Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Le Ve Congrès de la Fédération Internationale d'Études Classiques, qui s'est tenu à Bonn du ler au 6 septembre 1969 était consacré, d'une façon générale, aux problèmes d' « Interprétation ». Dans le cadre de ce programme, une séance a été spécialement affectée à « L'interprétation prosopographique de l'histoire romaine ». Bien que l'histoire romaine ne soit pas, à coup sûr, le seul domaine où se soient développées, depuis la fin du XIXe siècle, des études « prosopographiques », il est certain qu'elle en a été un champ d'application privilégié, et que c'est en particulier en histoire romaine que le mot a été pour la première fois employé. Les lecteurs des Annales seront peut-être intéressés par les réflexions que l'emploi de cette méthode (qui n'a certainement pas la prétention de constituer une discipline nouvelle en soi) a pu inspirer à deux des rapporteurs de cette séance, C. Nicolet et A. Chastagnol.
page 1209 note 1. Sera publiée dans Volumes in honour of Professor J. Vogt, Berlin, De Grruyter 1970.
page 1209 note 2. Publiée dans Mnemosyne XXII, 1969, fasc. 3.
page 1210 note 1. H. Berve, Das Alexanderreich a us prosopographischer Grundlage, 2 vol., München, 1926.
page 1210 note 2. W. Peremans, E. Van't Dack, Prosopographia Ptolemaica, Louvain, 1950 (en cours de publication).
page 1210 note 3. H. Hill, dans son compte rendu de mon livre L'Ordre équestre à l'époque républicaine, I, Paris, 1966, dans Journ. Rom. Stud., 1968, p. 260, me prête à tort cette affirmation (p. 7). Il s'agissait uniquement des moyens de faire progresser l'histoire de l'ordre équestre, et ces mots caractérisaient la dissertation de P. Schmidt, Die rômischen Ritter von den Gracchen bis zum Tode Ciceros, Diss. Breslau, 1912. H. Hill veut bien concéder que « prosopography is a useful tool for the historian ».
Il serait intéressant de faire l'histoire du mot. Son plus ancien emploi, à ma connaissance, remonte aux appendices de l'édition du Codex Theodosianus de J. Godefroy (Ed. Weidmann, 1743, VI, 2, pp. 35-94, dressés, je crois, par J.-Daniel Ritter) : Prosopographia seu index personarum omnium quarum fit mentio in codice Theodosiano numéro circiter DccL. Le Dictionnaire de Littré, en 1863, donne la définition suivante : « Terme de rhétorique. Espèce de description qui a pour objet de faire connaître les traits extérieurs, la figure, le maintien d'un homme d'un animal. » En 1896, dans la préface à la première édition de la PIR (PIR2 p. VI), Mommsen écrivait : « Prosopographia haec cum appellavimus vocabulo non optimo, sed recepto… » Le mot, on le verra, commençait à être employé par des savants comme C. Cichorius, en Allemagne, y compris pour la période républicaine, dans les premières années du XXe siècle. Le Dizzionario Enciclopedico Italiano, 1958, outre ce sens, en donne un second : « Raccolta di notizie su personnaggi di una epoca (o di una città, etc.) disposti in ordine alfabetico. » Le Grand Larousse Encyclopédique, 1963, VIII, p. 845, donne, sous ie mot « Prosographie » (sic) : « Science auxiliaire de l'épigraphie et de l'histoire ancienne, qui étudie la filiation et la carrière des grands personnages. »
page 1211 note 1. Cf. ci-dessus le rapport de T. R. S. Broughton, et surtout sa claire et excellente Préface à ses Magistrates of the Roman Republic, I, 1951, pp. VII-XIII. La méthode est exposée sans que son historique soit véritablement fait, par J. Suolahtï, Junior officers of the Roman Army in the republican period, 1952, pp. 15-20; id.# The Roman censors, 1963, pp. 8-9; elle est évoquée, pour l'ensemble de l'Histoire romaine, par S. J. De Laet, « La composition de l'ordre équestre sous Auguste et Tibère », Rev. Belg. Phil. Hist., 1941, p. 512, n. 2.
page 1211 note 2. J. Glandorp (1501-1564), de Munster; élève de Melanchton. Il a publié une Descriptio gentis Antoniae (Leipzig, 1557) et Familiae gentis Juliae (Bâle, 1576) ; son fils publia en 1589 son Onomasticon Historiae Romanae, Francfort, 4°, 970 p. (Allgemeine Deutsche Biogr., IX 208).
page 1211 note 3. Forcellini n'avait pas eu le temps de mener à bien la confection d'un Onomasticon, qu'il avait prévue comme suite à son Lexicon Totius Latinitatis. Il fut réalisé (de A à O) par Vicenzo De-VIT (1869-1892).
page 1211 note 4. J. C. Orelli et J. G. Baiter, Onomasticon Tullianum (tome VII de l'édition complète des oeuvres de Cicéron), 658 p., Thuringe, 1838. Comprend les noms propres des oeuvres de Cicéron, Varron, César, Asconius et les Scoliastes de Cicéron, Salluste. Il est fait en partie à partir de I. A. Ernesti, Clavis ciceroniana sive indices rerum et verborum, lre éd. 1739.
page 1211 note 5. Le meilleur exemple reste P. Fabia, Onomasticon Taciteum (Annales Univ. de Lyon, nouv. série. II, lettres 4), Paris, 1900. Citons aussi H. Smilda, Index historicus, tome IV de l'éd. P. Boissevain (1926) de Dion Cassius. Rares sont les bons indices nominum pour les auteurs intéressant l'époque républicaine : on les trouvera, à la date de 1926, dans P. Faider, Répertoire des index et lexiques des auteurs latins, Paris, Belles-lettres, 1926, et pour 1938, dans N. Herescu, Bibliographie de la littérature latine, Paris, Belles-lettres, 1943. Pour les auteurs grecs intéressant Rome, aucun répertoire systématique. Citons : Polybe, Ind. Nom. de l'éd. Buttner-Wobst (Teubner, 1904); Plutarque (Vitae) : Lindskog-Ziegler, Teubner, 1956; Diodore : Russel M. Geer, dans l'éd. Loeb (1967). Pour Tite-Live, il faut consulter à la fois le vieil index de l'éd. Lemaire, Paris, 1825, tome XII, 434 p., qui comprend malheureusement les références aux « suppléments » de Freinscheim, et celui de R. M. Geer au tome XIV de l'éd. Loeb (1959). Cf. C. Nicolet, L'Ordre équestre, I, pp. 147-151.
