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Les trois doigts d’Adam

Liturgie et métaphore visuelle au monastère de San Juan de la Peña

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Hilário Franco Júnior*
Affiliation:
Universidade de São Paulo

Résumé

Un des chapiteaux du cloître aragonais de San Juan de la Peña montre un détail surprenant, sans équivalent dans l’iconographie médiévale et pourtant jamais étudié, peut-être parce qu’il a été vu comme un simple produit de l’imagination arbitraire de l’artiste. Adam, après avoir ingéré le fruit défendu, pose sa main droite entre sa gorge et sa poitrine pour indiquer qu’il restait étouffé par le péché et qu’il s’en repentait, et il fait ce geste avec seulement les trois premiers doigts de la main. Pourquoi ? C’est ce à quoi le présent essai tente de répondre.

Abstract

Abstract

One of the capitals of the Aragonese cloister of San Juan de la Peña exhibits an astonishing detail which is unique in the iconography. However, it has never been studied, maybe because it was seen as a simple product from the artist's arbitrariness. Soon after ingesting the forbidden fruit, Adam put his right hand between his throat and his chest to indicate that ha was suffocated by the sin and repented of it. This gesture was made only using the three first fingers. Why? That is what this essay tries to answer.

Type
Figures du rituel (XIIe-XIIIe s.)
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2007

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References

1 - I1 s’agit du chapiteau n° 2 de la galerie nord.

2 - Luis, José Lloret, García, « Un escultor románico en Aragón: El llamado Maestro de Agüero o Maestro de San Juan de la Peña. Estudio de sus primeras obras », Artigrama, 11, 1994-1995, pp. 523526, ici p. 523Google Scholar. Pour d’autres, cette sculpture ne « présente aucun problème » d’interprétation ( Melero-Moneo, Marisa, « Aspectos iconográficos del claustro de San Juan de la Peña: reconstrucción del programa de Caída y Redención», dans La cabecera de la catedral calceatense y el tardorrománico historico. Actas del simposio en Santo Domingo de la Calzada, Santo Domingo de la Calzada, Cabildo de la Catedral, 2000, pp. 285311, ici p. 291Google Scholar).

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5 - Respectivement, Recht, Roland, L’objet de l’histoire de l’art, Paris, Collège de France/ Fayard, 2003, p. 42 Google Scholar ; Garnier, François, Le langage de l’image au Moyen  ge, vol. II, Grammaire des gestes, Paris, Le Léopard d’Or, 1989, p. 99 Google Scholar. Toutefois, lorsque cet auteur étudie la signification iconographique de différents gestes de la main (vol. I, Signification et symbolique, pp. 159-213, vol. II, op. cit., pp. 99-143), il n’inclut pas celui de la poser sur la gorge, bien qu’il reconnaisse que « la main posée sur soi-même exprime l’attention aux mouvements de la vie intérieure » (vol. I, op. cit., p. 181).

6 - La scène est sculptée sur plusieurs chapiteaux : du côté français des Pyrénées, au cloître de Saint-Lizier (entre 1160 et 1180) ; à l’abbaye de Saint-Bertrand-de-Comminges (fin du XIIe siècle), deux chapiteaux où n’apparaît pas le motif de la main posée sur la gorge. Dans la collégiale de Saint-Gaudens, deux chapiteaux (vers 1100 ; vers 1160), où la main d’Adam est dépliée. Plus éloigné des Pyrénées, mais encore dans la zone d’influence de San Juan de la Peña, un chapiteau, daté de 1120, de l’abbaye de Sauve- Majeure, dont le fondateur, saint Gérard de Corbie, envoya en 1084 des moines dans le royaume pyrénéen, recevant en échange quelques églises du roi Sanche Ramirez. Côté espagnol, il n’y avait pas davantage d’images d’Adam aux trois doigts.

7 - Cartulario de San Juan de la Peña, édité par Antonio Ubieto Arteta, Valence, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Zaragoza, 1962, vol. II, n° 169, pp. 215-216 ; á Lopez, Ngel Canellas, « El cartulario visigotico de San Juan de la Peña », in Homenaje a don Agustin Millares Carlo, Gran Canaria, Caja Insular de Ahorros, 1975, vol. I, n° 95, p. 223 Google Scholar.

8 - Actuellement au Musée diocésain de Jaca.

9 - Cartulario…, op. cit., vol. II, n° 16, p. 218 ; á. Lopez, Canellas, « El cartulario… », art. cit., no 16, p. 218 Google Scholar. La date exacte de la peinture est discutable, les années 1070 ou selon Gonzalo M. Borrás Gualis et Guatas, Manuel Garcia, La pintura romá- nica en Aragón, Saragosse, Pórtico, 1978, p. 56 Google Scholar ; vers 1100 pour á De La Morena, Urea, « La pintura », in Estrada, F. López (coord.), La cultura del románico, Madrid, Espasa Calpe, « Historia de España Menéndez Pidal-11 », 1995, pp. 417452, ici p. 437Google Scholar ; la première moitié du XIIe siècle d’après Sureda, Joan, La píntura románica en España pintura, Madrid, Alianza, 1985, p. 302 Google Scholar.

10 - Récemment, malgré des désaccords sur l’attribution des sculptures, on s’est accordé à voir, en Aragon, l’activité de trois maîtres, celui de San Juan de la Peña, celui de San Pedro de Huesca et celui de Biota ( Melero-Moneo, Marisa, « El llamado “taller de San Juan de la Peña”, problemas planteados y nuevas teorías », Locvs Amoenvs, 1, 1995, pp. 4760, ici p. 50Google Scholar ; Patton, Pamela A., « The capitals of San Juan de la Peña: Narrative sequence and monastic spirituality in the Romanesque cloister », Studies in iconography, 20, 1999, pp. 5199, ici p. 92, n. 5Google Scholar).

11 - En 1014, Sanche le Grand lui faisait donation d’un palais dans cette ville (Cartulario…, op. cit., vol. I, n° 36, pp. 101-103) et, après la construction du cloître, le monastère continua de recevoir des biens en ce lieu : Selección de documentos del monasterio de San Juan de la Peña (1195-1410), édité par Ana Isabel Lapeña Paúl, Saragosse, Institución Fernando el Católico, « Fuentes Históricas Aragonesas-24 », 1995, n° 1 (1195), 10 (1205), 12 (1207), pp. 35-36, 45 et 46-47.

