La suspension acluelle des hostilités en Turquie donne aux combattants un moment de répit, dont nous-mêmes désirons profiter pour vous entretenir de la guerre de Serbie, dans ses rapports avec la Convention de Genéve.

Dès avant la dernière guerre, des voix autorisées avaient réclamé, comme le complément nécessaire de la Convention de Genève, une sanction pénale contre ceux qui la violeraient. Mais, quelque rationnelle que fût cette exigence, il n'a pu, jusqu'à maintenant lui être donné satisfaction

M'occupant naguère de ce sujet, j'avais fait remarquer que le déficit signalé, quoique réel, ne présenterait peut-être pas beaucoup d'inconvénients, lorsque viendrait le moment d'appliquer les règles établies. L'opinion publique m'apparaissait alors comme devant être au besoin assez puissante pour imposer le respect de la loi; je nourrissais d'ailleurs l'espoir, que chacun des gouvernements signataires de la Convention s'empresserait d'édicter, pour son pays, des peines sévères contre ceux qui l'enfreindraient.

Qnand on parle do la Croix rouge, — et l'on en parle fréquemment depuis quelques années, — ces mots n'éveillent dans l'esprit do beaucoup do personnes quo des idées assez vagues; on n'ignore pas généralement qu'elle se rattache aux maux do la guerre, mais bien peu savent an juste ce que c'est. De là des préjugés qui s'accréditent de plus en plus, et des confusions perpétuelles qui peuvent avoir de regrettables conséquences.

On a eu, dès longtemps, beaucoup à se plaindre de l'insuffisance du personnel sanitaire auxiliaire, soit quant à son instruction soit quanta sa force numérique. Les réformes tentées à cet égard en 1896 n'ont pas donné les résultats espérés. Pour faire de ce personnel auxiliaire un organisme viable, il faut une connaissance exacte des besoins de l'armée et une instruction technique suffisante pour se tenir à la hauteur des progrès modernes.

Quoique depuis quelques années ont ait beaucoup écrit au sujet de la Convention de Genève, cette pierre angulaire des Sociétés de secours aux militaires blessés, cependant, tout n'a pas encore été dit sur ce précieux traité. La polémique dont il a été l'objet dans quelques journaux, les rapports sommaires faits au sein de tel ou tel comité, les rapides aperçus donnés par certains auteurs, laissent encore subsister dans la littérature qui s'y rapporte des lacunes regrettables. Les personnes intéressées ou engagées à l'observation de la Convention, chercheraient en vain des ouvrages spéciaux qui les renseignent exactement sur les droits et les devoirs qui en découlent pour elles. On sent le besoin de livres ad hoc qui, sous des formes multiples, appropriées à diverses classes de lecteurs, répandent les connaissances nécessaires pour assurer la pleine observation et l'efficacité de la Convention. Les officiers, les soldats, le personnel sanitaire, les populations voisines ou éloignées du théâtre de la guerre, forment autant de catégories de personnes auxquelles devraient s'adresser les hommes de plume, pour leur exposer, à chacune dans le langage qui lui convient, ce fonds d'idées et de sentiments humanitaires qu'il est si urgent de faire pénétrer dans les esprits et dans les cœurs.

C'est le cœur oppressé par le spectacle et la pensée des luttes sanglantes qui se succèdent presque sans interruption depuis cinq mois, que nous publions ce 6e Bulletin. Lorsque, à la fin d'octobre, nous réunissions, dans notre précédent fascicule, des notices sur les efforts combinés des sociétés de secours de tous pays, nous étions loin de prévoir qu'il y aurait encore de longues pages à ajouter à l'histoire de leur activité pendant la guerre actuelle, et qu'au terme de l'année 1870, nous les retrouverions à l'œuvre, devant un champ de travail qui n'a cessé de s'élargir. Telle est pourtant la réalité; au lieu de se reposer après le début grandiose dont nous avons déjà présenté un tableau à nos lecteurs, les sociétés de la Croix rouge ont dû redoubler de zèle et faire face à des misères qui ont dépassé toute prévision. Mises à cette rude épreuve, nous necraignons pas de leur rendre de nouveau le témoignage qu'elles ont été à la hauteur de leur mission, et que les services rendus par elles, durant ce trimestre, ne le cèdent en rien à ceux du commencement de la campagne. Elles ont eu cependant à hitter contre des difficultés nouvelles, provenant, soit de l'extension croissante du théâtre de la lutte, soit de l'épuisement des ressources, soit de concurrences redoutables, telles que l'assistance des prisonniers de guerre, des exilés, des populations ruinées, sans parler des pauvres qui, pendant la saison d'hiver, réclament toujours de leurs bienfaiteurs habituels un surcroît d'aumônes.

