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Arriver à l’âge de la majorité: La trajectoire de vie de l’Institut du vieillissement des IRSC

Published online by Cambridge University Press:  20 February 2019

Yves Joanette*
Affiliation:
Directeur scientifique, Institut du vieillissement des IRSC, et professeur, Faculté de médecine, Université de Montréal
Anne Martin-Matthews
Affiliation:
Professeure, Département de sociologie, Université de la Colombie-Britannique
Réjean Hébert
Affiliation:
Doyen, École de santé publique, Université de Montréal
Joanne Goldberg
Affiliation:
Directrice adjointe, Institut du vieillissement des IRSC
*
Correspondence and requests for reprints should be sent to / La correspondance et les demandes de tirés-à-part doivent être adressées à : Yves Joanette Institut du vieillissement des IRSC 4565 ch. Reine-Marie Montréal, Québec Canada H3W 1W5(yves.joanette@umontreal.ca)
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Abstract

Type
Canadian Institutes of Health Research–Institute of Aging: Profile/Instituts de recherche en santé du Canada–Institut du vieillissement : Profil
Copyright
Copyright © Canadian Association on Gerontology 2019 

Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont été fondés en 2001 en vertu de la Loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada, L.C. 2000, c. 6 (1) (gouvernement du Canada, 2000), en remplacement du Conseil de recherches médicales (CRM) du Canada et du Programme national de recherche et développement en santé de Santé Canada qui, jusqu’alors, avaient soutenu toute la diversité de la recherche en santé au Canada. Deux importantes caractéristiques des IRSC ont joué un rôle essentiel dans le développement de la recherche sur le vieillissement. La première est que les IRSC, contrairement au CRM, ont reçu le mandat de soutenir la recherche en santé au sens le plus large, c’est-à-dire en incluant la recherche biomédicale, la recherche clinique, la recherche sur les services et les politiques de santé, la recherche sur les dimensions sociales de la santé, sans oublier la recherche sur l’éthique et d’autres aspects importants (dont la science de la recherche). La deuxième caractéristique des IRSC qui a influé sur la communauté de chercheurs sur le vieillissement a été la décision de consacrer une petite partie du budget général du nouvel organisme à des questions ou à des sujets de recherche priorisée (concours stratégiques), et d’investir la majorité du budget dans des programmes de subventions et de bourses de recherche libre, comme à l’époque du CRM (concours ouverts). Depuis leur création, les IRSC comptent 13 instituts qui jouent un rôle central dans le soutien à la recherche priorisée. En plus de mobiliser leurs communautés de chercheurs et d’intervenants, les instituts doivent être réceptifs aux besoins de celles-ci et aux lacunes/possibilités qui existent dans leur domaine, et doivent introduire de nouvelles initiatives – la plupart du temps en collaboration avec d’autres instituts – visant à combler ces besoins et lacunes et à profiter de ces possibilités.

L’Institut du vieillissement (IV) a vu le jour en même temps que les 12 autres instituts. Cette nouvelle entité allait devoir surmonter de nombreux défis puisque, à l’époque, la recherche sur le vieillissement en était encore à ses débuts. Le présent article relate le parcours de l’IV des IRSC au cours de ses 18 premières années d’existence. Ayant atteint l’âge de la majorité (ou presque), il est important que l’IV puisse avoir une réflexion sur l’évolution de ses priorités durant cette période, tout en entrevoyant certaines des nouvelles priorités qui ne devraient pas tarder à surgir.

La petite enfance (2001-2004)

