proposait que la mise en place de services pour la PÂPA passe d’abord par un service de santé physique, lequel peut être perçu de façon moins menaçante qu’un suivi psychosocial ou de santé mentale : « Quand ça passe par le médical, les personnes âgées sont plus ouvertes on dirait » (Proche aidante). Spécifiquement pour les proches, la possibilité d’avoir accès à des interventions ou de pouvoir ouvrir un dossier au nom du proche avant que la PÂPA accepte les services a été mentionné par deux personnes. Selon eux, cela permettrait aux proches de partager le fardeau qu’ils doivent porter, dans l’attente d’une mise en place de services.

Deux participants-intervenants ont expliqué que les besoins des PÂPA étant très diversifiés, les services de la région de Québec ne seraient pas en mesure de répondre à leurs multiples besoins. Des trajectoires devraient donc être clarifiées afin de bien orienter la PÂPA selon la source du problème d’accumulation. De plus, l’accessibilité des services spécialisés de psychothérapie, d’interventions psychosociales, d’entretien ménager et de désencombrement devrait aussi être facilitée, selon six participants (proches et intervenants).

Trois personnes ont mentionné qu’une meilleure intégration des proches aidants devrait être privilégiée lorsque des services sont en place, ce qui permettrait aux intervenants d’avoir leurs avis, tout en pouvant les outiller.

En ce qui concerne l’aide offerte aux proches aidants, les besoins d’avoir un soutien direct comme de l’écoute, d’être outillé sur le problème d’accumulation, guidé sur les façons d’amener la PÂPA vers les services, être mieux préparé pour jouer leur rôle d’aidant ont été nommés par cinq proches aidants et un intervenant.

Discussion

L’objectif de cette étude était de mieux comprendre les enjeux personnels et sociaux rencontrés par les proches aidants des PÂPA. Cette catégorie de proches aidants doit composer avec les phénomènes du vieillissement et des problématiques de santé mentale et peu d’études se sont intéressées à la proche aidance dans ce contexte spécifique, qui interpelle plusieurs acteurs issus de différents niveaux (la personne âgée elle-même, ses proches, sa communauté, les services publics et privés).

Tout d’abord, le fait que l’échantillon de proches aidants était composé en majorité de personnes ayant un lien de filiation avec la PÂPA, dont une prédominance des enfants de la PÂPA (8/11) et de femmes (9/11) rejoint les résultats des études antérieures réalisées sur le sujet (Nordsletten et al., Reference Nordsletten, Fernández de la Cruz, Drury, Ajmi, Saleem and Mataix-Cols2014; Park et al., Reference Park, Lewin and Storch2014). Les données recueillies vont dans le même sens que la vaste majorité des études sur la proche aidance, qui expliquent que le rôle de proche aidant est souvent un devoir qui s’impose avec le lien de filiation et qu’il incombe encore majoritairement aux femmes (Guberman et Lavoie, Reference Guberman, Lavoie, Charpentier, Guberman, Billette, Lavoie, Grenier and Olazabal2010; Kempeneers et al., Reference Kempeneers, Battaglini, Van Pevenage, Gagnon, Audy and Gerlash2015; Wilbram et al., Reference Wilbram, Kellett and Beail2008).