page 1212 note 1. Cf. ci-dessus le rapport général de H. G. Pflaum. Prosopographia Imperii Romani. lre éd. par E. Klebs, H. Dessau, P. von Rohden, Berlin, 1893. 2e éd., en cours de publication, commencée par E. Groag, A. Stein, et L. Wickert Berlin, 1933.
page 1212 note 2. P. Schmidt, Die rômischen Ritter…, Diss. Breslau, 1912, Praef.. attribue formellement ce projet à son maître Cichorius. Outre celle de Schmidt, je compte six Dissertations de Breslau, entre 1908 et 1911, consacrées aux Fasti d'époque républicaine. On en trouvera aisément la liste, ainsi que des autres Dissertations de Bonn, de Berlin ou de Leipzig de même objet dans T. R. S. Broughton, The Magistrates of the Roman republic. II, 1952, p. 503.
page 1212 note 3. W. K. Drumann, Gesch. Roms in seinem Uebergange von der republicanischern zu monarchischen Verfassem, oder Pompeius, Caesar, Cicero und ihre Zeitgenossem. Nach geschlechtern und mit genealogischen Tabellen, 1834-1844. 2e éd. par P. Groebe, Berlin, 1899-1908 (six tomes).
page 1212 note 4. C'est en 1893 que Wissowa offrit à F. Münzer de reprendre à partir de la lettre C les articles de prosopographie républicaine jusque-là rédigés par E. Klebs dans la Real-Encyclopàdie. (Sur F. Mùnzer, né en 1868 à Oppeln, et mort en 1942 à Theresienstadt, cf. M. Gelzer, « Friedrich Mùnzer in memoriam », Kleine Schriften, III, 345-348, paru d'abord dans Historia, II, 1953.) Les articles républicains de la R.E. sont désormais signés H. Gundel.
page 1213 note 1. Les sacerdoces (et il faut citer, entre autres, F. Münzer, Die rômischen Vestalinnenn bis zur Kaiserzeit. Philologus 92, p. 47, 199 et son rapport sur les Pontifices Maximi, Historische und Antiquarischen Gesellschaft in Basel, 1916) (cf. Adelsparteien, p. 414) ; lestribunats militaires et les préfectures (on trouvera cette bibliographie ancienne dans les deux livres plus bas cités de J. Suolahti), les équités (cf. le livre de P. Schmidt cité Infra), les praefecti fabrum (H. C. Maué, Derpraefectus fabrum. Halle 1887). On ajoutera K. Pink, The triumvirimonetales and the structure ofthe coinage of the roman republic. Amer. Num. Soc, Numis. Stud. 7, New York, 1952; mais, pour la personnalité des monétaires, il faut toujours recourir à l'ouvrage vieilli de E. Babelon, Les Monnaies de la République romaine. Paris, 1885-1886.
page 1213 note 2. Le plus ancien de ces ouvrages, me semble-t-il, est celui de E. W. Pighius, Annales Romanorum (1599-1615). Pour les sénateurs, outre P. Willems, Le Sénat de la République romaine, Louvain, 2 vol., 1878,1883, cf. P. Ribbeck, Senatores Romani qui fuerint idibus Mart. ann. a U.C. 710. Diss. Berlin, 1899 et L. Ross Taylor, The Voting districts of the roman republic, Mem. Amer. Acad. Rome, 1960, p. 167 et suiv. (tous les sénateurs connus avec leur tribu).
page 1213 note 3. G. Niccolini, I Fasti dei tribuni délia plèbe, Milano, 1943 (mais Niccolini avait déjà publié des Fasti tribunorum plebis 494-23 a.C., Pisa 1898).
page 1213 note 4. J. Suolahti, Junior Officers of the Roman army in the republican period, Helsinki, 1955 (ouvrage tout à fait neuf, inspiré, comme l'auteur le dit lui-même formellement, p. 5, par l'exemple de travaux d'histoire sociale moderne, et où le traitement sous forme de tableaux comparatifs et statistiques accompagne, comme un complément à nos yeux nécessaire, les « listes » prosopographiques des pages 306 à 398; si la discussion de détail peut amener à faire, sur telle ou telle identification, ou sur tel classement, des réserves inévitables, ce livre marque inconstestablement une date dans nos études. Il est vrai que le matériel lui-même — à savoir les noms des tribuni militum et praefecti — était neuf, je veux dire que c'était là un groupe social, des fonctions qui avaient échappé jusque-là à l'attention des historiens, centrée surtout sur les sénateurs). On ne peut sans doute pas dire la même chose de l'ouvrage du même auteur, The Roman Censors, Helsinki, 1963, 837 p. Bien qu'extrêmement complet et utile, puisqu'il rassemble toute la documentation et les Fasti complets jusqu'en 73 ap. J.-C, les résultats en sont beaucoup moins inattendus — car, comme l'auteur le reconnaît lui-même p. 518, « it is natural that thouse who held the highest office of censors, and who were elected chiefly from former consuls, should hâve corne from old gentes etc. ». Disons que les résultats sont moins importants pour l'histoire sociale que pour l'histoire politique du petit groupe des familles consulaires intéressées par la censure. J. Suolahti, dans une lettre du mois de mai 1969, veut bien m'annoncer qu'il prépare un livre du même type sur Les Ediles romains d'époque républicaine.
page 1213 note 5. T. R. S. Broughton, The magistrates of the Roman Republic, vol. I, 1951 ; vol. Il, 1952; Supplément, 1960; à compléter avec : E. Badian, Gnomon, 1961, pp. 492-498; les suppléments donnés par R. Syme, Missing senators, Historia, 1955, pp. 52-71, ont été intégrés par T. R. S. Broughton dans son Sup. de 1960. Depuis, ont paru diverses études de même type concernant des magistrats ou des sénateurs : A. Lippold, Consules…, von 264 bis 201 v. C, Bonn,1963; N. Marinone, I questorie ilegatidi Verre in Sicilia. Atti Acad. Torino, 1965-1966, pp. 219-252.
