Ce sera plus tard une étrange histoire, pleine d'intérèt, pleine aussi d'enseignements de tous genres, que celle de la charité sur les champs de bataille pendant la dernière guerre de France. Les rapports qui se multiplient de mois en mois, et qui, au milieu d'une foule de détails semblables, présentent tant de divergences, tant de leçons, d'observations, de faits, d'épisodes, de points de vue différents, pourront fournir matière à des volumes d'histoire, à des traités de chirurgie et à des études philanthropiques nombreuses. Il faudra pour cela du temps et du loisir. Pour le moment, c'est un dédale, un pêle-mêle dans lequel on a de la peine à se reconnaître. Chacun raconte ce qu'il a vu, et dans le conflit armé de deux puissantes nations, quand chaque jour est marqué par une bataille ou par une escarmouche, quand cinq cents ambulances sont répandues sur la surface du territoire, quand on se trouve tour à tour en face de Français et d'Allemands, parlementant avec des amis ou avec des ennemis, occupé de blessés ou de prisonniers, recevant des ordres du maréchal Mac-Mahon ou du général Cluseret, en ville ou à la campagne, dans l'abondance et dans la disette, en été ou en hiver, le jour ou la nuit, il est évident que les récits varient et s'accentuent différemment. L'analyse même de ces rapports, quelque intéressant que soit chacun pris en particulier, devient tout ensemble difficile et fastidieuse.