Le 7 décembre 1896, les membres de la Société suédoise de la Croix-Rouge et ceux de la Société samaritaine ont eu leur assemblée annuelle ordinaire. Nous extrayons ce qui suit du rapport qui leur a été présenté par le Comité exécutif.

M. le gouverneur de province baron V.-U. de Sparre ayant quitté la capitale, a été remplacé par M. le major-général R.-M. de Björnstjerna, soit dans le Comité, soit comme membre et président de la Direction du Home des infirmières.

Deux fois déjà, depuis le commencement de cette année, nous avons eu à vous annoncer la formation de nouvelles sociétés de secours dans l'Europe orientale (au Monténégro et en Serbie), et nous venons aujourd'hui vous faire part de la fondation d'une soeiété du même genre en Roumanie. La jeune Société roumaine de la Croix rouge nous a témoigné le désir d'être mise en rapport avec les sociétés des autres pays, et nous nous empressons de faire droit à sa requête. Il y a longtemps que nous souhaitions de voir la Croix rouge arborée sur le Bas-Danube; aussi avons-nous appris avec satisfaction, par une lettre datée du 27 juillet, que les difficultés qui s'y opposaient avaient été victorieusement surmontées. Les événements dont la Serbie est actuellement le théâtre, suivant de près l'adhésion du gouvernement roumain à la Convention de Genève, semblent avoir déterminé la création de la société dont nous parlons.

L'Association patriotique de dames informe le public, que ses droits comme corporation lui ont été conférés, le 1er juillet de cette année, par Sa Majesté le Roi.

L'Association a été ainsi mise à même de donner un nouvel essor à son activité, surtout depuis que, par la révision en mai 1869 des statuts du 1er mai 1867, elle a vu s'ouvrir devant elle un champ d'action plus étendu. Elle compte actuellement 280 sections dans toutes les provinces de la monarchie, et dans quelques autres pays de l'Allemagne du Nord. Elle doit s'efforcer cependant d'étendre toujours plus loin le réseau de ses sections, et se hâter en même temps de persuader à d'autres sociétés déjà existantes de se joindre à elle, afin de pouvoir, indépendamment de la tâche qui lui est dévolue en vue de la guerre, contribuer également à servir la patrie dans les cas de calamité ou de misère exceptionnelle. A cet effet, le comité de l'Association est tout disposé à expédier ses statuts et d'autres renseignements, s'il y a lieu, dans toutes les localités d'où le désir lui en sera exprimé.

Le Conseil de la Société britannique de la Croix-Rouge a eu le chagrin de perdre son distingué président, Lord Rothschild. On se souvient que le défunt avait été appelé à présider la Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge, tenue à Londres en 1907, et de ce fait sa figure était bien connue dans le monde international de la Croix-Rouge. C'était un homme de grande expérience; sans en avoir toujours l'air, il saisissait complètement tous les côtés d'un problème, et ses avis étaient invariablement sains et remplis de bon sens. Il faisait en outre un magnifique usage de sa grande fortune.

Il nous semble opportun de fixer l'attention des comités centraux sur les inconvénients que présente l'emploi de l'adjectif international, pour qualifier les sociétés de secours des divers pays. Nous n'avons rien à dire de nouveau à ce sujet, mais nous croyons qu'il est bon de rappeler les principes sur lesquels reposent ces institutions, afin de mettre chacun en garde contre l'usage abusif, et malheureusement fréquent, d'une expression qui peut donner, aux personnes peu initiées à la nature de l'œuvre, une idée inexacte de ce qu'elle est.