page 1214 note 1. M. Gelzer, Die Nobilitàt der rômischen Republik, 1912 = K.S. I, pp. 40-41 et 50-60 (listes prosopographiques) ; F. Mùnzer, Rômische Adelsparteien und Adelsfamilien, Stuttgart, 1920 ; A. Afzelius, Zur Définition der rom. Nobilitàt in der Zeit Caesars. Class. et Mediaev. I, 1938, 40-94; id., Zur Def. der rom. Nobil. vor der Zeit Ciceros, Class. et Mediaev.. VII, 1945, pp. 150-288.
page 1214 note 2. Autres exemples d'enquêtes sur le sens de mots comme principes ou proceres: L. Wickert, Princeps, R.E.. col. 2014-2030; A. Magdelain, Procum patricium, Studi in onore di Ed. Volterra, 1969, II, 247-266.
page 1214 note 3. R. Mousnier (et alii). Problèmes de stratification sociale. Deux cahiers de la noblesse pour les États généraux de la Fronde (1649-1651 ) , Publ. Fac. Lettres de Paris, 1965; id.. Problèmes de stratification sociale. Actes du Colloque international (1966), P.U.F., 1968, 283 p.; id.. Les hiérarchies sociales, de 1450 à nos jours, Paris, P.U.F., 1969; B. Cohen, The Roman ordines. Thèse de l'Université de Tel Aviv, en préparation.
page 1214 note 4. Pour bien comprendre le renversement de point de vue qu'apportait la prosopographie, il n'est pas inutile de rappeler comment se posaient traditionnellement les problèmes d'interprétation de la politique romaine d'époque républicaine, jusqu'au XIXe siècle. Depuis Mommsen, d'abord dans sa Römische Geschichte, en 1854-1856, puis surtout dans son Staatsrecht (1871- 1878), la vieille trame annalistique transmise essentiellement par Tite-Live, Denys d'Halicarnasse, puis par Diodore, Appien et Plutarque, avait été utilisée pour reconstituer une histoire intérieure caractérisée essentiellement par ce qu'on peut appeler son juridisme : une histoire en quelque sorte « constitutionnelle », et même, pour une bonne part, « parlementaire ». Ce n'est pas que, pour Mommsen, le droit primât le fait : mais l'érudition s'était donné pour tâche, tout au long du XIXe siècle (tâche d'ailleurs indispensable), de reconstituer un « Droit public » romain, et de ce droit public se dégageaient des rapports essentiellement juridiques entre des « entités » constitutionnelles, le « populus », la « plèbe », le Sénat la magistrature; il ne fait aucun doute (on pourrait dans le détail, en administrer la preuve), que l'école historique allemande du XIXe siècle, influencée par la littérature des Lumières, et en particulier, par Montesquieu et Rousseau, avait implicitement une théorie des pouvoirs dont l'histoire romaine devenait — avec sa république censitaire et «constitutionnelle» — un champ d'application particulier. Le peuple, dans ses assemblées, le Sénat la magistrature devenaient les trois réalités autonomes dont les rapports changeants allaient constituer la trame même de l'histoire politique. Une république constitutionnelle, d'autre part, ne se conçoit pas sans « partis » : Niebuhr d'abord, Mommsen à son tour, enfin des épigones comme J. B. Mispoulet, s'attachèrent à en dégager l'existence à Rome; mais ces « partis » étaient conçus, là encore, sur un modèle moderne, parlementaire et constitutionnel : Mommsen parlait du « parti populaire » comme d'un parti d'opposition, du parti aristocratique comme d'un parti du gouvernement. (Cf. sur ce point la bonne introduction de F. Cassola, I gruppipoliticiromani, Trieste, 1962, p. 5 et suiv.; L. Ross Taylor, Party Politics in the âge of Caesar, 1949, p. 192, n. 51, analysant l'oeuvre de W. Wachsmuth, Geschichte der politischen Parteieungen alter und neuer Zeit, 1853). Naturellement des savants comme Mommsen savaient, dans le détail, se garder des anachronismes dans lesquels pouvait tomber un demiamateur comme J. B. Mispoulet : il n'empêche que la référence à l'Angleterre, voire à la France de la Révolution, ou même à l'Allemagne du XIXe siècle, était constamment et peut-être inconsciemment présente chez Mommsen. (Cf. à ce sujet, C. Nicolet, Introduction à l'Histoire Romaine de T. Mommsen, Paris, Laffont, 1970, sous presse).
La première réaction d'importance contre cette conception fut celle de M. Gelzer, Die Nobilitàt der rômischen Republik, Leipzig-Berlin, 1912 = K/e«e Schriften (1962), pp. 19-135. Son propos était d'ailleurs plus de faire une « sociologie » ou une « Gesellschaftgeschichte » (cf. K.S., p. 17) que de l'histoire politique; et l'ouvrage se présente d'abord comme une analyse de « catégories » : Ritterstand, Nobilitas (avec analyse de mots comme clarissimi, principes civitatis, etc.). Viennent ensuite des chapitres sur les liens de dépendance, la clientèle, le patronat, l'amitié politique : on voit que celle-ci n'intervient que dans une série de relations où le social explique et sous-entend le politique. Le point de vue était nouveau et fécond. Nouvelle aussi était la méthode, prosopographique par bien des aspects : pour la compréhension du terme nobilis. ou clarissimus (K.S., pp. 40-54), le dénombrement des individus connus pour l'époque cicéronienne, même non exhaustif, donne immédiatement une clef extrêmement importante (« Das Gemeinsame an diesen Namen ist, dass sie consularische Familien angehôren, das heisst solchen, die frùher dem Staat schon einem Consul gestellt haben »), même si par la suite, des études comme celles de A. Afzelius (citées p. 1214, n. 1) sont venues nuancer cette première approximation. Le livre de Gelzer est de 1912. C'est presque vingt ans auparavant, en 1893, que Fr. Mùnzer avait été chargé, par Wissowa, de reprendre, à partir de la lettre C, les notices prosopographiques de la Real-Encyclopâdie. Le matériel ainsi réuni lui inspirait l'idée et lui donnait la possibilité d'aborder, enfin, l'étude renouvelée à la fois de la noblesse (Adel) et des partis, c'est-à-dire de donner une interprétation unitaire de la vie politique des IVe-1e r siècles av. J.