Au niveau de la PÂPA et ses proches, nos résultats indiquent que malgré le fait que la PÂPA puisse vivre durant plusieurs années ou décennies avec un problème d’accumulation, c’est lors de l’apparition de problèmes de santé physique, d’un déclin fonctionnel ou d’un moment critique (besoin de relocalisation, rénovations, éviction, etc.) que s’amorce la proche aidance. Le déclin des capacités de la PÂPA fait augmenter les inquiétudes des proches quant à la sécurité de la PÂPA et les amène à s’impliquer. Ces résultats vont dans le même sens que la majorité des recherches en matière de proche aidance, qui mettent en évidence que les proches sont la principale source de soutien des personnes âgées lorsqu’elles sont confrontées à une perte d’autonomie (Cummings et Kropf, Reference Cummings and Kropf2011; Kempeneers et al., Reference Kempeneers, Battaglini, Van Pevenage, Gagnon, Audy and Gerlash2015). Cependant, nos données rapportant que les conséquences du vieillissement, davantage que le trouble mental, soient le point de bascule qui conduit à la proche aidance constituent un apport inédit issu nos résultats, en comparaison aux autres études portant sur les proches aidants des personnes accumulatrices. Ces études comportaient des échantillons majoritairement composés des enfants-adultes des PÂPA (ce qui implique que ces dernières étaient généralement âgées de plus de 55 ans) et abordaient le fardeau des aidants et les impacts de leur rôle, ainsi que les qualités psychométriques d’outils d’évaluation et l’efficacité de certaines interventions (Drury et al., Reference Drury, Ajmi, Fernández de la Cruz, Nordsletten and Mataix-Cols2014; Park et al., Reference Park, Lewin and Storch2014; Sampson, Reference Sampson2013; Sampson, Yeats et Harris, Reference Sampson, Yeats and Harris2012; Thompson, Fernández de la Cruz, Mataix-Cols et Onwumere, Reference Thompson, Fernández de la Cruz, Mataix-Cols and Onwumere2017; Tolin, Frost, Steketee et Fitch, Reference Tolin, Frost, Steketee and Fitch2008), mais ne ciblaient pas spécifiquement les facteurs, conditions ou circonstances qui, selon la perspective des proches, conduisent à l’amorce de l’aidance.

En ce qui concerne l’organisation des services et leur accessibilité (voir l’axe 4 du modèle VES), nos analyses montrent que puisque les PÂPA ont des besoins au niveau de leur santé physique, les proches aidants se dirigent vers des services sociosanitaires ou d’entretien ménager destinés aux personnes âgées. L’état du milieu de vie de la PÂPA peut toutefois être un obstacle à la mise en place ou au maintien de ces services. La quasi-totalité des proches aidants que nous avons rencontrés ont rapporté que ce problème semblait dépasser les offres de services actuels. Le problème n’étant pas pris en charge, la situation problématique de la PÂPA perdure et les proches demeurent souvent avec la responsabilité de gérer le problème d’accumulation. Des services de suivi d’intensité variable (SIV) et dans le milieu communautaire peuvent aussi être offerts aux PÂPA, lesquels sont en mesure d’intégrer les dimensions de la santé physique et mentale, mais aucune PÂPA en relation avec les proches aidants de notre échantillon n’avait eu de tels services. Ces résultats soutiennent les études antérieures, qui indiquent que les programmes sociaux destinés aux personnes âgées ou en santé mentale sont souvent impliqués dans les situations d’accumulation (Bratiotis, Woody et Lauster, Reference Bratiotis, Woody and Lauster2018; Kim, Steketee et Frost, Reference Kim, Steketee and Frost2001), mais que certains ne soient pas en mesure de répondre à l’ensemble des besoins des PÂPA, ce qui ajoute aux responsabilités des proches (Cummings et Kropf, Reference Cummings and Kropf2011, Reference Cummings and Kropf2015; Dallaire, McCubbin et Provost, Reference Dallaire, McCubbin, Provost and Lagacé2010; Moreau et Dallaire, Reference Moreau and Dallaire2020). Le fait que les services soient difficilement accessibles ou difficiles à maintenir en raison de l’état de milieu de vie de la PÂPA corrobore ce que MacCourt et al. (Reference MacCourt, Wilson and Tourigny-Rivard2011) ont expliqué concernant l’exclusion des services subie par les aînés vivant avec un trouble mental, ce qui constitue une exclusion institutionnelle (Billette et Lavoie, Reference Billette, Lavoie, Charpentier, Guberman, Billette, Lavoie, Grenier and Olazabal2010), laquelle alourdit le fardeau des proches (Wilbram et al., Reference Wilbram, Kellett and Beail2008).

