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PLQ inc. : comment la police s'est butée au parti de Jean Charest Sous la direction de Jean-Louis Fortin , Montréal : Éditions du Journal, 2019, pp. 349

Published online by Cambridge University Press:  23 June 2021

Yves Laberge*
Affiliation:
Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement et à l’écocitoyenneté (Université du Québec à Montréal)
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Abstract

Type
Book Review/Recension
Copyright
Copyright © The Author(s), 2021. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

« Tout ce qui est mal en morale est encore mal en politique »

Jean-Jacques Rousseau, Lettre à D'Alembert, 1758

Ce livre non-académique résulte d'une longue enquête menée par une équipe de journalistes montréalais à propos du Parti libéral du Québec (le PLQ). Toutefois, ce livre collectif n'est pas une « histoire » du Parti libéral du Québec, comme l'avait fait avec brio le politicologue Michel Lévesque (Histoire du Parti libéral du Québec : la nébuleuse politique. 1867–1960, Québec : Éditions du Septentrion, 2013), ni le point de vue officiel sur cette formation politique. À l'origine de ce livre brûlant se trouve une équipe de reporters chevronnés, connue au Québec sous le nom de « Bureau d'enquête ». La quinzaine de journalistes ayant contribué à ce collectif a plutôt rassemblé une série de documents publics ou déclassifiés, de rapports et d'articles, en plus d'avoir mené des enquêtes journalistiques ciblées, dans la plus pure tradition américaine. Leur méthode était en apparence simple : suivre à la trace le travail des enquêteurs mandatés par l’État québécois pour en diffuser tout ce qui était rendu public, en se gardant la possibilité de compléter leurs comptes rendus par des entretiens ciblés, soit auprès des forces de l'ordre, ou soit en contactant les personnes incriminées, afin de leur donner la possibilité d'exposer leur vision des faits et de faire valoir leur défense.

Pour le résumer autrement, l'ouvrage PLQ inc. est le résultat d'une enquête journalistique à propos d'une autre enquête, cette fois menée par des escouades relevant de différents corps policiers québécois, connues sous diverses dénominations. Tout ce processus a culminé avec la Commission Charbonneau. Les coauteurs ont voulu creuser la machine de financement des partis politiques du Québec en mettant en évidence les faiblesses du système, les conflits d'intérêt et la proximité parfois trop grande entre les politiciens et le secteur privé, bien que ces pratiques fassent déjà l'objet de mesures d'encadrement. Le titre même de PLQ inc. rappelle que la politique constitue un système qui dépend pour réussir de l'efficacité de son financement. Dans le cas présent, on parle même de financement occulte; des poursuites judiciaires, des arrestations suivies de condamnations, des commissions d'enquête ont eu lieu dans la foulée de ces événements.

Indéniablement, ce PLQ inc. : comment la police s'est butée au parti de Jean Charest est un livre qui dérange et a fait l'objet de très peu de recensions. Et pourtant, une bonne partie de la substance même de ce livre était déjà connue du grand public et avait fait l'objet de reportages et d'articles au jour le jour dans différents quotidiens; mais ces écrits ponctuels étaient étalés sur près d'une dizaine d'années, tandis que le présent ouvrage réunit tous ces faits en une seule source. En suivant ces affaires au quotidien, on assistait inévitablement à une sorte de feuilletonnisation de la politique avec ses personnages-clefs, ses retournements de situation, ses faux-dénouements; et le fait de rater un « épisode » risquait parfois de rendre la suite des événements plus difficile à suivre. Par ailleurs, une impression de lassitude aurait pu émaner de toutes ces affaires assez similaires qui ont miné la confiance d'une bonne partie de la population envers une partie de ses élus. En revanche, il faut reconnaître qu'en dépit d'un sujet aride, ce PLQ inc. est rédigé dans un style vivant et précis, et qu'il comporte des centaines de notes en bas de page pour préciser des sources ou des dates de tel événement, tel article, ou d'une conversation téléphonique avec tel témoin. Certains résultats de ces longues enquêtes ont été rendus publics, lors de conférences de presse, et ces journalistes étaient présents pour poser des questions, demander des éclaircissements et confronter des points de vue apparemment opposés ou contradictoires.

Pour le lecteur vivant hors du Québec, ce regard sur ces dimensions troubles de la politique partisane doit être mis en contexte. La dynamique au Québec est à certains points semblable à ce qui se produit, officieusement ou non, ailleurs sur le continent américain, mais avec cette particularité que le Québec a établi ses propres règles et ses lois provinciales quant aux limites permises pour le financement des partis politiques. Toutes proportions gardées, des exemples similaires se trouveraient, à une autre échelle; regardons le Mexique avec l'indélogeable Parti révolutionnaire institutionnel (PRI). L'ouvrage comprend en annexes une chronologie, un glossaire des différentes commissions d'enquête ainsi que des références à des articles spécifiques de la loi qui ont été enfreints au cours de ces décennies. En outre, ce PLQ inc. pourra servir de point de comparaison avec des études similaires portant sur la corruption et les dessous du financement politique dans d'autres pays, car comme pour toutes les activités clandestines ou occultes, le plus difficile reste de mettre à jour toutes ses ramifications et de quantifier l'ampleur réelle, car souvent sous-estimée, de ces activités souterraines, difficilement mesurables. Ce sont précisément ces enquêtes et la mise à jour de ces pratiques frauduleuses qui prouvent, jusqu’à un certain point, la vigilance des personnes devant assurer l'intégrité du système; plusieurs observateurs mal informés risqueraient au contraire de conclure trop hâtivement que la scène politique québécoise serait plus permissive ou plus corrompue qu'ailleurs, ce qui serait doublement inexact et infiniment réducteur.