Peut-être aurais-je dû contribuer à établir, sur le nouveau livre de François Furet, le silence qu'il semble réclamer en déclarant, d'entrée, que la Révolution française est terminée. N'est-il pas temps pour « refroidir », comme il nous y convie, « l'objet Révolution française » de nous résoudre à une cure d'oubli de cette période de notre histoire ? D'autant que je n'ai pas vocation à monter la garde auprès des cendres de Robespierre. Mais en m'invitant — et beaucoup d'autres — à « penser la Révolution française », il m'amène à mieux comprendre ce qui m'importe en cette affaire : à lire, en effet, les questions essentielles qu'il pose à ceux qu'il appelle les « épigones de Marx », je vois encore mieux combien une histoire matérialiste est difficile ; mais pour me convaincre qu'elle n'est pas inutile, je n'ai qu'à le lire plus avant ; sans être pourtant bien sûr qu'il ait voulu me conduire à cette conclusion.

Tocqueville déclarait dans sa présentation de L'Ancien Régime et la Révolution : « Le livre que je publie en ce moment n'est point une histoire de la Révolution, histoire qui a été faite avec trop d'éclats pour que je songe à la refaire. C'est une étude sur cette révolution. » Et encore ajoutait-il dans un fragment : « Je parle de l'histoire, je ne la raconte pas. » Ce sont des propos que François Furet a su faire siens. Il ne veut pas, dans son dernier ouvrage, apporter une contribution de plus à la connaissance des faits, exhumer des documents encore ignorés, redistribuer les rôles entre les acteurs individuels et collectifs ou en modifier les accents, ni même, et c'est ce qui le distingue de Tocqueville, réapprécier le bilan de la Révolution. Aucun de ces projets ne lui est, certes, indifférent ; il suffit pour s'en persuader de se souvenir du livre qu'il écrivit en collaboration avec Denis Richet, et aussi observer qu'il y touche, chemin faisant. Mais son dessein est d'un autre ordre : « Il parle de l'histoire », ou plus précisément, il cherche à indiquer une nouvelle direction à l'historiographie révolutionnaire en la chargeant d'une exigence le plus souvent délaissée : penser la Révolution française.

La reconstitution des cadres de la vie religieuse s'opère au xixe siècle, à la suite de la rupture révolutionnaire (si consciemment ressentie par l'Église), dans la perspective explicite d'une restructuration : autour de la paroisse, de l'église, du curé enfin, personnage clef. L'immense majorité des actes de la vie spirituelle s'exprime désormais à l'intérieur des cadres de l'Église, ou du moins en référence à elle. Ainsi de la confession, ce sacrement que les curés mettent au coeur de la vie chrétienne, et qui touche si étroitement aux actes et aux pensées des fidèles, à leurs secrets désirs et à leurs intimes répugnances. Jamais plus qu'alors, du moins dans les campagnes, « piété populaire » et culte catholique n'ont été aussi confondus.

Théodore Steeg s'exclamait en 1907 à la Chambre des députés :

Cette vue polémique du recrutement des hauts fonctionnaires au tournant du siècle contredit les thèses classiques des études sociologiques de l'administration de la période actuelle.