Dans notre échantillon, lorsque la PÂPA avait des services, aucun n’était spécifiquement destiné au problème d’accumulation. Les témoignages que nous avons recueillis identifient quatre obstacles à la mise en place de tels services, obstacles qui s’inscrivent dans plusieurs des axes du modèle Vieillissement en santé (VES) (Cardinal et al., Reference Cardinal, Langlois, Gagné and Tourigny2008), qui a guidé nos analyses: a) le manque de reconnaissance de la problématique chez la PÂPA; b) le fait que le milieu de vie de la PÂPA ne soit pas considéré comme insalubre ou dangereux; c) la non-reconnaissance des demandes des proches pour accéder aux services psychosociaux; et d) les perceptions négatives qu’entretiennent certaines PÂPA à l’égard des services psychosociaux ou de la santé mentale. Nos résultats relatifs au manque de reconnaissance chez la PÂPA vont dans le même sens que plusieurs études qui indiquent qu’il s’agit d’une barrière importante au changement ou à l’acceptation de l’aide (Bratiotis et al., Reference Bratiotis, Woody and Lauster2018; Park et al., Reference Park, Lewin and Storch2014; Tolin, Fitch, Frost et Steketee, Reference Tolin, Fitch, Frost and Steketee2010; Tolin et al., Reference Tolin, Frost, Steketee and Fitch2008; Wilbram et al., Reference Wilbram, Kellett and Beail2008). Ces résultats mettent en évidence que la non-reconnaissance de la problématique, jumelée à l’organisation des services (fondée sur le consentement des usagers), contribue à l’épuisement des proches aidants, qui ont parfois à soutenir la PÂPA durant des années vu l’absence de services ou de ressources engendré par le refus de la PÂPA. C’est donc seulement lorsque la situation de la PÂPA s’est détériorée et qu’elle engendre un risque important ou que des aspects légaux sont en jeu que des services peuvent être mis en place, un constat similaire aux conclusions de l’étude de Bratiotis et al. (Reference Bratiotis, Steketee, Davidow, Samuels, Tolin and Frost2013). Quant aux perceptions qu’ont les PÂPA des problèmes de santé mentale et des services qui y sont reliés, elles semblent refléter que la santé mentale demeure objet de préjugés dans notre société (incluant nos concitoyens aînés) et que le problème d’accumulation peut être nié par les personnes qui composent avec celui-ci, comme c’est le cas pour les personnes vivant avec d’autres troubles mentaux (Mintz, Dobson et Romney, Reference Mintz, Dobson and Romney2003; Nour et al., Reference Nour, Dallaire, Regenstreif, Hébert, Moscovitz, Charpentier, Guberman, Billette, Lavoie, Grenier and Olazabal2010). Ainsi, afin d’être en mesure d’agir en amont sur la problématique et de l’aborder de façon globale, la mise en place d’équipes intersectorielles (regroupant des acteurs des CI(U)SSS, des organismes communautaires, des services municipaux, etc.) et de services pour les aînés composant avec cette problématique gagneraient à être mis en place.

En ce qui concerne l’intégration des proches dans les services (VES, axe 4), nos résultats indiquent qu’ils gagneraient à être davantage impliqués et qu’ils ont eux aussi des besoins qui leur sont propres, notamment le fait d’être informés, conseillés et soutenus dans leur rôle, ce qui rejoint l’ensemble des besoins des proches aidants en santé mentale identifiés par MacCourt (Reference MacCourt2013). Cependant, la centralité du patient (qui, rappelons-le, doit avoir un dossier actif) dans les organisations sociosanitaires, l’absence de ressource/service dédiée(e) aux problèmes d’accumulation dans la région de Québec et la méconnaissance des ressources destinées aux proches aidants constituent des barrières pour répondre aux besoins des aidants. À la lumière de ces constats, il sera d’un intérêt certain de suivre les retombées du tout récent Plan d’action gouvernemental pour les personnes proches aidantes, qui vise à ce que les organisations établissent un partenariat avec les proches aidants, qu’on évalue leurs besoins au sein du réseau de la santé et des services sociaux, qu’ils soient mieux informés et soutenus (Gouvernement du Québec, 2021). Bien que nos résultats indiquent que des transformations semblent se produire dans certaines organisations sociosanitaires par l’ajout de ressources, ils mettent aussi en évidence le fait que la reconnaissance des besoins des proches demeure un enjeu pour nos institutions. Ils rejoignent en cela un constat formulé dans la plupart des écrits sur la proche aidance dans le domaine de la santé mentale (Bonin et al., Reference Bonin, Chicoine, Fradet, Larue, Racine and Jacques2014; Morin, Reference Morin2016).

