Dans des notes de 1941, publiées en annexe à son cours sur Schelling, Heidegger met en relief trois significations bien distinctes du titre Sein und Zeit. Ce titre serait, en premier lieu, le nom d'un événement dans l'être lui-même; ensuite, le mot d'ordre d'une méditation au sein de l'histoire de la pensée; enfin, le titre d'un traité qui tente un parcours de cette pensée. L'ouvrage intitulé Etre et temps doit done être distingué de la « nécessité » qu'indiquent l'événement et la méditation historiale Sein und Zeit. Quatorze ans après sa publication, Sein und Zeit est devenu un événement de l'être lui-meme ainsi qu'une balise de l'histoire de la pensée occidentale. La projection, apparemment présomptueuse, de Etre et temps dans l'histoire de l'ětre reléve-t-elle de l'auto-interprétation tardive du second Heidegger ou etait-elle déjá à la racine de l'oeuvre de 1927, le chef-d'oeuvre philosophique du vingtième siècle? Dequel droit, plus généralement, le titre d'un livre peut-il se déclarer événement de l'être? Afin de répondre à de telles questions, il faut, bien sûr, avoir compris, ou entrevu, ce que signifie la formule Sein und Zeit. Titre assurément énigmatique, même s'il ne se constitue que de vocables très familiers. « Etre », « temps », « et »: autant de mots que nous employons tous les jours, sinon dans toutes les phrases. Mais « être et temps »? Quel est le sens d'un titre pareil? Cette étude se propose d'esquisser une réponse à cette question en cernant l'horizon des questions délimité par ce titre en 1927 en vue de saisir pourquoi, depuis les bases posées dans Sein und Zeit, ce titre en est venu à circonscrire un événement de l'être et un tournant de la philosophie.