Le premier directeur scientifique de l’Institut du vieillissement (IV) a été le Dr Réjean Hébert. Spécialiste en médecine gériatrique et chercheur bien connu et prolifique, le Dr Hébert était le candidat parfait pour inaugurer l’IV. Un de ses premiers gestes a été d’harmoniser les noms anglais et français de l’IV. En français, le nom de l’Institut mettait l’accent sur le vieillissement, tandis que l’appellation anglaise (Institute of Healthy Aging) joignait le vieillissement et la santé. C’est ainsi que l’Institut du vieillissement est devenu en anglais l’Institute of Aging dans toutes les versions de la documentation interne. Mais au-delà de cet important changement de nom, le premier vrai travail accompli par le Dr Hébert, avec l’appui du premier conseil consultatif de l’InstitutFootnote 1 présidé par la professeure Dorothy Pringle, a été de cerner les lacunes, les besoins et les possibilités. Résultat d’un processus rigoureux, le premier plan stratégique de l’IV était clairement influencé par la perspective du Dr Hébert sur le vieillissement de la population, à savoir qu’il ne s’agit pas d’une catastrophe, mais plutôt d’une occasion qui comporte néanmoins des défis pour notre société. Le Dr Hébert a quitté son poste en cours de mandat lorsqu’il a été appelé à remplir le rôle de doyen de sa faculté. Il est ensuite devenu le premier directeur scientifique des IRSC à occuper le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux du gouvernement du Québec. Les principales réalisations des années Hébert (2001-2004) peuvent se résumer ainsiFootnote 2 :

  • Organisation de nombreux ateliers et réunions pour s’assurer que l’Institut deviendrait le principal rassembleur du milieu de la recherche sur le vieillissement au Canada, sans égard aux barrières entre les disciplines et les secteurs.

  • Détermination que l’insuffisance des capacités de recherche sur le vieillissement constituait un des principaux défis, ce qui a mené à la prise de mesures visant à encourager la formation, à reconnaître l’excellence et à étendre le financement aux projets « subventionnables mais non financés » dans les concours ouverts, en se servant des annonces de priorité comme outil de financement. Grâce à ces mesures, de nombreux projets de recherche sur le vieillissement soumis aux IRSC à ce moment ont obtenu un financement d’un an pour permettre à leurs auteurs d’en préparer une version mieux ficelée à présenter à de futurs concours.

  • Introduction du concept de nouvelles équipes émergentes aux IRSC, qui sont devenues par la suite des équipes de premier plan au niveau national.

  • Établissement des fondements du partenariat avec la Revue canadienne du vieillissement afin que celle-ci devienne la publication privilégiée du milieu de la recherche sur le vieillissement au Canada.

  • Conceptualisation initiale d’une étude longitudinale sur le vieillissement dans la population canadienne, qui permettrait de cerner les déterminants de la santé et du bien-être tout au long de la vie. Ce concept développé par le Dr Hébert est devenu le fondement de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (ÉLCV), bien que l’ÉLCV ait dû attendre au stade suivant du développement de l’IV pour voir le jour.

  • Priorisation du déclin cognitif associé au vieillissement, et formation d’un groupe d’intérêt spécial composé de tous les intervenants concernés, lequel s’est agrandi et se réunit de façon régulière encore aujourd’hui.

  • Accent mis sur la promotion de la recherche sur le vieillissement dans tous les secteurs et dans les 12 autres instituts, et efforts pour corriger certains éléments perçus comme des barrières dans le système d’évaluation par les pairs, ce qui a mené à l’addition de deux comités d’évaluation par les pairs consacrés au vieillissement.

  • Mesures visant à faciliter et à soutenir la diffusion des connaissances auprès des utilisateurs de la recherche financée par les IRSC, dans le but d’optimiser les programmes de prévention et d’intervention ciblant les Canadiens qui avancent en âge.

L’enfance (2004-2011)

La professeure Anne Martin-Matthews de l’Université de la Colombie-Britannique est devenue la deuxième directrice scientifique de l’Institut du vieillissement (IV) en 2004, et l’est restée pour deux mandats complets. Sa vision complémentaire comme chercheuse en sciences humaines s’est avérée déterminante dans l’orientation de l’IV, qui était en voie de devenir un chef de file mondial de la recherche sur le vieillissement. Avec le soutien du conseil consultatif de l’Institut, présidé successivement par la professeure Dorothy Pringle (Toronto), le Dr Howard Bergman (McGill) et la professeure Jane Rylett (Western), le règne de la professeure Martin-Matthews a permis l’émergence d’un milieu de recherche véritablement original, ouvert et coordonné dans le domaine du vieillissement. Cette période a aussi permis au milieu de tisser des liens avec tous les types d’utilisateurs (grand public, cliniciens, responsables des politiques). Après avoir complété les huit années de ses deux mandats comme directrice scientifique, la professeure Martin-Matthews a repris ses fonctions de chercheuse en sciences humaines jusqu’à son retour récent aux IRSC pour une période de 18 mois (de mai 2017 à octobre 2018) où elle a joué un rôle transitoire important à titre de vice-présidente par intérim à la recherche, à l’application des connaissances et à l’éthique. Les principales réalisations de l’IV des IRSC durant ses années d’enfance (2004-2011), sous la direction de la professeure Martin-Matthews, sont rapportées dans le document Cap sur le vieillissement (IRSC, 2007) et peuvent se résumer ainsi :