En lien avec les actions sur le milieu de vie de la PÂPA (VES, axe 2), nos données indiquent qu’un désencombrement imposé par les services municipaux est un processus très éprouvant et peu efficace à moyen et long terme, ce qui corrobore les résultats de plusieurs autres études traitant des problématiques d’accumulation (Frost, Steketee et Williams, Reference Frost, Steketee and Williams2000; Moreau, Reference Moreau2016; Tompkins, Reference Tompkins2015). Néanmoins, certains de nos participants perçoivent que les services municipaux devraient utiliser leurs pouvoirs légaux dès qu’ils constatent une irrégularité dans le milieu de vie de la PÂPA (par exemple en remettant un avis, en appliquant les clauses du bail), ce qui va dans le même sens que Bratiotis et al. (Reference Bratiotis, Steketee, Davidow, Samuels, Tolin and Frost2013) et Tompkins (Reference Tompkins2015), qui expliquent que des leviers légaux sont parfois nécessaires pour amener la PÂPA à faire un changement, notamment lorsqu’elle nie le problème. De tels leviers pourraient diminuer le fardeau des proches aidants, par une prise en charge plus rapide et partagée du problème (entre les proches, la communauté, les organisations), qui permettrait d’éviter une détérioration de l’état du milieu de vie de la PÂPA. La coordination entre les différents acteurs interpellés est essentielle pour s’assurer que les services soient adaptés à la situation de la PÂPA (Bratiotis et al., Reference Bratiotis, Steketee, Davidow, Samuels, Tolin and Frost2013).

Le manque de connaissances sur les problèmes d’accumulation amène une non-reconnaissance de la problématique et par extension engendre l’absence d’une réponse sociale satisfaisante face à ce problème (VES, axes 3 et 4). À cet égard, le fait que les participants situaient le problème en tant que trouble mental pourrait constituer une stratégie afin de légitimer le problème et favoriser la mise en place ou la création de services (Dallaire, Gromaire et McCubbin, Reference Dallaire, Gromaire and McCubbin2013), dans un contexte où les PÂPA et leurs proches semblent victimes d’exclusions institutionnelles (Billette et Lavoie, Reference Billette, Lavoie, Charpentier, Guberman, Billette, Lavoie, Grenier and Olazabal2010).

Plusieurs implications pratiques rattachées aux différents axes du modèle VES (Cardinal et al., Reference Cardinal, Langlois, Gagné and Tourigny2008) émergent de nos analyses. Premièrement, la société et les différents acteurs directement interpellés (PÂPA, proches, propriétaires, services municipaux, etc.) par les problèmes d’accumulation doivent être mieux informés afin de prévenir l’apparition et l’aggravation des problèmes d’accumulation. Cela pourrait se faire par différents moyens (par ex., capsules web, guide d’intervention) avec comme résultat de favoriser des milieux de vie plus sécuritaires pour les PÂPA, des services adéquats et une normalisation du fait de recevoir de l’aide pour ce problème afin d’éviter que les familles et les proches soient laissés à eux-mêmes (Bonin, Lavoie-Tremblay, Ricard, Cyr et Laroche, Reference Bonin, Lavoie-Tremblay, Ricard, Cyr and Laroche2013; Cardinal et al., Reference Cardinal, Langlois, Gagné and Tourigny2008). Deuxièmement, la mise en place de trajectoires de services qui seraient disponibles avant que la PÂPA ne se trouve dans une situation dangereuse est primordiale. Des efforts de concertation et de coordination entre les différents services et organismes sont nécessaires, puisqu’il s’agit de situations complexes pour lesquelles la prise en charge par une seule instance est rarement suffisante (Bratiotis, Reference Bratiotis2013). Troisièmement, l’organisation des services sociosanitaires destinés aux personnes âgées doit considérer davantage les savoirs des proches et travailler de concert avec eux avant la mise en place des services lorsqu’il est question de santé mentale, afin de favoriser une meilleure accessibilité à des services pour le problème d’accumulation. Quatrièmement, des services doivent être à la disposition des proches aidants afin de les soutenir dans leur rôle et répondre à leurs besoins, qui sont multiples (Bonin et al., Reference Bonin, Chicoine, Fradet, Larue, Racine and Jacques2014; Bratiotis, Reference Bratiotis2009).