-C. D'abord, cette vie se trouve en quelque sorte confinée dans un monde restreint, d'où les entités constitutionnelles de Mommsen, le peuple et même le Sénat se trouvent exclus : la politique est le fait exclusif des « grandes familles », de celles qui forment une « noblesse », et les « partis », même ceux qui se présentent comme « populaires » (du moins jusqu'aux Gracques) ne sont que des partis à l'intérieur de la noblesse. Mais encore ? Ces partis ne sont — et c'est là l'essentiel des thèses de Mùnzer — que des alliances de familles, entraînées dans une lutte pour le pouvoir lui-même, par une sorte de nécessité quasi biologique. Ces conclusions, Mùnzer les tirait ouvertement de la prosopographie. Par exemple, il fut le premier à étudier systématiquement les élections consulaires des IVe et IIIe siècles, en recherchant la répétition des alliances de noms, ou les liens matrimoniaux qui pouvaient exister entre telles ou telles familles, reconstituant ainsi des jeux d'alliances, des monopoles électoraux, etc. De l'alliance de deux noms dans les Fastes consulaires, répétés ou non à plusieurs années de distance, on déduisait l'existence de clientèles (une famille patricienne, une plébéienne, par exemple) qui suffisait à expliquer l'existence d'un « parti ». La méthode a pu être critiquée par ceux-là même qui pourtant l'avaient inspirée (cf. M. Gelzer, c. r. de F. Mùnzer, K.S., 197), car la présence à une même magistrature collégiale n'implique pas toujours communauté de vue ou d'intérêts; il est incontestable pourtant que cette approche prosopographique a renouvelé les données mêmes que nous devons utiliser pour interpréter à notre tour (et différemment de Mùnzer parfois) la politique romaine : une des grandes découvertes restera celle de l'appui fourni aux premières familles plébéiennes parvenues aux magistratures au IVe siècle (les Licinii, les Marcii, les Publilii) par certaines familles patriciennes; une autre, celle de l'importance des allogènes, Campaniens, Tusculans, Étrusques, dans les alliances matrimoniales et dans les Fastes romains de la même période (Munzer, p. 62 et suiv.; cf. J. Heurgon, Capoue préromaine, 1942, p. 260 et suiv.). C'était cela, l'apport fondamental de la prosopographie. Le reste, c'est-à-dire la théorie, forcée, sur le caractère purement factionnel des partis, sur l'absence de motivations purement politiques (d'ailleurs démenti. au fil du livre, par des incidentes de Mùnzer lui-même, comme le remarque Gelzer, o.c, p. 198) reste matière à discussion.
Le livre de Mûnzer est de 1920. Tous ceux qui s'intéressent à l'historiographie ont remarqué qu'à l'époque même où l'interprétation de la politique romaine descendait du domaine un peu idéal du constitutionnalisme parlementaire à la Mommsen dans celui de la prosopographie politique, une révolution analogue se produisait en Angleterre : l'oeuvre de Sir Lewis Namier, qui interprétait le « two-parties System » du XVIIIe siècle à la lumière de la sociologie et des interrelations familiales (The structure of politics at the accession of George III, 1929; England in the âge of the american Révolution, 1930). On ne peut noter aucun rapport entre Namier et Mùnzer. Mais, de l'avis d'un bon observateur comme A. Momigliano, et malgré I''understatement et la discrétion de Syme, il y a une « namierization » certaine de l'histoire romaine dans l'oeuvre monumentale, et si bien dans la ligne mùnzerienne, de R. Syme, Roman Révolution (1939) (cf. A. Momigliano, Introduzione a Ronald Syme, Einaudi, 1962 = Terzo Contributo alla Storia degli Studi classici, Roma, 1966, p. 730 ; et « Lo storicismo nelle pensiero contemporaneo », Rivista storiae itaniana, 1961, pp. 104-119 = Terzo Contributo, p. 273). (Sur tous ces points, cf. le rapport de T. R. Broughton, « Senate and senators of the Roman Republic », qui sera publié dans les Volumes… J. Vogt). Il peut être intéressant de signaler une entreprise historique moderne, inspirée par les travaux de sociologie politique de Sir Lewis Namier, et qui adopte délibérément la forme prosopographique : La grande History of Parliament, dont une première tranche, The house of Commons, 1754-1790, 3 vol. (dont 2 de prosopographie) vient d'être publiée à Londres (1964) par les soins de J. Brooke. Cf. infra, p. 1226, n. 3.
page 1216 note 1. Pour l'Italie de l'époque républicaine, l'étude de l'origine locale des gentes revêt aussi un intérêt politique évident puisque les différentes collectivités italiennes ne jouissaient pas, du point de vue de la citoyenneté romaine, des mêmes droits : il faut distinguer entre les gens des municipes, les Latins, les simples Socii. Sur l'ensemble de ce problème, cf. essentiellement A. N. Sherwin-White, The roman citizenship, 1939. Comme exemple de monographie prosopographique, cf. M. W. Frederiksen, « Republican Capua, a social and économie study », Papers Brit. School Rome, 1959, pp. 80-130. Lorsqu'il s'agit d'essayer de deviner l'origine locale de tel individu ou de telle gens attestés par les textes, en dehors des inscriptions dont le lieu de trouvaille est en général connu, on est tributaire de l'onomastique, avec toutes les difficultés que cela implique. Cf. ci-dessous, p. 1228, n. 1.
page 1217 note 1. Le mot ordo, comme le montrera B. Cohen, a naturellement, d'un simple point de vue philologique, et pris en lui-même, une acception très lâche. Mais, suivi d'un mot au génitif pluriel ou d'un adjectif, il prend alors un sens extrêmement précis, juridique et officiel ou « fonctionnel ». B. Cohen en a dénombré 28 pour toute la durée de l'histoire romaine. Il est surtout remarquable qu'on ne puisse l'appliquer à n'importe quel groupe ou n'importe quelle classe. Cette étude détaillée confirme donc ce qui avait été entrevu par J.-B. Mispoulet, « Études sur les chevaliers romains », dans Études d'Institutions romaines, 1887, par J. Hellegouarc'h, Le Vocabulaire latin des relations et des partis politiques, Paris, 1963, pp. 428-440 ; et C. Nicolet, L'Ordre équestre, I, pp. 163-176.