  • La recherche canadienne sur le vieillissement a été renforcée et consolidée durant cette période. L’initiative phare de développement des capacités de recherche sur le vieillissement, le Programme d’été sur le vieillissement (PEV), a été lancée en 2007. Inspiré à la fois d’une initiative ontarienne réalisée dans les années 1980 et 1990 (Colloque en sociologie de l’Ontario) et d’une initiative québécoise ayant réuni des chercheurs de Montréal, Sherbrooke et Québec, le PEV des IRSC a été inauguré par la professeure Martin-Matthews en juin 2007 en Colombie-Britannique. Depuis ce temps, le PEV a permis à plus de 400 stagiaires et jeunes chercheurs de recevoir une formation interdisciplinaire d’appoint dans le domaine du vieillissement, en plus de stimuler la création d’une nouvelle communauté de jeunes et de futurs chercheurs de tout le pays qui sont interconnectés et prêts à profiter des possibilités de financement conjointes et internationales.

  • Les premières équipes de recherche multidisciplinaire transversale sur le vieillissement ont été financées durant cette période. En particulier, plusieurs équipes dans le domaine de la mobilité et du vieillissement ont été soutenues en réponse aux lacunes et aux besoins cernés lors des très productifs ateliers nationaux des aînés sur la recherche de l’IV.

  • Sans aucun doute, le principal fait saillant du mandat de la professeure Martin-Matthews aux commandes de l’IV a été l’opérationnalisation de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (Martin-Matthews et Mealing, 2009). Avec l’engagement et l’enthousiasme de la communauté réunie sous le leadership des professeurs Parminder Raina (McMaster), Christina Wolfson (McGill) et Susan Kirkland (Dalhousie), l’idée d’une plateforme nationale est devenue réalité. Cette réalisation n’a pas été facile et a nécessité beaucoup de préparation aux IRSC, à l’extérieur des IRSC et avec les partenaires. Les organismes de financement de la recherche ne sont pas naturellement conçus pour soutenir des initiatives à long terme comme l’ÉLCV, et c’est pourquoi il a fallu créer des précédents, convaincre des partenaires et, enfin, trouver des sources de financement. Tout cela a été accompli par la professeure Martin-Matthews et son équipe, et le milieu de la recherche sur le vieillissement en profitera pendant de nombreuses années.

  • Durant le mandat de la professeure Martin-Matthews, l’IV a continué de développer son rôle de rassembleur du milieu de la recherche sur le vieillissement, dans le but de soutenir des projets d’application des connaissances et d’ouvrir la porte à de nouveaux partenariats et alliances. Un de ces nouveaux partenariats a permis à l’IV de se joindre pour la première fois à une initiative internationale (New Dynamics of Aging, R.-U.), qui a évolué pour devenir la première initiative européenne concertée sur le vieillissement : le Consortium européen ERA-AGE.

L’adolescence (2011-2018)

Les années d’adolescence de l’Institut du vieillissement (IV) coïncident avec les deux mandats complets de quatre ans du professeur Yves Joanette à titre de directeur scientifique. Le professeur Joanette, qui détenait déjà de l’expérience comme directeur de la Recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal et comme directeur général du Fonds de la recherche en santé du Québec, a fait face aux défis des années d’adolescence de l’IV en s’appuyant sur la richesse des contributions de ses prédécesseurs et en saisissant les occasions au Canada et à l’étranger. Guidées par le conseil consultatif de l’Institut (CCI), présidé successivement par la professeure Jane Rylett (Western) et le Dr Gary Naglie (Toronto) – dans sa forme initiale et après sa restructuration – les années d’adolescence de l’Institut du vieillissement ont été marquées par l’ouverture aux autres instituts et au monde. Avant de passer à l’action avec des mesures précises, l’IV, avec le soutien de son CCI, a lancé un processus de consultation national reposant à la fois sur un questionnaire Web et une série de rencontres de discussion ouverte aux quatre coins du pays, appelée tournée Parlons vieillissement. La réponse à ces deux méthodes de consultation a été excellente, de la part non seulement des chercheurs et des étudiants (fournisseurs de connaissances), mais aussi des utilisateurs des connaissances comme le public, les cliniciens, les associations communautaires et les responsables des politiques. Les résultats de ces consultations ont joué un rôle crucial dans l’élaboration du plan stratégique 2013-2018 (IRSC, 2013) et ont guidé l’ordre de priorité des mesures prises par l’IV durant cette période, qui peuvent se résumer ainsi :

