L'histoire moderne du Japon illustre des tentatives de maîtrise des espaces sociaux liminaires par des dispositifs indirects de contrôle complétant les pratiques plus courantes de surveillance, répression et enfermement. Les autorités délèguent de facto le maintien de l'ordre social marginal à certains éléments des basses couches de la société, investissant en particulier la « voyouterie » d'une mission d'encadrement extra-légal d'une population flottante dans laquelle le misérable côtoie le vagabond ou le bandit, plus tard le chômeur ou le laissé-pour-compte du monde moderne. De tels mécanismes qui se mettent en place à l'époque Edo (17e-milieu du 19e siècle) se maintiendront, sous certaines formes, dans le Japon de Meiji puis de l'entre-deux-guerres. Ces trois siècles formeront le cadre temporel de cet article.