Il y a quelques mois, nous avons étudié ici même, sous le titre de « La Croix-Rouge Américaine et la Belgique » l'aide prêtée par une Croix-Rouge nationale à un pays allié. L'exposé qui va suivre fera connaître l'aide apportée par cette même Croix-Rouge à un pays neutre pleinement conscient de ses devoirs humanitaires. Pour se faire une idée de ce qui a été accompli, il est nécessaire de comprendre la situation en Suisse et l'organisation de la Croix-Rouge Américaine.

La décision de la Diète du 30 mai 1491, renouvelée en 1551, d'après laquelle chaque localité s'occupe elle-même de ses propres ressortissants, a fixé les principes de l'assistance en Suisse.

Entre l'armistice signé le 11 novembre 1918, prononçant la libération des prisonniers alliés, et leur rapatriement, s'est déroulé une période critique : leur liberté était plus grande, mais leur ravitaillement en vivres et en médicaments laissait à désirer.

A la demande du Gouvernement français, trots médecins suisses ont été envoyés en Allemagne par le Comité International pour accompagner des envois de médicaments, puis pour visiter quelques dépôls de prisonniers et se rendre compte de leurs besoins en remèdes et matériel sanitaire.

Les lecteurs de la Revue ont eu connaissance de la situation sanitaire de l'Europe orientale et de la grave épidémie de typhus exanthématique qui règne en Ukraine et en Galicie. Dans un dernier rapport parvenu au Comité International depuis la publication dans la Revue de l'article sur le typhus exanthématique, M. Frick, chef de la délégation du Comité International en Orient, donne des détails terrifiants sur l'extension de l'épidémie en Ukraine, détails confirmés par les relations orales des délégués ukrainiens que nous avons rencontrés récemment à Vienne.

La création récente d'une Ligue de Croix-Rouges dont les statuts ont paru dans le no 6 de cette Revue , a attiré à nouveau l'attention sur la question, plusieurs fois agitée, de la fédération des Sociétés de la Croix-Rouge. II ne sera peut-être pas sans intérêt de rappeler en quelques pages la manière dont elle s'est posée au cours des années, depuis la fondation de l'institution de la Croix-Rouge.

Le 10 Janvier 1919, les représentants des Croix-Rouges Danoise, Russe, Ukrainienne et Polonaise, se sont constitués en un Comité pour le secours aux victimes de la guerre civile. Un réglement a été établi le 75 mai en 3 exemplaires, dont un rédigé en français a été adressé au Comité International de la Croix-Rouge. Cet exemplaire est signé par les personnes suivantes, faisant partie du Comité : 1o M. G. Jenny, président honoraire du Comité, doyen du corps consulaire de Kiev, consul de la Confiédération suisse, 2o Dr Georges Loclyschensky, représentant de la Croix-Rouge Danoise, 3o Dr Uswolod Tilinsky, représentant de la Croix-Rouge Russe, 4o Dr en médecine Michel de Dieterich, représentant du comité local de la Croix-Rouge Russe, profssseur à l' Université de Kiev, 5o M. Petrowsky, représentant de la Croix-Rouge Ukrainienne, 6o Drs Léon Pekostavski et Constantin Zalesky, représentants de la Croix-Rouge Polonaise, 7o le consul royal d'ltalie à Kiev et 8o le secrétaire du consulat d'Espagne à Kiev.

Au cours de ces quatre années de guerre, les Croix-Rouges nationales des pays belligérants et celles de plusieurs pays neutres ont vu leur champ d'action s'élargir dans des proportions insoupçonnées, et ont pu faire face à ces obligations nouvelles grâce aux concours de toutes sortes qu'elles ont su faire naître. L'activité qu'il leur a fallu déployer n'est pas près de faiblir. Tout au plus va-t-elle évoluer. Au lieu de panser seulement les blessures, la Croix-Rouge veut remédier aux maux entraînés par la guerre; elle appliquera toutes ses forces à résoudre les grands problèmes à peine abordés de la rééducation des mutilés, de la lutte contre la tuberculose, et, dans une acception plus large, elle aura désormais pour visée constante l'atténuation des misères humaines.