Nos résultats et analyses doivent être considérés en tenant compte des limites provenant de la méthodologie appliquée dans notre étude, principalement le nombre restreint de participants (11 proches aidants et huit intervenants), les possibles biais d’autosélection et le fait que les collectes ont été réalisées seulement dans deux régions du Québec (Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches). Toutefois, certaines forces de notre étude peuvent être aussi identifiées : ainsi, le fait d’avoir obtenu à la fois les perspectives des proches aidants et celles des intervenants (issus de différents milieux de pratique) a permis de documenter une diversité d’expériences et, par là, une compréhension enrichie du problème à l’étude.

Conclusion

Rappelons que l’objectif de cette étude était de mieux comprendre les enjeux personnels et sociaux rencontrés par les proches aidants des PÂPA. Cette catégorie spécifique de proches aidants doit composer avec les réalités du vieillissement et de la santé mentale et peu d’études se sont intéressées à la proche aidance dans ce contexte. Nos résultats indiquent que malgré l’interaction du vieillissement et des problématiques de santé mentale, ce sont les enjeux liés au vieillissement qui déclenchent le début de la proche aidance, et ce, même si le problème d’accumulation était présent depuis des décennies. La proche aidance est motivée par les inquiétudes qu’ont les proches pour la sécurité de la PÂPA, ainsi que par l’absence ou l’inaccessibilité aux ressources, ce qui les contraint à y pallier (Kempeneers et al., Reference Kempeneers, Battaglini, Van Pevenage, Gagnon, Audy and Gerlash2015; Wilbram et al., Reference Wilbram, Kellett and Beail2008). Les services destinés aux PÂPA ne prennent pas nécessairement en considération le problème d’accumulation ou encore ne sont pas accessibles en raison de l’état de leur milieu de vie, ce qui constitue des exclusions institutionnelles (Billette et Lavoie, Reference Billette, Lavoie, Charpentier, Guberman, Billette, Lavoie, Grenier and Olazabal2010), lesquelles contribuent au fardeau des responsabilités portées par les proches (Cummings et Kropf, Reference Cummings and Kropf2011; Wilbram et al., Reference Wilbram, Kellett and Beail2008). Les services de SIV en santé mentale semblent en mesure d’accompagner les PÂPA pour le problème d’accumulation et leurs besoins liés à la santé, mais aucun proche de notre échantillon ne les avait côtoyés. La non-reconnaissance de la problématique chez la PÂPA, jumelée à l’organisation des services (fondée sur le consentement des usagers) contribue à l’épuisement des proches aidants, qui ont à porter la situation durant des années avant qu’il y ait des services en place. Les proches aidants ont différents besoins (information, conseils, soutien) en lien avec le problème d’accumulation, mais ceux-ci ne sont généralement pas répondus. L’accessibilité des services et leur organisation devraient être revues, afin de répondre pleinement aux besoins des PÂPA et de leurs proches, ce qui demande de considérer davantage les expériences et les demandes des proches aidants. Des recherches futures devraient s’intéresser à la proche aidance dans les situations où la personne aidée a des besoins, est réticente aux services, mais ne se trouve pas en situation de dangerosité. Cela permettrait de dégager des pistes de réflexions et de solutions pour les pratiques et les services. Dans cette optique, nous aurons un intérêt certain à porter un regard sur comment, dans le cadre du Plan d’action gouvernemental pour les personnes proches aidantes déposé par le gouvernement du Québec en 2021, cette problématique est considérée par les différents acteurs interpellés (chercheurs, proches aidants, organisations sociosanitaires) et si davantage de services seront mis à la disposition des proches pour les soutenir dans leur rôle d’aidant (Gouvernement du Québec, 2021; Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2021).

Remerciements

Les auteures tiennent à remercier les participants de cette recherche, ainsi que l’Institut sur le vieillissement et la participation sociale des aînés-U. Laval et l’équipe VIES – Vieillissements, exclusions sociales et solidarités pour leur soutien.

References

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Tableau 1. Données sociodémographiques des proches aidants

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Tableau 2. Données sociodémographiques des intervenants sociaux