L’étude des populations paysannes dans la Hongrie des XVIIe-XVIIIe siècles permet de comprendre comment les sociétés anciennes pouvaient rester aux marges de la culture écrite. À cette date, l’illettrisme est général chez les ruraux hongrois, qui ne savent pas signer, sinon d’une croix, les documents officiels que, pourtant, tous ne sont pas inaptes à déchiffrer. On distingue mal, en effet, dans les sources d’archives, les illettrés des semi-alphabétisés qui savent lire mais non écrire, et ont accès aux livres de prières et au psautier, mémorisés par cœur et récités à l’unisson. Au XVIIIe siècle, l’alphabétisation connaît un progrès notable au sein du monde paysan; pour autant, les ruraux illettrés, qui demeurent nombreux, continuent de prêter à l’écrit (livres, opuscules non reliés, lettres...) un pouvoir et une autorité considérables, voire une valeur magique, que les procès pour faux en écriture et pour sorcellerie contribuent à mettre en évidence.