  • Poursuite du soutien au développement des capacités dans le cadre du Programme d’été sur le vieillissement. La pérennité de cette initiative est maintenant mieux assurée grâce à des partenariats avec les établissements d’accueil. De plus, le programme a accueilli plus de stagiaires étrangers en facilitant leur participation.

  • Le soutien actif de l’ÉLCV a facilité la transition à la deuxième étape du financement et a permis de compléter le recrutement des plus de 50 000 sujets tout en mettant les premières données de l’étude à la disposition du milieu scientifique. Afin de mieux faire connaître l’existence des données nouvellement disponibles, les IRSC ont lancé deux possibilités de « subventions Catalyseur : Analyse des données de l’ÉLCV » en 2016 et 2018, ce qui contribue au fait que plus d’une centaine d’études utilisent aujourd’hui les données de l’ÉLCV. La publication en 2018 du premier Rapport de l’ÉLCV sur la santé et le vieillissement au Canada constitue certainement le fait saillant le plus récent et représente le couronnement de plus de 15 années d’efforts depuis que l’idée de l’ÉLCV a germé lors de discussions tenues durant les premières années de l’IV.

  • Le financement stratégique de la recherche sur les maladies neurodégénératives associées au vieillissement – pour stimuler la recherche concertée avec des plateformes de recherches partagées – a eu pour effet de créer des synergies entre chercheurs canadiens dans ce domaine et a mené à la naissance du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement (CCNV, s.d). Le CCNV profite aussi de ressources supplémentaires mises à contribution par différents partenaires, dont le premier a été la Société Alzheimer du Canada. Bien entendu, les partenaires ont aussi pour rôle de guider les efforts de recherche avec la perspective des utilisateurs finaux. Avec cette répartition équilibrée des efforts entre la prévention et le traitement, le CCNV, aujourd’hui pleinement déployé, représente un modèle inspirant pour beaucoup de pays.

  • Une série de nouvelles initiatives ont été lancées, la plupart avec d’autres instituts des IRSC, sur des thèmes qui sont ressortis du processus de consultation national, y compris l’initiative Questions liées aux dernières années de vie (Joanette, Gutman, McElhaney, Upshur, & Muscedere, Reference Joanette, Gutman, McElhaney, Upshur and Muscedere2014), l’initiative Santé et productivité au travail, en partenariat avec le CRSH (IRSC 2015; Tannenbaum, Voss, El-Gabalawy, & Joanette, Reference Tannenbaum, Voss, El-Gabalawy and Joanette2016) et l’initiative Comprendre les effets de l’inactivité sur la santé, en partenariat avec l’Agence spatiale canadienne (IRSC, 2018). L’IV s’est également assuré que le vieillissement est pris en compte par l’initiative Innovations en cybersanté (IRSC, 2017) et par la récente initiative Transitions dans les soins.

  • Le positionnement international des chercheurs canadiens a été facilité par l’adhésion du Canada, représenté par les IRSC, à l’Initiative de programmation conjointe (JPI) dans le domaine des maladies neurodégénératives (JPND, s.d.). Premier pays hors d’Europe à adhérer à cette initiative, le Canada s’est ensuite joint à deux autres JPI, l’une sur l’impact des changements démographiques (JPI-MYBL, s.d.) et l’autre sur la technologie et le vieillissement (JP-AAL, s.d.).

  • Des collaborations ont été établies avec des Réseaux de centres d’excellence dans le domaine du vieillissement, en particulier avec AGE-WELL (RCE AGE-WELL, s.d.) et le Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF-RCE, s.d.).