12 - García Lloret, José Luis, « Tres portadas románicas poco conocidas del taller del Maestro de Agüero en las iglesias de San Antón en Tauste (Zaragoza), San Miguel en Almudévar (Huesca) y San Salvador en Luesia (Zaragoza) », Suessetania, 18, 1999, pp. 2844 Google Scholar, ici pp. 38-39.

13 - Weber, Cynthia Miltow, « La portada de Santa Maria la Real de Sangüesa », Principe de Viana, 20, 1959, pp. 139186, ici pp. 175 et 183Google Scholar. De même, sur le chapiteau du portique occidental de Tudela, Adam a la main posée à plat sur sa gorge : Ricart, José Gudiol et Gaya NuñO, Juan Antonio, Arquitectura y escultura románicas, Madrid, Plus-Ultra, 1948, p. 176 Google Scholar ; De Egry, Anne, « La escultura del claustro de la catedral de Tudela (Navarra) », Principe de Viana, 20, 1959, pp. 63107, ici pp. 64 et 74Google Scholar.

14 - Melero-Moneo, M., « El llamado “taller…” », art. cit., p. 54 Google Scholar.

15 - Peut-être avait-il travaillé à Santo Domingo de Soria ou était-il originaire du même milieu artistique castillan. Or, à Soria, Adam fait le geste en question avec les cinq doigts (voir Lacoste, Jacques, « Le maître de San Juan de la Peña », Les Cahiers de Saint- Michel de Cuxa, 10, 1979, pp. 177182 et 186Google Scholar). De même en d’autres oeuvres castillanes que, directement ou indirectement, il devrait connaître, comme la fresque de Maderuelo, l’enluminure de la Bible de Burgos, les reliefs de Butrera et de Cervatos, les chapiteaux de Siones et de Frómista.

16 - Cartulario…, op. cit., vol. I, n° 57, pp. 169-171, vol. II, nos 76, 77, 78, 83, pp. 39-46 et 55 ; Selección…, op. cit., pp. 21-27 ; Crónica de San Juan de la Peña, op. cit., p. 36.

17 - Martinez, Juan Briz, Historia de la fundación y antiguedadas de San Juan de la Peña y de los reyes de Sobrarve, Aragón y Navarre, Saragosse, Ivan de Lanaja y Quartanet, 1620, I, 51, p. 230Google Scholar.

18 - De doctrina christiana, II, II-III, 3-4, édité par Joseph Martin, Turnhout, Brepols, « Corpus Christianorum Series Latina-32 », 1962, pp. 33-34.

19 - Respectivement, Cristaldi, Giuseppe, « Semanticità artistica e linguaggio estetico », in Aler, J. (éd.), Actes du Cinquième Congrès international d’esthétique, 1964, La Haye-Paris, Mouton, 1968, pp. 370373, ici p. 370, n. 2Google Scholar ; Barthes, Roland, Leçon [1978], in ID., OEuvres complètes, Paris, Le Seuil, 1995, vol. III, pp. 801814, ici p. 812Google Scholar.

20 - Barthes, Roland, Rhétorique de l’image [1964], in ID., OEuvres complètes, vol. I, pp. 14171429, ici p. 1428Google Scholar ; Osborne, Harold, « The language metaphor in art », Journal of aesthetic education, 18, 1989, pp. 920 CrossRefGoogle Scholar ; Hausman, Carl R., Metaphor and art: Interactionism and reference in the verbal and nonverbal arts, Cambridge, Cambridge University Press, 1989 Google Scholar.

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22 - Luc XVIII, 13 ; Luc XXIII, 27, 48 ; voir aussi Esaïe XXXII, 12 ; Jérémie XXXI, 19.

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24 - Matthieu XXII, 44 ; XXVI, 64 ; Marc XII, 36 ; XIV, 62 ; Luc XX, 42 ; XXII, 69 ; Actes des Apôtres VII, 55 ; Romains VIII, 34 ; Colossiens III, 1 ; Hébreux I, 3 ; I, 13 ; Matthieu XXV, 33.

25 - ISIDORE DE SÉVILLE, Etimologías, XI, 1, 67, édité par Wallace Martin Lindsay, traduit par José Oroz Reta et Manuel Antonio Marcos Casquero, Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 1983, vol. II, pp. 24-25.

26 - Ainsi sur les chapiteaux d’ágreda (fig. 2), Belberaud, Covet, Montserrat, Saint- Gaudens (à l’église et au cloître) et Tudela.

27 - Séville, Isidore De, Etimologías, op. cit., VI, 19, 1, et vol. I, pp. 608609 Google Scholar.

28 - Dell’elicine, Eleonora, « As funções da liturgia no reino visigodo de Toledo (589-711) », Signum (São Paulo), 7, 2005, pp. 99128 Google Scholar.

29 - Janeras, Vicente, « El rito de la fracción en la liturgia hispánica », Liturgica (Montserrat), 2, 1958, pp. 217247 Google Scholar ; Prado, Germán, Historia del rito mozárabe y toledano, Burgos, Abadia Santo Domingo de Silos, 1928, pp. 103104 Google Scholar ; Amiet, Robert, « La liturgie dans le diocèse d’Elne du VIIe au XVIe siècle. La liturgie wisigothique », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 9, 1978, pp. 9798 Google Scholar ; Pinell, Jordi, « Liturgia hispánica », in Vaquero, Q. Aldea, Martínez, T. Marín et Gatell, J. Vives, Diccionario de historia eclesiástica de España, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas/Instituto Enrique Florez, 1972, vol. II, pp. 13021320, ici p. 1305Google Scholar.De manière générale, on estime que la division par sept était la pratique originelle, attribuant au pain eucharistique la terminologie employée par Hilaire De Poitiers (Prologus in librum psalmorum, 6, PL 9, col. 236 B), qui associait chaque fraction du pain à chacun des sept seaux du Livre de la vie de l’Apocalypse : corporatio, nativitas, passio, mors, resurrectio, gloria, regnum.

