Une longue tradition occidentale, qui perçoit le clérical et le séculier en termes de dualisme antagonique entre l’Église et l’État, influence aujourd’hui encore notre interprétation de l’autorité religieuse pendant les règnes de Charlemagne et de son fils, Louis le Pieux. Dans les deux cas, cette autorité était considérée comme un processus de transgression dans lequel la « théocratie royale » de Charlemagne, qui fut suivie de la soumission humiliante de Louis, donna ainsi naissance à une « théocratie épiscopale », ce qui aboutit à sa pénitence publique de 833. En prenant le terme de sacrum palatium comme point de départ, cet article démontre comment le palais fut, déjà sous le règne de Charlemagne – et peut-être même avant – un centre religieux où les évêques se faisaient conseiller dans les affaires concernant la liturgie et la doctrine chrétienne. Le « palais de Charlemagne » comprenait en réalité tout un réseau de palais et de monastères royaux dont Aix-la-Chapelle constituait le noyau. S’y déroulèrent des actes collectifs de contrition, d’où résulta un discours régalien d’humilité, ce qui ne signifie pas pour autant soumission royale aux évêques. Finalement, ces gestes de pénitence étaient basés sur les mêmes principes qui ont soutenu l’autorité religieuse carolingienne : la conviction que le roi et les évêques étaient ensemble responsables devant Dieu du salut du peuple chrétien.