  • L’internationalisation du rôle de rassembleur joué par l’IV au sein du milieu de la recherche canadienne s’est accélérée, le meilleur exemple en étant la coordination des « pavillons canadiens » à des rencontres internationales importantes (IAGG, FIV, GSA et AAIC). Le fait de rassembler tous les exposants canadiens sous la bannière canadienne permet d’attirer l’attention sur le Canada et donne plus de chances aux chercheurs canadiens d’établir des contacts et de créer des réseaux.

Les débuts de l’âge adulte

Maintenant que l’Institut du vieillissement (IV) arrive à l’âge de la majorité, il devra s’appuyer sur les forces développées depuis sa fondation et consolider les plus importants aspects, tout en s’assurant de combler les lacunes et les besoins restants – ou nouveaux – et de profiter des occasions à saisir. Le nouveau directeur scientifique de l’IV entrera en poste en 2019, et il pourra compter sur les conseils et le soutien du conseil consultatif de l’Institut, dont les membres représentent tout un éventail de compétences et de groupes d’intervenantsFootnote 3.

Les prochaines années réservent des possibilités uniques de recherche sur le vieillissement, dont une découle de la décision de l’Organisation mondiale de la santé de proclamer 2020-2030 la décennie du vieillissement en bonne santé (OMS, 2017), dans l’esprit du Rapport mondial sur le vieillissement et la santé publié en 2015 (OMS, 2015). Un des fils conducteurs de tout ce rapport est la notion de la diversité des personnes, des environnements physiques et sociaux et des trajectoires de vieillissement. Cette diversité influera sur les facteurs que chaque personne devra maîtriser pour demeurer fonctionnelle et en bonne santé à mesure qu’elle vieillit, et sur la reconnaissance de la diversification des défis de santé durant le processus de vieillissement.

Un exemple de cette diversité est offert par les nouvelles populations et personnes qui avancent en âge et qui auront de nouveaux défis à relever. Par exemple, les personnes qui vivent avec le VIH peuvent maintenant s’attendre à survivre et à vieillir avec la maladie; toutefois, cette victoire fantastique de la médecine moderne comporte aussi des défis potentiels, comme la prévalence élevée des maladies neurodégénératives menant à la démence chez ces personnes (Société canadienne du sida, s.d.). Nous aurons besoin de recherche afin de comprendre les raisons de cette prévalence plus élevée et de mieux intervenir sur les mécanismes en cause ou stimuler la résilience et la capacité cognitive du cerveau. De nouveaux défis sont aussi engendrés par d’autres importants progrès de la médecine, notamment le taux de survie associé à de nombreux types de cancer, qui est passé de faible à élevé. Il est maintenant reconnu que les survivants du cancer peuvent se voir confrontés à d’autres problèmes de santé plus tard dans la vie (Puts et coll., 2017). Nous aurons encore besoin de recherche pour mieux comprendre les mécanismes responsables des impacts à long terme des traitements anticancer et pour mieux contrer ces impacts. Toutes ces nouvelles trajectoires de vieillissement entraîneront des défis qui obligeront à créer et à diffuser de nouvelles connaissances.

Par ailleurs, la possibilité d’atteindre un âge avancé créera aussi de nouvelles occasions. Selon Statistique Canada (Statistique Canada, 2011), le nombre de centenaires au Canada pourrait décupler au cours des cinquante prochaines années, et la plupart seront des femmes. Ces doyens du Canada auront besoin d’attention particulière, à la fois au niveau des facteurs nécessaires au maintien d’une santé et d’une qualité de vie optimales, et au niveau de la gestion et du traitement de multiples maladies chroniques. L’isolement social et la mobilité ajouteront d’autres dimensions au défi.

Nous aurons aussi besoin de nouvelles connaissances et données probantes dans le contexte de la mise en application de la mesure législative (projet de loi C-14) sur l’aide médicale à mourir, qui recevait la sanction royale le 17 juin 2016 (gouvernement du Canada, 2016). Bien que la loi s’adresse actuellement aux personnes souffrantes dont le décès est prévisible, le public fera de plus en plus pression pour que le cadre offert par la loi s’applique aux personnes vivant avec de multiples maladies chroniques, mais dont le décès est beaucoup plus difficile à prédire. Pour se pencher sur ces questions, nous aurons besoin d’études interdisciplinaires mobilisant des cliniciens, des éthiciens, des fournisseurs de services de santé, des responsables des politiques, des avocats et des membres du public. L’intégration des nouvelles connaissances à différents aspects de la société canadienne nécessitera aussi des efforts considérables.