page 1217 note 2. Quand on dit qu'un ordo est défini juridiquement on veut dire par-là qu'il a un statut légal et que sa composition est en principe contrôlée par l'État. Mais cela ne signifie absolument pas que cette composition soit stable, ni que la situation juridique de Vordo coïncide toujours, en toute façon, avec les structures réelles : le droit est en avance, ou en retard, sur la réalité; il y a des périodes de relâchement ou, au contraire, de réaction (pensons à la réaction nobiliaire sous Louis XVI), qui ont des causes politiques et sociales indépendantes du droit. Mais à un moment ou à un autre, il faudra bien qu'il y ait ajustement du droit au fait, parce que Vordo n'est pas seulement un groupement de fait, mais a pour particularité de réclamer un statut et des honneurs extérieurs. Les meilleurs exemples de ces tensions et de ces conflits entre le droit et le fait sont dans Cicéron, Verrines, III, 183-184 (rapports entre l'ordre équestre et l'ordre des scribes), et la longue et passionnante discussion sur la signification (variable dans le temps) du titre eques Romanus dans Pline, N.H., XXXIII, 29-36; j'ai insisté sur ces deux textes dans un article, « Les finitores ex equestri loco de la lex Servilia de 63 », à paraître dans Latomus; pour les promotions dans l'ordre équestre à l'époque impériale, et le contrôle exercé par l'État, cf. mon article « Eques Romanus ex inquisitione, à propos d'une inscription de Prousias de l'Hypios », B.C.H., 1967, 2, pp. 411-422. Pour un exemple des généralisations orientées des contemporains, voir la formule célèbre de Cicéron, publicani, hoc est équités Romani (Verr., III, 169), que je discute, pour en montrer l'exagération, dans L'Ordre équestre, I, pp. 317-355, grâce précisément à la méthode prosopographique.
page 1217 note 3. Charles Loyseau, « Cinq livres du droit des offices, suivi du livre des seigneuries et de celui des ordres », Paris, 1610, in-f° (R. Mousnier, La Participation des gouvernés aux activités des gouvernants dans la France du XVIIe et du XVIIIe siècle. Études suisses d'Histoire générale, 1962-1963, pp. 200-229, qui montre, par exemple, que les officiers prétendaient que la seule noblesse était celle de robe fondée sur les fonctions royales, que la noblesse d'épée prétendait avoir le pas sur l'ordre du clergé, en droit le premier, etc.). Le chapitre II du Livre des Ordres est consacré aux « Ordres Romains ».
page 1217 note 4. L'Ordre équestre à l'époque républicaine, I, Définitions juridiques et structures sociales. Paris, 1966 ; tome II, Corpus des chevaliers romains d'époque républicaine, 524 f. dact., à paraître. Les résultats des données prosopographiques sont traités en détail tome I, p. 147 à 464, et résumés dans Inf. Lit, 1967, pp. 62-70. L'étude des chevaliers posait un problème exceptionnel : d'une part, il fallait trancher la question de savoir s'il y avait, à notre époque, deux sortes de chevaliers, ceux qui, ayant le cheval public, faisaient partie des centuriae equitum Romanorum equo publico, et d'autres, qui auraient eu droit au titre sans faire partie de ces centuries. Avant les Gracques, et sans doute même avant Sylla, très vraisemblablement seul l'octroi officiel du cheval public donnait droit au titre de chevalier. La question est plus douteuse pour la période révolutionnaire qui va de 89 à Auguste. D'autre part, il fallait se demander si, comme le voulaient certains, de Belot à H. Hill, le titre de eques Romanus était automatiquement pris partousles citoyens possesseurs d'un cens suffisant : auquel cas, leur relevé prosopographique s'avérerait à la fois impossible et inutile; l'ordre équestre ne serait qu'une « classe » timocratique aux contours très flous. Une étude prosopographique passait donc d'abord, dans ce cas précis, par une étude de titulature. Nous verrons infra les apports de ce genre de recherches pour divers aspects de l'histoire sociale romaine : l'usage des titres, en effet, est minutieusement réglé, soit par l'usage, soit même par le législateur, tout comme l'usage des insignia, à l'époque républicaine comme à l'époque impériale. Cf. Paul, Sent., 5,25, 12 : qui insignibus altioris ordinis utuntur militiamque confingunt…, humiliores capite puniuntur, honestiores deportantur. Le titre eques Romanus, à l'époque républicaine comme à l'époque impériale, est une dignitas (Nicolet, L'Ordre équestre, I, pp. 236-241). Il était donc légitime de faire, comme déjà l'avaient vu C. Cichorius et son élève P. Schmidt, une prosopographie dressée à partir d'abord des seuls équités certi, c'est-à-dire ceux pour lesquels le titre est formellement attesté. La liste de 196 noms obtenue par Schmidt peut être cependant assez considérablement augmentée : 1° avec les tribuni militum et les praefecti qui, sauf exceptions remarquées, sont presque tous, lorsqu'ils ne sont pas de l'ordre sénatorial, de l'ordre équestre (C. Cichorius, « Das Offizierkorps eines rômische Heeres aus dem Bundegenossenkrieg », Rômische Studien, pp. 241-257, avec étude prosopographique de l'inscription ILS 8888) ; 2° avec des personnages pour qui le titre n'est pas formellement attesté, mais qui portent des qualificatifs de prestige, comme splendidus; 3° des personnages qui ont reçu l'anneau d'or (avec des restrictions et des précautions) ; 4° des personnages qui sont de très proches parents (frères, fils, cousins) de sénateurs; 5° certains sénateurs de la fournée de Sylla, visiblement pris parmi les anciens juges équestres; 6° il est certain qu'on aurait pu, sans grand risque d'erreur, compter presque tous les senatores novi comme d'origine équestre, étant donné les règles générales du jus honorum; mais cela aurait démesurément gonflé les listes, et aurait rendu moins nette l'analyse de la structure de l'ordre équestre que nous voulions tenter. On a donc préféré confier le sujet à quelqu'un d'autre : cf. ci-dessous, p. 1222, n. 1. Compte tenu de ces ajouts de chevaliers presque certains, on a abouti à une liste de 375 équités, soit 180 de plus, à peu près, que P. Schmidt.