30 - Epistolae et diplomata, 80, PL 146, col. 1362-1363.

31 - Raoul Glaber, Cronache, édité et traduit par Gugliemo Cavallo et Giovanni Orlandi, Milan, Fondazione Lorenzo Valla/Arnoldo Mondadori, 5e éd. 1998, III, 12, p. 132, se réfère aux « moines d’Espagne » qui, fuyant l’offensive musulmane de 999, se réfugièrent à Cluny où ils purent conserver leur liturgie. La situation changea avec Grégoire VII qui, entre 1074 et 1081, envoya huit épîtres en Espagne dans lesquelles il abordait la question de l’abolition du « Toletane illusionis superstitio », le rite local : Registrum, I, 63 ; I, 64 ; I, 83 ; II, 50 ; IV, 28 ; VII, 6 ; IX, 2 ; IX, 14, PL 148, col. 339-340, 355-356, 401-402, 483-488, 549-551, 604-606, 617-618. La pleine reconnaissance de la légitimité du rite est récente : le 28 mai 1992, jour de l’Ascension, un pape, Jean-Paul II, a célébré pour la première fois une messe hispanique dans la basilique vaticane.

32 - Bloch, Marc, Apologie pour l’Histoire ou métier d’histoire, Paris, Armand Colin [1949], 1993, pp. 99, 103, 108 et 109Google Scholar ; Ginzburg, Carlo, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », in ID., Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, Paris, Flammarion, [1986] 1989, pp. 139148, 149 et 154Google Scholar.

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36 - Schapiro, Meyer, Les mots et les images. Sémiotique du langage visuel, Paris, Macula, [1996] 2000, p. 32 Google Scholar. Ce dernier point est encore plus important qu’il n’y paraît à première vue : dans une certaine mesure, chercher un texte fondateur d’une image est se laisser séduire par « l’idole des origines » contre lequel avertit Bloch, M., Apologie pour l’Histoire…, op. cit., pp. 8586 Google Scholar. En outre, les enjeux intertextuels étaient si forts, dans le contexte socioculturel médiéval (voir Zumthor, Paul, La lettre et la voix : de la littérature médiévale, Paris, Le Seuil, 1987 Google Scholar), que, le plus souvent, une quête de ce type ne peut conduire qu’à un mirage parce que, à la limite, « le texte originel n’existe pas » ( Mauss, Marcel, Manuel d’ethnographie, Paris, Payot, [1947] 1992, p. 121 Google Scholar).

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38 - Ginzburg, C., Mythes, emblèmes, traces…, op. cit., pp. 8 et 146Google Scholar.

39 - Bloch, M., Apologie pour l’Histoire…, op. cit., p. 89 Google Scholar ; C. Hempel, Éléments d’épistémologie, op. cit., pp. 22-23.

40 - C’est ce qui est dit, au milieu du XIIe siècle, dans les Acta sanctorum fratrum Voto et Felici, édités par Manuel Risco, dans Flórez, Enrique, España Sagrada, Madrid, Antonio de Sancha, 1775, vol. 30, pp. 400406 Google Scholar, résumé au milieu du XIVe siècle par la Crónica de San Juan de la Peña…, op. cit., p. 27, et plus tard par J. Martinez, Briz, Historia…, op. cit., I, 54, pp. 239240 Google Scholar.

41 - Cartulario…, op. cit., n° 44, pp. 127-131 ; Gudiol, Antonio Durán, Los condados de Aragón y Sobrarbe, Saragosse, Guará, 1988, pp. 233235 et 305-310Google Scholar.

42 - Le premier tiers pour Arco, Ricardodel, La Covadonga de Aragón. El real monasterio de San Juan de la Peña, Jaca, F. de las Heras, 1919, p. 69 Google Scholar ; la première moitié pour Y Romea, Vicente Lamperez, Historia de la arquitectura cristiana de la Edad Media, Madrid, Espasa-Calpe, 1930, vol. II, p. 344 Google Scholar ; le milieu du siècle pour ANTONIO DURáN GUDIOL, « San Juan de la Peña », Gran enciclopedia aragonesa, Saragosse, Gobierno de Aragón, 1980, vol. XI, p. 2976, et Sureda, Joan, La Edad Media. Románico. Gótico, Barcelone, Planeta, 1998, p. 180 Google Scholar.

43 - Entre 1145 et 1175 selon Crozet, René, « Recherches sur la sculpture romane en Navarre et en Aragon, VII. Sur les traces d’un sculpteur », Cahiers de civilisation médiévale, 11, 1968, pp. 4157, ici p. 57CrossRefGoogle Scholar. Les années 1160 pour Torviso, Isidro G. Bango, El Romá- nico en España, Madrid, Espasa-Calpe, 1992, p. 167 Google Scholar. La seconde moitié du siècle selon Gualis, G. M. Borrás et Guatas, M. Garcia, La pintura románica…, op. cit., p. 130 Google Scholar. Le dernier tiers pour Arthur Kingsley Porter, La escultura románica en España, Florence- Barcelone, Pantheon/Gustavo Gili, 1928, vol. II, p. 44 ; J. Gudiol Ricart et J. A. Gaya Nuño, Arquitectura y escultura románicas…, op. cit., p. 159. Les deux dernières décennies pour P. A. Patton, « The capitals… », art. cit., p. 51. Entre 1185 et 1195, d’après María Del Carmen Lacarra Ducay et José Luis Garcia Lloret, « Arte en el monasterio medieval de San Juan de la Peña », in A. I. Lapeña Paúl (coord.), San Juan de la Peña (Suma de estudios), Saragosse, Mira, 2000, p. 69. Au tournant du XIIe et du XIIIe siècle pour Alonso, Dulce Ocón, « San Juan de la Peña », Enciclopedia dell’arte medievale, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1999, vol. X, pp. 315316 Google Scholar.

44 - Cartulario…, op. cit., vol. I, pp. 7 et 11. Parmi les 178 documents composant ce cartulaire (qui court jusqu’en 1064), 36 sont des faux, 4 présentent des interpolations, un est suspect.

