Cet article analyse La plus secrète mémoire des hommes, dernier roman de l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, récipiendaire du prix Goncourt en 2021. Sous la forme d’un roman-monde, ce texte traverse le long xxe siècle en explorant les relations entretenues entre littérature et universel. Le personnage d’Elimane, au centre du récit, met en lumière la réception racialisée de la littérature francophone et la manière dont les écrivains sont lus par la critique. Il fait office de double fictionnel pour représenter non seulement la trajectoire de Yambo Ouologuem, mais aussi celle toute une série d’autres écrivains ayant été la cible de cabales médiatiques, à l’instar de Camara Laye, de Bakary Diallo ou encore de René Maran. L’article montre qu’en représentant cette réception racialisée, Mbougar Sarr utilise la fiction elle-même pour jouer avec ces assignations critiques. Le jeu entre histoire et littérature, mis en scène dans le roman, contribue à élaborer les pistes d’un nouvel universel littéraire, reprenant et glosant les propositions de Souleymane Bachir Diagne à propos de l’universel latéral. Pastiche, ironie, décalages, jeux de doubles et de miroirs, entremêlement d’intertextualité sont les armes de l’écrivain pour mettre en scène la puissance de la fiction face aux lectures racialisantes.