Dans la société pastorale Fulbe, de la partie centrale du Mali, les femmes avaient, et dans une certaine mesure ont toujours un rôle social et économique important, centré sur l'économie du lait organisée par une unité spéciale dirigée par des femmes et centrée sur les femmes, que les Fulbes ont baptisée fayannde, ou foyer. Dans cette société de pastoralistes semi-nomades qui vivent la plus grande partie de l'année en petites unités sociales, les rapports et les réseaux sociaux sont très importants, voire même plus cruciaux pour le succès de leur principale stratégic de survie, à savoir l'élevage du bétail transhumant. Dans la littérature consacrée aux Fulbes, cette unité sociale n'a recueilli relativement que peu d'attention. Une analyse du point de vue de la fayannde apporte de nouveaux éclaircissements sur la notion de propriété et les rapports entre les sexes au sein de la société Fulbe en général.
La sécheresse a eu un impact énorme sur la situation des Jallubes, étudiés dans cet article. Des changements économiques, à savoir une transition vers l'agriculture et la production destinée à la vente, a déplacé le centre d'intérêt des hommes. Économiquement, le lait n'est plus essentiel pour eux, d'où la perte d'importance de la fayannde; socialement aussi, le rôle de la fayannde, symbolisé par le lait, est en train de changer. Pour les femmes, l'érosion de la fayannde est sérieuse: une analyse des cadeaux de marriage montre que l'importance de la fayannde ne concerne pas seulement l'organisation sociale des Jallubes, mais aussi leur viabilité économique. En période de tension, cette importance peut être plus grande pour les femmes que pour les hommes. Le déclin de la fayannde peut mener à une transformation des rapports entre les sexes, de la cérémonie du marriage et de la sécurité sociale des femmes, changements que le retour des pluies ou le rétablissement des troupeaux ne pourra inverser.