La catégorie de « temporalisation » est omniprésente dans les textes fondateurs de la Begriffsgeschichte koselleckienne. Elle renvoie à la question générale de la temporalité humaine et au problème épistémologique des temporalités historiques en particulier. Elle constitue en outre, pour Koselleck, un cadre interprétatif fondamental de notre modernité politique. Ce texte revient sur ces différents problèmes en reconstruisant la « théorie générale de l’expérience historique » qui se trouve à l’arrière-plan. Un inventaire des usages analytiques de la catégorie de «temporalisation » est ensuite proposé. Par là même, le schème de la « temporalisation » apparaît comme un processus global traversant notre modernité politique, en interaction avec d’autres processus englobants, qu’il s’agit aujourd’hui de tenter de typologiser dans la continuité certes, mais au-delà du cadre koselleckien initial. Soucieux de faire apparaître, en les distinguant et articulant ensemble, les différents niveaux d’analyse mis en œuvre par l’entreprise même de l’histoire des langages politiques modernes, cet article tente de réengager le dialogue entre l’histoire (structurelle, culturelle et événementielle) et les sciences politiques en reconnaissant un statut causal propre aux idées politiques et religieuses modernes, à la philosophie politique et juridique moderne, à l’inertie des sémantiques historiques sur la longue durée: toutes choses qui ne peuvent être causalement, et partant disciplinairement, disqualifiées que parce que l’on part d’une vision étriquée et pauvre de ce qu’est l’expérience de l’histoire.