Un autre domaine qui doit être mieux exploré est le lien entre la santé et l’environnement. Cela nécessitera d’étudier les effets de l’exposition à long terme à des conditions hostiles et les moyens d’utiliser l’environnement (c.-à-d. habitations, villes) pour mieux soutenir la santé et le bien-être tout au long de la trajectoire de vieillissement. Par exemple, les environnements urbains conviviaux pour les personnes âgées, qui favorisent la mobilité et les contacts humains, seront importants pour combattre l’isolement social, un autre facteur nouvellement reconnu comme source de problèmes physiques et mentaux à un âge avancé.

Tous ces efforts devront parfaitement s’intégrer au tissu social canadien. Dans ce contexte, il sera important de s’inspirer du rôle et du respect accordés aux aînés dans les sociétés autochtones traditionnelles. Parallèlement, les défis particuliers en matière de santé et de bien-être affrontés par les Autochtones dans leur trajectoire de vieillissement doivent être mieux compris et surmontés par des chercheurs de leurs communautés. Pour ce faire, un énorme effort de développement des capacités de recherche en santé autochtone par des chercheurs autochtones sera nécessaire. Heureusement, l’Institut de la santé des Autochtones des IRSC agit déjà en ce sens, avec la collaboration de tous les autres instituts.

La trajectoire de vie de l’Institut du vieillissement des IRSC

L’Institut du vieillissement (IV) des IRSC a énormément évolué depuis sa fondation en 2001. Initialement axé sur le développement des capacités de recherche sur le vieillissement et sur la promotion de cette recherche et son évaluation adéquate, l’IV en est venu à déployer des plateformes nationales majeures sur les déterminants de la santé et du bien-être durant le processus de vieillissement, ainsi que sur les obstacles à la santé et au bien-être aux stades avancés de la vie.

Presque toutes les initiatives actuelles de l’IV sont mises en œuvre en collaboration avec les autres instituts; cette approche ne changera pas au cours des prochaines années et continuera de contribuer à la réalisation des grands objectifs des IRSC.

Tous les pays, quel que soit leur niveau de revenus, sont touchés par les changements démographiques et le vieillissement de la population. C’est pourquoi, au cours des prochaines phases de sa trajectoire de vie, l’IV devra mobiliser le milieu canadien de la recherche et le mettre en contact avec le reste du monde, de sorte à exploiter les possibilités de collaboration avec des pays à revenu comparable et d’échange avec des pays à revenu faible et intermédiaire, afin d’aborder la santé dans une perspective véritablement mondiale.

L’Institut du vieillissement poursuivra sa trajectoire de vie une étape après l’autre, en espérant qu’un jour tous les efforts de recherche au service de la santé et du bien-être des humains seront pleinement intégrés.

Footnotes

1 Les membres du premier conseil consultatif de l’Institut du vieillissement étaient Neena Chappell, Pierre Durand, Marg Eisner, Geoffrey Fernie, Betty Havens, Yves Joanette, Sheila Laidlaw, Sonia Lupien, Anne Martin-Matthews, Graydon Meneilly, Louise Plouffe, Karl T. Riabowol, Kenneth Rockwood et Donald Stuss.

2 Les auteurs assument l’entière responsabilité de ce qu’ils ont choisi d’inclure parmi les réalisations les plus importantes et marquantes, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un exercice périlleux puisque cela oblige à passer sous silence certaines mesures et réalisations.

3 Les membres actuels du conseil consultatif de l’Institut du vieillissement des IRSC sont Gary Naglie (président), Sylvie Belleville, Julie Bernier, Nicole Buckley, Heather Campbell-Enns, Habib Chaudhury, Susan Kirkland, Alex Mihailidis, Manuel Montero-Odasso, Paula Rochon, Weihong Song, Gail Turner, Lori E. Weeks et David Westaway.

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