Le Comité International de la Croix-Rouge à Genève a convoqué une réunion des organisations de la Croix-Rouge du monde entier qui devra se tenir à Genève trente jours après la signature de la Paix.

Cette convocation a été faite à la demande des Sociétés de la Croix-Rouge des Etats-Unis, de France, d'Angleterre, d'Italie et du Japon, dont les représentants se sont constitués en un « Comité des Sociétés de la Croix-Rouge » « en vue d'élaborer et proposer aux Sociétés de la Croix-Rouge du monde un programme élargi des activités de la Croix-Rouge dans l'intérêt de l'humanité ».

Lorsque M. Rodolphe Haccius, délégué du Comité International de la Croix-Rouge, arriva à Budapest, le 18 mars 1919, en remplacement du capitaine Weitzel, forcé, pour des considérations personnelles, de rentrer en Suisse, la ville était encore « bourgeoise ».

Trois jours après, soit le 21 mars, Budapest ainsi que toute la Hongrie non occupée par l'ennemi tomba au pouvoir des bolchévistes.

La Société japonaise de la Croix-Rouge a dès avant la guerre été, comme on sait, une des plus puissantes et des mieux organisées. En 1911, elle comptait plus d'un million et demi de membres (soit le 1/35 de la population totale, proportion qui ne se trouvait nulle part ailleurs, sauf erreur); son fonds de réserve atteignait, cette même année 1911, 15 millions de yens, et son assemblée générale réunit 35,000 membres.

Sortant des compétences universellement reconnues à la Croix-Rouge, les Sociétés des Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie et Japon ont proclamé leur volonté de continuer leur activité après que la paix aura été rétablie, et se sont fédérées le 5 mai dernier, en vue d'entreprendre une action concertée contre les maux dont souffre la collectivité : épidémies, tuberculose, maladies vénériennes, mortalité infantile, etc., et ont invité 24 autres sociétés à se joindre à. elles pour conduire cette croisade. Les Gouvernements dont relèvent ces Croix-Rouges ont marqué leur approbation à l'égard de cette décision en insérant dans le pacte de la Société des Nations un article garantissant son appui à toutes les Croix-Rouges qui travailleraient à l'amélioration de la santé publique et à l'adoucissement de la souffrance humaine (art. 25).

Nous publions volontiers le nouvel article que M. Ninagawa, un des cinq signataires de la Ligue de Croix-Rouges récemment fondée à Paris, a bien voulu nous envoyer; mais nous entendons lui laisser la pleine responsabilité de son point de vue et de son opinion. On trouvera celle du Comité International dans sa circulaire du 20 mai. S'il peut paraître nécessaire ou au moins utile d'asseoir l'entr'aide internationale pour les victimes des maladies ou des calamités civiles sur une nouvelle «Convention de Genève», on peut se demander pourquoi les sociétés de la Croix-Rouge existantes n'évolue raient pas dans la direction proposée sans qu'il soit nécessaire de créer une organisation nouvelle. Sans abandonner la tâche qui a été jusqu'ici la leur — le secours en cas de guerre — elles s'adapteraient progressivement elles-mêmes atix devoirs internationaux qui se présentent à elles, à l'égard de l'humanité souffrante. C'est ainsi que nous concevons l'organisation de la Croix-Rouge de la paix, et que d'ailleurs elle a déjà été partiellement réalisée.

Dans deux précédentes études sur les Conventions de La Haye, nous avions eu l'occasion d'examiner l'applicabilité à la guerre actuelle:

d'une part des Conventions de La Haye de 1899 (no III) et de 1907 (no X) étendant à la guerre maritime les principes de la Convention de Genève — cela à propos de navires-hôpitaux,

d'autre part, des Conventions de La Haye de 1899 (no II) et de 1907 (no IV), concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre — cela d'une manière générale et en vue de l'observation, par les belligérants, les uns envers les autres, des prescriptions de ces conventions.