page 1218 note 1. E. Belot, Histoire des chevaliers romains…. I, Paris, 1866; II, 1873; et Surtout H. Hill, The Roman middle class in the republican period, Oxford, 1952; dans le même sens : M. Gelzer, Die Nobilitat…, I. Ritterstand, 1912 = K.S., I, pp. 20-31 ; H. Schaeffer, « Der Ritterstand der rômische republik », dans Problème der alten Geschichte…, Gôttingen, 1963, pp. 337-352, qui résume des séminaires consacrés à ce sujet et annonce des recherches prosopographiques qui, à ma connaissance, n'ont jamais été publiées (” ich selb habe mich seit zwanzig Jahren mit desem problem fur die republikanische Zeit beschâftigt, viel prosopographische material gesammelt und môchte hier eine kurze Skisse vorlegen »). Indépendemment de moi, et sans recourir à la méthode prosopographique, P. A. Brunt était arrivé à des résultats assez analogues, 77?e Equités in the late republic. Deux Conf. Int. d'Hist. Econ., Aix, 1962 (Paris, 1965), pp. 117-137 : bien qu'acceptant la très lâche définition censitaire de l'ordre équestre, il a bien vu que ce dernier n'est pas composé uniquement de banquiers ou de publicains; cf. son compte rendu de mon livre, « Les Equités Romains à la fin de la république». Annales E.S.C., 1967, 1090-1098.
page 1219 note 1. Le nomen, le titre officiellement reconnu, est essentiel : cf. le cas de L. Gellius L.f., CIC, Pro Flacco, 110 : indignus… equestri ordine cujus Me ordinis nomen retinet, orgamenta confecit; intéressant aussi le maniement du titre par César, en B.G., III, 7, à comparer avec B.G., III, 10; et le cas de Trebonius, le père du tribun de 55, CIC, Phil., XIII, 23.
page 1219 note 2. A propos des tribuni aerarii de la lex Aurélia, par exemple (cf. Nicolet, L'Ordre équestre, I, pp. 593-613). Il est vrai que les tribuni aerarii peuvent être à la fois chevaliers et tribuns, comme on peut être à la fois chevalier et scribe. Pourtant, Dion Cassius, XLIII, 25, semble bien vouloir dire que certains d'entre eux au moins étaient « ex plèbe ». Quoi qu'il en soit, lorsqu'il s'adresse aux jurés, Cicéron se garde bien de le préciser, et n'évoque que des senatores et des équités Romani.
page 1219 note 3. Cf. les exemples cités ci-dessus, note 1 ; et, pour la dignitas, Nicolet, L'Ordre équestre, I, pp. 237-241, avec entre autres, CIC, Verr., Il, 73; Pro Caelio, 3; Nepos, Vita Attici, l, 1. Ce caractère de titre de noblesse a été bien vu par J. Naudet, De la noblesse et des récompenses d'honneur chez les Romains, Paris, 1863, pp. 48-49 et passim. Sur la titulature à l'époque impériale, C. Nicolet, « Remarques épigr. sur la titulature des chev. rom. », Mél. Saumagne, Tunis, 1968, pp. 79-84 et « La titulature des chevaliers romains à l'époque impériale, I, la Gaule Cisalpine », Mél. Renard, Coll. Latomus, Bruxelles, 1969, pp. 547-565, avec la référence topique de Censorinus, Ad Diem Nat., 15, 4.
page 1219 note 4. Comme je l'ai admis et dit moi-même (cf. en dernier lieu l'article annoncé supra, p. 1217, n. 2), et comme le soutient E. Badian, Roman Imperialism, 2eme éd., p. VIII et IX.
page 1220 note 1. B. Cohen distingue les ordines du système « servien », et les ordines qu'il appelle politiques et administratifs. Certains ordines avaient un statut juridique spécial : les sénateurs, par exemple, quant au quaestus, depuis la lex Claudia de 218 ; les équités Romani, sans doute depuis les Gracques, quant à l'immunité judiciaire; d'autre, qui sont de droit commun du point de vue juridique, comme les scribae ou les publicani, forment pourtant des « compagnies » et sont désignés par les magistrats.
page 1220 note 2. Sur le rôle de l'armée comme facteur de promotion sociale, outre J. Suolahti, cf. C. Nicolet, Armée et société à Rome sous la République, à paraître dans Problèmes de la Guerre à Rome (sous la direction de J.-P. Brisson, Paris, 1969). Sur le problème de la solidarité des équités et des publicains, L'Ordre équestre, I, pp. 317-355; P. A. Brunt, The équités…, pp. 119-124. Je compte revenir sur ces problèmes, en particulier en faisant une prosopographie des publicains, dans un séminaire prochain à l'École Pratique des Hautes Études (IVe Section) à Paris.
page 1220 note 3. Rômische Ritterstand, Mûnchen, 1927; résultats statistiques donnés rapidement (et seulement pour ceux des équités dont l'origine lui était connue), p. 412 et suiv.
page 1220 note 4. Qui étudie 394 trib. mil., 8 llviri navales, 376 praefecti, en 285 gentes.
page 1221 note 1. Et employée couramment aussi par les épigraphistes anglais, particulièrement E. Birley, B. Dobson et tout récemment R. Duncan-Jones.
page 1221 note 2. 23 tableaux différents et 2 cartes.
page 1221 note 3. Tableaux, par activités essentiellement. Cf. spécialement tableau I.
page 1221 note 4. « Tribuni militum a populo », Mél. Arch. Hist., 1967, 29-76.
page 1221 note 5. C'est le sujet de thèse inscrit par M. J. Maurin, maître-assistant à la Faculté des lettres de Tananarive.
page 1221 note 6. Cf. L. Ross Taylor, « Forerunners of the Gracchi », Journ. Rom. Stud., 1962, pp. 19-27.
page 1221 note 7. Cf. ci-dessus, p. 1213, n. 3.
page 1222 note 1. Ce sujet doit être traité, dans un livre achevé, par P. Wiseman, de l'Université de Leicester.
page 1222 note 2. Sujet de thèse inscrit par Mlle Cébeillac, assistante à la Faculté des lettres de Clermont- Ferrand, membre de l'École française de Rome.
page 1222 note 3. Cf. C. Nicolet. L'Ordre équestre, p. 401.
page 1222 note 4. A. Rosenberg, Der Staat der alten Italiker, Berlin, 1913; H. Rudolph, Staat und Stadt im rômischen Italien, Leipzig, 1935; A. N. Sherwin-White, The Roman citizenship, Oxford, 1939; E. M AN NI, Per la storia dei municipii fino alla guerra sociale, Roma, 1947; E. Gabba, « Le Origine délia guerra sociale », Athenaeum, 1954, p. 60, en particulier (traitement prosopographique); G. Tibiletti, The comitia during the décline of the Roman Republic, St. Doc.Hist. Jur., 1959, p. 94.; A. Degrassi, «Questori in colonie romaneein municipi retti da duoviri», Mem. Accad. Lincei, VIII, 2, 1949, pp. 281-344 = Scrittidi varia Ant, Roma, 1962, 1, p. 99.