45 - Jean Wirth, La datation de la sculpture médiévale, Genève, Droz, 2004, a justement remarqué que « la datation de la sculpture médiévale apparaît comme l’un des problèmes les plus difficiles de l’histoire de l’art », mais quelques constatations méthodologiques peuvent conduire à l’atténuer. Par exemple « le simple fait de supposer qu’un texte s’applique à une oeuvre présuppose une datation stylistique approximative de cetteoeuvre », ce qui, le plus souvent, aboutit à des datations tardives. Celles-ci resultant aussi de la conception encore bien ancrée d’un Moyen  ge résistant à l’innovation. C’est en réaction à un certain chauvinisme du XIXe siècle qui avait tendance à vieillir les monuments que l’on en est arrivé à considérer les datations tardives comme plus prudentes. Ainsi que cela se produit surtout à propos d’oeuvres plus connues et documentées, dont la datation se répercute sur celle des oeuvres périphériques, « on tombe dans un cercle vicieux qui entraîne tendanciellement le rajeunissement des oeuvres » (pp. 296-297).

46 - Haskins, Charles, The renaissance of the twelfth century, Cambridge, Harvard University Press, 1927 Google Scholar ; Panofsky, Erwin, La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art d’Occident, Paris, Flammarion, [1960] 1976 Google Scholar ; Benson, Robert L., Constable, Giles et Lanham, Carol D. (éd.), Renaissance and renewal in the twelfth century, Toronto, University of Toronto Press, [1982] 1991 Google Scholar.

47 - Pidal, Ramón Menéndez, « Los Godos y el origen de la epopeya española », in I Goti in Occidente, Spolète, CISSAM, 1956 (Settimane, 3), pp. 300304 Google Scholar ; Claveria, Carlos, «Godos y Españoles », in ID., Estudios hispano-suecos, Grenade, Universidad, 1954, pp. 9598 Google Scholar ; Arteta, Antonio Ubieto, « Notas sobre la Crónica de San Juan de la Peña », Pirineos, 6, 1950, pp. 475488 Google Scholar. L’attachement à la liturgie traditionnelle est un aspect de ce sentiment gothisant. Quand, en Castille, en 1080, le roi Alphonse VI accepta de renoncer à la liturgie wisigothique, l’importance de l’opposition fut telle qu’il déplora cette décision dans une lettre à Hugues de Cluny : « Sache qu’à cause du rite romain que nous avons reçu par ton ordre, notre royaume est en complète désolation » (Epistolae, XI, PL 159, col. 939 AB). En 1085, le même roi accepta que l’ancien rite liturgique fût encore pratiqué dans quelques églises de Tolède où, en 1500, le cardinal archevêque Francisco Jiménez de Cisneros commanda quelques impressions du rite traditionnel ; en 1517, à Salamanque, une chapelle mozarabe institua une messe hispanique hebdomadaire ; entre 1567 et 1765, une messe de ce type fut dite tous les quinze jours à Valladolid et, depuis la fin du XXe siècle, une messe selon le rite traditionnel espagnol est célébrée mensuellement à Séville.

48 - Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., II, 6, pp. 294296 Google Scholar.

49 - Voir Ayusomarazuela, Teófilo, « La Biblia de San Juan de la Peña: el manuscrito más antiguo de Aragón», Universidad (Saragosse), 22, 1945, pp. 350, ici p. 11Google Scholar ; Schapiro, Meyer, « From Mozarabic to Romanesque in Silos » [1939], in ID., Romanesque art. Selected papers, Londres, Thames & Hudson, 1993, p. 60 Google Scholar.

50 - Crónica de San Juan de la Peña, éd. par Antonio Ubieto Arteta, Valence, Gráf. Bautista, 1961, 4 2 4 pp. 56-57 ; Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., I, 47, pp. 210211 Google Scholar.

51 - Crónica de San Juan de la Peña, op. cit., p. 21, qui suit Rodrigo Jiménez De Rada, Historia de rebus Hispanie sive historia gothica, édité par Juan Fernández Valverde, Turnhout, Brepols, « Corpus Christianorum Continuatio Medievalis-72 », 1987, dans l’imputation de l’arianisme à l’empereur qui « in tam preclaram gentem uirus pestiferum transfundendo » (II, 1, p. 40, ll. 31-32) ; Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., II, 28, pp. 393394 Google Scholar.

52 - Comme l’a noté Marc Bloch, « qu’il s’agisse de la réforme de l’Église ou d’un procès entre deux seigneurs voisins, le prestige du passé ne pouvait guère être contesté qu’en lui opposant un passé plus vénérable encore » ( Bloch, Marc, La société féodale, Paris, Albin Michel, [1939-1940] 1989, p. 171 Google Scholar). C’est pour cela que la Crónica de San Juan de la Peña, op. cit., p. 48, attribuait l’introduction des coutumes clunisiennes dans le monastère à Sanche le Grand, alors qu’elle est arrivée presque un demi-siècle plus tard, sous Sanche Ramírez, en 1071, parallèlement au changement liturgique.

53 - R.Menéndez Pidal, « Los Godos y el origen… », art. cit., p. 308.

54 - Duby, Georges, « L’histoire des systèmes de valeurs », in ID., Mâle Moyen  ge. De l’amour et autres essais, Paris, Flammarion, 1988, pp. 165166 et 168Google Scholar. Si l’on voulait placer cette étude sous une autre houlette, on pourrait peut-être évoquer le fait qu’il n’y a pas de refoulement (en l’occurrence, le rejet du rite hispanique) qui ne laisse de trace (les trois doigts d’Adam) : Freud, Sigmund, Psychologie des foules et analyse du moi, Paris, Payot, [1921] 1995 Google Scholar.

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57 - Júnior, Hilário Franco, Peregrinos, monges e guerreiros. Feudo-clericalismo e religiosidade em Castela medieval, São Paulo, Hucitec, 1990, pp. 113130 Google Scholar.