On sait toute l'étendue de l'activité de la Croix-Rouge Américaine hors des Etats-Unis. Indépendamment de ce qu'elle a fait en France pour les armées envoyées par les Etats-Unis, elle a exercé une action des plus efficace dans la plupart des Etats alliés et a subvenu à quantité d'œuvres de secours de tous pays. Ne pouvant consacrer d'emblée un article d'ensemble à la question beaucoup trop vaste du rôle international de la Croix-Rouge Américaine, la Revue a tenu à faire place, dans un de ses premiers numéros, à une étude analytique de cette action dans un des pays les plus atteints par la guerre.

Parmi les buts nouveaux proposés à l'activité de la Croix-Rouge en temps de paix, il n'en est point de plus beau, de plus important pour l'avenir de la société des Nations que le bien de l'enfant, « the child's welfare », la protection de l'enfance.

Tant par les mers qui l'environnent que par les nombreux cours d'eau qui la traversent, la Hollande est très exposée aux inondations. Provoquées, soit par des tempêtes sévères et des marées exceptionnellement hautes qui détruisent les digues, soit par des crues de rivières charriant les glaçons qui obstruent leurs cours, ces inondations dévastatrices constituent un. véritable fléau du pays.

En inscrivant à son programme de paix la lutte contre la tuberculose, contre les autres épidémies et contre la mortalité infantile, la Croix-Rouge a involontairement effleuré un problème qui se détache des autres par son importance : celui des enfants illégitimes. II y a toujours eu des enfants illégitimes, mais leur existence ne constituait pas toujours un problème social. Cette question est devenue un problème par ses rapports avec l'hygiène publique, la criminalité et la prostitution. Avant la guerre, la proportion des enfants naturels variait d'un pays à l'autre, mais n'excédait pas la normale. Pendant la guerre, cette proportion s'est considérablement accrue. Les statistiques officielles nous font d'attristants tableaux de la diminution de la natalité ; cependant, l'augmentation des naissances d'enfants illégitimes atteint des proportions effroyables. C'est là une des conséquences inéluctables de la guerre mondiale, comme le sont l'accroissement du chiffre de la mortalité et de l'invalidité, la négligence de l'hygiène publique.

M. Masourenko, membre du Comité d'organisation de la Croix-Rouge Ukrainienne, revenu de Kiev, a apporté le document qui va suivre. Ce document, qui lui a été remis à Moscou durant son séjour dans cette ville, émane du commissariat de la Santé publique du gouvernement des Soviets. II n'est pas publié in extenso, n'étant parvenu que par extraits au Comité International. II présente en tout cas un intérêt théorique certain par les efforts d'organisation qu'il révèle. II est évident cependant qu'engagé à le, publier par la rareté de la documentation russe, le Comité International n'a point été à même de contrôler l'exactitude des indications fournies et fail toutes réserves à cet égard.

Le 26 novembre 1918, la Croix-Rouge Autrichienne adressait un appel pressant au Comité International pour qu'il envoyât sans tarder une délégation en vue de constater la détresse des hôpitaux de l'Autriche allemande, en particulier des principales villes de cet Etat, en raison de la disette de vivres dans ce pays. La fermeture récente des frontières des Etats dissidents, la Tchéco-Slovaquie, la Hongrie et la Yougo-Slavie, avait aggravé singulièrement une situation alimentaire déjà sérieuse depuis plus de deux ans. Beaucoup d'hôpitaux avaient dû fermer leurs portes, faute de vivres, et les conditions de vie dans les nombreux établissements d'utilité publique, asiles et autres, étaient devenues positivement alarmantes; la population elle-même ne pouvait plus compter que sur peu de semaines de vivres et de combustibles.

Bien que mauvaise, la situation économique et matérielle actuelle de la Roumanie peut être considérée comme en voie d'amélioration. La crise la plus aiguë a été traversée et la prochaine récolte s'annonce suffisante pour permettre au pays de subvenir à ses besoins et même d'exporter un peu. L'exportation des céréales et du pétrole est loin d'atteindre les chiffres d'avant-guerre (pour le blé 50,000 wagons au lieu de 300,000), mais devrait suffire à rétablir dans une certaine mesure le crédit roumain à l'étranger et permettre le ravitaillement du pays en produits manufacturés les plus indispensables à meilleur compte que maintenant.