page 1222 note 5. A. Degrassi, « Il sepolcro dei Salvii a Ferento e le sui iscrizioni », Atti Pont. Accad. Rom. Arch., Rend., XXXVI, 1961, pp. 59-77.
page 1223 note 1. Asconius, p. 3 C ; cf. D. W. Bradeen, Roman citizenship per magistratum, Clas. Journ., LIV, 1959, pp. 221-228.
page 1223 note 2. Sur ce point, parmi une bibliographie immense, cf. essentiellement E. T. Salmon, The cause of the social war, Phoenix, XVI, 1962, pp. 107-114; P. A. Brunt, « Italian aims the times of the social war », Journ. Rom. Stud., 1965, pp. 90-109 ; et C. Nicolet, L'Ordre équestre, pp. 408-415.
page 1223 note 3. Nicolet, L'Ordre équestre. Tableaux, pp. 416-422; il s'agit seulement des équités dont l'origine non romaine est attestée, soit par une mention formelle, soit parce que le nom est très caractéristique d'une région. Sur les problèmes si délicats posés par l'onomastique, cf. ci-dessous, p. 1228, n. 1.
page 1223 note 4. Nicolet, L'Ordre équestre, pp. 406-408; les cartes seront données dans l'Appendice du tome II, Corpus des chevaliers, à paraître.
page 1223 note 5. Cf. M. Jaczynowska, The économie différenciation of the roman nobility at the end of the republic, Historia. XI, 1962, pp. 486-499 (pas de carte, mais une liste prosopographique des grands propriétaires, qui pourrait être complétée).
page 1224 note 1. Sur la coexistence et l'interférence des divers « systèmes » de hiérarchisation sociale, cf. par exemple le débat méthodologique qui a opposé Ad. Daumard, « Structures sociales et classement socio-professionnel », Rev. Hist., 1962, p. 139 (cf. aussi. Ad. Daumard et F. Furet, dans Annales ESC, 1959, pp. 675-693; et E. Labrousse, «Voies nouvelles vers une histoire de la bourgeoisie occidentale aux XVIIIe-XIXe siècles, Xe Congrès Int. Sciences Historiques », 1955, IV, pp. 365-396) et R. Mousnier, « Problèmes de méthode dans l'étude des structures sociales des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles », Spiegel der Geschichte, Festgabe Max Braubach, 1964, p. 550 : « en réalité, les critères de différenciation sociale dans (ces) sociétés sont autres (que socio-professionnels) ; ils sont dans la dignité, l'honneur, l'estime sociale attachée à telle ou telle situation. La pratique des armes, le service du Prince classent plus que l'argent, et peuvent d'ailleurs procurer plus d'argent que le négoce, la banque, le commerce, les professions productives ». Ces remarques pourraient parfaitement s'appliquer aux sénateurs ou aux fonctionnaires impériaux de Rome. Sur ces problèmes théoriques et méthodologiques, voir aussi, pour l'histoire moderne et contemporaine, l'intéressant débat entre R. Mousnier E. Labrousse et P. Vilar dans L'Histoire sociale, sources et méthodes (Actes du Colloque de Saint-Cloud, 1965), Paris, 1967, pp. 25-33. Un Colloque, Groupes Sociaux, Ordres et Classes dans l'Antiquité Classique, s'est tenu à Caen en avril 1969; ses Actes seront publiés par nos soins.
page 1224 note 2. C. Nicolet, L'Ordre équestre, pp. 285-315; le fait avait été déjà pressenti par J. N. Madvig, L'État Romain, sa constitution et son administration (trad. franc., 1882), p. 184; et par P. A. Brunt, art. cité, p. 1218 n. 1.
page 1224 note 3. J. Hatzfeld, « Les Italiens résidant à Délos », B.C.H., XXVI, 1912, p. 5 et suiv.; id.. Les trafiquants italiens dans l'Orient Hellénique, Paris, 1919; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, Manch. Univ. Press, 1965, n'ajoute pas grand-chose, sinon des références à la R.E. et ne donne pas de listes prosopographiques; D. VAN Berchem, « Les Italiens d'Argos et le déclin de Délos », B.C.H., 1962, I, p. 305; A. Donati, « I Romani nell’ Egeo, I Documenti dell’ età repubblicana » Epigr., 1965, pp. 3-59, spéc. pp. 55-59.
page 1225 note 1. Cf. Le sujet de séminaire de l'École Pratique des Hautes Études annoncé ci-dessus, p. 1220, n. 2. On trouvera une bibliographie abondante sur les publicains dans S. J. De Laet, Portorium, Bruges, 1949, et C. Nicolet, L'Ordre équestre, I, p. 317 ; et récemment, pour les publicains en Orient d'après l'épigraphie, L. Robert, « Enterrements et épitaphes », Antiq. Class., 1968, p. 436.
page 1225 note 2. J. Harmand, L'Armée et le Soldat à Rome de 107 à 50 av. notre ère, Paris, 1967, spécialement pp. 323-407 (” Les cadres ») ; cf. aussi C. Nicolet, « Armée et Société à Rome sous la République », à paraître dans Problèmes de la Guerre à Rome (sous la dir. de J.P. Brisson, Paris, 1969).
page 1225 note 3. C'est l'objet d'un mémoire de maîtrise de la Faculté des lettres de Caen, en cours de rédaction.
page 1225 note 4. H. G. Pflaum, « Les correspondants de l'orateur Cornélius Fronto de Cirta », Mél. Jean Bayet, Coll. Latomus, 1964, p. 559.
page 1225 note 5. P. Petit, « Les étudiants de Libanius », Études prosopographiques, Paris, 1957.