58 - Buesa Conde, Domingo Jesús, « Sancho Ramirez », in Salamero, R. Centellas (coord.), Los reyes de Aragón, Saragosse, Caja de Ahorros de la Inmaculada de Aragón, 1993, p. 29 Google Scholar. La situation de l’Aragon et de la Navarre, où les évêchés et les abbayes furent tenus par des Français, a été définie comme une « invasion ecclésiastique franque » par Gaztambide, José Goñi, Historia de los obispos de Pamplona, siglos IV-XIII, Pampelune, Universidad de Navarra/Institución Príncipe de Viana, 1979, vol. I, p. 297 Google Scholar. Encore au début du XVIe siècle, les Italiens regrettaient la superbia gothica des Espagnols, qui ne reconnaissaient pas leur dette culturelle envers Rome ( Pidal, R. Menéndez, « Los Godos y el origen… », art. cit., pp. 320321 Google Scholar). Une centaine d’années plus tard, l’abbé de San Juan de la Peña proclamait encore la légitimité du rite hispanique, en niant qu’il fût superstitieux, comme le pape l’avait défini au XIe siècle, mais tout en reconnaissant qu’il avait dégénéré et gagné quelques traits de superstition avec le temps : Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., II, 41, pp. 451452 ; III, 15, pp. 515 et 517Google Scholar.

59 - Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., III, 15, pp. 515516 ; II, 41, p. 452Google Scholar.

60 - Depuis le IXe siècle selon Angles, Higinio, La musica a Catalunya fins al segle XIII, Barcelone, Institut d’estudis catalans i Biblioteca de Catalunya, 1935, pp. 2639 Google Scholar ; Janini, José, « Liturgia romana », in Vivesgatell, J. (dir.), Diccionario de historia eclesiástica…, op. cit., vol. II, p. 1321 Google Scholar ; Masoliver, Alejandro, Historia del monacato cristiano, Madrid, Encuentro, 1994, vol. I, p. 61 Google Scholar ; R. Amiet, « La liturgie… », art. cit., p. 77. De son côté, Juan Francisco Rivera Recio, « Gregorio VII y la liturgia mozárabe », Revista española de teologia, 2, 1942, pp. 15-16, pense que cela ne se produisit qu’au cours de la première moitié du XIe siècle, alors que Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., III, 16, p. 520 Google Scholar, et Defourneaux, Marcelin, Les Français en Espagne aux XIe et XIIe siècles, Paris, PUF, 1949, p. 28 Google Scholar, estiment que la liturgie romaine a été adoptée en Catalogne en même temps qu’en Aragon, en 1071.

61 - C’est le cas des chapiteaux d’Estany, Manresa et Vilagrassa, des reliefs de Gérone et Porqueres, de la fresque de Barberà, de la peinture sur bois de Sant-Andreu de Sagàs.

62 - La protection pontificale fut confirmée en 1089 par Urbain II (á. Lopez, Canellas, «El cartulario… », art. cit., nos 279-280, p. 233 Google Scholar). Mais un peu avant, en 1082, avait été supprimé le privilège monarchique selon lequel les évêques d’Aragon étaient toujours choisis parmi les moines de San Juan de la Peña (Cartulario…, op. cit., vol. II, n° 110, pp. 103-105). Suppression difficile à supporter parce que faite en faveur d’un Français, Pierre d’Andouque, originaire de Thomières et mis à ce poste par un autre moine de Thomières, Frotaire, qui, sur ordre de Grégoire VII, exerçait la cura regiminis ecclesiarum de Navarre et Aragon, et qui devint le principal conseiller de trois rois, Sanche Ramírez, Pierre Ier et Alphonse Ier ( Defourneaux, M., Les Français en Espagne…, op. cit., pp. 3738 Google Scholar).

63 - Ramos Loscertales, José María, « La formación del dominio y los privilegios del monasterio de San Juan de la Peña entre 1035 y 1094 », Anuario de historia del derecho español, 6, 1929, pp. 5107 Google Scholar. Les fueros concédés à plusieurs villes de la région définirent les privilèges économiques et juridiques des Francs, nombreux dans la plupart des villes basco-navarraises du XIIe siècle, y compris, à Pampelune, l’exclusivité du commerce avec les pèlerins compostellains ( Defourneaux, M., Les Français en Espagne…, op. cit., pp. 245252 Google Scholar). En Aragon, à peu près 79% des habitants de Jaca étaient des « Francs » au début du XIIe siècle ( Arteta, Antonio Ubieto, « Sobre demografia aragonesa en el siglo XII », Estudios de Edad Media de la Corona de Aragón, 7, 1962, pp. 578598, ici p. 590Google Scholar).

64 - Defourneaux, M., Les Français en Espagne…, op. cit., pp. 153154, 171 et 220-222Google Scholar. Semblable phénomène est arrivé en Catalogne, où il fut toutefois moins intense parce que la pénétration transpyrénéenne y avait été peu importante (pp. 222-230).

65 - Voir, par exemple, le Liber Sancti Jacobi. Codex Calixtinus, V, 7, édité par Klaus Herbers et Manuel Santos Noia, Saint-Jacques de Compostelle, Xunta de Galicia, 1998, p. 240. Cet esprit fortement anti-navarrais résultait, peut-être, du fait que l’auteur du guide avait vécu dans une colonie franque de Navarre ( Parga, Luis Vazquez De, « Aymeric Picaud y Navarre », Correo erudito, 4, 1947, pp. 113114 Google Scholar). Des échos de cette hostilité réciproque apparaissent à travers la littérature épique, dans laquelle les Français confondent Basques, Navarrais et Maures, alors que les Ibériques expriment des sentiments anti-français ( Lacarra, José Maria, Las peregrinaciones a Santiago de Compostela, Pampelune, Iberdrola/Gobierno de Navarra [1948], 1992, vol. I, pp. 482489 Google Scholar).

66 - Respectivement les chapiteaux nos 13, 15 et 16.

67 - Cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agit du Christ, parce qu’avant l’Incarnation il était consubstantiel avec le Père ; il se confondait avec lui, et c’est ainsi que le montraient les cycles iconographiques de la Création ( Réau, Louis, Iconographie de l’art chrétien, Paris, PUF, 1956, vol. II-1, pp. 910 Google Scholar). Le nimbe crucifère soulignait aussi le caractère christique du Créateur, qui apparaît dans le domaine hispanique, par exemple sur le reliquaire de Saint-Isidore à León (1063), la tapisserie de Gérone (2e moitié du XIe siècle), la fresque de Sant-Martí del Brull (v. 1130-1160, actuellement au Musée épiscopal de Vic), le chapiteau du portique de Tudela (fin du XIIe siècle).

