L’auteure soutient dans cet article que l’impact culturel de la Première Guerre mondiale en Grande-Bretagne ne peut être compris que si l’on donne aux campagnes du Moyen- Orient la place centrale qui est la leur. Il montre qu’un des effets généralement attribués au front de l’Ouest – une totale perte de foi dans la technique et dans l’héroïsme individuel – a été compensé, à bien des égards, par les leçons tirées de la guerre en Palestine et en Mésopotamie, où cette même foi a connu chez les Britanniques un formidable regain. Si l’on prend en compte cet héritage culturel, on comprend mieux pourquoi ce peuple est resté engagé dans la guerre et a continué de croire dans le développement industriel et la guerre impérialiste une fois le conflit mondial terminé. L’aura héroïque de Thomas Edward Lawrence (Lawrence d’Arabie) et l’image du développement des infrastructures entrepris par l’armée britannique en Mésopotamie ont en effet donné un nouvel essor à la foi dans la technique et dans l’empire, tandis que le front de l’Ouest en révélait un visage autrement plus terrible. Le texte s’ouvre sur l’étude des tactiques militaires originales que les Britanniques, influencés par une vision singulière d’une « Arabie » largement imaginaire, ont adoptées à un degré sans précédent dans la région : la ruse, la guerre irrégulière et la force aérienne. L’auteur montre ensuite comment le gouvernement, à mesure que les succès se multipliaient, s’est efforcé de capitaliser sur la propagande entourant ces « théâtres secondaires » de guerre. Il s’agissait notamment de mettre en avant l’idée que l’empire trouverait une rédemption dans la restauration de l’antique « berceau de la civilisation », entretenant ainsi des notions d’un idéalisme achevé, quand, sur le front de l’Ouest, un nouveau type de cynisme faisait rage.