page 1225 note 6. Je donnerai, dans mon Corpus des chevaliers, un assez grand nombre d'exemples d'améliorations de lecture. Parmi cent autres, on trouvera un bon exemple des résultats d'une enquête prosopographique à propos du nom invraisemblable Nanneius (Nanneii) dans le Comm. Pet., 9, qui aboutit à l'émination du nom et à la leçon ex neaniais, dans les articles successifs de R. Y. Hathorn, « Calvum ex Nanneianis », Class. Journ.. 1954-1955, p. 33; L. Ferenczy-Waldapfel, « Calvus ex Nanneianis », Athen., 1964, p. 41 ; T. P. Wiseman, « Friends of Clodius in Ciceros's Letters », Class. Quart., 1968, p. 299; et Calvus serait C. Licinius Macer Calvus; Suét., Div. Aug., 72, 1 ; Plut., Cicero, 9. 2.
page 1226 note 1. L'Onomasticon d'Orelli-Baiter mériterait d'être rajeuni et réédité. Mais bien d'autres tranches prosopographiques, dans la documentation laissée par Cicéron, mériteraient d'être explorées : par exemple ses commendati des livres XI, XII et surtout XIII des Familiares.
page 1226 note 2. Cf. ci-dessus, p. 1213, n. 3.
page 1226 note 3. A titre d'exemple, on pourra comparer quelques ouvrages récents qui ont employé, pour des périodes autres que l'Antiquité, la méthode prosopographique : R. Cazelles, La Société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, Paris, 1958, p. 267 et suiv. ; Fr. Bluche, Les Magistrats au Parlement de Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1960; A. Corvisier, L'Armée française de la fin du XVIIe siècle au ministère Choiseul, Paris, 1964.
page 1226 note 4. W. Peremans. Ethnies et classes dans l'Egypte ptolémaîque. Commun, au Colloque de Caen cité ci-dessus, p. 1224, n. 1.
page 1226 note 5. Un bon exemple du renversement des tendances de la documentation par le hasard des trouvailles est donné par les inscriptions des Italiens de Délos, découvertes à la fin du XIXe siècle; ou par celles de Minturnes, qui ont fourni plus d'une centaine de noms de magistri de l'époque de Sylla (J. Johnson, Excavations at Minturnae, II, Inscr. Part I, 1933) ou par les lingots de plomb d'Espagne (C. Domergue, « Les Planii et leur activité industrielle en Espagne sous la République », Mélanges de la Casa de Velazquez, tome I, 1965, pp. 9-25).
page 1227 note 1. Cela est vrai, naturellement tant que la documentation épigraphique est rare. Les inscriptions romaines et italiennes d'époque républicaine sont très peu nombreuses, e t à haute époque, elles concernent surtout comme il est naturel, des personnages importants. Pour cette époque, notre source essentielle consiste dans des textes, qui représentent déjà un choix orienté, valorisant les « grands hommes », magistrats, sénateurs, guerriers — ou même parfois hommes de lettres, bref tous ceux qui sont bénéficiaires de l'estime de leurs contemporains. Pour l'époque impériale, la situation change du tout au tout avec la multiplication des inscriptions municipales, qui font bien connaître le milieu des notables locaux (cf. par exemple R. Duncanjones, « Equestrian ranks in the cities of the African provinces under the principate : an epigraphic survey », Pap. Brit. School Rome. XXXV, 1967, pp. 148-188). La multiplication des simples funéraires semble fournir un matériel considérable, de plusieurs centaines de milliers de noms pour tout l'Empire. Il faut pourtant ici marquer les limites de la méthode prosopographiques : ces inscriptions, en général très brèves et dépourvues de contexte, permettent des études du genre démographique, peut-être onomastique (encore que pour l'époque impériale l'onomastique soit de peu de secours), mais non prosopographiques, car il nous manque la masse de ces renseignements divers concernant chaque individu ou chaque famille qui, mis en série, et rapprochés, permettent d'aboutir à des conclusions intéressant l'histoire sociale.
page 1227 note 2. Cf. C. Nicolet, Armée et Société à Rome sous la République…, à paraître ; et les remarques rapides mais éclairantes de K. Hopkins, « Elite mobility in the roman Empire », Past and Présent, 32, décembre 1965, pp. 12-26.
page 1227 note 3. H. Bardon, La littérature latine inconnue. I (Époque rép.), 1952; II (Époque imp.), 1956.
page 1227 note 4. W. Kunkel Herkunft und soziale Stellung der römischen Juristen, Weimar, 1952. Sur l'importance du facteur « culturel » dans la société antique, cf. mon rapport, « Culture et société dans l'histoire romaine », dans Niveaux de culture et groupes sociaux (Actes du Colloque de mai 1966 à l'E.N.S.), Paris, 1967, pp. 11-20; et pour le Bas-Empire, S. Mazzarino, « La démocratizazione délia cultura nel Basso Impero », Actes du XIe Congrès Int. Se. Histor., 1960, pp. 35-54.
page 1228 note 1. Toujours à propos des difficultés de la méthode prosopographique, il faut évoquer en quelques mots un problème technique propre à Rome, et sans doute à l'époque républicaine : à savoir celui posé par l'onomastique. La titulature, nous l'avons vu, dans une société encore toute nominaliste et où l'estime sociale est essentielle, joue un rôle primordial. Dans la société romaine, la manipulation du nomen, ou des tria nomina, est en elle-même un signe et obéit à des règles subtiles, mais précises. On appréciera à sa juste valeur une étude trop brève, mais très utile de H. Thylander, « La dénomination chez Cicéron dans les Lettres à Atticus », Opuscula Romana. I, 1954 (Actes de l'Institut Suédois de Rome, nouvelle série in-4°), p. 153 et suiv., qui mériterait d'être complétée par des études équivalentes sur les autres textes cicéroniens, ou sur d'autres auteurs. Mais, pour l'étude de l'origine géographique des familles, on est tributaire de l'onomastique à proprement parler. L'étude des noms des diverses régions de l'Italie a beaucoup avancé grâce aux travaux de A. Schulten, Italische Namen und Staminé. Klio, 1902, pp. 167-193; 440-465; 1903, pp. 235-267, pour les noms de l'Italie centrale en iedius. idius, edius, qui aboutit à d'impressionnant tableaux statistiques; et de W. Schulze, « Zur Geschichte lateinischer Eigennamen », Abhand… Gôttingen, 1904, dont le maniement est souvent délicat. Ces rapprochements onomastiques sont naturellement d'autant moins significatifs que l'on descend dans le temps, car les familles ont pu émigrer, les noms s'emprunter, etc. Pour l'époque républicaine c'est malgré tout un élément d'information indispensable.