68 - Comme sur le chapiteau de San Pedro el Viejo, de Huesca, et dans l’archivolte de San Salvador de Ejea de los Caballeros.

69 - Luc III, 38 ; I Cor. XV, 145.

70 - T. Ayuso Marazuela, « La Bíblia de San Juan… », art. cit., p. 18.

71 - John Lawrence Sharpe III, « The Second Adam in the Apocalypse of Moses », The Catholic biblical Quaterly, 35, 1973, pp. 35-46, a attiré l’attention vers la première, Bianchi, Ugo, Prometeo, Orfeo, Adamo. Tematiche religiose sul destino, il male, la salvezza, Rome, Ateneo e Bizzarri, 1976, pp. 242245 et 248-249Google Scholar, vers la seconde. Paupert, Catherine, « Présence des apocryphes dans la littératuremonastique occidentale ancienne », Apocrypha, 4, 1993, pp. 113123 CrossRefGoogle Scholar, a montré que, dans le monachisme primitif, même les textes normatifs contenaient beaucoup de références, d’allusions et de citations à des textes apocryphes.

72 - M. Melero-Moneo, « Aspectos iconográficos… », art. cit., pp. 298-299, a proposé l’hypothèse selon laquelle, dans la scène de la Nativité, sur l’une des faces du chapiteau 4, les deux femmes aux côtés de Marie seraient Salomé et Ève, suivant l’apocryphe connu sous le titre d’Évangile arménien de l’Enfance. Cette présence possible des apocryphes au monastère de San Juan est confirmée par le fait que le même chapiteau montre le boeuf et l’âne autour de l’Enfant Jésus nouveau-né, en accord avec un texte du VIIe siècle, l’Évangile du Pseudo-Matthieu, I, 14, édité par Constantin Tischendorf, traduit par Aurélia de Santos Otero, dans Los Evangelios apócrifos, Madrid, BAC, 1979, p. 211.

73 - Grünbaum, Max, Neue Beiträge zur semitischen Sagenkunde, Leyde, E. J. Brill, 1893, pp. 5680 Google Scholar ; Andrae, Tor, « Der Ursprung des Islams und das Christentum », Kyrkohistorik Azsskrift, 24, 1923, pp. 165179 Google Scholar ; 26, 1925, pp. 102-109 ; Trimingham, John S., Christianity among the Arabs in Pre-Islamic times, Londres-Beyrouth, Longman/Librairie du Liban, 1979 Google Scholar ; Alfred Havenith, Les Arabes chrétiens nomades au temps de Mohammed, Louvainla- Neuve, Centre d’histoire des religions, 1988. La structure même du Coran révèle l’influence des apocryphes, d’après Wahib Atallah, « L’évangile selon Thomas et le Coran », Arabica, 23, 1976, pp. 309-311. Sur les divers apocryphes chrétiens en arabe, voir Graf, Georg, Geschichte der Christlichen Arabischen Literatur, Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, « Studi e testi-118 », 1944, vol. I, pp. 196297 Google Scholar.

74 - Pour le Coran (XIX, 59), il est prophète, pour la tradition il est le premier apôtre, et Mohammed le dernier ( Tabari, Abu-Djafar, De la Création à David, traduit par Hermann Zotenberg, Paris, Sindbad, 1984, p. 90 Google Scholar). Selon ce chroniqueur (838-923), Adam fut enterré dans une montagne proche de La Mecque, et plus tard, devant le Déluge imminent, il fut exhumé par Noé qui emmena sa dépouille dans l’Arche et l’inhuma à Jérusalem après la décrue (p. 91). Il n’est pas peut-être inutile de rappeler ici deux faits qui, même indirectement, peuvent avoir un rapport avec le chapiteau de San Juan de la Peña, où Adam pose la main un peu au-dessus du coeur : pour les musulmans, Adam s’est repenti du péché (Coran, VII, 22) ; le coeur apparaît presque deux cents fois dans le Coran, comme le siège des sentiments ( Anawati, Georges C., « La notion de péché originel existe-t-elle dans l’Islam ? », Studia Islamica, 31, 1970, pp. 2940, ici p. 34CrossRefGoogle Scholar).

75 - Par exemple, les chrétiens pouvaient y être accueillis par les musulmans avec « beaucoup de considération », comme l’a fait le roi de la taifa de Saragosse, Mustain ben Hud (1039-1046), avec un ermite et pèlerin qu’il « a pris par la main, à qui il a montré ses trésors » et qu’il a hébergé pendant plusieurs jours (Turtuxi, Sirach al-Muluk, in Sanchez-Albornoz, C., La España musulmana, Madrid, Espasa-Calpe, [1946] 1973, vol. II, p. 105 Google Scholar).

76 - Ibid., vol. II, p. 106 ; Arteta, Antonio Ubieto, Colección diplomática de Pedro I de Aragón y Navarre, Saragosse, CSIC, 1951, pp. 1819 Google Scholar ; Balaguer, Federico, « Notas documentales sobre los Mozárabes oscenses », Estudios de Edad Media de la Corona de Aragón, 2, 1945, pp. 397416, ici p. 398Google Scholar.

77 - Cartulario…, op. cit., vol. I, n° 45, pp. 131-132, vol. II, n° 140, pp. 155-160.

78 - Van Koningsveld, Pieter Sjoerd, The Latin-Arabic glossary of the Leiden University Library. A contribution to the study of Mozarabic manuscripts and literature, Leyde, New Rhine, 1976, pp. 7576, n. 245Google Scholar ; Graf, G., Geschichte…, op. cit., vol. I, pp. 224246 Google Scholar.

79 - Giorgio Levi Della Vida, « I Mozarabi tra Occidente e Islam », in L’Occidente e l’Islam nell’alto Medioevo, Spolète, CISSAM, 1965 (Settimane, 12), vol. II, pp. 676-678 ; Comme les mozarabes ont employé des arguments nestoriens qui ont alimenté l’adoptianisme pour défendre leurs traditions religieuses dans la polémique avec les musulmans, on peut se demander dans quelle mesure la critique que constitue le chapiteau d’Adam envers la liturgie romaine ne manifesterait pas des traits de cette hérésie. Si la réponse, à dire vrai invérifiable, était affirmative, la critique serait encore plus profonde qu’on ne l’imagine et n’aurait pu être saisie que par quelques rares contemporains. Mais les métaphores ne sont-elles pas plus senties que comprises ?