Une somme de 800,000 marks a été inscrite au budget militaire de 1886–87 pour l'acquisition et l'organisation de matériel de pansement, destiné à appliquer en campagne le traitement antiseptique des blessures. Ce mode de pansement avait déjà fait, depuis plusieurs années, l'objet des études de l'administration militaire. Il résout le problème d'empêcher que des corps étrangers, suspendus dans l'atmosphère, ne se déposent sur les blessures, et que ces organismes microscopiques n'agissent comme éléments d'inflammation et de fermentation, occasionnant des plaies purulentes avec leurs suites dangereuses. Le traitement autiseptique n'est, il est vrai, pas une méthode parfaite ni infaillible, mais, grâce à ces procédés, on se rapproche beaucoup de l'idéal en matière de pansement.Lorsque le traitement antiseptique eut fait ses preuves pendant de longues années, l'administration militaire se demanda si son introduction dans les lazarets de campagne, et même aux places de pansement sur les champs de bataille ne serait pas recommandable. Une conférence de médecins militaires, de chirurgiens et d'hygiénistes éminents, convoquée le printemps dernier par le ministère de la guerre, à l'instigation de S. M. l'impératrice, s'étant prononcée pour l'affirmative, l'administration militaire s'est décidée à réclamer l'inscription de la somme ci-dessus au budget pour l'année prochaine.

La Croix-Rouge cubaine a récemment institué un service de premiers secours et un dispensaire médical.

L'an dernier, nous avons parlé de la perte qu'avait faite la Société norwégienne en la personne de M. le lieutenant-colonel Schnitler2, et M. le président Selmer, qui nous avait fait part de cette triste nouvelle, n'a pas tardé lui-même à quitter ce monde.

Le ministre d'Etat Christian-Auguste Selmer, entré en 1880 dans le Comité directeur de la Croix-Rouge norwégienne, l'a présidé jusqu'à sa mort, survenue le 1er septembre 1889.

«La création d'un Bulletin international, spécialement consacré à l'œuvre des secours aux militaires blessés, après avoir été proposée à Paris en 1867, étudiée par le Comité international dans son mémoire du 20 juin 1868, a été résolue par la Conférence de Berlin, le 27 avril 1869, dans les termes suivants:

«La conférence regarde comme indispensable la création d'un «journal, qui mette en rapport les Comités centraux des divers pays, «et porte à leur connaissance les faits, officiels et autres, qu'il leur «importe de connaître.

Mlle Sturzenegger, correspondante suisse à Tokio, a résumé dans un opuscule abondamment illustré, les observations et impressions qu'elles a recueillies au cours des visites faites par elle dans diverses institutions de secours aux blessés, au cours de la guerre russo-japonaise. Elle raconte d'abord sa visite à l'hôpital de réserve où une propreté minutieuse règne partout, mentionne quelques graves opérations auxquelles elle a assisté, décrit le grand champ de baraques dressées à Toyama, comprenant 50 baraques et 200 lits, puis l'hôpital principal de la Croix-Rouge japonaise à Shibuya, dirigé encore par le général d'état major Dr Hashimoto, un des participants japonais à la 3me conférence des sociétés de la Croix-Rouge, à Genève, en 1884; ce lazaret pouvait héberger jusqu'à 4000 officiers et soldats.

Cette question fait, dans le Caducée l'objet de deux études intéressantes par les docteurs de Santy et Romary. Les lecteurs du Bulletin se souviennent de la proposition faite par le Dr de Mooj, après la guerre du Transvaal, consistant à assurer la protection des postes de secours par des signaux particuliers pour éviter toute confusion avec d'autres groupements de l'armée ennemie. De Mooj proposait pour ce but de petits ballons captifs, ou des réflecteurs spéciaux avec croix rouge bien visible.

En date du 11–24 août, comme nos lecteurs s'en souviennent, le Comité central russe avait protesté contre une violation de la Convention de Genève appliquée à la marine, qui aurait été commise par l'arrestation et la capture de deux vaisseaux-hôpitaux l'Orel et le Kostroma.

Cette protestation, disait la circulaire russe, avait été envoyée à toutes les sociétés de la Croix-Rouge, y compris celle du Japon. Nous l'avions, ainsi que nous l'indiquions, communiquée à nos correspondants de Tokio, attendant d'eux les justifications qu'ils pourraient avoir à faire valoir.

Le présent Bulletin était déjà sous presse quand la Croix-Rouge a dû prendre le deuil d'une princesse éminente, éclairée et charitable, qui a été sa providence terrestre pendant plus d'un quart de siècle. Nulle perte ne pouvait lui être plus sensible que celle de l'impératrice-reine Augusta, dont le souvenir est intimément lié, et de la façon la plus bénie, à toutes les phases de son histoire. Aussi tenons-nous à dire ici, en quelques mots tracés à la hâte, l'impression douloureuse que nous avons ressentie à la nouvelle de sa mort.