80 - Graf, G., Geschichte…, op. cit., vol. I, pp. 142170 Google Scholar ; Heinrich Goussen, Die Christlicharabische Literatur der Mozaraber, Leipzig, Otto Horrassowitz, « Beiträge zur Christlicharabischen Literaturgeschichte-4 », 1909 ; Vida, Giorgio Levi Della, « La traduzione araba delle storie di Orosio », Al-Andalus, 19, 1954, pp. 256293 Google Scholar ; Koningsveld, P. S. Van, The Latin-Arabic glossary…, op. cit., pp. 5260 Google Scholar.

81 - La caverna dei tesori, 11, édité par Margareth Dunlop Gibson, traduit par Antonio Battista et Bellarmino Bagatti, Jérusalem, Franciscan Printing Press, « Studium Biblicum Franciscanum, Collectio Minor-26 », 1980, p. 41. Cette idée était bien connue par l’intermédiaire d’autres sources. Selon une tradition du début du IIIe siècle (De montibus Sina et Sion, 4, édité par Wilhelm von Hartel, Vienne, C. Geroldi, 1871, CSEL III-3, p. 108, l. 12-21), répercutée par un auteur renommé au XIIe siècle (Honorius Augustodunensis, Sacramentarium, IV, PL 172, col. 741 D), la valeur numérique des lettres qui constituent le nom d’Adam totalise 46, préfigurant le Christ.

82 - Il combattimento di Adamo, 5, édité et traduit par Antonio Battista et Bellarmino Bagatti, Jérusalem, Franciscan Printing Press, « Studium Biblicum Franciscanum, Collectio Minor-29 », 1982, p. 36 ; Honorius Augustodunensis, De vita claustralis, PL 172, col. 1248 BC. Voir, sur ce sujet, Penco, Gregorio, « Monasterium-Carcer », Studia monastica, 8, 1966, pp. 133143 Google Scholar ; Leclercq, Jean, « Le cloître est-il une prison ? », Revue d’ascétique et de mystique, 47, 1971, pp. 407420 Google Scholar.

83 - A. Ubieto Arteta, Crónica de San Juan de la Peña, op. cit., pp. 25 et 30.

84 - Il combattimento di Adamo…, op. cit., 6, p. 37 ; 12, p. 50, et 14, pp. 53-55. Même dans une région peu touchée par l’influence islamique, comme c’est le cas de la France centrale, l’attaque démoniaque et la défense de l’ange ont été figurées au début du XIIe siècle sur une fresque de l’église Saint-Martin, à Nohant-Vicq, dans l’Indre. En ce lieu, Satan est représenté bipède et ailé, identique aux images arméniennes reproduites dans l’édition d’A. Battista et B. Bagatti (aux fig. 10-11).

85 - Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., I, 8, p. 38 ; I, 12, pp. 52-53Google Scholar.

86 - La caverna dei tesori, op. cit., 51, p. 59 ; Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., I, 18, p. 78 Google Scholar.

87 - Il combattimento di Adamo, op. cit., 6, p. 37 ; 9, p. 41 ; 10, p. 44 ; Missale mixtum dictum Mozarabes, I, 6, PL 85, col. 119A.

88 - Le protoplaste jouait un rôle important dans le rite hispanique, dont la messe commençait par la lecture des passages de l’Ancien Testament, et la période pascale, temps fort du christianisme, commençait (dans la « tradition A », dont relevait San Juan de la Peña) avec la lecture de passages de l’Évangile de Jean, des Épîtres et de la Genèse (Le Liber Ordinum en usage dans l’église wisigothique et mozarabe d’Espagne du cinquième au onzième siècle, édité par Marius Férotin, Paris, Firmin Didot, 1904, p. XIII). Dans la cérémonie pascale hispanique, la première péricope était celle de la création du monde et la deuxième la création et la chute de l’homme (voir R. Amiet, «La liturgie… », art. cit., pp. 79 et 88). Encore au XVIIe siècle, un abbé de San Juan de la Peña attribuait à Adam une « grande sagesse » ( Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., I, 17, p. 72 Google Scholar), suivant des traditions bibliques (Écclesiastique XLIX, 19 ; Sagesse X, 1) et apocryphes (Vita Adae et Evae, 27, édité par Mozley, John Henry, The Journal of theological studies, 30, 1929, p. 136, l. 9Google Scholar).

89 - La caverna dei tesori, op. cit., 20, p. 45. Gelzer, Heinrich, Sextus Julius Africanus und die byzantinische Chronographie, Leipzig, Teubner, 1880, vol. II, pp. 260273 Google Scholar, a justement noté que l’histoire des patriarches racontée par La caverna dei tesori reflète un esprit monastique.

90 - La nature édénique du cloître fut gravée, au XIIe siècle, sur la porte mozarabe qui le rattache à l’église : Porta Per Hanc Caeli Fit P Via Cvqve Fideli +si Stvdeat Fidei Ivngere Ivssa Dei (” Par cette porte entrent dans le Ciel les fidèles qui ont foi et observent les lois »).

91 - La caverna dei tesori, op. cit., 27-29, pp. 47-50.

92 - Ibid., 38-39, p. 54.

93 - Ibid., 31, p. 51 ; A. Ubieto Arteta, Crónica de San Juan de la Peña, op. cit. : « Et tunc intrauit lex romana in Sanctum Iohannem de la Penya, XI°°kalendas aprilis, secunda septimana quadragessime, feria III, hora prima et tertia fuit toletana, hora sexta fuit romana, anno Domini millessimo LXX°°I°. Et deinde fuit seruata lex romana », p. 56 (Et alors, la loi romaine fut introduite à San Juan de la Peña le mardi, 22 mars, deuxième semaine du Carême de l’an 1071 du Seigneur, lorsque prime et tierce furent de Tolède, la sexte de Rome. Et depuis lors fut observée la loi romaine). Dans la version aragonaise de cette chronique, qui présente quelques petites différences, le passage en question est identique : voir « Crónica de San Juan de la Peña », édité par Carmen Orcastegui Gros, Cuadernos de Historia Jerónimo Zurita, 49-50, 1984, chap. 17, pp. 452-453, ll. 60-64.

94 - La caverna dei tesori, op. cit., 52, p. 59, affirme que l’Arche fut « construite en forme d’église, qui empêchait que l’on mélangeât hommes et femmes ». Noé s’est uni à Haïkal (Ibid., 45, p. 56), nom qui apparaît aussi dans la version syriaque et qui signifie « église » ; c’est le même sens que l’on retrouve dans le nom de l’épouse de Noé en arménien, et en géorgien, T’ajar (La caverne des trésors. Version géorgienne, édité par Ciala Kourcikidzé, traduit par Jean-Pierre Mahé, Louvain, Peeters, « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium-527 », 1992, p. VI, n. 6).

95 - Le premier fondateur du monastère, l’ermite Juan de Atarés, fut nommé par l’abbé et chroniqueur Juan Briz Martinez, « nouveau Noé qui construisit cette arche avant que la crue des barbares [maures] n’inondât l’Espagne », Historia, I, 8, p. 39.

96 - La date mythique est donnée par La caverna dei tesori, op. cit., 52, p. 59, la datation historique par la Crónica de San Juan de la Peña, passage cité supra, n. 93.

97 - Heinz Meyer et Rudolf Suntrup, Lexikon der mittelalterlichen Zahlenbedeutungen, Munich, Wilhelm Fink, « Münstersche Mittelalter-Schriften-56 », 1987, col. 214-331.

98 - Canon 6 du IVe concile de Tolède : Concílios hispanovisigodos, édité et traduit par José Vives, Barcelone-Madrid, CSIC, 1963, p. 192.

99 - Biblia mozárabe de San Juan de la Peña, Madrid, Bibliothèque nationale, ms. 2, f. 1. Il faut, cependant, manier avec précaution cette donnée : encore au début du XIIIe siècle, dans la Bible de San Millán, le Christ bénit Adam nouvellement créé avec deux doigts, alors que Dieu en majesté fait le geste de la bénédiction avec trois doigts (Madrid, Bibliothèque de la Real Academia de la Historia, cod. 2. f. 12v ; cod. 3, f. 191v). Néanmoins, malgré l’hésitation sur le nombre des doigts, qui perdura tout au long du Moyen  ge, l’histoire du geste de bénédiction montre une tendance nette : celui à deux doigts (adapté, au tout début du christianisme, du geste païen de conversion et de commande) a prévalu jusqu’au XIe siècle ; puis celui à trois doigts s’est imposé (venu de l’art oratoire latin et intégré par les chrétiens depuis le IIIe siècle), encouragé par la réforme grégorienne probablement en association avec l’uniformisation liturgique et les progrès de la théologie trinitaire.

100 - Nous pouvons peut-être inclure, parmi les indices de rejet de la symbolique du nombre trois, le fait que l’hagiographie du milieu du XIIe siècle (cité supra, n. 40) ne dit rien d’un événement central pour l’histoire du monastère : la découverte par Voto du corps de l’ermite Juan de Atarés dont la tête reposait sur une pierre triangulaire, comme le racontent un récit de la fin du XIIe siècle (Vita alia, 3, op. cit., p. 407) et un autre du XIIIe siècle (Ex anonymi Pinnatensis, 3, ibid., p. 410). La référence à une lapidem triangulatum, ejus capiti suppositum date de l’époque à laquelle la réforme liturgique était bien installée.

101 - Baschet, JérôMe, « Inventivité et sérialité des images médiévales. Pour une approche iconographique élargie », Annales HSS, 51-1, 1996, pp. 93133, ici p. 103CrossRefGoogle Scholar.

102 - Wallis, Mieczyslaw, « Medieval art as language », Actes du Cinquième Congrès…, op. cit., pp. 427429 Google Scholar ; ID., « La notion de champ sémantique et son application à la théorie de l’art », Sciences de l’art, numéro spécial, 1966, pp. 3-8.

103 - C’est ce que montre le chapiteau 6, dont une des faces représente le premier fratricide et une autre les Mages en visite à Hérode, ce qui, selon l’exegèse typologique entre les Testaments, invite à comparer les sacrifiés (Abel/Christ) d’un côté, aux assassins (Caïn/Hérode) de l’autre.

104 - Respectivement Genèse II, 17 ; Luc XXII, 19 ; Jean VI, 54.

105 - Francastel, Pierre, L’humanisme roman, Paris-La Haye, Mouton/Éditions de la MSH, [1942] 1970, spécialement les pp. 161-210Google Scholar. Selon lui, la sculpture monumentale réapparut en Occident dans le dernier tiers du XIe siècle dans quelques ateliers, dont Jaca, ce qui s’accorde avec la datation haute du cloître de San Juan.

106 - Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., I, 48, pp. 216218 Google Scholar ; Beltrán, Antonio, Estu- dio sobre el Santo Cáliz de la catedral de Valencia, Valence, Instituto Diocesano Valentino Roque Chabas, 1984 Google Scholar. Une réplique du calice est aujourd’hui déposée sur le maîtreautel du monastère.

107 - Martinez, J. Briz, Historia…, op. cit., I, 47, p. 211 Google Scholar.

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115 - Recht, R., L’objet…, op. cit., p. 19 Google Scholar. On doit, peut-être, rapporter aux images médiévales la constatation faite pour les images actuelles : elles figurent moins une représentation qu’une relation, moins un contenu particulier qu’un processus d’assimilation psychique : voir Tisseron, Serge, Les bienfaits des images, Paris, Odile Jacob, 2002 Google Scholar.

116 - J. Baschet, « Inventivité et sérialité… », art. cit., pp. 106-107, qui ajoute avec raison que « la vitalité et le dynamisme de la pensée chrétienne au sein d’une société complexe permettent le déploiement des ressources du langage figuratif, dans ses spécificités, et confèrent à la création visuelle une large marge de manoeuvre » (p. 111).

117 - Hubert Damish, « La peinture prise au mot », préface à Schapiro, M., Les mots et les images, op. cit., p. 26 Google Scholar.

118 - Ibid., p. 8.

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